Si le monde politique fourmille de contradictions, le mouvement des écologistes dits de droite en est un bon exemple. Selon le dictionnaire Hachette de l’année 2005, l’écologie est « la protection de la nature, de l’environnement ». Or si, comme nous l’avons montré dans un précédent article, une constante des partis de droite, notamment de l’UMP, est l’acceptation du capitalisme, de la concurrence entre individus afin de permettre la croissance économique, il est vrai qu’on voit mal comment la protection de l’environnement, en tant qu’elle impose nécessairement un frein aux ardeurs des entrepreneurs, pourrait être pour eux une préoccupation majeure.
Une étude des programmes de Corinne Lepage, Antoine Waechter et consorts s’avère alors très amusante, pour ne pas dire tragicomique.
Le capitalisme à l’épreuve de l’écologie
De toute évidence, ni Madame Nathalie Kosciusko-Morizet, ni Madame Chantal Jouanno, qui lui a succédé au poste de secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, n’ont songé à remettre en cause leur appartenance à la pensée politique de droite sous prétexte qu’elles étaient chargées de la défense de l’environnement, pas plus que Monsieur Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement et de l’Améganement durables.
Le plan dit "Grenelle de l’Environnement", promis par le premier gouvernement Sarkozy en mai 2007, qui avait par exemple pour but de :
"lier la compétitivité et l’emploi à l’environnement, (...) intégrer environnement, développement économique et progrès social, (...) dessiner les contours d’une économie dynamique mais plus douce et plus humaine, c’est-à-dire moins prédatrice par rapport à l’environnement et plus solidaire vis-à-vis des générations futures" (site du gouvernement)
a surtout émis des propositions dont l’application ne pourra être vérifiée qu’à l’horizon 2020, si du moins elles sont acceptées, tandis que de bonnes idées initiales, comme par exemple la diminution de la vitesse réglementaire des voitures de 10 km/h ont d’ores et déjà été abandonnées. Sans doute un problème de compétitivité. De fait, il n’est pas question pour Nicolas Sarkozy de remettre en cause la bonne santé relative des entreprises françaises : l’intervention de l’Etat (établissement de normes supplémentaires s’agissant de la qualité de la nourriture, remise des Organismes Génétiquement Modifiés, du nucléaire, etc...) n’est donc pas possible pour le moment, notamment à cause des concurrents, comme se plaisent souvent à dire les bien-pensants, à l’instar de la Chine ou des Etats-Unis, qui, en grands méchants, "ne veulent rien faire pour protéger la planète"....
En réalité, si le chef de l’Etat est si frileux, c’est d’abord parce que la France est, et de loin, le plus gros utilisateur de l’électricité nucléaire relativement à la production totale (78% du total) loin devant les Etats-Unis (19%) ou la Russie (16%). De la même façon, s’agissant des OGM, la France et l’Europe, au nom de la sacrosainte liberté du commerce, se sont rangés à la décision des Etats-Unis qui les exhortait devant l’Organisation Mondiale du Commerce à en accepter l’importation.
La dernière plaisanterie du gouvernement à propos de sa prétendue politique écologique a été la fameuse "contribution climat-énergie". Nonobstant le caractère extrêmement flou des modalités de redistribution, elle n’est somme toute qu’un prétexte (17 euros par tonne de CO2, soit un tiers de ce qui avait été proposé par Monsieur Michel Rocard...) pour alléger, en contrepartie, les charges des entreprises et du travail. De même, quand on sait, ainsi que l’a très bien dit Ségolène Royal, que les produits non-polluants coûtent naturellement beaucoup plus cher que les produits "propres", il est évident que les plus modestes n’auront pas les moyens d’éviter cette taxe à la fois injuste (ce n’est pas un impôt progressif) et dégradante sur le plan collectif, en tant qu’elle conditionne l’intervention de l’Etat à la seule pollution atmosphérique.
L’écologie naturaliste et l’écologie pragmatique
En marge du gouvernement, d’autres mouvements classés à droite se veulent devant les Français les défenseurs de la nature. Ainsi, Madame Corinne Lepage (CAP 21) ou Monsieur Antoine Waechter (Mouvement Ecologiste Indépendant) s’inscrivent dans ce qu’il est convenu d’appeler l’écologie politique. Idéologiquement instables, oscillant entre le centre-gauche, le centre-droit et la droite (Corinne Lepage fut ministre de l’environnement d’Alain Juppé), ces deux individus ne semblent pas avoir d’orientation clairement définie au niveau du social, de l’économie ou de la politique internationale, tant et si bien qu’on hésite à les considérer comme de véritables personnalités politiques à part entière. Si M. Waechter annonce "être à égale distance de la gauche et de la droite", il se distingue surtout par sa défense à tout prix de la nature et son refus de considérer l’homme la fin de l’évolution . En deux mots, ce passéiste nostalgique de ces temps où l’aristocrate, essentiellement rural, damait le pion au bourgeois, habitant des villes et suppôt de la révolution industrielle ; cet opposant farouche à la mondialisation et aux progrès de toutes sortes, appartient à ce que nous appellerons la tradition naturaliste, partisan, dans la droite filiation de Rousseau et du maréchal Pétain, de "la nature qui ne ment jamais".

Quant à Madame Lepage, habituée par sa profession d’avocate à défendre les entreprises accusées de pollution comme les collectivités qui en sont victimes, elle a fait du thème de l’environnement son fonds de commerce, sans avoir jamais eu besoin de donner plus de précisons que cela sur ses idées politiques : elle est d’ailleurs une girouette en la matière, proche successivement de Juppé, d’André Santini, de Bayrou et de Borloo, mais surtout rarement au bon endroit au bon moment (du moins depuis une dizaine d’années), et pour preuve, elle a fait le choix désastreux du MoDem aux élections européennes de juin 2009 tandis qu’ Europe Ecologie caracolait en troisième position juste derrière le Parti Socialiste...
La récupération américanophile et culpabilisatrice
D’autre part, à la suite de la diffusion du film dramatisant et culpabilisateur du politicien démocrate américain Al Gore, "Une Vérité qui dérange", la droite française, alors au pouvoir, a semblé plus impliquée que jamais dans la protection de l’environnement.
Signe d’un processus débilitant à l’oeuvre, l’écologie fait aujourd’hui consensus, comme si, en dépit de la diversité des modèles économiques et sociaux prônés par la droite et par la gauche, tout s’effaçait devant cette urgence : sauver la planète afin que "nos enfants aient un monde meilleur"... En culpabilisant les particuliers, ces films, chansons (la plupart du temps américains ou portant un nom américain, à l’instar de "Home") et autres interventions médiatiques indignes montrent aussi que la puissance publique n’a pas la volonté d’agir, parce qu’elle n’en a plus les moyens. Désormais, ce sont les particuliers qui devront faire des efforts, chez eux et sans même qu’une loi quelconque vienne sanctionner leur comportement ; et c’est cela que la classe politique nomme aujourd’hui citoyenneté. Bien au contraire, cette individualisation de notre destin commun marque la déprise du lien politique, à l’époque du libéralisme économique triomphant et de la perte de sens de tout projet collectif.
Cette perte de sens, c’est justement ce contre quoi nous luttons et lutterons à travers ces articles.
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