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Accueil du site > Tribune Libre > La mission Lescure : pomme de discorde, déjà ?

La mission Lescure : pomme de discorde, déjà ?

Pierre Lescure s’est vu confier une mission par le Président de la république : l’Acte II de l’exception culturelle, à savoir : concilier les intérêts des créateurs, des industries culturelles et du public. Il doit, après une intense période de négociation jusqu’à la fin de l’année, rendre ses conclusions en mars 2013. A lire les deux tribunes libres publiées dans le journal Libération, pour la conciliation c’est plutôt mal parti !

En soit la mission n’allait pas d’elle même. D’abord il faut bien reconnaitre que le choix de Pierre Lescure n’était pas heureux : ex patron de Canal + et actionnaire d’une société fabriquant des DRM (Digital Right Management), il n’est pas particulièrement bien placé pour jouer les Messieurs bons offices ! Enfin la mission elle-même parait démesurée : le gouvernement a fait feu de tout bois en y glissant l’ensemble des problèmes associés au numérique. A y regarder de plus près nous ne sommes pas loin de « Mission impossible » tant les problèmes sont nombreux, complexes et contradictoires.

C’est le 25 septembre 2012 que les consommateurs, les internautes et une partie des artistes et musiciens par la signature de l’UFC Que Choisir, la Quadrature du net et le Samup (syndicat d’artistes et musiciens) dans le journal Libération déclarent : « Pourquoi nous ne participerons pas à la mission Lescure ». Dans cette lettre ouverte ils dénoncent « une caricature de débat démocratique » et refusent d’y apporter la moindre caution. La critique du nouveau pouvoir socialiste est sévère : « Pour la troisième fois en cinq ans, la mission de définir les orientations des politiques portant sur la culture et Internet est confiée à une personne fortement impliquée dans les intérêts privés de la production, distribution et promotions des médias ». Rappelons pour mémoire que précédemment le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait opéré de la même manière en confiant une mission semblable à Denis Olivennes, puis à Patrick Zelnik. Ils dénoncent aussi la composition de l’équipe mise en place autour de Pierre Lescure : « Pierre Lescure sera seul, avec un groupe de technocrates sans voix propre, pour décider ce qu’il retient des auditions ».

Le 27 septembre la réplique vient de l’Adami, Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes. Philippe Ogouz, son président et Bruno Boutleux son directeur général, titrent, en écho, leur propos par « Pourquoi nous participerons à la mission Lescure ». Ce contre pied n’est pas une mince affaire, l’Adami représentant très largement les artistes-interprètes : 24 000 artistes associés, 41 millions d’euros répartis à 58 000 artistes Depuis de nombreuses années, elle défend « la gestion collective comme unique solution au développement de l’offre légale, au juste partage de la valeur et à la rémunération des artistes. » Pour elle la réponse se doit d’être politique c’est pourquoi elle s’engage à porter la parole des artistes auprès de la mission Lescure.

L’Adami fait fort, pour marquer le trait elle reprend la désormais célèbre anaphore du candidat François Hollande : « Moi, président de la république… », en la parodiant par « Nous, artistes, irons à la mission Lescure ». L effet de cette figure de style est d’en renforcer l’affirmation par un effet de vague qui rythme le propos et renforce l’énergie de celui-ci. La formule fait mouche, sans conteste, le plaidoyer est de l’ordre de l’incantation, de la prière, c’est d’une urgence dont il s’agit.

L’Adami réfute toute idée de boycott et y voit même un procès d’intention. Il ne faut en aucun cas, pour elle, « Vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ». Elle ne se reconnait pas dans les critiques formulées à l’encontre de Pierre Lescure et croit bien au contraire qu’il s’agit là d’une réelle opportunité de faire entendre la voix des artistes, ce qui n’avait jamais été le cas jusqu’ici avec les précédentes missions.

En tout cas les dès sont jetés et la ministre de la culture, Aurélie Filippetti est attendue au tournant. L’enjeu est de taille, il s’agit ni plus, ni moins de l’avenir de la filière culture, de son économie, de ses emplois et de sa capacité à donner sa place à toutes les formes de culture.


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8 réactions à cet article    


  • Scual 2 octobre 2012 11:33

    Pierre Lescure est parti pris.

    Il est membre du conseil d’administration de Kudelski, entreprise spécialisée dans le DRM qui fait son beurre dans la lutte contre le piratage.

    Le conflit d’intérêt est flagrant et total. S’il choisi l’intérêt des consommateurs il s’en prend directement au secteur d’activité de la boite pour laquelle il bosse. Je trouve ça absolument incroyable que cette info ne soit pas plus relayée.


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 2 octobre 2012 11:52

      @Scual,


      Oui, mais cela se sait et cela circule, d’ailleurs les consommateurs et la quadrature du net l’ont dit.

      http://jmpelletier52.over-blog.com/ 


    • Scual 2 octobre 2012 12:53

      Que la Quadrature le dise, c’est normal.

      Que ça circule chez les personnes impliquées et intéressées par ce problème est normal aussi.

      Mais alors que les « journalistes » ne le disent pas, c’est une grave faute professionnelle. C’est très difficile de faire pire comme conflit d’intérêt. A quoi servent t-il si c’est pas pour nous prévenir de ce genre de choses ?


    • Emmanuel Aguéra Emmanuel Aguéra 2 octobre 2012 20:58

      Lescure est un chien de garde, on le sait, mais il a l’air de garder la niche.
      D’ailleurs se jeter sur lui sur ce site, c’est un peu dangereux... Ca fait un bail qu’on nous bassine avec son art de chanter le rock, ce dont on se contrefout totalement, mais que voulez-vous, les amis sont les amis...
      A ce sujet, une nouvelle gangrène qui fait rentre les chiens de garde sur ce site, c’est ce nouveau partenariat scandaleux avec l’Edhec... D’abord Ginsberg, JF Kahn, je passe sur les frères Bugdaneuf et leurs délres, mais voilà pas le Barbier maintenant ??!!!!!
      Carlo, Carlo, que t’arrive-t-il !!!!


    • paul 2 octobre 2012 12:40

      On constate que les lobbyistes ont bien fait leur boulot, avec la nomination des pro-Hadopi que sont Pierre Lescure et surtout David Kessler, le conseiller médias/culture auprès de François Hollande .
      Cette gauche perpétue le « sarkozisme culturel » ( bel oxymore ).
      Là encore, ce n’est pas le changement espéré .


      • Pelletier Jean Pelletier Jean 2 octobre 2012 12:55

        @Paul,

        En dépit des rèserves exprimées, avant de juger définitivement attendons les résultats de cette mission et les décisions qui seront prises.
        http://jmpelletier52.over-blog.com/ 


      • yt75 2 octobre 2012 13:43

        A propos de la mission Lescure, espérons que les points essentiels soient pour une fois abordés, même si en lisant les déclarations le contraire paraît plus probable (et en laissant la place libre au 2 ou 3 monstres se mettant actuellement en place).

        Points essentiels qui sont :

        - si lutte anti piratage contre les centres et non utilisateurs finaux :

        http://iiscn.wordpress.com/2011/05/15/piratage-hadopi-etc/

        - nécessité de mise en place d’un environnement atawad (any time any where any device) d’achat à l’acte avec séparation des rôles claire entre organisations maintenant les « avoirs » ou bibliothèques personnelles des utilisateurs (que des références, pas des copies), et organisations créant, éditant, vendant les contenus ou services :

        http://iiscn.wordpress.com/2011/05/15/concepts-economie-numerique-draft/

        - organisations et séparation des rôles par ailleurs exactement les mêmes que celles nécessaires pour la problématique « identité sur le net et données personnelles » :

        http://iiscn.wordpress.com/2011/06/29/idenum-une-mauvaise-idee/

         

         

        Quant à la licence globale, si mesures précises délire Orwéllien, si mesures « en gros », rien de plus qu’une taxe en plus comme la taxe copie privée :

        http://iiscn.wordpress.com/2011/07/03/licence-globale/


        • jordanne jordanne 2 octobre 2012 17:00
          LQDN a déjà précisé sa position pour ce qui concerne la mission Lescure ici

          D’’autre part Philippe Aigrain ’explique fort bien ce boycott sur son blog :

          • "Le gouvernement ne se préoccupe que de macro-économie, sujet sur lequel il semble avoir une idée de ce qu’il devrait faire, mais le fait à moitié (au mieux), dans un contexte où seule une action résolue et cohérente pourrait atteindre des résultats.
          • Le gouvernement et son président hypernormal ne se soucient pas d’ancrer leurs politiques dans les attentes, initiatives et pratiques des citoyens, même lorsque celles-ci sont compatibles avec les valeurs dont ils se réclament.
          • Les déclarations et politiques ne manifestent aucune compréhension visible de l’impact des grands choix technologiques ou concernant les modèles d’innovation, de production et d’échange, les déclarations d’intention à l’issue de la conférence environnementale ne pouvant en tenir lieu.

          En conséquence, le gouvernement prend des positions désespérantes dès qu’il s’agit de questions dépassant les grands agrégats macroéconomiques :

          • Il défend les intérêts industriels établis au nom de l’emploi même lorsqu’ils s’opposent à l’innovation et au développement économique (exemple de la défense d’Orange contre la concurrence ou du refus de légiférer sur la neutralité du net) alors même qu’il a pris des mesures salutaires pour commencer à réduire les avantages fiscaux des plus grandes entreprises.
          • Il considère les pratiques non marchandes comme des échecs du marché et non comme le développement d’un nouvel espace de socialité, de production et d’échange.
          • Il a démis une ministre respectée (Nicole Bricq, heureusement réaffectée à un autre poste) parce qu’elle avait pris une décision visant indiscutablement l’intérêt général, sous prétexte de l’opposition d’un lobby particulièrement peu estimable.
          • Il met en avant le « sécuritarisme » au risque de pérenniser ou d’aggraver la stigmatisation de populations (actions à l’égard des roms et retrait de la mesure sur les récépissés de contrôle d’identité).
          • Et enfin, il conduit de façon très dangereuse le débat (ou plutôt son absence) sur le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire et d’autres décisions européennes comme celle de la BCE d’acheter la dette des Etats sans limites sur les marchés secondaires (j’y reviendrai dans un prochain post).

          Le fil conducteur de toutes ces dérives, hélas prévisibles pour qui avait suivi l’attitude du président de la République et de son équipe pendant la campagne, c’est l’incapacité à traiter les citoyens en adultes politiques, porteurs d’idées, d’analyses et de propositions. C’est la segmentation des interlocuteurs en groupes d’intérêt, c’est la marginalisation aussi au sein même de la majorité de ceux qui avaient tissé d’autres liens avec la société civile, c’est le respect accordé aux interlocuteurs en raison de leur seul pouvoir de nuisance. Le temps va être très court pour se ressaisir."

          On ne peut être plus clair.

          Jordanne Л

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