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Accueil du site > Tribune Libre > Le piège de la « République exemplaire »

Le piège de la « République exemplaire »

J’avais grande sympathie pour Pierre Bérégovoy, ancien Premier Ministre de François Mitterrand. Pour son style, son parcours, son humanité. Mis en cause publiquement il s’était suicidé au bord d’un canal à Nevers.

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Son cas préfigurait-il les excès de ce que l’on nomme aujourd’hui une République exemplaire ? Il en était lui-même partisan. Lors de sa prise de fonction il avait brandi devant les députés une liste supposée contenir les noms d’élus corrompus (vidéo en fin de billet).

En réalité il venait d’écrire la page qui scellerait sa propre fin. Car, mis en cause lui-même – et sans qu’aucune preuve ne soit fournie d’une éventuelle culpabilité – des manifestants l’enfonçaient en lui demandant : « Béré, t’as pas 100 briques ? ».

Nicolas Canteloup ne fait pas autre chose dans ses pastilles quotidiennes sur TF1 à 20 heures 50.

La notion de d’exemplarité doit être questionnée. On demande aux élus de respecter les lois en vigueur, comme tous les citoyens. Doivent-ils en faire plus et se montrer comme des modèles ? Je ne le pense pas.

 

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Je n’attends pas d’eux de me montrer le chemin. Je considère même cette notion d’exemplarité de l’élu comme une distinction anormale entre lui et le citoyen, comme une volonté de supériorité morale destinée éduquer le peuple.

Ce qui nous attend et qui a déjà commencé, c’est la République des donneurs de leçons. Je n’accorde pas une telle importance morale aux élus. L’électeur décide librement qui il élit ou rejette. C’est son vote qui détermine ce qu’il accepte ou non.

L’exemplarité induit forcément une suspicion latente. Le candidat ou l’élu est-il bien un héraut de la morale, ou ne fait-il que se conformer à l’image sociale attendue ? Agit-il en son âme et conscience selon des règles connues ou se soumet-il comme un enfant aux bons et mauvais points donnés par ceux qu’il accepte comme ses juges de moralité ?

Un élu qui exhibe une exemplarité comme un enfant devant ses parents, pour lequel l’exemplarité est une soumission à l’image sociale attendue, m’intéresse moins qu’une personne qui agit de manière correcte parce qu’il en comprend et admet les raisons de l’intérieur.

Pas besoin de démonstration spectaculaire pour ce faire. On n’est pas moral pour les autres mais d’abord pour soi-même. C’est peut-être devenu difficile à comprendre dans un monde de plus en plus construit sur l’image extérieure et sur la peur du jugement d’autrui, où la religion sociale a remplacé la religion de l’âme, où la norme judiciaire prend le pas sur la conscience personnelle de ses actes.

 

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Drapeau doré

Et puis où est l’exemplarité de la République dans une période où l’on ne compte plus les accusations sans preuves, les fuites organisées sur les procédures en cours, fuites délibérément facilités par des personnes en lien avec l’institution judiciaire ?

S’accrocher d’arrache-pied à la notion d’exemplarité c’est mettre les élus en compétition de bienséance morale devant le « tribunal du peuple ». Cette bienséance morale ne garantit pourtant aucune capacité politique particulière ni comportement angélique. Dans cette République supposée exemplaire, Jean-Luc Mélenchon aurait-il sa place, lui qui ne peut s'empêcher d'insulter et d'humilier les petits ?

La République exemplaire est un piège pour celui ou celle qui la prône. Elle conduit au jugement moral sur la valeur même des élus. Je n’attends pas cela. Les humains sont imparfaits, inaccomplis, avec des failles – qui n’en a pas ? Je privilégie cette acceptation de l’humain contre toute idée de perfection ou d’exemplarité. Pour cette raison je ne refuse pas qu’un élu condamné par le passé puisse se représenter s’il a payé sa dette, à l’instar d’Alain Juppé.

Si un exemple doit être donné ce sera avec discrétion, de manière naturelle, sans le revendiquer avec ostentation. Comme un parent qui montre par son simple comportement quelles sont les bonnes et mauvaises manières d’être. Pas besoin de brandir le drapeau doré d’une hyperbolique supériorité morale sur un air de Regardez comme je suis beau et bien. La loi suffit, la morale fondamentale y est incluse. Pourquoi en rajouter ?

À République exemplaire je substituerais les termes de République correcte et efficace. Et plutôt qu’un modèle exemplaire je préfère quelqu’un de bien. Comme Martin, le saint partageant son manteau avec un mendiant. Ce qui prend déjà du temps. Le temps d’une vie.


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11 réactions à cet article    


  • Daniel Roux Daniel Roux 25 mars 2017 12:24

    Des témoignages et des incohérences de l’enquète jettent un doute sur la thèse du suicide.

    Ce sont les décisions de Bérégovoy sur la dérégulation financière qui ont rendu possible les délocalisations et la financiarisation.

     Voici le texte contenu dans l’introduction de la réforme financière, faites par Mitterrand et Bérégovoy en 1986.  : « Les réformes financières qui se sont succédées à un rythme ininterrompu de l’automne 1984 au début de 1986, s’inscrivent dans une perspective générale de modernisation du financement de l’économie française. Leur but a été la constitution d’un grand marché unifié des capitaux, allant du très court au très long terme, au comptant et à terme, ouvert à tous les agents économiques qui peuvent désormais procéder à l’ensemble des arbitrages répondant à leurs besoins. »


    • Paul Leleu 25 mars 2017 16:56

      le problème de François Fillon et de la droite, c’est qu’ils sont eux-mêmes dans une posture morale... ils attaquent sans cesse les ’’assistés’’ et les ’’syndicats’’... alors que eux se gavent d’argent public...

      je partage votre avis, qu’il faut éviter une certaine posture morale vaine... mais dans le même temps, il faut que les élus (particulièrement de droite) cessent de faire la morale aux français.


      • Fergus Fergus 25 mars 2017 17:31

        Bonjour, Paul Leleu

        « Il faut éviter une certaine posture morale vaine »

        Voir ci-dessous.


      • Fergus Fergus 25 mars 2017 17:29

        Bonjour, Hommelibre

        Désolé, mais votre raisonnement ne tient pas : l’exigence d’exemplarité s’appuie dans les pays anglo-saxons, et plus encore scandinaves, sur des lois drastiques concernant l’usage des fonds publics - qui doit être justifié jusqu’au dernier centime - et la prévention des conflits d’intérêt. Naturellement, il va de soi que tout manquement vaut de graves ennuis administratifs et possiblement judiciaires à l’élu pris la main dans le sac, et en général la fin de sa vie politique.

        Or, constate-t-on plus de dépressions et de suicides parmi le personnel politique de ces pays ? Evidemment non !

        A propos d’assistants parlementaire, savez-vous par exemple comment cela fonctionne en Suède où l’emploi de parents d’élus n’est pas interdit contrairement à d’autres pays voisins ? Ces assistants ne peuvent en aucun cas être affectés au service de leur parent élu, et c’est le parti qui fournit les assistants et prend en charge leur paie sur la base d’une grille de rémunération qui s’applique à tous. Autrement dit, c’est le parti qui les emploie, en aucun cas les parlementaires, ce qui est infiniment plus saint ! Intéressant, non ? 


        • Fergus Fergus 25 mars 2017 17:55

          Erratum dernière ligne : lire évidemment « plus sain » et non « plus saint ».

          Aller nicher de la sainteté dans la politique, il fallait oser. smiley


        • cevennevive cevennevive 25 mars 2017 17:41

          Bonjour Fergus, bonjour Hommelibre,


          Fergus, vous écrivez :  « ce qui est infiniment plus saint ! » Il est évident que ce qualificatif « saint » ne s’applique pas aux hommes politiques. Ni « sain » d’ailleurs, et encore moins « sein »...

          Mais c’est juste pour sourire. Vous avez raison.

          Et nous sommes bien loin de St Martin partageant son manteau !

          Remarquez, nous, nous sommes beaucoup à partager quelque chose, ne serait-ce que le mépris pour ces tricheurs. Et là, Hommelibre, je ne parle pas d’Asselineau, vous vous en doutez. 

          Bien à vous deux.


          • Fergus Fergus 25 mars 2017 18:00

            Bonjour, cevennevive

            Je viens de m’apercevoir de ma faute et d’ajouter un erratum avant de lire votre commentaire. Je vois que nous portons le même regard sur cette caste. smiley

            « nous sommes beaucoup à partager quelque chose, ne serait-ce que le mépris pour ces tricheurs »

            En effet, et ceux qui tentent de défendre l’indéfendable sont dans une posture incompréhensible dans la mesure où leur relative mansuétude à l’égard des corrompus revient à pérenniser de fait ces scandaleuses pratiques.

            Cordialement.


          • cevennevive cevennevive 25 mars 2017 17:49

            Pour être plus sérieuse et répondre à Hommelibre, je pense tout de même que Président, Ministres, parlement tout entier, diplomates compris, doivent être exemplaires, car ce sont eux qui nous représentent auprès des autres Pays.


            Nous leur confions une partie de notre avenir par nos votes. Et même si nous ne votons pas pour eux, nous leur déléguons la faculté de nous représenter et de nous faire des lois propres à nous servir pour vivre le mieux possible en communauté.

            Le moindre manquement à l’honnêteté ne peut que desservir nos causes, notre république, notre démocratie.


            • baldis30 26 mars 2017 08:55

              @cevennevive
              bonjour,

              Là où Montesquieu s’est trompé c’est lorsqu’il affirme :

              « La République repose sur la vertu des citoyens »

              L’exemple actuel montre à l’évidence que soit nous ne sommes pas en République, soit les dirigeants de notre pays ne sont pas des citoyens mais des mercenaires, auquel cas ce n’est plus de république qu’il s’agit mais de tyrannie ...

              A moins que Montesquieu n’ait oublié un adjectif dans son aphorisme et que nous devions lire :

              « La République repose sur la petite vertu des citoyens »

              ce qui serait conforme à la réalité au moins au niveau du pouvoir .....


            • JC_Lavau JC_Lavau 26 mars 2017 00:45

              Je rappelle quand même que Pierre Bérégovoy a été assassiné. 


              • lionel 27 mars 2017 11:24

                Une anecdote sur Beregovoy.
                Quand il est devenu premier ministre, il a interpelé les députés en leur disant que certains étaient corrompus et qu’ils devront rendre des comptes. En effet, au lendemain de la guerre du golfe, les pays pétroliers ont versé 110 milliards de dollars d’indemnités à la France pour son engagement, devant principalement servir aux militaires blessés, gazés ou irradiés.
                L’intégralité de la somme a disparu.
                Intéressant, non ?

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