La Wii, révolution ludique ?
La Wii, présentée comme une véritable révolution dans l’univers du jeu vidéo, n’est-elle qu’un feu de paille, ou un véritable enjeu dans cet environnement restrictif ?
Avec près de 325 000 unités écoulées en deux jours, c’est officiel : la Wii, la dernière-née des consoles Nintendo, démarre sur les chapeaux de roue en France (et, plus généralement, partout dans le monde). Le chiffre laisse sans doute rêveur Satoru Iwata, président de la société Nintendo, qui aurait déclaré la semaine dernière qu’« il n’est pas impossible d’aller au-delà des six millions » d’unités vendues dans le monde avant la fin du mois de mars 2007.
Certes, nous ne sommes pas encore au niveau d’un lancement tel que celui de la PlayStation 2 de Sony (980 000 exemplaires écoulés en quarante-huit heures), mais après une semaine de commercialisation, la rupture des stocks de la console, bien qu’en partie due à des difficultés d’approvisionnement sur le vieux continent, donne à réfléchir, notamment sur les causes et conséquences d’un tel succès.
Il faut dire qu’il est difficile de passer à côté de la Wii. Le rouleau-compresseur publicitaire occupant plus que de coutume une place de choix sur nos écrans hertziens, impossible de ne pas avoir remarqué au moins une fois ces joueurs de tous âges, sexes et races confondus, entièrement vêtus de blanc, gesticulant devant l’écran, se prenant au jeu du mime, manette-télécommande en main. Le message est clair, la Wii révolutionne le monde du jeu vidéo. Non pas sur le plan technique (le concentré de technologie renfermé dans la Wiimote, nom officiel de la commande, est certes innovant, mais pas révolutionnaire dans le cadre du divertissement vidéoludique), mais bel et bien sur un plan sociologique. Avec le succès de la DS et des jeux Touch ! Générations, qui ont ouvert le carcan très fermé des joueurs de 16-25 ans à une tranche moins restreinte de la population (44% de joueuses sur les 8,5 millions de consoles vendues en Europe), Nintendo mise tout sur la pluri-ethnicité ludique, avec une console tout aussi apte à séduire les joueurs de longue date que les joueurs occasionnels.
Enfin, en théorie, car dans la pratique les hardcore gamers, férus de jeux vidéo, reprochent à la société de cibler un peu trop efficacement son public : pour le moment, les quelques jeux disponibles ne brillent pas par leur complexité, tant sur le plan graphique (Nintendo ayant pourtant annoncé une évolution, finalement très peu probante sur ce plan-là) que sur les systèmes de jeu. En dehors de Red Steel (édité chez Ubi Soft) et du dernier épisode de la série The Legend of Zelda, l’ensemble du line-up de la console est constitué principalement de portages ou de party games (jeux à vocation conviviale). Dans les faits, concilier deux catégories de joueurs opposées est un pari extrêmement difficile à remporter, il paraît donc logique que Nintendo s’intéresse plus particulièrement aux jeux faciles d’accès et procurant un amusement immédiat, contrairement aux jeux proposant un univers et une mise en scène plus fouillés, au détriment d’un gameplay au classicisme absolu (l’apanage de consoles telles que la Xbox 360).
Sommes-nous donc susceptibles d’assister à un effet bis repetita de la DS ? A première vue, oui, d’autant que personne n’aurait parié sur un tel succès de la portable à sa sortie. Avec un tel démarrage, la Wii pourrait être enfermée dans le même carcan que sa petite soeur : outre l’attrait technologique et design (la Wii et la DS renferment des technologies inhabituelles dans le cadre du jeu vidéo, tout en proposant un design proche des produits Apple), la console brillera de plus en plus par des jeux simples d’accès, mais de moins en moins immersifs. Là est le paradoxe : la prise en main de la console, à base de reconnaissance de mouvements, est censée apporter un regain d’immersion dans les jeux ; pour autant, les jeux actuels et à venir privilégient pour le moment la convivialité d’un set de tennis à quatre joueurs aux émotions procurées par l’exploration d’un donjon seul dans son salon (et la campagne publicitaire organisée par Nintendo va dans ce sens, elle aussi).
Qu’on ne s’y trompe pas, le très
grand public ne semble pas prêt à plébisciter la
Wii à court terme, car malgré l’engouement publicitaire
et les fêtes de fin d’année approchant à grand
pas, le jeu vidéo reste encore l’apanage des habitué(e)s.
Pour preuve, The Legend of Zelda : Twilight Princess, vendu à
plus de 240 000 exemplaires sur Wii, soit 74% des acheteurs de la
console, reste un jeu destiné aux plus aguerris, proposant une
soixantaine d’heures de pratique pour en venir à bout.
Finalement, le pari visionnaire de Nintendo pourrait être relevé haut la main d’un point de vue commercial (avec une très grande bénéficiaire pour chaque console vendue, la société n’a de toute façon que des soucis à se faire de ce point de vue), et sur le papier, la Wii possède de nombreux atouts dans sa manche. Accessible aussi bien au joueur régulier (avec la rétrocompatibilité des jeux GameCube, l’implémentation de la Virtual Console permettant de rejouer à de vieilles gloires du jeu vidéo) qu’à l’individu lambda (avec différents services accessibles d’un simple clic, de la météo aux informations, histoire de garder « un pied sur terre »), la console en elle-même tient ses promesses ; reste à savoir ce que cela donnera concrètement avec un catalogue de jeux plus étoffé. Restons lucides cependant : le successeur de la classique manette à laquelle nous sommes habitués depuis trente ans n’est pas près d’arriver.
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