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Accueil du site > Tribune Libre > Le peuple victime d’un vice du consentement ?

Le peuple victime d’un vice du consentement ?

Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy défendait l’idée d’un « traité simplifié », précisant même : « je proposerai que soit posé le principe que ceux qui veulent agir ne puissent pas en être empêchés par ceux qui ne veulent rien faire. Et qu’à l’inverse nul ne soit obligé d’agir quand il ne le souhaite pas. » (Ensemble, p. 102). C’est en d’autres termes l’Europe à la carte avec des institutions souples permettant de fonctionner à Vingt-Sept et plus, en préservant la souveraineté des Etats, donc la démocratie. Pourtant, le traité qu’il a approuvé à Lisbonne est aux antipodes de ces louables intentions.

Par Patrick Louis et Christophe Beaudouin*

(Publication originale : Marianne, 17 novembre 2007 )

Ce texte est un mécano d’une complexité juridique rare, ignorant les principes de clarté et d’intelligibilité de la loi et recyclant la quasi totalité des dispositions de la Constitution européenne massivement rejetée par le peuple français il y a deux ans. Comme l’a rappelé Valéry Giscard d’Estaing « seul l’ordre a été changé dans la boîte à outils, la boîte elle-même a été redécorée ».

Aucune des critiques adressées à la Constitution européenne ne peut être épargnée au traité de Lisbonne :

1) la consécration de la primauté absolue des lois européennes (déjà 85 % de notre droit), s’imposant même à la Constitution française, laquelle ne fera par exemple plus obstacle à ce que la Cour de Luxembourg réintroduise le principe du pays d’origine dans la Directive Bolkestein (Déclaration n° 29) ;

2) le plus important transfert de souveraineté de toute l’histoire de la construction européenne : 40 nouvelles compétences passent sous la haute main de la Commission de Bruxelles qui a le monopole des propositions, auxquelles le Conseil ne peut guère résister (amendement à l’unanimité) et les adopte à la majorité qualifiée ;

3) les procédures de « clauses passerelles » qui permettent sans nouvelle ratification de faire basculer de nouvelles matières de l’unanimité à la majorité qualifiée, donnant en définitive à la Commission et la Cour une compétence illimitée ;

4) les parlements nationaux, seuls sièges de la légitimité démocratique justifiant l’obéissance à la loi, qui deviennent des coquilles vides, avec un seul droit, celui de protester (Protocole n° 1), tandis que le Parlement européen représentera non plus « les peuples des Etats » (art. 189, Rome), mais un peuple européen parfaitement mythique (art. 9 A) ;

5) la Charte qui ouvre un véritable geyser de droits en tous genres et contradictoires, armant les juges de Luxembourg pour dévoyer, sans appel possible, nos droits de l’homme et libertés fondamentales séculaires, que protégeait jusqu’ici le préambule de la Constitution française (art. 6) ;

6) la personnalité juridique de l’Union qui permettra à la Commission de Bruxelles, où la France se retrouvera vite sans représentant (art. 9 D) de se substituer totalement aux Etats sur la scène internationale dans ses nombreux domaines de compétence exclusive (art. 54) ;

7) un « Président du Conseil » nommé pour deux ans et un ministre des Affaires étrangères avec un autre nom (« Haut Représentant ») et des services diplomatiques (article 25 et suivants) qui proposera une politique étrangère votée à la majorité qualifiée, mettra le siège français au Conseil de Sécurité sous tutelle (art. 19) et induira une défense européenne ayant pour cadre l’Otan (art. 27) ;

8) une conception dogmatique de la concurrence et du libre-échange sans contrepoids (Protocole n° 6), une Banque centrale au statut identique interdisant le pilotage de la zone euro ;

9) l’absence de limitation géographique et civilisationnelle de l’UE, laissant ouverte la porte à la Turquie ;

10) et pour conclure, tout l’effrayant imbroglio d’institutions du triangle Bruxelles-Luxembourg-Francfort, qui ne connaissent pas les principes de la démocratie : ni la séparation des pouvoirs, ni la responsabilité politique, ni la représentation des peuples.

Il n’y a manifestement rien de commun entre cette Constitution européenne remaquillée et le traité simplifié et consensuel que promettait Nicolas Sarkozy pendant la campagne pour « réconcilier le "oui" et le "non" », justifiant sans doute une ratification parlementaire plutôt qu’un nouveau référendum.
On peut donc se demander s’il n’y aurait pas vice de consentement des Français qui se sont déterminés lors de l’élection présidentielle, s’il leur refusait un référendum sur ce traité-clone de la Constitution européenne rejetée.
L’opinion publique semble d’ailleurs fortement le souhaiter : 71 %, selon un sondage Ifop publié le 8/11 par Paris-Match.
A moins de considérer que précisément, la réponse des Français ayant été négative il y a deux ans, il est inutile de leur redemander leur avis sur le même texte et qu’il faut procéder par un passage en force parlementaire ?

Ce que le peuple a fait, seul le peuple peut le défaire. Seul un nouveau référendum pourrait donc éventuellement annuler le résultat du 29 mai 2005, si telle est l’intention présidentielle. La mission du président de la République est de veiller au « respect » de notre Constitution, d’assurer le « fonctionnement régulier des pouvoirs publics » et la « continuité de l’Etat », ainsi que de « garantir l’indépendance nationale » (art. 5).

En particulier, il est le garant du principe de la République qui est « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » (art. 2 al. 5). Aussi, s’il ne veut pas ignorer le suffrage universel et la Constitution dont il procède lui-même, il doit au minimum inviter les Français à se prononcer directement sur le Traité de Lisbonne.

*Patrick Louis est député au Parlement européen
Christophe Beaudouin est directeur de l’Observatoire de l’Europe après le Non (www.observatoiredeleurope.com)


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10 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 23 novembre 2007 09:52

    Oui à un nouveau référendum pour l’Europe,car ce débat sera dépassioner de la présence de l’ancien Usurpateur (Chirac) qui n’avait pas été élu sur un projet mais par les français pour rassembler pour faire barrage à LEPEN.

    Si l’USURPATEUR avait fait comme Nicolas Sarkozy,la France aurait eu 5 ans de réformes pour tous,au lieu de cela nous n’avons eu qu’une politique sans tête ni projet pour la France en Europe.

    Aujourd’hui ,la France c’est donnée les moyens d’aller de l’avant et nous pouvons donc faire un nouveau référendum sur l’Europe.

    Même chose pour les réformes du service publique et des fonctionnaires.

    Un référendum pour permettre au peuple de s’exprimer sur des réformes me semble juste.

    Si elles sont approuvés ,personne ne pourra les contester


    • Z Z 23 novembre 2007 18:15

      Lerma,

      Vous êtes bien conscient qu’en étant pour ce référendum, vous êtes contre le Régime ?


    • geko 23 novembre 2007 12:09

      @L’auteur merci pour cette synthèse.

      Je pense que le transfert de la souveraineté est necessaire pour une véritable europe et non un patchwork fragile capable de s’effondrer au moindre désaccord. Véritable europe c’est à dire représentative des peuples qui la composent et pas un montage juridique piloté par des multinationales. La construction d’une europe sociale est la seule voie pour faire face au capitalisme sauvage, garder notre indépendance face aux Etats Unis et aux grandes puissances montantes !

      Sur le référendum je dois vous avouer que je suis circonspect pour deux raisons.

      1) Si j’en juge les manières populistes par lesquelles notre président, Djekil de la communication et Hyde des actess’est fait élire ainsi que la campagne menée par notre classe politique (aussi bien pour le oui que pour le non)lors du premier référendum. Les hommes politiques ont ils peur de perdre leur place bien assise et leurs pouvoirs nationaux ? Les français comprennent ils bien les enjeux ?

      2)dans la suite, Le « non » au premier référendum a été suivi par l’absence sidérale de débats citoyens et politiques. Pas de propositions (pourtant promises) à l’horizon. Un nouveau référundum ? Ok et aprés ?


      • faxtronic faxtronic 23 novembre 2007 13:46

        geko,

        T’es gentil mais naif :

        - Le but de l’UE (enfin des oligarques europeens), c’est justement de se mettre au service des USA. L’independance face aux US, c’est justement la soupe que servent les GOs ( gentil oligarques) aux GMs (Gentil militants). Mais c’est faux bien entendu. Le but de l’UE est d’ouvrir les frontieres aux 4 vents pour permettre le developpement et l’enrichissement de ces elites.

        - Le patchwork est fragile, car il n’y a pas de peuple europeen, car il y a un raciste entre les peuples europeens (cf le journal a grand tirage Sun contre les francais). l’UE subit un effet de marées des US, et des que l’UE ne fait pas ce que veux les US, l’UE est momemtanement detruit.

        J’avis des sympathies federalistes jusqu’en 2003, car pour moi soi l’Europe est federale soit elle est rien. Je voulais qu’elle soit federeale pour qu’elle soit unie, independante et forte. Mais c’est une illusion, et je m’en suis fortement rendu compte en 2003 (Iraq, elargissment, barroso, etc...). Maintenant je milite pour sa disparition pur et simple, car l’Europe (que je dissocie de l’UE), ne peut pas etre entre deux rives, mais sur une berge ou un autre.


      • geko 23 novembre 2007 14:23

        @faxtronic

        Effectivement plus que « garder l’indépendance » j’aurai peut être du dire retrouver une certaine indépendance !!

        Ce que je sous entends dans mon commentaire c’est que l’Europe se fera sous l’impulsion du politique ! Regardez comme le 1er référendum a été organisé ou plutôt les référundums. Bonjour l’unité ! On renforce les fibres nationales quand il faudrait faire naître un véritable esprit européen !

        Je suis bien conscient du rôle destructeur des îliens d’outre manche !

        Qu’entendez vous par UE ? pensez vous que l’UE qui a précédée l’actuelle Europe soit de taille à se faire entendre face à l’oligarchie financière ?

        De toute façon la situation actuelle est inacceptable. Peut être naif mais pas beni oui oui !


        • Le péripate Le péripate 23 novembre 2007 18:22

          Vice de consentement ? L’expression est gentille.

          Pour moi, c’est félonie, haute trahison......

          Mais va pour vice de consentement....


          • geko 24 novembre 2007 22:11

            @L’auteur

            J’ose espérer que vous ne publiez pas ici dans l’unique but de faire un simple sondage d’opinion !!!

            Admettons qu’avec un référendum, nous fassions tomber le TCE, Après que proposez vous ?


            • AnnBB 26 novembre 2007 01:01

              Bonjour !!! Je suis surprise que vous ignoriez que SAR KO KI n’a plus besoin du peuple pour appliquer ce qu’il veut...Il n’y aura pas d’autre référendum... Ce dernier a été voté par notre mafia dirigeante il ya peu de temps... Je vous invite à faire un tour sur mon blog, de ne vous arrêter que sur les sujets Géopolotique, il y a de la lecture...Hélas pour ce que je peux décrire dans mon profil, je ne puis en parler !!! En cinq années je n’ai trouvé aucune aide,ça doit péter de l’étranger hors G8...

              http://annbb07.spaces.live.com Amicalement Net Anne.


              • wesson 26 novembre 2007 01:52

                @Lerma, votre contribution n’est qu’un salmigondis de clichés planplan que l’on as lu et entendu déjà des centaines de fois.

                Quitte à recycler moi aussi la métaphore clichouille, méditez sur ceci :

                La France était au bord du gouffre, Avec le TME elle va faire un pas en avant !


                • Francis, agnotologue JL 28 novembre 2007 20:42

                  La ratification de ce traité sera, à défaut de crime de haute trahison qui n’existe parait-il plus, une véritable forfaiture de la part de tous les signataires élus de France. Ils auront à en rendre compte devant l’Histoire. Jamais le peuple ne devra oublier la trahison commise à son égard par sa classe politique.

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