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Accueil du site > Tribune Libre > La mer : une merveilleuse artiste

La mer : une merveilleuse artiste

C’est un fait, la mer est une artiste de talent. Une grande artiste dont les œuvres ne seront jamais vendues aux enchères chez Christie’s ou Sotheby’s. Une artiste dont les promeneurs curieux ne se lassent pas d’admirer les créations en flânant sur les grèves et les plages. Bienvenue dans la plus grande galerie du monde...

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Sur une grève à Saint-Gildas-de-Rhuys (Morbihan)

Non contente, avec son ami le vent, d’éroder les côtes, de sculpter sur le littoral les rochers où s’accrochent des colonies d’armérias, de bâtir des cordons de galets propices à la naissance des choux de mer, de façonner des remparts de dunes, la mer se plaît également à créer sur les grèves des tableaux d’une infinie variété avec les matériaux dont elle dispose.

Ici, elle compose seule, au gré de son inspiration, tantôt en caressant le sable d’une vague alanguie, tantôt en usant des violences du ressac ou de la puissance des courants du jusant. Là, elle se fait complice des habitants de l’estran, qu’ils appartiennent au règne végétal marin ou au microcosme animal, niché dans les anfractuosités de la roche ou enfoui sous le sable de la plage.

Il est ainsi des grèves où l’on peut passer des heures à fureter, à observer, à s’émerveiller du travail créatif de la mer et de ses auxiliaires. Un travail souvent précaire qui, dès la marée suivante, disparaîtra ou sera remodelé sans que quiconque ait pu en apprécier l’éphémère beauté. Un travail parfois plus durable qui ravit les explorateurs de l’estran, en quête de formes et de couleurs inédites, un jour sous un soleil radieux, un autre sous un ciel de cumulus lourds et noirs de menaces.

« Le bonheur est dans le pré » a-t-on coutume de dire. Certes, et ce ne sont pas mes origines paysannes auvergnates qui m’inciteront à affirmer le contraire. Mais le bonheur se trouve également sur les grèves et les plages. Il se déguste alors dans l’atmosphère iodée, le chant des vagues et les cris des mouettes rieuses survolant un bataillon de bécasseaux ou un couple d’huîtriers pies.

La mer, par l’intermédiaire de l’eau restituée qui sourd à travers le sable lors du reflux, sait mieux que personne faire œuvre de création pour le plaisir de l’œil. Grâce à son talent, certaines plages se transforment en vastes galeries où se côtoient, à marée descendante, de délicates dentelles de dessin, infiniment plus séduisantes que nombre d’œuvres exposées dans les salles prestigieuses du Moma de New York ou de la Tate Modern de Londres.

En certains lieux, c’est avec la complicité des algues que la mer choisit, souvent sur les grèves peu fréquentées, de composer ses tableaux : qu’elles soient brunes, vertes ou rouges, et parfois les trois à la fois, les algues contribuent, par leur union à la roche et à l’eau, à réjouir le promeneur, émerveillé par la richesse de la composition.

La mer, on le sait, adore également la sculpture. Mais non contente de façonner les roches dans la durée, elle sait aussi favoriser les conditions d’une colonisation par la végétation marine : les roches immergées lors du flux peuvent alors prendre une étonnante couleur verte ou rouge qui, à marée basse, ne manque pas de ravir les amoureux de l’estran. Sculpture toujours avec ces mini-canyons éphémères creusés dans les bancs de sable et qui, le temps d’une marée, prennent des allures de Colorado.

De temps à autre, les petits animaux participent. Une participation qui prend différentes formes, des multiples monticules édifiés par les vers marins jusqu’aux curieux labyrinthes tracés par les bigorneaux sur les rochers légèrement ensablés. Une participation qui se poursuit après la mort des mollusques. Déplacés, roulés, amassés par le flot, leurs coquillages vides se mêlent aux galets pour de nouveaux tableaux que la marée suivante s’empressera de recomposer.

Et que dire de la beauté des sables ? Jaunes, dorés, ocres, rouges et même gris ou noirs en terre volcanique, ils charment par leur fluidité et leur finesse. Or, voilà que surgit soudain, au détour d’un rocher, un modeste espace couvert d’un sable unique. Un sable à dominante bleue. Saurez-vous, amis lecteurs, déterminer pourquoi ce sable est bleu ? 

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Rochers sur une grève de Pors Poulhan (Finistère)
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Labyrinthe de bigorneaux à Erquy (Côtes d’Armor)
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Saint-Coulomb, plage Du Guesclin (Ille-et-Vilaine)
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Locquirec, plage de Porz Biliec (Finistère)
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Saint-Coulomb, plage Du Guesclin (Ille-et-Vilaine)
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Sable bleu de la Pointe de Séhar (Côtes d’Armor)
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Anse de Kérity (Côtes d’Armor)

Photos : Fergus  

 


Moyenne des avis sur cet article :  4.69/5   (13 votes)




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33 réactions à cet article    


  • olivier cabanel olivier cabanel 21 mai 2013 10:58

    Fergus

    merci pour ce très joli article...et j’espère avoir bientot la réponse au sujet du « sable bleu »...l’améthyste ?
     smiley

    • Fergus Fergus 21 mai 2013 11:43

      Bonjour, Olivier.

      Merci pour ce commentaire. Pas d’améthyste, mais des coquilles de moules pilées par l’action de la mer.

      A propos de pierre précieuse, on trouve en revanche du sable rouge à Groix dû à la présence dominante de grenat. Idem en quelques rares lieux de Crozon, mais ce n’est pas dû au grenat, mais au porphyre.


    • Vipère Vipère 21 mai 2013 13:43

      Olivier

      Du sable bleu ?

      où ?


    • Kookaburra Kookaburra 21 mai 2013 11:26

      Bonjour Fergus. Merci de ce beau hommage à la mer. Hélas elle n’est pas assez respectée. La côte est, par endroits, salie par des détritus de toutes sortes. Les eaux usées y sont illégalement déversées. Le dégazage et les rejets d’ordures des bateaux est pratique courante. Mais le pire c’est le plastique qui commence à sérieusement polluer en profondeur les océans, provoquant la mort de nombreux poissons. Nos océans renferment des quantités insoupçonnées de petits débris imputrescibles qui se concentrent souvent à de grandes profondeurs. La plupart ne sont pas plus gros que des rognures d’ongles. Ce sont les restes – brisés par les vagues – d’ordures ménagères, de matériel de pêche, de flotteurs de filet ou d’instruments scientifiques.


      • Fergus Fergus 21 mai 2013 11:48

        Bonjour, Kookaburra.

        Merci à vous. Malheureusement d’accord avec votre commentaire : la mer ets es habitants sont de plus en plus dégradés par l’action inconséquente de l’homme. Nul besoin d’aller très loin ou très profond pour s’en rendre compte : il suffit d’observer les « laisses de mer » pour découvrir les multiples détritus amenés par la marée. Hélas ! presque rien n’est fait pour inverser la tendance, tout au plus des mesures cosmétiques plus utiles à la communication politique qu’à la lutte contre les différentes formes de pollution. 


      • Abou Antoun Abou Antoun 21 mai 2013 13:04

        Bonjour Fergus,
        Vous avez des yeux pour voir, une tête pour comprendre, une plume pour raconter. Agoravox doit faire attention à ne pas vous perdre. Dans ce genre il faut dire que Taupo, qui est un peu trop rare, n’est pas mal non plus.


        • Fergus Fergus 21 mai 2013 13:23

          Bonjour, Abou Antoun.

          Merci pour cette appréciation de mon travail. Scahez que j’éprouve également beaucoup d’intérêt à vos interventions. Comme vous, j’apprécie énormément les articles de Taupo.


        • Vipère Vipère 21 mai 2013 13:41

          Fergus de belles photos, il ne manque que les embruns du large !


          • Fergus Fergus 21 mai 2013 13:48

            Bonjour, Vipère.

            Les embruns, quoi de plus vivifiant ? Et cela donne un goût salé aux bises !


          • Vipère Vipère 21 mai 2013 13:56

            Vivifiant l’air de la mer ! cela donne une pêche d’enfer... des envies de balades en vélo, de manger des fruits de mer, de déterrer des couteaux sous le sable  !  smiley


          • Fergus Fergus 21 mai 2013 15:26

            @ Vipère.

            Un « pêche » d’enfer au figuré, mais parfois aussi au propre quand les conditions sont propices. Ah ! un bar grillé arrosé d’un bon muscadet, que rêver de mieux ?

            Bonne fin d’après-midi.


          • ZEN ZEN 21 mai 2013 13:53

            Bonjour Fergus,

            Belles évocations !
            Le bonheur est dans la grève, dis-tu.. ? smiley


            • Fergus Fergus 21 mai 2013 15:15

              Salut, Zen.

              Merci à toi. Il arrive en effet que le bonheur soit dans la grève. Ou du moins au bout de celle-ci.

              Bonne journée.


            • Gabriel Gabriel 21 mai 2013 15:26

              Bonjour Fergus,

              La nature est le plus grand des artistes. L’océan toujours en mouvement est un sculpteur génial et infatigable et chaque vague qui vient mourir sur le rivage participe à l’œuvre finale. Seul l’homme avec ses déchets issus de sa consommation sans fin et son non respect de l’environnement vient faire des montagnes d’ordures sur ses flots. Merci pour cette poésie portée par le vent du large. Cordialement.


              • Fergus Fergus 21 mai 2013 15:29

                Bonjour, Gabriel.

                Nous partageons les mêmes valeurs. Les seules qui comptent véritablement : celle de la communion la plus étroite possible, eu égard aux contraintes de la vie moderne, avec le monde naturel qui nous entoure.

                Bien à vous.


              • gruni gruni 21 mai 2013 20:14

                Bonsoir Fergus


                Je ne vous surprendrez pas si je compare la mer à une femme, changeante et coléreuse mais belle même dans ses colères. Comment ne pas tomber amoureux de ses charmes et de son parfum iodé. Espérons que la pollution et le réchauffement climatique annoncé ne feront pas de votre texte et de vos belles images des archives du passé.



                • Fergus Fergus 21 mai 2013 20:26

                  Bonsoir, Gruni.

                  La mer, une femme belle et dotée d’un fort caractère ? Pourquoi pas ? Personnellement, je n’ai ni l’imagination ni le talent pour l’envisager autrement que comme elle-même.

                  Comme vous, j’espère que l’on comprendra très vite qu’il est urgent d’agir si l’on ne veut pas que la mer devienne un dépotoir et un tombeau pour de nombreuses espèces animales et végétales.


                • alinea Alinea 21 mai 2013 21:56

                  Une nostalgie de la mer soudain, de l’océan ! Qu’il me faudrait de paix pour pouvoir m’y poser. ; la mer est belle, et vous savez la montrer : vos photos aussi sont belles ! Et votre texte glisse comme une anecdote qui s’émerveille.
                  La mer c’est aussi l’horizon, les ciels ouverts et changeants. Belle balade une fois de plus ! merci


                  • Fergus Fergus 21 mai 2013 22:54

                    Bonsoir, Alinea.

                    Merci à vous pour ce commentaire. La mer, avec ses ciels et ses humeurs changeants, est effectivement une source infinie de plaisir. Elle peut également se montrer rude, et parfois cruelle. L’une des photos a été prise dans l’anse de Kerity, à côté de Paimpol ; à environ 6 km de là, sur un mur du cimetière de Ploubazlanec, sont alignés les plaques commémoratives des naufrages de cap-horniers. Ce « mur des disparus en mer » est l’un des monuments de Bretagne les plus émouvants. La mer, c’est aussi cela, et par l’intermédiaire de ce mur, c’est une grande leçon d’humilité qu’elle nous donne.


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 21 mai 2013 22:36

                    Mouais ,la cote de Bretagne sans deux trois boulettes de fuel lourd c’est pas ça ... smiley


                    • Fergus Fergus 21 mai 2013 23:06

                      Bonsoir, Aita Pea pea.

                      La Bretagne n’est pas entourée d’une baignoire immobile qui ne se réveille que de loin en loin. L’avantage avec l’océan, la mer d’Iroise et la Manche, c’est que leurs eaux brassent les côtes avec une telle énergie que les pires marées noires ne réussissent pas à polluer très longtemps les côtes : en 10 ans, entre les efforts de nettoyage et l’action de la mer, quasiment toutes les grèves ont retrouvé leur virginité, que ce soit après le naufrage du Torrey Canyon, du Boehlen, de l’Olympic Bravery ou de l’Erika.


                    • gordon71 gordon71 22 mai 2013 08:29

                      salut fergus 


                      belle évocation de notre mer nourricière, que je vénère aussi,,,

                      ses oeuvres musicales ne sont pas mal non plus ...

                      • Fergus Fergus 22 mai 2013 09:06

                        Salut, Gordon.

                        Merci à vous. Ses oeuvres musicales ne sont en effet pas mal non plus, que la mer s’exprime par le fracas de ses flots, ou qu’elle soit mise en musique par les compositeurs. Je pense notamment à Bloch, Britten, Chausson, Debussy, Sibelius ou Ravel...

                        Bonne journée.


                      • gordon71 gordon71 22 mai 2013 09:13

                        c’est bien vous qui aviez posté ces superbes photos d’un gardien de phare au seuil de son abri alors qu’il est submergé par des vagues géantes ?


                      • Fergus Fergus 22 mai 2013 09:46

                        @ Gordon.

                        Non, ce n’était pas moi, mais des lecteurs sur mes articles de juin et septembre 2012 intitulés Superbe et sauvage : l’île d’Ouessant et 19 nouveaux phares bientôt classés. Dans l’article sur Ouessant, j’avais en revanche inclus un film impressionnant sur la mer d’Iroise.

                        Bonne journée.


                      • ZenZoe ZenZoe 22 mai 2013 09:11

                        Fergus, les photos sont très belles, félicitations ! J’aime beaucoup celle avec les bigorneaux et celle de Locquirec, bien mieux que n’importe quel tableau d’art abstrait. Les couleurs et les motifs naturels sont inimitables. Mon prof ne cessait de me le répéter : « la réalité dépasse la fiction », et c’est bien vrai.
                        Il ne manque plus que les cris des oiseaux et l’odeur des algues. Vous pouvez faire quelque chose smiley ?


                        • Fergus Fergus 22 mai 2013 09:55

                          Bonjour, Zenzoe.

                          Je n’ai aucun mérite comme photographe, je rends compte simplement du talent de la mer et de ses habitants. Hélas ! je ne peux rien faire pour les odeurs d’algues, au contraire des  mouettes rieuses, toujours aussi bruyantes.

                           


                        • antitroll antitroll 26 mai 2013 11:10

                          la mer une artiste ? oui.

                          merveilleuse ? parfois oui, mais non.
                          c’est selon le regard qu’on lui porte, et celui qu’elle nous apporte.
                          parmi les artistes contemporains inspirés par cette artiste (la mer), maly m’a ému dès la première fois que j’ai rencontré ses mers du nord.

                          • Fergus Fergus 26 mai 2013 11:25

                            Bonjour, Antitroll.

                            Vous avez raison, tout est dans le regard qu’on lui porte.

                            Je ne connaissais pas ce peintre. Merci pour lien. J’aime bien la position de l’homme au parapluie au milieu de la grève sur le premier tableau, elle me rappelle celle de ces bigoudènes à parapluie luttant contre le vent à Saint-Guénolé ou Le Guilvinec. Un classique de l’art breton.


                          • antitroll antitroll 26 mai 2013 12:37

                            ah ! vous êtes breton ?

                            tant mieux, vous avez le pied sur la terre des gaulois résistants, si bien parodiés par uderzo et goscinny, astérix et obélix.
                            dans le rôle d’obélix, mon pote depardieu est sublime. 
                            un résistant aussi, depardieu.
                            maly, lui, ou plutôt sa famille, fait partie des réfugiés politiques russes qui ont fui le régime. 
                            merci à la france qui les a accueillis smiley

                          • Fergus Fergus 26 mai 2013 14:02

                            @ Antitroll.

                            Je suis un Auvergnat, installé en Bretagne par goût pour cette région formidable et pour ses habitants. Je n’ai pas renié pour autant l’Auvergne où je prends toujours plaisir à retourner pour visiter ma famille et pour la beauté de ses paysages montagnards qui forment un contraste parfait avec la Bretagne.

                            Bonne journée.


                          • Loup Rebel Loup Rebel 26 mai 2013 20:36

                            C’est toujours un grand plaisir de vous rencontrer par ici, dans vos récits en paroles et images.
                            Bientôt un petit conte sur l’Auvergne et son charme indéniable ?
                            Bonne fin de soirée, et au plaisir de vous retrouver sur AgVx smiley


                            • Fergus Fergus 26 mai 2013 22:37

                              Bonsoir, Loup Rebel.

                              J’apprécie également vos écrits, à l’image de cet article récent sur la valeur travail. Un conte sur l’Auvergne ? Pourquoi pas ? Mais en fait, je ne sais en général pas ce que je vais écrire les semaines suivantes. Tout dépend de l’actualité et de mon inspiration du moment.

                              Merci à vous pour ce détour sur les côtes de Bretagne.

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