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Le venin présidentiel

Le site Bellaciao vient de mettre en ligne une pétition pour exiger des débats contradictoires à la radio et à la télévision dans le cadre de la campagne électorale. Il n’est guère besoin en effet de suivre assidûment les émissions politiques consacrées aux élections présidentielles pour s’apercevoir que depuis le début de cette campagne la plupart d’entre elles ont décidé de ne plus organiser de véritables débats contradictoires, substituant à ces derniers la fiction d’une rencontre entre les Français et des candidats à leur écoute.

Les émissions télévisées les plus populaires, telles qu’ A vous de juger ou J’ai une question à vous poser sur TF1, pour ne citer qu’elles, organisent, avec toute la bêtise complaisante que l’on reconnaîtra à ces médias officiels, l’intoxication de la vie politique en France et se font ainsi les alliés objectifs d’un régime présidentiel contribuant depuis longtemps à « dépolitiser » la politique, transformée en un spectacle à mi-chemin entre la Star Ac’ et la tribune à la fascination phallique du démagogue. Sous couvert de vouloir faire revivre l’intérêt des Français pour la politique, les médias ne font que reproduire, par « l’invention » de nouvelles formes de participation des citoyens au débat politique, de vieilles recettes éculées aux ressorts populistes. Ces émissions, qui mettent en scène, jusque dans les moindres détails, un pouvoir politique aux prises avec la réalité quotidienne des Français, visent en particulier à créer chez le téléspectateur, par un phénomène d’identification, le sentiment d’être écouté par des candidats penchés, comme de bons pères, à leurs chevets. Placé dans une arène digne du Circus maximus, le candidat est tenu de répondre aux préoccupations de Français ordinaires dont les questions, quelle que soit leur pertinence, finissent par échouer dans les filets d’une rhétorique conçue pour affronter de plus redoutables adversaires.

Dans cette mise en scène, où le candidat tend un miroir aux téléspectateurs, les débordements pathétiques sont non seulement admis mais encouragés. Ainsi, certains se sont émus, lors de la dernière émission de J’ai une question à vous poser, du geste trempé d’humanité et d’esprit charitable de Ségolène Royal lorsque, submergée par la compassion, elle a posé sa main sur l’épaule d’un paralytique en larmes. Quelle déception - avouez-le - de ne pas avoir vu cet homme se relever pour se jeter dans les bras du candidat thaumaturge en s’écriant « vive la très chrétienne Ségo 1ère, elle m’a guéri des écrouelles ! » L’absence de miracle ne fait ici que dévoiler les rouages d’une farce qui se joue des citoyens réduits à être des moutons de Panurge prêts à se jeter dans l’océan du populisme.

Fondamentalement, ces émissions politiques tentent de nous habituer à une conception de la politique où l’espace de la confrontation est structuré, non plus par des débats opposant des idées, des visions, voire - pardonnez-moi ce ton cavalier - des idéologies, mais par un dialogue fictif entre des candidats tenus de révéler des oracles rassurants et les Français « ordinaires », impatients d’inscrire leurs doléances dans la programmation empirico-bordélique des « pactes présidentiels » et autres « contrats d’avenir » des présidentiables. Je ne doute pas qu’il existe des candidats « honnêtes », avec des programmes bien conçus et des idées à en revendre, mais la légitimité d’une démocratie où le peuple est souverain ne repose pas sur l’addition d’une série de programmes et de projets politiques, mais sur leur nécessaire confrontation. Ces shows télévisés, où chaque candidat est sommé de répondre aux attentes de Français disposés à écouter n’importe quel évangile politique pour peu qu’il caresse leurs peurs et flatte leur ego, consistent au final à évacuer du débat politique la dimension agonistique qu’il revêt nécessairement pour laisser la place à une grotesque mise en scène de la prise en mains par les candidats des problèmes quotidiens des Français.

Ceci dit, n’a-t-on pas tort de s’étonner d’une telle dérive quand l’élection présidentielle est l’occasion d’élire un seul homme qui prétend être allé à la rencontre du peuple ? Que faut-il voir dans ces émissions sinon le symptôme inquiétant d’un régime présidentiel adossé à une conception personnalisée et bonapartiste de la vie politique ? Notre régime n’est certainement pas l’unique procréateur de cette monstruosité populiste et il y a fort à parier que l’avènement en France d’une véritable démocratie parlementaire, fondé sur un rééquilibrage entre les pouvoirs exécutif et législatif, ne dissuaderait pas nos médias de continuer à nous abreuver de la même bouillie. Il n’en reste pas moins que l’élection au suffrage universel direct d’un président dont les prérogatives le rapprochent davantage d’un roi thaumaturge que d’un représentant de la souveraineté populaire, dessine une conception personnalisée du pouvoir dont s’accommode très bien l’appareil médiatique tout attaché qu’il est à consacrer ses stars et autres challengers de la tribune.

La responsabilité dans l’organisation de cette mascarade politico-médiatique n’incombe d’ailleurs pas totalement aux médias concernés, plusieurs candidats, dont certains passent une partie de leur temps à taper sur le lobby médiatique, ayant jusqu’à présent refusé de s’affronter de crainte sans doute d’hypothéquer leurs chances de remporter les élections. Pourquoi se priveraient-ils en même temps de participer à ce type d’émissions qui leur offrent une occasion unique de déployer leur éloquence sans avoir à souffrir des aléas d’un débat contradictoire ? On nous dit que Sarkozy s’en est très bien sorti, que Ségolène a été brillante, que les autres étaient « à la hauteur ». Faut-il vraiment s’en étonner quand ces émissions n’ont précisément pour but que de conforter l’autorité magistrale des candidats et, par là même, de consacrer une élection forte du soutien de l’opinion ?


Le venin répandu dans les veines de la république depuis le coup d’Etat du 13 mai 1958 et l’élection du président de la République au suffrage universel n’en finit pas d’empoisonner nos institutions et l’ensemble de la sphère politique française, à commencer par les partis rongés par ce mal sournois. L’investiture de Ségolène Royal en novembre dernier, à la faveur d’un Coup d’Etat orchestré sur les ruines du fameux, du terrible, du désormais mythique « 21 avril » dont il n’est d’ailleurs plus besoin de situer la date exacte tant sa charge émotive et culpabilisatrice a réussi à anesthésier la gauche et à étouffer tout débat véritable au PS, ne marque-t-elle pas la consécration du projet gaulliste déterminé à achever des partis politiques gangrenés par la rhétorique du chef charismatique ? A l’instar de De Gaulle qui entendait placer l’action du président de la République, organisant pour ce faire son irresponsabilité politique, au-dessus des partis, Ségolène Royal a ravi l’investiture au PS en se hissant au-dessus de son parti et de ses courants. Il est certes évident qu’une victoire de Jospin en 2002, ou à défaut son maintien à la tête du PS, n’aurait certainement pas permis de créer les conditions favorables à un « 18 Brumaire royaliste », mais le sort en a décidé autrement et la situation inédite créée par le 21 avril n’a fait que révéler le pacte faustien que le Parti socialiste a signé depuis longtemps avec la Ve République.

La contamination des partis politiques par l’esprit de la Ve République n’a pas seulement atteint le Parti socialiste, elle a aussi empêché l’unification des forces de la « gauche radicale ». Son incapacité à choisir un candidat unitaire pour se présenter aux élections présidentielles témoigne à cet égard de sa difficulté à s’accommoder d’une élection où la désignation d’un chef étouffe l’expression d’un véritable débat démocratique. D’autres facteurs déterminants, dont il ne s’agit pas ici de sous-estimer le poids, ont joué dans cet échec. En particulier, la méfiance de Besancenot à l’égard d’un Parti communiste tenté de renouveler l’expérience de la « gauche plurielle » et les craintes plus profondes, chez une partie des élus communistes, de subir les conséquences électorales d’une rupture avec le PS ont entraîné le départ d’Olivier Besancenot. Pourtant, force est de constater, après le départ de Besancenot, que la candidature unitaire a achoppé en dernier ressort sur un affrontement de personnes. Quoique l’on puisse penser de la candidature de M.G. Buffet, il est pour le moins étonnant que ses concurrents aient attendu aussi longtemps pour la remettre en cause sous prétexte qu’étant à la tête du Parti communiste, elle risquait de réduire la « gauche radicale » à un dernier avatar du PC.

Au final, on ne s’étonnera pas qu’au terme de cet exercice de style imposé par l’élection présidentielle, celui qui s’en sort le mieux soit Nicolas Sarkozy, sacré à la tête d’un parti où la place accordée au chef est sans doute l’unique et dernière trace de l’héritage gaulliste à l’UMP. La collusion de Sarkozy avec des médias, aussi impartiaux que le Pape est infaillible, n’est bien entendu pas étrangère à l’indéniable fascination exercée par le candidat de l’UMP. Pourtant, n’est-ce pas dans ce parti, baptisé à l’origine Union pour une Majorité Présidentielle, que s’incarne avec le plus d’éclat la figure gaulliste de « l’Homme présidentiel », ultime déclinaison de « l’Homme providentiel » ? N’en est-il pas en un sens le digne héritier à la différence près que, contrairement à ce dernier, « L’Homme présidentiel » n’assoit pas sa légitimité contre les institutions mais la construit avec elles ?

Il est temps de s’apercevoir, quitte à créer quelques désillusions chez certains militants de gauche armés de la meilleure volonté du monde que l’élection présidentielle est foncièrement une élection de droite et qu’il est vain pour la gauche d’attendre, sinon au prix d’un renoncement à ses valeurs démocratiques, un quelconque salut dans une élection bonapartiste et anti-démocratique qui nous condamne à ces pitreries médiatiques et populistes.

Nicolas Foutrier - AGIT LOG


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16 réactions à cet article    


  • chantecler (---.---.146.170) 21 mars 2007 11:26

    Trés bon article....

    Je ne suis pas certain que l’absence d’unité de « la gauche radicale », ne soit qu’un problème d’égo...

    Il me semble justement que derrière la candidature MGB, il y ait la tentation de récupérer un mouvement jeune qui pouvait assurer la survie du PCF...Et de ses élus.

    C’est humain, mais triste...Car il y avait là, la possibilité de rénover le parti et de tirer un trait sur ce qui l’immobilise. Le PCF a un passé que je ne renie pas,mais il semble fixé, malgré des tentatives de rénovation...

    Je l’ai déja écrit : qu’il laisse sommeiller l’idée du communisme, notre société n’est pas prête, et pour l’instant il ne sert, en cristallisant les erreurs et les fantomes du passé, qu’à faire le jeu de ceux qui se prétendent « modernes », alors que de mon point de vue, ils ne sont que profondément régressifs : le capitalisme sauvage a commencé au 18 éme siècle, avec toutes ses crises, ses misères et ses guerres.

    A discuter, bien entendu.


    • LE CHAT LE CHAT 21 mars 2007 11:35

      l’escroc qui a refusé le débat il y a 5 ans a montré la voie. où sont les bons débats ? une solution : un le pen -Bayrou au deuxième tour et vous allez voir les débats les plus animés sur les plateaux de télé depuis bien longtemps lors de la soirée électorale ! ça va saigner ! smiley


      • Voltaire Voltaire 21 mars 2007 11:39

        Je pense qu’un débat Sarkozy-Bayrou serait encore plus saignant et excitant. Avec Le Pen, c’est un peu toujours le même refrain.


      • LE CHAT LE CHAT 21 mars 2007 11:40

        ton article est très interessant, les electeurs défendant les valeurs de gauche doivent se sentir bien orphelins.....


      • Talion (---.---.8.190) 21 mars 2007 12:09

        Le PS ne représente plus la gauche aujourd’hui.

        Preuve en est le nombre de « travailleurs » qui votent Le Pen parce qu’il les défend (ou dit qu’il le fera), alors que la gauche, protège plus les immigrés et le service public que cette population, qui reste au SMIC toute sa vie !

        De même, de nombreux hommes « de gauche » appellent aujourd’hui à voter au centre voir à droite, (comme ces fameux « intellectuels de gauche »).

        Le PS n’a pas fait sa mue, comme l’ont fait tous les parties socialistes d’Europe, et il n’est pas étonnant qu’il chute à cette élection, ce que je souhaite. J’aimerai un PS vraiment à gauche, d’une gauche moderne, à défaut, mon vote ira autre part, comme celui de beaucoup d’autres !!


        • parkway (---.---.18.161) 21 mars 2007 14:42

          il est bien clair aujourd’hui que la seule gauche française est représentée par Mme Buffet.

          les déçus du PS qui votent bayrou seront à nouveau déçus avec lui comme président : c’est clair que c’est un homme de droite qui gouvernera avec l’ump d’aujourd’hui.

          Rien ne changera.


          • Sergio (---.---.150.51) 21 mars 2007 15:59

            Comment peut citer ici, un tel site : Bellaciao, alors même que si vous essayez de poster un commentaire contradictoire vous êtes radié à « vie » ... Et ils viennent nous donner des leçons de démocratie ? Mais ne faudrait-il pas qu’ils se l’appliquent à eux-mêmes ...Mais avec les extrêmes Gauches, la démocratie est pour les autres, pas pour eux !


            • Nicolas Foutrier 21 mars 2007 16:11

              Je ne vois pas de quoi tu parles. Je trouve simplement que l’initiative de Bellaciao est une bonne chose.


            • Romain Baudry 22 mars 2007 01:07

              Le site Bellaciao pratique une censure stalinienne vis-à-vis de tous ceux qui essaient de faire valoir des opinions qui déplaisent aux gérants (par exemple, suggérer que Cuba n’est pas le paradis sur Terre). C’est pour ça qu’il est assez ironique de les voir brandir l’étendart de la liberté de débat.

              Nonobstant cette ironie, je pense aussi qu’il serait positif qu’aient lieu des débats entre tous les candidats avant le premier tour. Malheureusement, je n’y crois pas une seconde.

              En ce qui concerne notre régime politique, il ne faut pas se faire d’illusion : la personnalisation à outrance n’est pas pire que les intrigues et les arrangements entre partis qui se succédaient sans cesse sous les IIIème et IVème Républiques. Je pense que, si les Français préfèrent aujourd’hui un système dominé par une personne, c’est qu’il est plus facile de savoir qui rendre responsable lorsque quelque chose ne va pas (et plus facile aussi de choisir l’alternative lors des élections).


            • [email protected] (---.---.60.158) 21 mars 2007 19:51

              Cet article est totalement déconnecté de toutes les réalités propres à une élection présidentielle, comme il l’est de cette identité française, dont tout le monde parle, quand bien même très rares sont ceux qui savent précisément de quoi il retourne !

              Si l’auteur décortique avec volupté, donc longuement, toutes les tares du dialogue direct entre électeurs et candidats, il se garde bien de préciser ce qu’apporteraient des débats contradictoires et pourquoi il croit à ce qu’ils apporteraient...

              Me rendant alors sur le site de Bellaciao, j’y découvre cette perle de la plus belle eau utopisante : « Les projets de société doivent être confrontés pour que les citoyens se forgent leur opinion. » C’est à hurler de rire !

              PROJET DE SOCIETE

              1° les candidats présidentiables n’ont pas de projet de société. Le projet de société est l’apanage de petits candidats n’ayant aucune chance de concrétiser leur projet, ce qui évidemment est létal pour la crédibilité dudit projet.

              2° si les candidats présidentiables se réclamaient d’un projet de société à peine précis, les téléspectateurs ne lui accorderaient aucun crédit.

              3° si les candidats présidentiables affichaient des projets de société crédibles, ils en résulteraient des votes de rejet beaucoup plus nombreux que les votes d’adhésion.

              Imaginons que Royal, poussant sa logique gauchère à ses ultimes conséquences, inscrive, dans son programme, des hausses massives de prélèvements fiscaux au titre de la solidarité nationale et avec le tiers monde...

              Cela signifie qu’en termes de projet de société, la marge de manœuvre des candidats présidentiables est extrêmement faible, puisqu’il s’agit de ne pas se couper de cette part fluctuante de l’électorat qui est indispensable au rassemblement d’une majorité absolue au deuxième tour.

              ELECTORAT ET DEBATS CONTRADICTOIRES

              L’auteur situe la campagne actuelle « à mi-chemin entre la Star Ac’ et la tribune à la fascination phallique (sic) du démagogue », sans se rendre compte que le débat contradictoire n’est rien d’autre qu’une forme différente du spectacle politique. Le dialogue direct est au débat contradictoire ce que la Star Ac’ est au catch. Rien de plus, rien de moins.

              Le célèbre débat Giscard-Mitterrand de 1981, fait maintenant rire au théâtre, alors que son contenu n’est ni suranné ni anachronique, que l’immense talent des acteurs - et, en particulier de Jean-François Balmer - n’y est pour rien et que les deux protagonistes ne correspondent pas vraiment à l’image qu’on se fait du gai luron...

              Lors du débat contradictoire, les téléspectateurs comptent les coups, admirent les prises de leur champion, dénigrent le comportement de l’adversaire, ou alors se font une opinion définitive, à partir de considérations émotionnelles, sans rapport avec le contenu d’un débat OBLIGATOIREMENT sans surprise quant au fond.

              En 1960, un autre débat fameux avait opposé Richard Nixon John Fitzgerald Kennedy, qui ne devait l’emporter que pour une poignée de votes : « John Kennedy et Richard Nixon s’assirent face à face dans un studio de télévision, un petit voyant rouge s’alluma au-dessus d’eux et on sut tout de suite que c’était fini pour Nixon (...) On prétendit que le maquillage et les éclairages étaient responsables de cet échec, mais le problème de Nixon était bien plus profond que cela. Ce problème, c’était Richard Nixon lui-même. Non pas ce qu’il disait, mais l’homme qu’il était, et dont la caméra fit ce soir-là un portrait parfaitement fidèle * ».

              Au sujet de ce duel, Marshall MacLuhan devait déclarer : «  ...c’est la télévision elle-même qui devait finalement arbitrer cette confrontation, en provoquant un véritable désastre pour le candidat Nixon dont le visage était trop dur de traits et trop intense, tandis que John Kennedy, plus chevelu, plus rond de traits et de manières, en tirait un immense bénéfice*. »

              Vous avez dit « projets de société » ? Soyons sérieux...

              Pris en main par des spécialistes qui avaient tout compris de la mécanique du succès, Nixon, le looser à répétition, allait l’emporter haut la main, en 1968... MacLuhan observe encore : « Le débat sur les grands problèmes, la stratégie politique, qui relevaient d’un ordre trop précis, voire spécialisé, n’occupent plus le devant de la scène en période électorale. Là où jadis on discutait, on confrontait des points de vue, on s’efforce avant tout, aujourd’hui, de faire surgir et d’imposer l’image des candidats.* »

              Et ça tombe bien, parce que cette image, c’est justement ce qu’attend l’électeur. Pourquoi cela ? Un membre de l’équipe Nixon, William Gavin, un intuitif de la communication politique, écrivait avec une pertinence absolue : « L’électeur est fondamentalement paresseux, et on ne peut en aucun cas espérer qu’il fera le moindre effort pour comprendre ce qu’on lui dit. Raisonner exige un haut degré de discipline et de concentration ; faire impression est plus facile. Le raisonnement repousse le téléspectateur, ou bien l’agresse, exige qu’il acquiesce ou qu’il refuse ; une impression peut au contraire l’envelopper, l’inviter sans le placer devant une exigence intellectuelle.* »

              Vous avez dit « projets de société » ? Soyons sérieux...

              Un autre membre de l’équipe Nixon, Harry Treleaven, écrira après l’élection de George Bush père : « La plupart des grands problèmes nationaux sont aujourd’hui si complexes, si difficiles à comprendre, et sujets à tant de controverses qu’ils intimident la masse des citoyens, ou qu’ils l’ennuient (...) Rares sont les hommes politiques qui osent le reconnaître.* » Alors, en France, sans le reconnaître, lorsque les médias leur offrent le dialogue direct, ils saisissent la perche à deux mains, et ne la lâchent plus.

              Vous avez dit « projets de société » ? Soyons sérieux...

              PRESIDENTIALISME A LA FRANCAISE

              « ...l’élection du président de la République au suffrage universel n’en finit pas d’empoisonner nos institutions... » écrit l’auteur de l’article, pour parachever ses errances. C’est qu’il croit que cette élection est le fruit d’une volonté, celle de De Gaulle, approuvée à l’aveuglette par un électorat abusé... Or, ce n’est pas ça du tout.

              L’élection du président de la République au suffrage universel est inscrite au plus profond de l’identité nationale d’une France fondamentalement « monarchiste » et qui le restera tant qu’elle ne sera pas submergée par des identités culturelles venues d’ailleurs. Que le « Roi » s’appelle Henri IV, Napoléon, Clémenceau, Pétain, De Gaulle, Mitterrand, les mêmes foules l’ovationnent, les mêmes foules l’adulent comme un souverain, et le dépècent comme un monarque déchu, dès qu’elles ont le sentiment qu’il a failli...

              Mais qu’est-ce que des universalistes de gauche peuvent comprendre à ces choses-là qui vont contre toutes leurs croyances, tous leurs dogmes, toutes leurs théories et toutes leurs superstitions, au sens premier ?

              * Comment on « vend » un président, Joe McGinnis, Arthaud, 1970 (le livre n’a pas pris une ride, mais la technique s’est considérablement améliorée encore, dans le sens de plus d’efficacité)


              • [email protected] (---.---.60.158) 21 mars 2007 19:52

                Oooooops,

                L’adresse de l’auteur est

                [email protected]


              • Nicolas Foutrier 21 mars 2007 20:53

                A foncel : Quelle véhémence ! Je vais vous faire un aveu ; je ne suis pas moi-même très convaincu par les vertus politiques des médias et il est vrai qu’un débat politique retransmis à la télévision demeure un spectacle. Avez-vous lu l’article jusqu’au bout ? A vrai dire, si vous saviez lire entre les lignes, vous auriez compris que mon article n’était pas un vibrant plaidoyer pour obtenir des débats contradictoires à la télévision quoique, vous l’admettrez, il est toujours plus intéressant de voir des hommes politiques s’affronter que d’assister à un numéro de tribun en solo. Ce que j’ai voulu dire, entre autres, c’est que l’espace politique se construit à travers le débat et l’affrontement, et non dans la présentation-benchmarking de différents candidats entre lesquels les électeurs doivent voter.

                Sinon, je suis complètement d’accord avec vous pour dénoncer la dérive monarchiste de la Ve République. Nous avons d’ailleurs publié un article à ce sujet sur notre blog, AGIT LOG.


                • (---.---.73.200) 22 mars 2007 11:32

                  D’accord sur l’analyse, pas sur la conclusion.

                  Par ailleurs, la lecture fait bien ressortir le paradoxe : Les prétendants n’ont jamais été aussi médiatisés, choisis pour leur ’look’ au détriment de leurs convictions (pas de débats), et en même temps, on ne leur a jamais accordé autant de pouvoir potentiel (cf. la déception dans la scène du handicapé. Pardon pour lui).

                  Mais la conclusion : «  » … l’élection présidentielle est foncièrement une élection de droite …« , confortée par Le Chat : »« …, les électeurs défendant les valeurs de gauche doivent se sentir bien orphelins..... », est défaitiste pour la gauche et n’est pas recevable en l’état.

                  J’ai envie de dire aux gens de gauche qu’il est probable qu’il n’y aura pas un duel Sarkozy Le Pen. A eux deux ils ne font pas assez de voix. Mais la droite qui veut nous le faire croire, joue sur le traumatisme du 21 avril 2002. Exprimez-vous sans calcul ni réserve, c’est à ça que sert le premier tour.

                  Le choix n’est peut-être pas celui qu’on nous dit : le vrai choix serait entre pérenniser le système ou se prononcer contre. Les politiques répètent inlassablement que la France n’est pas réformable. Ce sont eux qui ne veulent pas réformer leur système de pensée. On peut leur imposer le changement par un vote protestataire.

                  Et par vote protestataire, j’entends le Centre aussi bien que les extrêmes.

                  Quant à ce vote protestataire, qu’on ne s’y trompe pas : parmi les ’grand candidat’ il n’en est aucun qui représente la gauche républicaine. C’est pourquoi beaucoup, écœurés et découragés, sont tentés par l’abstention. A ceux là je dis : cherchez bien à gauche qui peut représenter ce courant que je crois très puissant, et votez pour lui (ou pour elle), sans arrière pensée. Le premier tour ça sert à ça. smiley


                  • JL (---.---.73.200) 22 mars 2007 11:46

                    J’oubliais, évidemment, tout est fait pour nous inciter à croire que l’on élit un monarque absolu. Dans ce sens c’est une élection de droite.

                    On n’imaginerait pas élire un monarque absolu issu de la gauche ! Ségolène Royal passe encore, mais les autres ...

                    Il appartient au peuple de ne pas tomber dans le panneau. Nous n’avons pas ici à élire un tyran totalitaire mais le chef de l’état. Et à ce titre les candidats de droite n’ont aucune prérogative particulière.


                  • Guillaume (---.---.94.142) 12 avril 2007 13:06

                    Foncel est un grand oracle : il connait « l’identité française »... J’imagine la réaction de Foncel en 1792 : comment ! vous voulez faire la République, mais voyons, jeunes fous, ça fait 9 siècles que nous avons un Roi ! Foncel, ta vision de la politique à la Hobbes (la politique n’est qu’un spectacle qui se cache comme pouvoir, et le gouvernant n’est qu’un masque nécessaire au bon peuple crétin) ne nous intéresse pas. La politique est un volontarisme ou elle n’est pas. Sinon, on rentre chez soi..


                    • ddacoudre ddacoudre 28 mai 2007 20:32

                      exellant article. J’espère que tu n’en resteras pas là. je crois que sans sous estimer la lettre que Sarkosie veut faire lire dans les écoles en mémoire d’un jeune martyre de la dernière guerre, geste parfaitement médiatique comme tu l’expliques si bien. il serait bien plus utile de faire apprendre de La BOETIE « discours de la servitude volontaire ». Pour autant nous n’enfinierons pas des diverses représentations de l’ëtre providentiel, car nous sommes éduqué et élevé dans une sociétée « judéo chrétienne » ou l’image du Père ordonnateur et trés forte. il ne faut donc pas être surpris qu’une majorité le rechercheou le reconstitue sous diverses formes. dans un esaisj’ai appelé ce mécanisme, « LE DOMINANT SYTEMIQUE » car pour accéder au pouvoir du « Père » il n’est pas nécessaire d’être le meilleur, mais le plus adroit dans l’utilisation des processus médiatiquo promotionnel. Mais il en est ainsi et cela demeurera car pour exister et vivre il n’est pas utile de posséser un DEA d’histoire, mais cela aide quand il faut porter une appréciation sur son quotidien ; mais qu’est-ce face à la récurance de l’impact unicolore de l’information qui entre volontairement ou non dans l’esprit des populations qui y sont soumises. c’est ainsi que les valeurs de la gauche socialiste ont glissé à droite car ceux qui forment les militants de la gauche vivent et raisonnent de plus en plus comme des gens de la droite. Il est important de savoir que biologiquement nous sommes des êtres conditionnables, c’est pour cela que ceux qui détiennent l’information détiennent le pouvoir. Mais l’histoire que tu connais bien, montre qu’il se lève toujours des êtres comme toi pour inverser ce qui nous paraît indéfectible. car le temps n’existe que dans notre esprit et sans nous en rendre compte nous générons au quotidient les évènements qui nous conditionnerons demain. je te joins un extrait d’un essai que j’ai écrit en 2000 ou je décortique un peu ce temps aprés lequel on cours.

                      ...c’est quoi le temps ?...

                      Comme cet exemple le démontre, il surgit une contrainte rigide, celle du temps, du temps social ou conventionnel (simple paramètre culturel qui permet d’ordonner les événements), que nous gérons sur notre planète. C’est quoi ce temps ? Pour en gagner, nous pouvons toujours imaginer des voyages cosmiques à la vitesse de la lumière permettant d’apprendre dans un laps de temps qui s’écoulerait moins vite que sur la planète. Mais c’est là, plus une prospective futuriste due à notre ignorance, qui fait, que si tout le monde a entendu parler de la relativité générale d’Einstein, peu d’entre nous sont capables de l’expliquer. De fait nous vivons par nécessité avec une mesure de temps structurant dont nous nous accommodons, sauf, entre autres, dans l’utilisation de systèmes de navigation basés sur les signaux de satellites, car sans tenir compte de la Relativité, les calculs en seraient faux. De sorte que sur le temps structurant nous ne pouvons rien gagner, hormis l’aménager. Pourtant dans notre quotidien il n’est pas rare que nous nous querellions au cours de la perception d’un événement autour du temps. Je pense aux alignements litigieux du hors jeux au football. Est-ce que nous allons le mesurer à 299 792 458 mètres par seconde ? (Vitesse de la lumière en étalon historique normalisé, le mètre social, alors que nous, nous percevons une image entre 180 et 360 millisecondes, et nous, en sommes conscients entre 540 et 720 millisecondes) Même si nous pouvions le faire, pour avoir la même vision, il faudrait que tous les spectateurs soient à la même place, et que nous soyons assurés que la perspective ne déforme pas notre vision. Et la télévision ? Elle nous renvoie son temps, et elle nous trompe en exigeant de nous, que nous fassions notre le sien, au nom de l’impartialité télévisuelle, alors que ce n’est que celui du cadreur ; à qui, il est tout aussi impossible de saisir l’instant réel qui va trancher le litige. Ensuite nous ferons appel à la technique pour résoudre le litige. Cette même télévision ne nous explique-t-elle pas qu’elle nous fait vivre en direct instantané des événements qui se produisent à l’autre bout du monde. Naturellement c’est faux. Nous n’avons ni l’odeur ni la sensation ni une vue personnelle car il s’agit d’un langage commercial sélectif, d’une réalité partielle, dont chacun tire l’émotion qui l’arrange. Ceci parce que l’information nous arrive dans un temps que nous ne pouvons pas mesurer consciemment. Cette réalité ne nous est pas perceptible du fait de nos limites, mais l’intelligence peut la connaître et tenir en compte, au-delà des luttes d’images émotionnelles. Je m’explique, je veux dire que l’image télévisée, n’est qu’une suite de photos. Autant nous avons conscience qu’une photographie fixe un événement passé, et suscite l’imaginaire, autant nous perdons cette réserve de vue, à cause du mouvement qui est donné à la succession de photographies qui défilent, parce qu’elles ressemblent à un instant de vie proche. Un événement retransmis n’est qu’un fragment de vie, il est partiel et partial, il n’a toute sa valeur de réalité qu’à partir du moment où vous l’avez vécu, ou que vous connaissez l’histoire des événements qui l’ont emmené. Sinon le film d’un événement reste des photos qui nous parlent, comme nous disons improprement, car le dialogue c’est nous qui le faisons avec notre imaginaire. Nous en oublions trop souvent, que les médias et la télévision en particulier sont un commerce d’audience. Ils sont une loupe grossissante, tant ils sont le reflet de la notoriété qui est sous-jacent en nous. Ainsi, le seul fait d’avoir réduit le temps à sa plus petite expression nous fait entrer dans la vie virtuelle des autres, dont nous gardons le plus souvent des caricatures. Sauf que nous, nous croyons connaître la vérité parce que nous en avons vu des fragments. Ce phénomène n’est pas nouveau puisque c’est là nos limites. De tout temps les hommes ce sont distribués des bribes d’informations, qu’ils ont reliées pour en tirer une suite historique dont leurs connaissances et leur propre imaginaire ont comblé les blancs, quand par soucis politiques, ils ne les ont pas mystifiés. Mais par l’information médiatique, nous sommes entrés dans une tendance à l’anticipation par soucis de gain de temps dans une concurrence à l’information, qui conduit les commentateurs et spécialistes à donner leur avis sur les événements avant même que soit connu les éléments ayant concourus au développement de l événement survenu. Cela n’est pas sans incidence sur l’appréciation de l’événement sociétal, car parfois il devient plus dangereux de corriger une contre vérité que de laisser s’en développer la rumeur. D’autres fois nous sommes déçus d’avoir cru que l’anticipation est une science sûre (statistiques), ou nous nous glissons dans la peau de l’anticipation, confirmant de fait ce qui n’était qu’une interprétation. Nous passons ainsi d’un outil de lecture à un outil qui nous dirige.

                      Ainsi la perception du temps et son utilisation va organiser aussi notre réflexion, et par elle nos relations sociales.

                      j’ai regardé ton blog c’est bien. bon courage.

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