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Le Front de gauche ou la parole chaude

Pourquoi le Front de gauche et Jean-Luc Mélenchon apparaissent-ils comme les principaux animateurs de cette campagne présidentielle ? A quoi tient l’engouement dans les meetings ? A la parole que porte son représentant ?

 A la caricature des médias dominants s’oppose une parole de la « gauche de gauche » qui donne à entendre et à réfléchir. Dans les meetings, dans ses livres, sur internet, dans les médias. Une parole chaude… Qu’est-ce donc ?

Il y a le fond. Le programme détaillé. Le livre et le document téléchargeable sur le blog. Les affiches, les tracts. Les débats. Les interviews. Chaque manifestation aborde une question et prolonge la réflexion entamée. Jean-Luc Mélenchon fait des résumés lors des manifestations : le partage des richesses, l’instauration de tranches supérieures de l’impôt, la sortie du traité de Lisbonne, la 6ème République, la démocratie essoufflée par son fonctionnement institutionnel. Les présidents-monarques.

Le représentant du Front de gauche réinscrit au cœur du débat le principe de laïcité, la nécessité de vivre ensemble dans l’espace public, la citoyenneté dans l’entreprise, l’augmentation du Smic, la réduction de l’écart des salaires dans les entreprises [de 1 à 20], le droit de disposer de son propre corps, de mourir dignement. Il témoigne de l’impérieuse nécessité de rompre avec l’Otan, de planifier l’écologie pour les emplois de demain. Il porte un autre regard sur l’Atlantique, la Méditerranée chère à Fernand Braudel, l’universalisme des droits de l’homme, la France terre d’accueil…

Le lien de ce projet politique : « L’humain d’abord ».

Jean-Luc Mélenchon parle de notre histoire politique, du métissage, de l’industrialisation. C’est la main gauche de l’état tendue vers celui qui tombe. Il ne fait pas la promotion de la rivalité et du chacun pour soi. Pas le choc des civilisations ou la stigmatisation du plus pauvre et de l’exilé sans terre. Il parle de Léon Blum et des congés payés, de Jean Jaurès assassiné, de De Gaulle et son appel, de Louise Michel et de la Commune de 1871, quand les parisiens prirent en main leur destin. Du Conseil National de la Résistance, gaullistes et communistes, qui dans un pays en ruine mettent en place la Sécurité Sociale, notamment. Le ministre d’alors se nommait Ambroise Croizat. Il est absent de la plupart de nos dictionnaires !

Le candidat à la présidentielle parle des procédés journalistiques, des temps de paroles pré-électoraux, des sondages aux méthodes douteuses, de leurs pouvoirs d’injonction. Ils ne sont pas un thermomètre mais un thermostat car ils participent à faire l’opinion tout autant qu’à tenter de la mesurer. Le candidat du Front de gauche critique l’utilité de la mesure et son instrumentalisation : les questions pas chères remplacent les enquêtes de terrain. Les sondages qui veulent nous imposer le bipartisme, brouillent et embrouillent nos représentations.

Jean-Luc Mélenchon ne récite pas le catéchisme électoral ordinaire, sa métaphysique surannée : il dit « je » et « nous ». Il énonce la parole de l’individu dans un collectif. Il s’appuie sur un programme pour y mettre les nuances de la vie. Improviser. Prendre la parole c’est prendre des risques. La parole qui s’invente en parlant est celle de comprendre et d’innover. Il propose une façon de transmettre. De poser des idées. Faire avancer le débat. Sur la place publique. A Grigny, au milieu des immeubles ; à Toulouse, place où les libérateurs de la Ville rose s’étaient réunis après la guerre ; à Marseille et son Prado ; à Paris-Bastille.

Il y a l’usage des symboles : des drapeaux rouges qui disent la peine et la révolte, les bonnets phrygiens, ceux des sans-culottes de 1789. Il y a la terminologie révolutionnaire et l’action sans lesquels nous serions encore sous le harnais des rois et des reines. Au pilori. Lépreux. Affamés. Analphabètes. D’autres baronnies doivent encore tomber. La foule ne scande que très peu son nom mais « Résistance ». Il laisse place au mouvement pour ne pas personnifier. Pour ne pas qu’il s’arrête après lui.

Il parle aux employées, aux ouvrières. Il les écoute. Il parle du réel. Des accidents du travail. Des femmes à temps partiel payées au smic. Des pêcheurs qui peinent. Des enfants sortis du système scolaire. Des jeunes adultes qui ne trouvent pas de stage, de formation, de boulot. Des ouvriers sans travail. Des employés qui s’esquintent au travail. Des méthodes de management des cadres et de la pression qui pèse sur eux. Des pigistes, des précaires, des CDDistes. Des vieillards qui ne pourront plus se soigner si les citoyens laissent faire la casse sociale… 

Et la France est riche ! C’est 2ème puissance européenne. Pourquoi se refuser de taxer le revenus des entreprises du CAC 40, les revenus spéculatifs alors que l’argent joué n’est pas remis dans l’économie réelle ? Les exilés fiscaux de Suisse ne doivent-ils pas redonner au collectif ? Pourquoi ne pas prêter à l’État français à 1 % pour sortir petit à petit de la dette et investir pour la création d’emplois ?

Le Front de gauche affirme qu’en France, il n’y a pas un problème de travail : n’y a-t-il pas des routes à réparer, des logements sociaux à construire, des services publics à réinstaller dans les quartiers populaires et dans les campagnes ? Du travail à faire, il y en a par-dessus la tête. C’est de l’emploi rémunéré qu’il manque. L’emploi passe par la ré-industrialisation, l’économie écologique, la taxation des puissants... Ne sont-ils pas, en ce moment même, les financiers européens, les boursicoteurs, spéculant sur la dette française ? 

Et la défense de l’intérêt commun ? La gauche de gauche dit : moins de service public ça veut dire moins de fonctionnaires, d’agent d’Etat. Donc moins de pompiers pour éteindre le feu de notre maison, moins de policiers pour se défendre contre les agresseurs et les dealers, moins d’infirmières pour soigner nos anciens, moins de professeurs pour éduquer un peuple et le rendre apte à relever les défis technologiques de demain, moins d’inspecteurs du travail pour lutter contre le travail au noir, combattre les fraudes, les abus, les harcèlements…

Jean-Luc Mélenchon énonce les incidences de la baisse des effectifs. Il dit comment financer les acquis des forces militantes. Il parle de la France, belle et rebelle, de demain.

Il y a les clips. Le site Place au peuple. L’invention des affiches. Il y a les interventions du candidat qui parlent du fond mais aussi les techniques rhétoriques employées par les politiques et les journalistes. Les tactiques et stratégies pour masquer leur idéologie : l’usage des insinuations, les questions inductives, les questions sur les détails pour ne pas parler de l’essentiel. C’est à la télévision que le représentant du Front de Gauche défend les plus petits, les précaires à la pige, contraints par l’ordre économique. C’est aussi cela défendre la liberté d’expression.

Le représentant du collectif dit que ce qui est « bon pour tous » est aussi « bon pour un ». Il ne lit pas toujours ses notes. Il s’exprime à la tribune devant le gens. Il s’arrête pour reprendre un mot de la foule et le commenter. Il donne des exemples concrets. Il dit la nécessité de soutenir un « collectif » dans la période du « chacun pour soi », celle de la « concurrence individuelle ». Le Front de gauche c’est sept organisations. Un rassemblement à l’image du Front Populaire, en 1936 ou bien celui de la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le Front de gauche fait programme commun. Il propose un projet financé, des changements réalistes et l’espoir de sortir du joug des suspicions, du narcissisme capitalisme. Le temps est au partage, au collectif, au bien commun.

C’est cela une parole chaude. Une parole qui se veut libre, libérée, pas entourée de fils barbelés. Une parole, un discours, une façon de faire lien social loin des caricatures, des images grimaçantes diffusées par la presse dominante, et de cela il faudra faire le bilan d’après élection. Car le mouvement qui s’inaugure va se poursuivre. Cet espoir raisonné s’appellera « révolution citoyenne », « insurrection par les urnes ». Parce que, dans le monde tel qu’il va, il n’est plus possible de penser avec les anciens modèles. La parole chaude sert à réinventer l’avenir, dans une dynamique qui fasse appel à la tête pour les idées et la liberté, au cœur pour la solidarité et la fraternité, à la main pour l’égalité et le partage. Au tout mêlé, pour faire synthèse et avancer.

Les objectifs sont clairs : résister contre la droite et l’extrême droite qui divisent et mettent en concurrence les travailleurs. Résister en reprenant la main sur la finance. Résister c’est se faire entendre. Prendre en main l’avenir. C’est cela la révolution citoyenne.

Dimanche, les citoyens sont invités à prendre le pouvoir. Ils ont un devoir : celui d’être fraternel et d’agir pour le bien collectif. Quel pays veulent-ils laisser à leurs enfants ?

La parole chaude c’est la France par le peuple, pour le peuple. L’ancien régime doit tomber par les urnes.

Eric W. Faridès

 

Articles du même auteur :

Eric W. Faridès, « Jean-Luc Mélenchon, la Mairie de Toulouse & les poseurs d’affiches », in artefacte-asso.com, 5 avril 2012.

Eric W. Faridès, « Dans la rue », in Le Grand Soir, 11 avril 2012.

Eric W. Faridès, « L’animal politique, le malade et le vétérinaire », in Revue Artefacte n° 3, 15 avril 2012.

Eric W. Faridès, « Jean-Luc Mélenchon, des images, des figures ; manuel de résistance intellectuelle au pays des médias », 1er et 2ème partie, in Le Grand Soir, 18 avril 2012.


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11 réactions à cet article    


  • latortue latortue 20 avril 2012 09:30

    MELENCHON n’est pas le candidat du changement, car il représente parfaitement la gauche archaïque, la gauche passéiste, la gauche ringarde symbolisée par le Front de Gauche et laquelle il va se défausser au second tour ... Il tente de ressusciter les fantômes de la Révolution Française la peur du FN , de la Terreur et de la Commune de Paris. Il revisite le Programme Commun de la Gauche des années 70 et nous propose : les nationalisations, l’augmentation du SMIC, le recrutement de fonctionnaires, la régularisation des clandestins, etc..., etc... Ou est la nouveauté dans ce programme ? Nul doute que ce marchand d’illusions, ce charlatan, ce fier-à-bras saura s’embarquer avec ses amis communistes sur le pédalo de la gauche plurielle avec HOLLANDE et DUFLOT !une avalanche de dépense de milliards d’euros qu’il ne pourra jamais mettre en place tout le monde le sait POURQUOI ??????? tout simplement pour ratisser large très large il dit ce dont tout le monde ouvrier et fonctionnaire rêve ,pour constituer une force suffisante pour peser après les élections pour avoir un max de députés pour terminer sa carrière en beauté avec ou un bon poste ministériel ou un bon poste de député a Paris .LE FRONT il l’a formé avec les communistes qui ne représentaient plus grand chose dans le monde politique il l’aurait formé aussi avec quiconque aurait émis le désir de le faire a gauche ,et ce pour avoir un max de voix au 1er tour

    il aurait du quand il a pris dans Macbeth le bruit et la fureur prendre la totalité du texte en remplaçant la vie par il 

    il n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre acteur,
    Qui s’agite et parade une heure, sur la scéne,
    Puis on ne l’entend plus, c’est un récit
    Plein de bruits, et de fureur, qu’un idiot raconte,
    Et qui n’a pas de sens.

    bonne journée mesdames et messieurs

     



    • Eric W. Faridès Eric W. Faridès 20 avril 2012 09:50

      Eric W. Faridès

      En réponse à votre Macbeth, ce joli poème catalan, l’Estaca, que vous devez connaître j’imagine ! Bien à vous.

      « Ne voyez-vous pas le pieu auquel nous sommes tous liés ? Si nous ne pouvons pas nous en défaire, nous ne pourrons jamais avancer » (No veus l’estaca a on estem tots lligats ? Si no podem desfer-la mai no podrem caminar).

       « Si nous tirons tous, il va tomber, si je tire fort vers ici, et que tu tires fort par là, il est certain qu’il tombe, tombe, tombe, et nous pourrons nous libérer »

      (Si estirem tots, ella caurà, si jo estiro fort per aquí i tu l’estires fort per allà, segur que tomba, tomba, tomba, i ens podrem alliberar).


      • latortue latortue 20 avril 2012 10:41

        beau poeme cher ERIC mais a cela je te donne un proverbe juif plein de bon sens
        a ces trois choses ,droiture de coeur ,modération dans les désirs et esprit humble ,on reconnait les disciples d’abraham
        a l’esprit rotor,la vanité ,l’orgeuil l’ambition les disciples de Balaam
        autrement dit méfiez vous de ceux qui promette trop et de trop belles choses, c’est bien d’avoir le tête dans les étoiles mais mieux vaut rester les pieds sur terre .
        merci et bonne journée
        Mélenchon ne sera pas au deuxième tour loin de là, et il se défaussera au profit de son copain Hollande et tous vos doux espoirs retomberons .n’en avez vous pas assez de croire les oppresseurs d’hier ,croyez vous qu’il deviendrons les bienfaiteurs maintenant .ça fait trente ans qu’on nous propose les mêmes et qu’ils agitent les m^mes peurs pour mieux protéger leur petits acquis . .


      • eric 20 avril 2012 10:36

        Que de grands mots pour emballer une realite un peu triste mais incontournable.

        Avec 57% du PIB depense et 50% preleve, quel que soit le president elu, la politique mise en oeuvre passera par un cocktail d’augmentation des impots mais surtout de diminution des depenses publiques.
        Le FdG comme le, PS sont des partis de classe. Ceux des beneficiaires nets des transferts de notre argent commun. Mais les premiers representent les plus modestes, les moins proteges par des statuts, les suppletifs, etc... Ils savent d’experience que le PS est pret a les sacrifier pour maintenir les privileges de sa propre clientele sans couler completement le pays.
        A l’epoque, Jospin n’a pas hesite a privatiser les cols bleus CGTistes pour remplir les caisses, et en 83, la rigueur est passee par la baisse du pouvoir d’achat des prebendiers publics, mais pas de la meme facon pour tous.

        Une des preuves les plus flagrante qu’avec le PC on a affairre aux second couteaux des prebendiers public, c’est leur alienation intellectuelle par le PS. Oui ils voteront au second tour.

        Ils ne parviennent pas a comprendre qu’avec un president de droite, l’effort ineluctable sera equitablement reparti sur toutes les categories. Avec le PS, il sera concentre sur ceux qui votent le plus mal.

        Pourtant, sur le plan local, ils devraient comprendre. Un Maire de gauche qui a le choix entre sauver le poste du sous directeur adjoint de categorie A en charge de la communication municipale sur le developpement durable et la reforme societale PS, coupera dans les subventions des associations d’education populaire si il le faut. Le Maire de droite se posera peut etre la question de savoir ce qui est le plus utile au peuple. Il sait que ni l’un ni l’autre ne votent pour lui de toute facon.

        Aujourd’hui plus que jamais, l’analyse marxiste la plus elementaire conduit a une conclusion simple : seul un report des electeurs de melenchon sur Sarkozy au second tour peu leur donner une chance d’echapper aux vaches maigres budgetaires et a l’egoisme de classe PS.
        Apres tout, le programme du CNR, c’est d’abord de Gaulle et ensuite les communistes.....


        • latortue latortue 20 avril 2012 10:45

          ahh ah ah c’est la meilleure ça Messieurs les Mélenchonistes voté SARKOZY ahh elle est belle l’analyse marxiste faute grive on mange un merle !!!!!!! c’est ça les électeurs de Mélenchon .


        • Cocasse Cocasse 20 avril 2012 11:00

          Quand on est là, sur Ago, mélenchon prend une telle importance, est tellement plébiscité, qu’on a l’impression qu’il passera au 2ème tour. Cela devient peu à peu une certitude dans l’esprit de tous ses fans, qui se confortent les uns les autres. On baigne dans une bulle.

          Mais seulement voilà, il faut compter avec tout le reste du pays !
          En réalité, les chances sont bien minces.
          Quand l’espoir est porté au delà de la mesure du raisonnable, la déception est d’autant plus dure.


          • Eric W. Faridès Eric W. Faridès 20 avril 2012 11:10

            Pour Eric :
            Vous dites « Le programme du CNR, c’est d’abord de Gaulle et ensuite les communistes..... »
            On peut discuter, échanger, confronter nos idées mais là, l’idéologie vous pousse à un contresens historique :
            Qui sont les membres du CNR ? Qui sont les signataires du programme ? N’a-t-il pas été adopté à l’unanimité le 15 mars 1944 ? Et Pierre Villon ?
            Le CNR : une parole froide ou chaude ?


            • mbdx33 mbdx33 20 avril 2012 16:08

              C’est marrant que tous les marins d’eaux douces soient aussi actifs et vindicatifs à 2 jour du scrutin.

              On a vraiment l’impression que vous êtes en service commandé et que du côté de Saint Cloud, il y a des craintes concernant l’issue du scrutin.


              • Soi Même 20 avril 2012 16:26

                A ce demander, si les mélenchoniste ne sont pas des alliés objectifs du FN ?


                • Abraracoutrix 20 avril 2012 20:23

                  Lorsqu’on participe à un meeting de Jean-Luc Mélenchon, comme cela a été le cas pour moi à Marseille, on en ressort « tout chose » : galvanisé, heureux, le coeur serré et cette envie inexplicable de parler avec son voisin, sa voisine, cet inconnu(e) que l’on rencontre sur le trottoir où chacun va vers sa destiné. Chaleur humaine, humanité toute simple, et que ça fait du bien.


                  • alinea Alinea 20 avril 2012 22:37

                    la tortue : ce que vous dites est incompréhensible : Mélenchon ne promet rien, il dit : faisons ensemble, redressez-vous les manches ; ensuite il n’a pas besoin de se fatiguer comme ça pour garder ses maigres acquis ; cela vous parait impossible quelqu’un de sincère ?

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