La SNCF vous souhaite bienvenue en enfer
Je revenais d’Islande, pays mystique, céleste. Je suis passée près du volcan Hekla dont on dit qu’il est la porte des enfers.
Mais cette porte se trouve à l’entrée du wagon 8, train Paris gare de Lyon- Perpignan me ramenant, samedi, dans ma triste, hérétique et atavique contrée.
Les faits sont grossiers, quelconques, presque habituels, nous déposons nos valises à l’emplacement valises, effroyable erreur apparemment, allons nous asseoir et puis..... s’envolent. Le train part.
Trop tard ! On ne peut rien faire pour vous et votre assurance ? Seulement en cas de décès. Très bien !
« La misère sociale » me dira t-on. La misère sociale, oui, la mienne aussi.
Etudiante en droit sans ressources actuelles ni futures, cette remise en question de toute ma soi disant vocation pour la soi disant justice. Laquelle ?
Mon ami, photographe, qui perd ses pellicules argentiques, son travail, un peu de son âme instantanée.
Mais la jurisprudence est en notre défaveur, c’est notre responsabilité, oui.
Le chaos est présent si l’inattention détruit la passion, elle finit déchiquetée dans une poubelle, dans la Seine, comme le livre mythique « Médée » achetée la veille, de Pier Paolo Pasolini, assassiné, non, massacré sur la plage d’Ostie, énigme volontairement jamais résolue de sa fin comme le destin de nos affaires.
La torture recommence pour lui « dans un orage bleu comme la mort ». L’éternel retour et ses impressions de déjà-vu ne cesseront plus.
La valeur des choses que l’on dispose à vingt cinq ans c’est un cahier de poèmes, un livre islandais, des cartes postales, mais surtout trois cent photographies d’instants qu’on ne vit, forcément, qu’une fois.
Le soleil sur la neige, la lumière des glaciers sur l’océan agitée, tourmentée par l’avenir.
Attendre neuf mois pour vivre ce voyage et son souvenir sali en quelques secondes par « la misère sociale ». Misérables secondes.
Oui, il n’y a pas mort d’homme, ce n’est rien, il y a des drames si intenses partout, on se sent juste un peu moins vivant et surtout certain que ce pays tend vers une sordide déchéance. Ce qui ne se revend pas se bousille avec insignifiance... gagneront trois sous et nous l’envie de fuir ce pays, cette Europe.
Cette déesse, fille d’Agénor mais surtout mère du chaos.
Il faut cadenasser les choses comme les idées. Devoir tout attacher, surveiller, ici ce qui t’appartient appartient à tous.
Aujourd’hui je devais apprendre la procédure pénale française, mais il n’y a rien à apprendre, ce que je sais c’est que si tu es vivant, alors fuis ! Me vouer à la fonction publique, il n’y a plus de poste, il n’y a pas de travail, pourtant j’en offre, ne serait ce qu’au niveau de la porte des enfers. Un salaire au Dieu Hermès pour filtrer les voyageurs, guider les âmes voleuses, un salaire pour protéger les quais du royaume de l’Hadès. Puisque c’est devenu obligatoire ! Puisque c’est « la misère sociale ».
Ah oui non de toute manière, je dois aller d’abord aller acheter des sous vêtements.
A toi, le voleur lambda, ce sachet plastique merdique de pellicules, désormais cadavre, infructueux sur ton marché, contenait la poésie absolue du moment.
A toi le voleur bêta, bois à ma santé et à mon avenir fébriles, la bouteille que j’avais ramenée.
La misère sociale te donne raison.... et me rend coupable.
J’assisterai lamentablement au procès de ma vie ordinaire, de mon histoire commune.
Après avoir franchi le Styx et l’Achéron, j’affronterai la sentence de Minos :
La mort ou l’exil.
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