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La malveillance & le sabotage dans la lutte syndicale

« Depuis huit semaines, nous agissons contre la loi travail et depuis des mois contre la privatisation et le démantèlement de nos entreprises de service public. » Est-ce une raison suffisante pour priver les habitants de la commune de Brives-Charensac (Haute-Loire) de téléphone, d'Internet et de télévision ? Le syndicat CGT Énergie 43 de se justifier : « Le dialogue social n'a jamais été aussi inexistant et l'information au citoyen autant déformée. Nous n'avons plus de solution pour nous faire entendre. » Il leur a suffi de sectionner un câble de fibre optique pour entraîner une coupure des services qui a durée 9 heures ! Lors des grèves en décembre 1995, des actes graves avaient été constatés au risque de conduire à un incident nucléaire !

Le bris de machine apparaît avec la proto-industrialisation qui réunit les travailleurs de petites industries qui font vivre tout un village et ses environs. Les premiers bris de machines rapportés remontent au XIII° siècle, quant au mot sabotage, il date du XV°, lorsque des paysans mécontents jetaient leurs sabots dans les machines. En 1789, des ouvriers, artisans et paysans détruisent les machines importées d'Angleterre. Un peu partout des ouvriers exigent l'interdiction des machines qui y voient une menace pour leurs emplois, tandis que les économistes leur rétorquent : « sans les machines qu'ils détestent, les ouvriers ne seraient pas des hommes libres, ils seraient des esclaves. » Pour Marx, l'émancipation des prolétaires impose de : « distinguer la machine de son emploi capitaliste.  » L'anarchiste Emile Pouget avertit : « Le travailleur ne respectera la machine que le jour où elle sera devenue pour lui une amie qui abrège le travail au lieu d'être comme aujourd'hui, l'ennemie, la voleuse de pain, la tueuse des travailleurs. »

En 1847, le gouvernement proclame l'ouverture des Ateliers nationaux (ancêtres de nos grands travaux). A la fin du mois d'avril on y compte 100 000 travailleurs, tant et si bien que leur rémunération passe de 2 fr à 1,50 fr puis à 1 fr, somme à peine suffisante pour survivre. Le 21 juin, le Moniteur universel (JO de l'époque) publie un arrêté qui échauffe les esprits : « les ouvriers de 18 à 25 ans devront s'enrôler dans l'armée et les autres se tenir à disposition pour quitter Paris et s'en aller effectuer des travaux dans les départements. » Au mois de février 1848, les ouvriers se mobilisent contre la fermeture des Ateliers nationaux. L'état de siège est décrété et les pleins pouvoirs sont remis au général Cavaignac avec pour mission d'« en finir avec la canaille ». Le mécontentement ouvrier sera un des facteurs qui portera Louis Bonaparte à la tête de l'État en décembre 1848. A cette époque, la grande industrie représente plus d'un million d'ouvriers et la petite industrie plus de quatre millions. La fin du XIX° siècle voit l'émergence de nouvelles branches industrielles : les mines, l'automobile, la métallurgie, la sidérurgie, la chimie, les transports, les BTP. Les conditions de vie et de travail déplorables de la classe ouvrière sont accrues par une urbanisation insalubre et la malnutrition. On s'entasse dans les quartiers ouvriers des grandes villes. Des rébellions éclatent à : Paris - Lyon - Le Creusot - Narbonne - Marseille et à Saint- Étienne. Les ouvriers s'organisent avec l'émergence du syndicalisme (création de la CGT en 1895).

Quelques mois seulement après la révolution, on compte plusieurs centaines de journaux ! Les premières presses mécaniques qui arrivent en 1830 sont détruites par les ouvriers. La disparition du brevet d'imprimeur en 1866 permet à chaque journal d'avoir sa propre imprimerie. Les ouvriers-typographes entendent négocier un tarif unique dans toutes les imprimeries. La création de la Fédération française du livre en 1885 généralise le « tarif fédéral » à tout le pays. Le syndicalisme va jeter son dévolu sur les entreprises du secteur avec le « monopole syndical d'embauche » et l'adhésion au syndicat devenir obligatoire dans la presse parisienne ! La presse écrite connaîtra de profonds bouleversements technologiques (la presse à vapeur, l'offset, le numérique, la gratuité, etc.) et va avec la propagande, la désinformation ou la délivrance d'informations tronquées, dirigées et prédigérées, devenir le vecteur d'une nouvelle forme de sabotage. Il suffit qu'un média manipulé par le désir de sensationnel relaie une rumeur pour jouer sur les peurs, la colère.

Dans les années vingt, tous les secteurs se politisent, le PCF justifie et légitimise la violence syndicale. Un patron est séquestré et contraint d'éplucher des « patates ». En 1886, des mineurs avaient défenestré la directeur d'une mine en Aveyron. Les grèves de 1936 débouchent sur la hausse des salaires, la semaine de 40 heures et deux semaines de congés payés. La Seconde guerre terminée, la CGT instrumentalise des grèves insurrectionnelles. On défie le patronat, mais c'est l'État qui est visé, on rêve au grand-soir. Au mois de mai 1968, sept millions d'ouvriers et d'employés occupent la rue et leurs lieux de travail. Le début des années soixante-dix marque la dés-industrialisation, les emplois se reportent vers le tertiaire. Le conflit des « Lips » pose une question, à qui appartient l'instrument de production ? Aux actionnaires qui financent l'activité ou aux salariés qui contribuent par leur travail et savoir-faire à la prospérité de l'entreprise ?

JPEG Le sabotage ou la malveillance vise à : entraver la production, l'utilisation de matériels ou de ressources, leurs approvisionnements, les communications, détruire des infrastructures, discréditer le corps patronal et/ou l'État. Le sabotage des ouvriers en lutte n'est pas comparable au sabotage militaire, ses répercussions sont limitées dans leurs conséquences et dans la durée, pas question de détruire totalement le « gagne pain ». Un grand nombre de sabotages semble généralement concerner principalement le réseau ferroviaire et électrique. La raison est plurielle, si pour certains chercheurs il faut y voir une forme de terrorisme sociétal visant les symboles de l'État ou du capitalisme, la raison me semble plus être liée au manque de connaissances de guerre clandestine de leur auteurs et à la facilité d'exécution de ce genre d'attaque. L'ouvrier connait parfaitement les maillons faibles de son entreprise et observe les principes suivants : rapidité - surprise d’action - capacité à se tirer d’affaire - d'agir avec les ressources et moyens à sa disposition - d'opportunité - n’impliquer que peu d'auteurs.

L'économie n'a pas de sens sans les besoins ; les biens sont subordonnés aux besoins dans son acceptation la plus large : services, matériels et immatériels (biens périssables, durables, naturels et produits). Les besoins peuvent être aussi classés selon leur degré de priorité : besoins vitaux et accessoires, et leurs secteurs de production (primaire, secondaire et tertiaire). Les sociétés modernes sont des sociétés d'organisation qui maillent, centralisent, codifient et contrôlent le territoire, la plus grande organisation reste l'État lui même. La vie économique dépend de la bonne organisation et un rien peut à mener à une catastrophe (loi de Paretto). La centralisation des vulnérabilités est réelle, même si le point sensible est décentralisé, c’est le principe du château de cartes. Il est souvent possible sans violence ou dommage aux personnes, de paralyser une activité, un secteur pendant plusieurs jours voire semaines. Une société avancée fortement structurée offre de nombreux points vulnérables, une cause lointaine peut suffire à entraîner des répercussions en amont et en aval de la chaîne (effet papillon). L'organisation de la société ressemble à s'y méprendre à un être vivant, comme lui, elle respire, elle s'alimente, elle filtre, elle rejette. Qu'une partie de l'organisation soit atteinte, c'est tout le corps qui est touché. L'organisation est sans cesse à la merci d'un grain de sable, plus la chaîne s'étire, plus les risques sont multiples et diffus, la fragilisant encore plus.

Le commerce et la consommation sont devenus des fonctions primordiales de l'économie. Ils forment un continuum représenté par la chaîne de production (capitaux, main d'œuvre, matières premières) : du transport, des grossistes, des détaillants, des consommateurs ; le commerce extérieur comprend les échanges entre nations (importations et exportations). S'il est impossible d’établir une liste exhaustive de cibles privilégiées, et cela n'entre pas dans mon propos, on peut cependant en mentionner les grands secteurs dans lesquels les syndicalistes retors sont fortement implantés, et ce depuis plusieurs décennies.

Le réseau de communications, routier, ferroviaire (1681 tunnels dont certains sont à risques), fait l'objet de nombreux travaux d'aménagement qui le rendent vulnérable : ponts, tunnels, rampes d'accès, échangeurs, carrefours, route encaissée (éboulis), zone inondable, etc., peuvent vite se transformer en goulot d'étranglement du trafic pour les marchandises et le déplacement des personnes. Imaginez l'impact du blocage d'un simple feu tricolore à une heure de pointe sur une voie unique desservant un aéroport international, d'une péniche coulée dans la partie navigable d'un grand fleuve ou canal !

Depuis l’antiquité, les domaines maritimes, fluviaux et lacustres sont sources de risques particuliers liés aux éléments, à la navigation, et aux activités humaines. la France a le plus long réseau navigable d'Europe occidentale avec 4613 kilomètres de canaux et 1935 écluses. Si certaines typologies d'action n’ont guère changé, d’autres attaques par la voie maritime sont possibles : sabotage de navire ou d'installations – risques sanitaires - risques écologiques ou chimiques, etc.

L'eau, voilà un liquide indispensable à la vie agricole, industrielle, domestique et à la vie tout court. Sa pénurie a un impact psychologique important, il suffit de se rappeler certaines périodes caniculaires et restrictions estivales pour s’en convaincre. Une simple réduction entraîne immédiatement une diminution des récoltes, et pour peu qu’elle vienne à manquer pour combattre un incendie de forêt ou de récoltes, elle sinistre une région. A l’inverse, une trop grande quantité d’eau (rupture de barrage, d'une digue, d'une canalisation) peut détruire les stocks de récoltes ou de marchandises.

L'agriculture, la destruction des récoltes ou de leur transport peut remplacer le siège d’antan. Le blé, la plante nourricière des civilisations européennes est une arme. Son besoin s’est accru avec le développement de son utilisation dans l’alimentation du bétail, dans la fabrication du papier, de panneaux d’agglomérés, dans l’industrie chimique avec la cellulose, l’alcool, etc. Si le transport est défaillant, c’est toute la chaîne alimentaire et la population qui ne sont plus ravitaillées. Comme il n’est pas possible de conserver des légumes indéfiniment, cela entraîne la perte des récoltes. Cela peut suffire à déclencher des actions de pillages et à entraîner une situation très perturbée.

Les télécommunications : la téléphonie fixe, mobile, satellitaire, VoIP, la télématique, la domotique, les radiocommunications, la télévision, la vidéo-surveillance, la signalisation et les aides à la navigation (routière, ferroviaire, fluviale, maritime et aérienne), les alarmes, sont devenues indispensables à notre économie et à notre vie quotidienne. La destruction de la source d'énergie ou d’un organe de transmission suffit à mettre une installation hors service. Les centraux téléphoniques avec leurs sous-répartiteurs et points de connexions sont très vulnérables à un sabotage. Une simple inondation peut nécessiter d’importants travaux de remise en état des lignes souterraines. Sur les lignes aériennes, l’abattage d’un pylône dans une zone difficile d'accès en retardera la remise en état.

Les sources énergétiques n'intéressent pas seulement les écologistes. Une société moderne reste dépendante de ses sources d'énergie. L'énergie primaire est l'énergie telle qu'elle apparaît dans la nature : pétrole, gaz naturel, charbon, forces hydrauliques et marémotrices, éoliennes, matières fissiles, rayonnement solaire, géothermie. Le choix de la cible se doit à prendre en compte le circuit : les réseaux d'approvisionnement, lieux de stockage, de transformation, réseau de distribution, dépendance énergétique, variations saisonnières, etc., mais aussi son interaction incendiaire, explosive, polluante.

L’industrie pétrolière est probablement la principale source d'énergie utilisée dans le monde. Sans pétrole, de nombreuses centrales chargées de fournir l'électricité ne pourraient fonctionner. L'impossibilité de déplacements en véhicule à moteur entraînerait une rupture des approvisionnements, la défaillance des groupes électrogènes de secours paralyserait certains secteurs d'activités dont les hôpitaux. Les installations pétrolières sont des points sensibles, et plus encore certains de leurs maillons : pompes, derrick, réservoirs, tours à distillation, terminaux, pipe-line, etc.

L'électricité est une source d'énergie essentielle délivrée par les centrales thermiques et nucléaires. Dans les installations hydroélectriques, l'électricité est fournie par une chute d'eau, d’un barrage, ou des marées. Le courant électrique est ensuite acheminé par des lignes aériennes ou souterraines à des transformateurs qui ramènent la tension à une valeur compatible avec son utilisation. La destruction d’un élément bien sélectionné va avoir une répercussion sur l’ensemble du réseau qui suite à la surcharge, va entraîner l’effondrement en chaîne de la distribution. C’est d'ailleurs suite à ce phénomène que, certaines grandes villes ont été privées d'électricité pendant plusieurs heures !

Le gaz, qu’il soit artificiel ou naturel, parfois issu d’un mélange des deux, remplace dans nombre de secteurs l'électricité ou le fuel. Là encore ces installations sont très vulnérables. Le gaz naturel emprisonné dans des poches est extrait du sol par une station de pompage pour ensuite être acheminé par des gazoducs sur un lieu parfois très éloigné. Pour réduire l’encombrement occupé par le gaz, il passe par une usine de liquéfaction où il est comprimé et refroidi avant d'être stocké dans des réservoirs à basse ou haute pression. Le gaz peut ensuite être transporté par des méthaniers qui délivrent le gaz à un terminal qui va gazéifier le liquide avant de l'acheminer aux zones de consommations.

L'informatique est omniprésente pour assurer : la protection des infrastructures sensibles (centrales nucléaires, aéroports, laboratoires P4, etc.), les liaisons hertziennes, la prévention des catastrophes majeures, drones de surveillance, plateformes de stockage des données numérisées, gestion des réseaux de transport d'énergies. « Les réseaux irriguent nos sociétés truffées d'objets de plus en plus interconnectés. L'ère du tout-numérique a créé un eldorado pour les terroristes  » ( président du groupe EADS).

Ces actions ne sont limitées que par l’imagination et l’ingéniosité de leurs auteurs aidés en cela par une lecture orientée des faits divers. Les exemples de cette guerre sociale du pauvre abondent et les citer reviendrait à égrener une litanie de faits divers. Un exemple, deux militantes pacifistes ont nagé pendant une heure et demi avant d'atteindre la base navale de Davonport près de Plymouth dans la nuit du 16 novembre 2002. Elles sont parvenues ensuite à se hisser sur la coque externe du sous-marin Vanguard (classe trident) et a brisé un boîtier d'alarme incendie...

La « guerre des deux roses » n'aura pas lieu. On apprenait mercredi après midi que le gouvernement usera du 49-3. Alea jacta est.


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2 réactions à cet article    


  • Le p’tit Charles 11 mai 2016 09:33

    Article confus, mais pas inintéressant...On y retrouve la « chienlit » d"une société dont le système est largement manipulé par le pouvoir de l’argent...Une société qui se repose sur l’argent est une société perdue.. !


    • Alren Alren 11 mai 2016 16:45

      Les grévistes « prennent en otages » les usagers, dixit la médiacrassouille.
      Les patrons, eux, ne font jamais de chantage aux salariés, ni ne laissent jamais pourrir les grèves pour avoir les usagers naïfs de leur côté !

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