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Accueil du site > Tribune Libre > Le promeneur d’oiseau de Philippe Muyl

Le promeneur d’oiseau de Philippe Muyl

Afin de tenir la promesse qu’il a faite à sa femme, Zhigen, un vieux paysan chinois, décide de faire le grand voyage de Pékin à Yangshuo et de ramener à son village natal l’oiseau qui fut son seul compagnon durant ces années passées loin de chez lui. Qianing, sa belle-fille, riche et belle femme d’affaire, lui demande d’emmener Renxing, sa fille unique élevée dans le luxe, car la personne qui était sensée la garder durant son absence s’est désistée. Bien sûr la petite fille est très mécontente d’être confiée à ce vieux grand-père si peu en accord avec son environnement habituel et son style de vie et elle va, durant le trajet qui les mènera à Yangshuo, lui faire toutes les niches et caprices possibles, cachant ses chaussures dans les toilettes du train, exigeant de manger à toute heure, enfin ils se perdront dans la forêt à la suite de la panne de leur bus et cette mésaventure finira par initier des sentiments, l’enfant s’apercevant alors que son grand-père a un contact particulier et ludique avec la nature et les animaux, monde qu’elle découvre au fur et à mesure de leur expédition. C’est ainsi que ce cheminent à travers les magnifiques paysages de la Chine rurale va l'initier aux valeurs éternelles et que Renxing comprendra que le sens de la vie n’est pas seulement axé sur la réussite et l’argent.

Ce conte ravissant, filmé dans des paysages d'une beauté à couper le souffle, est le septième opus de Philippe Muyl après L’arbre sous la mer, adaptation d’un roman de Nikos Athanassiadis, Cuisines et dépendances, adaptation à l’écran d’une pièce de théâtre et premier succès public de ce Lillois qui avait débuté sa carrière dans la publicité. En 2002, Le Papillon avec Michel Serrault, un film délicieux où un grand-père était déjà l’initiateur des beautés du monde auprès d’une petite fille, sera un succès immense en Chine et incitera le réalisateur à découvrir ce grand pays et à y réaliser « Le promeneur d’oiseau ». Ce long métrage franco-chinois, que j’ai eu la chance de voir en mars lors de la clôture du 16e Festival du film asiatique de Deauville, est une oeuvre pleine de charme, très actuelle entre deux modes de vie : celle d'un jeune couple de Pékin riche et gagné par tous les travers de la modernité et celle d'un vieux paysan resté attaché à ses traditions ancestrales. Entre eux une petite fille, qui pourrait être celle de n'importe quel couple d’aujourd’hui, va comprendre, à l'occasion de ces vacances impromptues, que la vie a certes plusieurs visages mais que l'amour n'en a jamais qu'un seul.

Accaparés par leurs vies professionnelles respectives, les parents s'éloignent l'un de l'autre et délaissent leur enfant, qu’ils se contentent de gâter outrageusement, faisant d’elle un tyran enjuponné et détestable. Quand tous deux doivent, au même moment, partir en voyage d'affaires, la petite fille se retrouve sans garde. La mère est bien soulagée de confier la gamine aux bons soins de son grand-père. Puisque lui aussi a décidé d'entreprendre un périple dans son village natal, ce retour aux sources va être l’occasion de resserrer les liens et de faire découvrir à Renxing que la vie comporte des valeurs extraordinaires, très différentes de celles que lui propose son existence citadine. A propos de son film, Philippe Muyl souligne que : le schéma est représentatif de la société chinoise", par exemple si vous allez dans les parcs en ville, vous verrez beaucoup de grands-parents s'occuper des petits-enfants, qui sont des trésors à protéger", avec la politique de l'enfant unique. "Ce film parle de trois générations particulièrement significatives, car elles représentent trois époques de la Chine" – poursuit-il. "Le grand-père a connu la Révolution culturelle, la petite-fille est dans une société d'hyper consommation acculturée et ne connait plus rien à son histoire, enfin les parents courent après l'argent. C'est la Chine d'aujourd'hui, enfin une partie en tout cas".

L’intérêt du promeneur d’oiseau réside d’ailleurs essentiellement dans cette démarche initiatique d’un homme âgé qui, avec tact et douceur, met l’enfant en présence des grands mystères de la nature, de la beauté des paysages, des ressources insoupçonnées d’un monde à l’opposé du monde technologique et matérialiste qui régit les grandes métropoles. Et la fillette ne sera pas insensible à cette découverte majeure qui sera d’ailleurs, au final, l’argument en mesure de rapprocher ses parents désunis. Ce promeneur d’oiseau est en quelque sorte un magicien, un éveilleur de poésie qui nous enchante comme il enchante sa petite fille. Je vous conseille vivement ce film attachant, plein de grâce et d’humour, admirablement interprété par un acteur très connu en Chine Baotna Li et la jeune Yang Xi Li, tous deux formant un duo craquant et où chacun des spectateurs que nous sommesretrouvera les travers de notre société, atrophiée à bien des égards sur le plan de l’éveil de la sensibilité.

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE


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4 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 7 mai 2014 13:19

    Bonjour, Armelle.

    J’avais beaucoup aimé « Le papillon », j’irai voir ce nouvel opus de Muyl sans hésiter, et cela d’autant plus que votre article m’y encourage.

    A propos de Chine et de petite fille confrontée à un monde différent, aviez-vous vu le magnifique film de Zhang Yimou « Pas un de moins » où une petite fille d’un village de montagne à qui l’on confie à 13 ans l’école du village doit partir en ville à la recherche d’un gamin dissipé et fugueur ? Un autre monde pour cette gamine qui n’était jamais descendue de la montagne. Bref, une découverte contraire à celle du film de Muyl. Puisse le film de celui-ci être aussi séduisant.


    • Old Dan 8 mai 2014 05:01

      Merci à vous de m’avoir fait découvrir ce film.


      • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 9 mai 2014 07:18

        Ca donne envie et ça mérite un écran de cinéma. Je vais essayer de ne pas le rater.


        • Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 9 mai 2014 10:02

          à Fergus et Delanuit :


          Vous ne devriez pas être déçus. C’est un film plein de fraîcheur. Et la petite fille comme le grand-père sont formidables.

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