La nouvelle stratégie en politique, la non-stratégie
Depuis le sacre du dernier monarque français, une sorte de Louis XVI des temps modernes, le monde semble définitivement entrer dans une phase de fin de règne, fin de règne qui a réellement débuté avec l’élection de l’actuel président américain. Le modèle politique et économique néolibéral atteint ses limites et une alternative peine à se dessiner.
L’hyperactivité de ce début de mandat cache mal l’absence totale d’un quelconque projet de société, plutôt une vague volonté de retour de la France sur la scène internationale. Pas sûr que ça marchera. En tout cas, l’invitation du président américain au défilé du 14 juillet n’a été que moyennement goûtée par les français et l’invitation du premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv n’a pas contribué à l’apaisement des esprits non plus.
L’humiliation en public du chef de l’armée peut être considérée, en quelque sorte, comme la cerise sur le gâteau. Un des premiers hauts fonctionnaires à pointer le doigt sur les incohérences entre ambitions gouvernementales et moyens mis à disposition se voit désavoué et démissionne. Avec cette indélicatesse le président se met les forces armées à dos, pas très habile vu le contexte international plus que tendu.
On pourrait ajouter à la non-stratégie du président Macron le récent mépris, affiché envers le continent africain en disant : « Le défi de l’Afrique est « civilisationnel ». Quand dans des pays africains les femmes ont encore entre 7 et 8 enfants, vous pouvez encore dépenser des milliards, vous ne stabilisez rien. » ou, dans un autre registre « Le drame de l’Afrique est que l’homme africain n’est jamais entré dans l’histoire (L’Huminanité 18.07.2017) Pour la petite histoire, le taux de fécondité de l’Afrique est de 4,7 enfants par femme. (Wikipedia)
Soucieux de rafler encore quelques voix auprès des électeurs, issus de l’immigration, lors de la campagne présidentielle, Monsieur Macron s’était empressé à l’époque, à l’occasion d’une visite à Alger, de comparer la colonisation de l’Algérie par la France à un « crime contre l’humanité ». Mais ça, c’était avant.
Le gouvernement anglais n’est pas en reste dans ce qu’on peut appeler la poursuite de la non-stratégie. Pendant la campagne électorale, lors de l’émission télévisée de la BBC « Question Time », la premier ministre britannique Theresa May s’était fait interpeler par une infirmière du « National Health Service » qui se plaignait de ne pas avoir obtenu d’augmentation de salaire depuis 2009, sur quoi Mrs. May répondit que le « magic money tree » n’avait pas encore été inventé.
Quelques semaines plus tard, après avoir perdu la majorité parlementaire, contrainte de gouverner avec la droite extrême d‘Irlande du Nord, le « magic money tree » est soudainement apparu. En effet, Mrs. May vient de proposer une série d’investissements en Irlande du Nord, d’une valeur de 1 mia £, dans une région jusque là totalement délaissée par Londres. C’est le prix à payer pour rester au pouvoir.
Son « Chancelier de l’Echiquier », Philip Hammond, multimillionnaire et gros propriétaire terrien, n’a rien à envier au cynisme de la premier ministre. Il a déclaré récemment dans la presse anglaise que les fonctionnaires du service public étaient surpayés de 10%.
Visiblement en manque d’inspiration Mrs. May vient de demander à l’opposition une « coopération constructive » dans les négociations du « Brexit » avec Bruxelles, sur quoi la députée « Labour » Emily Thornberry, « Shadodw first secretary of State », lui suggère d’instaurer une boîte à idées à Westminster et son chef Jeremy Corbyn l’invite tout simplement à adopter le « Labour Manifesto ». De son côté, le député européen et ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt, médite à haute voie sur une « possible consultation » de l’opposition britannique. Ca sent les élections anticipées.
Aux Etats Unis, gouvernés par un président, homme d’affaires, qui a déjà fait faillite à six reprises dans sa vie et qui n’est pas près à bourde de plus ou de moins, même la non-stratégie est un mystère.
En effet, le sénat américain, dominé par ailleurs par le parti républicain, vient de rejeter le plan de réforme de l’assurance santé « Trumpcare », projet qui aurait potentiellement laissé 20 mio de citoyens américains sans couverture médicale. Même dans le parti républicain, divisé entre les sénateurs qui trouvaient que la réforme n’allait pas assez loin et ceux provenant d’états pauvres, pour lesquels cette loi aurait provoqué une hécatombe, le gouffre s’élargit.
Le président, de son côté, regrette cette décision, suggérant d’abroger tout simplement l’actuel système « Obamacare » et d’attendre des temps meilleurs, espérant une collaboration bienveillante avec les démocrates, un peu comme Theresa May et sa boîte à idées.
Il y a comme un air de fin de règne, en Europe et aux Etats-Unis. L’élite est en train de brader l’argenterie et se prépare au sauve qui peut, le temps pour faire encore quelques bonnes affaires.
Le candidat Trump l’avait bien dit devant un parterre de responsables de la CIA, au mois de septembre 2016, après son malheureux accrochage avec l’agence, en parlant de la guerre en Iraq : « Je n’ai jamais été favorable à une invasion, mais tant qu’on y est, autant en profiter », car, citant Jules César, excusez du peu, « To the victor belongs the spoils ». « Si nous avions gardé le pétrole, nous n’aurions pas à combattre l’état islamique, car c’est avec le pétrole qu’il finance le djihad. Nous aurions du garder le pétrole, mais nous y sommes entré et sorti de la pire des manières qui soit. » Fin de citation
Devant un parterre de hauts responsables politiques et militaires à Riyadh cette fois, au mois de mai de cette année, il saisit une autre occasion pour préciser sa pensée. Parlant du terrorisme islamique il dit ceci : « Pour combattre le terrorisme il faut empêcher le financement en faveur de l’état islamique et démasquer leur idéologie lâche. Mais toute discussion sur les moyens d’éradiquer ce fléau serait incomplète sans la mention du régime qui abrite les terroristes, leur fournit un soutient financier inconditionnel et qui se trouve à la source de l’instabilité au Moyen Orient. Je veux bien entendu parler de l’Iran. » L’applaudissement de l’audience lui est assuré.
Amnesty International annonce d’ailleurs ces jours que 14 détenus politiques, dont l’un d’eux n’avait que 17 ans lors de son arrestation, embarqués pour participation à des manifestations pacifiques, sont actuellement transférés depuis les prisons provinciaux à destination de la capitale, ce qui augure des décapitations proches. (Democracy Now)
Le contrat d’armement d’une valeur de 110 mia USD, signé lors de la visite du mois de mai dernier, servira d’ailleurs à « maintenir la stabilité dans la région ».
Le porte parole officieux du gouvernement Trump, le « New York Times », un modèle de journalisme indépendant, sous la plume de son éditorialiste Tim Arango, chef du bureau NYT à Baghdad, lui emboite le pas, en écrivant le 15 juillet dernier : « Quand les Etats-Unis avaient envahi l’Iraq il y a 14 ans, dans le but de renverser Saddam Hussein et son parti Baath, ils voyaient dans ce pays la pierre angulaire d’un Moyen Orient prônant les valeurs démocratiques occidentales. L’Amérique a versé le sang de 4'500 soldats ( Qu’en est il des 1 mio d’iraquiens morts durant le conflit ?) et avait dépensé la somme astronomique de 1'000 mia USD pour la « cause démocratique », tandis que l’Iran a profité de la crise pour étendre son influence dans la région, en alimentant les tensions sectaires dans les états d’obédience sunnite, alliés des Etats-Unis, notamment l’Arabie Saoudite. L’Iraq ne représente qu’une partie des velléités expansionnistes du régime iranien. L’utilisation de moyens de propagande iranienne se répand dans toute la région, au Liban, en Syrie, au Yémen et en Afghanistan. » Fin de citation.
Voilà la pensée intime de Donald Trump, véhiculée par le docile « New York Times ». L’objectif primaire ne serait donc pas l’éradication du terrorisme, ce sera fait de toute façon, mais bel et bien la provocation d’un nouveau conflit avec l’Iran. L’armée américaine réoccuperait l’Iraq, pour se saisir du butin, le pétrole, qui se trouve sous le sol du « futur » état de Kurdistan, futur état vassal des Etats-Unis (?). Est-ce que la France participerait au projet ? En invitant Benjamin Netanyahou en même temps que le président Trump il y a de quoi se poser des questions. Décidément ce nouveau monarque est plein de surprises.
L’Europe peut donc se préparer à un nouvel afflux de réfugiés après le tarissement de celui en provenance de la Syrie.
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