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Le pacte girondin : entre ultra-libéralisme et maurrassisme de Macron

Emmanuel Macron souhaite réformer la constitution dans laquelle figurent notamment la réduction du nombre d'élus à l'Assemblée Nationale et au Sénat, le raccourcissement des débats parlementaires, la limitation du cumul des mandats, la fin de la présence des anciens Présidents de la République au Conseil Constitutionnel et l'introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives.

Certaines de ces mesures ne nécessitent pas de révision constitutionnelle, notamment le nombre de députés, la limitation du cumul des mandats dans le temps (ce point prête toutefois à discussion) et le mode de scrutin proportionnel. D'autres n'auront qu'un faible impact : la fin de la présence des anciens chefs d'état au conseil constitutionnel ne changera pas grand-chose car ce ne seront pas des juristes professionnels mais toujours des personnalités désignées sur critères politiques qui y siégeront (1). Le raccourcissement de la durée des débats parlementaires est plus significative car elle marquerait un recul de la démocratie ; il ne faut cependant pas oublier qu'une procédure accélérée existe d'ores et déjà qui affaiblit le parlement.

Dans ces conditions, il est légitime de s'interroger sur les motivations véritables de cette réforme constitutionnelle. Le point crucial en est en réalité le « pacte girondin », aussi baptisé « droit à la différenciation ».

Concrètement, cela signifie que les collectivités locales pourront, d'une part se réorganiser par le biais des fusions et de regroupements, d'autre part bénéficier de la possibilité d'adapter les lois et/ou les règlements.

A un premier stade, ce « droit à la différenciation » permettra aux élus locaux d'amoindrir les protections dont bénéficient les citoyens que ce soit au niveau économique, social ou environnemental. Par exemple, le SMIC pourrait être régionalisé : on imagine l'aubaine pour le MEDEF de voir le SMIC différent selon les régions. Rappelons que le SMIC était régional jusqu'en 1968 et que c'est un acquis social important de cette époque (2).

Dans un contexte de concurrence économique exacerbé, on assisterait ainsi à un nivellement par le bas des normes sociales, fiscales et environnementales. Dotées de la possibilité de déroger à la loi commune, les collectivités locales seraient surtout contraintes d'aligner les législations sur le moins-disant. On pourrait ainsi voir diminuer les impôts locaux pesant sur les entreprises (Contribution économique territoriale notamment) au détriment des habitants...Il n'est guère besoin de faire preuve de beaucoup d'imagination pour comprendre les dégâts de ce changement : il suffit de voir les délocalisations et les baisses d'impôt octroyées aux entreprises dans l'Union Européenne pour avoir une idée de ce qui attend nos concitoyens. Tous les défauts constatées au niveau communautaire seraient ainsi reproduits au niveau français ! Le rêve ultra-libéral est en marche.

Mais si l'aspect économique est important, il faut également saisir l'aspect idéologique du changement voulu par Macron. L'article 6 de la déclaration des droits de l'homme, qui appartient au bloc de constitutionnalité, prévoit ainsi que : « La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. » L'article 1er de la constitution mentionne aussi le caractère indivisible de la République. C'est cet acquis de la Révolution française que Macron veut mettre en cause. En introduisant le « droit à la différenciation », les citoyens français ne seraient ainsi plus égaux devant la loi en fonction du territoire où il habiteraient ! C'est l'existence de « communautés naturelles » qui seraient ainsi affirmées (3) et le passage à un régime fédéral. Or il faut rappeler que les « communautés naturelles » et le fédéralisme sont une composante du « nationalisme intégral » de Charles Maurras mis en oeuvre par la suite du régime de Vichy (4). Le régionalisme promu par Emmanuel Macron s'inscrit clairement dans la matrice de la pensée d'extrême-droite, ce qui n'est guère surprenant de la part d'un disciple auto-proclamé du philosophe pétainiste Paul Ricoeur.

De plus, on observe parallèlement la création de structures européennes transnationales telles les euro-régions (Pyrénées-Méditerranée, Aquitane-Euskadi) et les euro-districts (comme Lille-Kortrijk-Tournai). Ces entités créées par le droit européen dépossèdent les citoyens de leur pouvoir de décision et ont vocation à créer des normes locales qui ont vocation à se substituer ou à déroger aux normes nationales. La souveraineté populaire est ainsi annihilée.

Face à cette « décentralisation » qui est en réalité une fédéralisation, face ce qui s'inscrit dans un processus « déconstituant » entamé par la réforme territoriale de François Hollande (5), il faut réaffirmer le principe de l'égalité des citoyens devant la loi, autrement dit une loi unique pour tous sur l'ensemble du territoire. Le corollaire en est l'exigence de la suppression des régions et des métropoles et la défense du seul triptyque républicain : commune, département, nation.

 

(1) En Allemagne, les juges de la Cour Constitutionnelle sont recrutés parmi des professionnels du droit. D'où des décisions beaucoup plus soucieuses de la souveraineté allemande dans un certain nombre de cas, en conformité avec le droit et non avec les souhaits des gouvernants.

(2) https://www.latribune.fr/blogs/generation-deuxieme-gauche/20140507trib000828834/pourquoi-le-smic-aurait-du-rester-regional.html et https://humanite.fr/salaires-le-smic-prochaine-cible-de-macron-641827

(3) Antonin Cohen, De Vichy à la communauté européenne, PUF

(4) Antonin Cohen, De Vichy à la communauté européenne, PUF

(5) https://francoiscocq.fr/reforme-territoriale/


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1 réactions à cet article    


  • 59jeannot 21 octobre 2018 07:56

    le job de Macron est de mettre à bs le système social français ; 

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kakumei


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