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Le droit de vivre

Cabale : manœuvres, intrigues qui visent à provoquer le succès ou l'échec de quelqu'un.

L’unité nationale ayant du plomb dans l’aile, il fallait un ciment qui fasse consensus, une grande cause qui rassemble. Ils l’ont trouvée chez Brassens. Paraphrasant le Bon Maître, ils entonnent à l’unisson : “ Or sous tous les cieux sans vergogne, C’est un usage bien établi, Dès qu’il s’agit d’rosser les Corses, Tout le monde se réconcilie.“ Le prétexte à cette hystérie collective ?...Neuf minutes de langue corse. Au soir du 13 décembre, pour tous les analystes politiques et médiatiques, il y avait sept régions à droite et cinq à gauche. Sept et cinq, douze. Exit la Corse. Comptant sans doute, la manœuvre ayant déjà fait ses preuves, sur une coalition Gauche-Droite qui ravirait aux Nationalistes la présidence de l’Assemblée, il serait alors toujours temps d’annoncer la victoire de ce nouveau “Front républicain.“ Flop. Les Corses décidèrent de respecter le verdict démocratique des urnes et les Nationalistes accédèrent à la Présidence. Impossible alors d’occulter cet évènement que ses initiateurs qualifiaient, à juste titre, d’historique. Mais comment en parler ?...En travestissant encore une fois la réalité.

Bien que Gilles Simeoni, majoritaire en voix, fût le Président de l’Exécutif, le chef de ce “gouvernement local“ et que son long discours, en français celui-là, fût empreint d’ouverture à toutes les bonnes volontés d’où qu’elles viennent, de paix, de respect des adversaires et d’appel pressant au dialogue apaisé avec l’Etat pour répondre aux revendications massivement votées par l’Assemblée Territoriale et sortir les Corses du chômage croissant et de la précarité, on ne parla plus que de Jean Guy Talamoni l’Indépendantiste qui, de Président de l’Assemblée, devint alors le Che Guevara corse menaçant la République. Pourtant, l’un et l’autre l’avaient martelé : d’indépendance, il n’en était question ni pour cette mandature ni pour la suivante. Qu’importe. En agitant l’épouvantail de l’indépendance, on allait pouvoir ranimer le spectre du FLNC, les attentats, les bombes, le sang versé, en un mot : l’Apocalypse ! On n’y manqua pas.

Devant un tel péril, à grands cris indignés, outragés, “on“ exigea du Chef de l’Etat qu’il prît des mesures : condamnation, sanctions, annulation du scrutin…un article, illustré de la photo des deux présidents, titra même : “ Les deux coqs sur le fumier“, par chance, laïcité oblige, les Corses échappèrent de peu à l’excommunication. Certes, Jean Guy Talamoni, fidèle à ses convictions et à ses électeurs, avait réaffirmé son appartenance au Peuple Corse et son projet d’indépendance, eût-il feint de l’abandonner que personne ne l’aurait cru mais, privilégiant un consensus dans l’intérêt de la Corse, il s’engageait à le remettre à plus tard, quand la conjoncture le permettrait et que l’ensemble des Corses y serait favorable. “On“ fit mine de ne l’avoir pas entendu d’autant que, suprême outrage à la République, il s’était exprimé en langue corse ! On prétexta alors que cela constituait une grave entorse aux règles républicaines qui imposent l’usage de la langue française au sein de toutes les institutions nationales. Faux procès. D’abord parce que ce n’était ni la première ni la dernière fois que l’on entendait le corse ou une autre langue locale au sein d’une assemblée régionale et que jamais cela n’avait posé quelque problème ; ensuite parce que cette allocution qui n’est en rien une obligation réglementaire, “n’était que“ l’expression d’un sentiment personnel, elle ne sollicitait ni un vote, ni une approbation engageant ses auditeurs pas plus qu’elle n’arrêtait une décision les assujettissant à quelque règlement ou arrêté. Rien d’officiel donc. Pas d’entorse.

Alors, outre l’occasion pour certains de tenter de se redorer un blason décrépi aux cris d’unité nationale en péril, pourquoi un tel déferlement d’hostilité ?...Parce qu’ils sentent bien que la Corse leur échappe. Cette Corse qui, ressasse-t-on tel un leitmotiv hypnotique, coûte si cher mais rapporte tant à certains. Cette Corse qui veut se réapproprier son destin trop longtemps confisqué au profit de quelques castes politiques ou financières. Cette Corse qui ne se résigne pas à voir sa nature défigurée, sa langue, sa culture, ses valeurs réduites à un folklore pour touristes en quête d’exotisme factice. Cette Corse dont la jeunesse refuse de n’avoir pour avenir que le choix entre l’exil ou la précarité. Cette Corse, enfin, qui revendique simplement le droit légitime à la vie. Et contre cet instinct vital, nul n’a pu ni ne pourra jamais rien.

E cusi sia.


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10 réactions à cet article    


  • Clark Kent M de Sourcessure 23 décembre 2015 09:21

    Texte à lire à une tribune.

    Ça sonne bien, c’est plein de verve.
    Ça prend aux tripes.
    Un discours comme ça,ç a vous fait élire avec un certain confort majoritaire.

    Vergogna à tè chì vendi a terra 

    • niellu leca niellu leca 23 décembre 2015 14:51

      @M de Sourcessure
      Merci. Ravi de votre commentaire...on le serait à moins.
      Et si ça prend au tripes c’est sans doute parce que c’est de là que ça vient.
      PS. Me faire élire ?...S’il devait y avoir pénurie d’hommes et de femmes capables, et si vous insistez, je m’y risquerais mais pour le moment, il y a largement ce qu’il faut aux commandes de la Corse.


    • Aristide Aristide 23 décembre 2015 11:59

      Vous parlez des Corses dans votre article.


      Comment définissez vous cette appartenance ?



      • niellu leca niellu leca 23 décembre 2015 14:54

        @Aristide
        Sont corses, bien sûr, ceux qui comme moi ont des aïeux corses aussi loin que l’on puisse remonter.  Sont corses également ceux qui le sont devenus en choisissant de venir vivre sur cette terre. Pourvu que les uns comme les autres partagent le même amour pour cette île, le même désir de la préserver et de contribuer à son épanouissement dans le respect de son identité et de ses valeurs.


      • Aristide Aristide 23 décembre 2015 15:31

        @niellu leca


        Droit du sang assez particulier, des aïeux corses aussi loin que l’on peut remonter ? C’est à dire l’exigence d’un arbre généalogique exempt de toute liaison avec un « non corse », enfin à savoir comment on fait pour dire que son aïeul est corse lui-même ? Je passe sur le nombre de générations exigées. En fait, des études généalogiques sur des générations avec toutes les branches ... Et celui qui a épousé l’italienne de passage, celle qui est tombé dans les bras du maure, pire celle qui a épousé un douanier mi-corse mi-chtimi ou le pied noir de la plaine orientale, ... Un travail de titan ..

        Droit du sol, d’accord. Plus ceux qui y résident donc.

        C’est le « pourvu » qui est aussi très gênant, parce que juger de l’amour pour le pays, etc ... me semble une notion assez vague et assez difficile à appréhender.

        Par exemple, les gendarmes corses, les instituteurs corses, les contrôleurs des impôts corses et autres fonctionnaires corses sont-ils corses ? Il servent un Etat que vous jugez responsable de tout vos déboires. Ils seraient exclus d’une consultation ?



      • capobianco 24 décembre 2015 09:19

        @niellu leca

        Voilà un texte avec des propos enfin « raisonnables ». Comme vous je pense que ce discours de talamoni ne mérite pas que l’on s’y attarde plus que ce que représente aujourd’hui ce personnage. Surtout qu’il ne serve pas de prétexte à des invectives réciproques. C’est une chance que la corse ait eu la possibilité d’avoir un autre choix que ceux du continent où incroyablement ce sont les mêmes umps qui sont élus. Nous verrons ce qu’apportera le courant de g siméoni et on peut espérer qu’il fera mieux que les précédents.

        Seul bémol, dans votre « définition » des corses, cette expression « pourvu que », qui met des conditions à cette appartenance. Cette façon de dire ouvre la porte à tous les excès possibles et donc à la polémique. Il ne peut y avoir de « pourvu que », c’est par l’action politique que le courant siméoni devra démontrer sa justesse et ainsi convaincre ceux qui n’auraient pas les « qualités » que vous jugez nécessaires pour vivre ici. Il est aussi des corses qui sont loin de ces valeurs ne croyez vous pas ?


      • niellu leca niellu leca 24 décembre 2015 09:40

        @Aristide

        Je ne suis évidemment pas étonné de vos propos : je savais que votre question n’était pas innocente et n’était posée que dans le but de pouvoir émettre vos critiques. Je suis habitué à ce que l’on me pose des questions à propos de la Corse non pas pour mieux comprendre mais pour mieux contredire. Ceci étant, je vais quand même vous répondre. Vous ne m’avez pas bien lu ou, plutôt, vous n’avez pas voulu bien me lire. Quand je dis “ Sont corses, bien sûr, ceux qui comme moi ont des aïeux corses aussi loin que l’on puisse remonter. “, comme le montre la suite de ma définition, je n’en fais pas une exigence, une exclusive qui se limiterait à ce que vous appelez le droit du sang. Je n’ai pas dit : ceux qui n’ont que des aïeux corses. J’énonce simplement une évidence : avec des centaines d’ancêtres corses, ceux-là ne sont évidemment ni chinois, ni hollandais voire martiens. Quant à l’italienne de passage ou toute autre, si elle s’est greffée sur mon arbre, pour reprendre votre image, elle en est devenue une branche, elle a fait souche, s’est intégrée à ma famille, a participé à sa descendance, elle est donc devenue corse. Il est effectivement certain qu’au cours de notre longue histoire, des greffes se soient entées sur chaque arbre familial ; qu’importe puisqu’elles ont produit des fruits qui se sont nourris de la Terre corse et ont contribué à perpétuer son Peuple. J’ai ainsi quelques amis portant des noms pinzuti mais pas moins corses pour autant.

        Quant à la notion d’amour d’un pays, elle n’est pas plus difficile à appréhender que toute autre : aimer c’est donner plus que recevoir et penser à l’Autre avant de penser à soi, qu’il s’agisse d’un conjoint, d’un enfant, d’un ami…ou d’un pays.

        Enfin, les fonctionnaires corses sont-ils corses ?...me demandez-vous. Quelle curieuse question…Faudrait-il, pour intégrer la fonction publique, s’engager à renoncer à son nom et renier sa famille, ses origines ?...Pas que je sache. Alors oui, les fonctionnaires corses sont corses et cela ne doit pas les empêcher d’aimer la Corse tel que je le définissais il y a quelques lignes et d’exprimer leurs opinions, quelles qu’elles soient, comme tout citoyen.


      • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 23 décembre 2015 18:55

        Dans la même logique, nous aurons bientôt à l’AN des élus bretons s’exprimant en breton, des basques s’exprimant en basque, des alsaciens en alsacien, évidemment.
        Traducteur, s’il vous plait ! Allez, tous aux oreillettes et vive la tour de Babel.


        • marmor 23 décembre 2015 23:07

          Mdme Belkacem exige de son cabinet de faire une réunion par semaine en arabe.
          Mdme Maryam El Khomri, ministre du « hedma » ( travail en arabe ) fait de même.


          • Jean Charles Guerrini Jean Charles Guerrini 24 décembre 2015 14:38

            C’est curieux que nous ayons pas eu les termes de « chataîgnes », « barrez-vous sur votre île », « affront à la République » dans les commentaires.

            Mais de quoi ont-ils peur ?
            Je crois surtout que le vote nationaliste est perçu comme un rejet des français alors que ce n’est qu’une remise en cause d’un fonctionnement étatique calamiteux et le résultat de pratiques qui le sont autant.
            En analysant un peu plus finement le vote on peut en déduire que le vote nationaliste a été partagé par de très nombreux continentaux installés en Corse et cela pour les mêmes raisons.
            Le besoin de sécurité de tout un chacun a déclenché la volonté de s’installer en Corse où ils y vivent certainement bien mieux que de la où ils viennent.
            Sur la commune d’Osani, 80% de continentaux, le score a atteint 52% pour la liste Simeoni...
            C’est ce que l’on appelle la communauté de destin.

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