Les Géants du net, acteurs incontestés à l’avenir incertain ?

Les principaux leviers de l'économie numérique

Qui sont-ils ?

Le premier luron devenu larron, Apple, nous vend des objets communicants, ordinateurs, tablettes ou smartphones et, avec son Apple Store met à notre disposition toutes sortes d'applications, jeux, et contenus culturels. Google se charge, avec son moteur de recherche, de nous guider dans ce grand bazar géant, ce "souk planétaire" qu'est devenu le monde de la connaissance, de la culture, de la distraction et plus généralement de la consommation, en prenant au passage de solides commissions avec les commerçants et autres marchands que l'on est susceptibles de rencontrer. Il s'intéresse aussi beaucoup à l'émergence de cet homme bionique et aux prothèses électroniques qui équiperont demain l'humain. Facebook, c'est le café du commerce ou le café de Flore suivant les cas, le dernier salon où l'on aime se faire voir et où l'on échange bons mots et photos, mais attention les murs électroniques ont des oreilles et les serveurs sont kleptomanes. Le dernier larron Amazon joue, moyennant commission, tantôt au concierge du Georges V, ou au porteur de paquets et occasionnellement au Père Noël ; bientôt il sera aussi livreur de pizza, ou coursier à domicile avec ses petits drones télécommandés. Grâce au succès planétaire de ces entreprise du net, tout va pour le mieux dans ce meilleur des mondes.

L'hégémonie du GAFA

Par leur valorisation, Wall Street atteint des sommets. Avec "ce sentiment de richesse" retrouvé (pour certains), l'économie mondiale, aux dires des experts, serait à nouveau sauvée. Selon Reynald Fléchaux² avec une croissance 33 % plus élevée que celle de la Chine

« En 2014, la croissance moyenne des GAFA était de 12 %. Contre 9 % pour la Chine… et 0,3 % pour la France. Quand un GAFA recrute un employé, leurs concurrents ont besoin d’en embaucher entre 3 et 9 pour réaliser la même croissance de chiffre d’affaires. Le différentiel est ainsi de 1 à 9 entre Facebook et Publics ». Les 4 acteurs américains totalisent plus 123 milliards de dollars de réserves financières, essentiellement amassées par Google et Apple. Soit de quoi racheter les 50 start-up les plus prometteuses du moment (selon le classement du Wall Street Journal). Les GAFA conservent une part significative de ce trésor de guerre dans des paradis fiscaux pour éviter d’être taxés par les États-Unis. Chacun dans son secteur, les GAFA dominent outrageusement leur marchés, en les mettant en position préférentielle sur les nouveaux marchés que crée la transformation numérique (Internet des objets, robotique, voitures autonomes, drones…). Google contrôle 90 % de la recherche dans le monde. Apple 45 % du trafic Web issu des smartphones. Facebook 75 % des pages vues sur les réseaux sociaux aux États-Unis. Chacun du GAFA a réussi des percées décisives sur son ou ses marchés. Google a ainsi pris le contrôle du marché des navigateurs en l’espace de 4 ans. En 2008, Internet Explorer totalisait 60 % de parts de marché. 4 ans plus tard, il était dépassé par Chrome. En 2010, Apple vendait 3 millions d’iPad en 80 jours… 10 fois plus que ce qu’avait fait Microsoft avec les tablettes Windows XP sur toute l’année 2001. En 10 ans, Facebook s’est adjugé 16 % du temps passé online (chez les internautes américains).

Pour FaberNovel³, le GAFA ne réfléchit jamais en termes de géographie ou de culture. « Chaque humain connecté est un client potentiel et chaque humain non connecté devrait l’être », écrit le cabinet de conseil. Cet axiome explique les initiatives de Google (le projet Loon) ou de Facebook (projet Internet.org) pour relier les populations du monde entier à Internet. C'est le facteur clé de succès  : une culture d’entreprise organisée autour du client. Le GAFA a mis en pratique avant les autres la politique du client-roi. Il est au centre de la création de richesse. Voilà pour le principe qui change tout  : Elles ne gèrent pas des produits mais des clients. Ce qui compte  ? L’engagement dans le long terme. Quitte à faire passer la création de valeur du client avant celle de l’entreprise.Pour s’imposer, le GAFA s’adresse toujours au plus grand nombre en privilégiant la facilité d’usage. Leurs activités répondent avant tout à des besoins  : trouver plus vite grâce au moteur de recherche Google, écouter plus de musique plus facilement sur son iPod, ou encore accéder à un hyper-choix de produits depuis chez soi sur Amazon. “Ce modèle client-centric ouvre des perspectives. Il est plus facile de se diversifier quand on connaît son client plutôt que son produit. La très forte maîtrise de la data leur permet de bâtir des stratégies de diversification construites sur le parcours client”, décrypte Sarah Nokry⁴.

Google, Apple, Facebook et Amazon valent autant que les 40 premières valeurs françaises cotées. En effet, en Bourse, ces entreprises semblent n’avoir besoin de l’aide de personne. Apple (748 milliards de dollars de capitalisation), Google (370 milliards), Facebook (223 milliards) et Amazon (175 milliards) pèsent aujourd’hui 1.516 milliards de dollars ! (1.336 milliards d’euros). Et pour les amateurs de comparaisons, si nous prenons six des plus gros détenteurs de cash du Nasdaq, Apple, Microsoft, Google, Cisco, Oracle et Qualcomm, nous obtenons une trésorerie cumulée de 430 milliards de dollars. De quoi s’offrir les 23 plus faibles capitalisations boursières du CAC 40. Mais c’est bien Apple qui fait figure de superstar des marchés. Apple pourrait valoir un jour autant que le CAC 40 dans son ensemble. Mais jusqu’à quand devra durer cette hégémonie ? Selon FaberNovel, chacun des 4 GAFA est positionné, via des offres, des rachats ou des partenariats, sur les 7 industries clefs de la transformation numérique : les télécoms , la santé, la distribution, les énergies, les média et le divertissement, la finance ainsi que le voyage et les loisirs. Ces nouveaux patrons qui ont changé le monde allient une réussite énorme et un pouvoir qui fascine, mais cette fascination pourrait bien se transformer en défiance, car aujourd'hui les barons de la high-tech apparaissent comme des menaces pour nos démocraties, se moquant des lois et des communautés. Installés près de San Francisco, ils ont déstructuré la ville, expulsant les habitants pour s'y faire construire des palaces, désorganisant volontairement les services publics et refusant d'y payer leurs impôts. Un cas d'école qu'ils veulent appliquer à l'ensemble du pays et de la planète.

Mais tout comme leur croissance était remarquable des signes de déclin se font ressentir aussi. Les consommateurs ne sont plus les mêmes.

L' illusion d'une fin ?

Le GAFA est confronté à un public hétérogène et changeant. Ce qui constitue vraiment un casse tête pour ces prometteurs du '' modèle client-centric ''. Certains de ces géants du net perdent peu à peu du terrain au niveau des consommateurs. Facebook notamment est confronté à cette situation. Le nombre d'audience baise. Les soupçons de collaboration entre ces géants du net et les services d'espionnage des États sont évoqués par les associations de protection des droits des utilisateurs au par des médias. Aux États-Unis neuf entreprises ont été accusées par des internautes de fournir au gouvernement américain un "accès direct" à leurs serveurs, selon le quotidien britannique The Guardian et l'Américain The Washington Post, qui révèlent ces méthodes. Jean-Gabriel Ganascia ; professeur à l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI) où il enseigne principalement l'informatique, l'intelligence artificielle et les sciences cognitives. ajoute à ce sujet, dit « Nous savons que les États, en particulier ceux des États-Unis, vont plus loin : ils demandent à Google de leur fournir des informations, au prétexte d'assurer la sécurité. La conséquence majeure apparaît évidente : on supprime les libertés individuelles ! »

Ces données, recueillies dans le cadre d'un programme secret, baptisé Prism, permettraient à l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) et au FBI de surveiller les activités d'étrangers. Et ce n'est pas tout, Facebook continue son tour d’Europe des tribunaux. Un mois après Paris, où la justice française s’est déclarée compétente dans un conflit l'opposant à un internaute, les avocats du réseau social se trouvent aujourd'hui à Vienne et en Autriche. Une plainte à l’encontre de la filiale européenne du groupe pourrait y être là encore jugée recevable par un tribunal, donnant lieu à une procédure dans laquelle 25.000 plaignants se sont déjà impliqués. L’objet de leur courroux : la collecte et l'utilisation opaques que fait Facebook des données personnelles de ses utilisateurs. Nicolas Beunaiche⁵,dans son article au journal 20 Minutes⁶ passe en revue les idées reçues sur ce que peut savoir ou non le réseau social de vous « Ce n’est pas parce que vous n’avez pas de compte que Facebook ne sait rien de vous. Facebook peut savoir beaucoup de choses, même ce que vous ne lui avez pas dit. Facebook a très bonne mémoire, il peut même se souvenir de ce que vous supprimez » Autre signe marquant la fracture relationnelle entre ces acteurs au noms superlatifs et la société est la contestation sociale. En effet Apple, Google et Facebook, en plus de devoir gérer le conflit qui l'oppose en ce moment avec l'Union Européenne en ce qui concerne l’optimisation fiscale, consistant à mettre en concurrence les régimes fiscaux des différents pays européens pour éviter le paiement de l’impôt, qui est une part perdue pour ces États. Ils doivent maintenant faire face aussi à la population de San Francisco mécontente, car dans leur quête de faire le profit ne se soucient pas de la population qui en plus du chômage et de la crise économique, doit subir les conséquences des projets parfois capricieux des dirigeants de ces structures. C'est le cas par exemple de Mark Zuckerberg, fondateur et dirigeant de Facebook qui a privatiser un commissariat de quartier et racheter un quartier à 30 millions de dollars. Tout cela bien sûre, ayant pour conséquence le délogement de la population car ce projet dénommé « Zee ville » concerne juste les employés de Facebook. Sans oublier aussi Google qui utilise le stationnement des transports publics de la ville pour le stationnement des ''Google Bus'' qui transportent les employés de Google. Haumant Stéphane, journaliste présentateur de l' émission Spécial Investigation sur Canal+, souligne en introduction de son émission « Les géants de la high-tech font polémique jusque dans leur fief californien de la Silicon Valley […] Nous avons découvert l'envers du miracle économique 2.0 : destruction d'emploi, expulsion, pauvreté en hausse. Nous avons aussi découvert l’égoïsme de ces géants du Net. ».

Toutefois, malgré les contestations sociales, les procès en justice , le mécontentement des pouvoirs publics ; ces pionniers du monde numérique dispose encore des cartes à jouer dans leur poche. Google rachète des société qui lui permettent d'améliorer son moteur de recherche sur internet et de conserver son avance technique et marketing. Et chaque acquisition concerne la société dans son ensemble. Google a acquis plus de 100 sociétés, avec comme plus grosse acquisition, celle de Motorola Mobility, un fabricant de téléphones, pour un montant de 12,5 milliards de dollars américains. Sa troisième plus grosse acquisition, après Nest (acquisition la plus récente), est DoubleClick, une régie publicitaire en ligne, pour un montant de 3,1 milliards de dollars américains. L'organisme antitrust américain a pris près d'un an pour donner son accord, de par la taille de l'acquisition. La majeure partie des sociétés acquises par Google sont aux États-Unis et pour la plupart sont autour de la baie de San Francisco. Du coté de Facebook celui-ci mène une politique de neutralisation de la concurrence. C’est devenu une manie chez Facebook. A chaque fois qu’un nouveau système marche sur les plates-bandes du réseau social, il le rachète. C’est vrai pour WhatsApp, l’application de messagerie qu’il a payé 16 milliards de dollars (et même 19 en comptant les 3 milliards que recevront les fondateurs en actions Facebook). C’est aussi le cas pour Instagram (acheté en avril 2012) ou encore SnapChat, qu’il avait tenté d’acquérir. Sans toutefois oublier que l'application Whatsapp va bientôt être en passe de connecter le milliard de personnes. Car les services qui atteignent ce niveau ont tous une valeur incroyable gros coup pour Facebook car Whatsapp est un produit d'extrêmement haute qualité et un réseau de communication très important. Surtout que Messenger, n'a pas su convaincre les utilisateurs. Toutefois, « la révolution entamer par les géants du Net il y a vingt ans n'en ait sans doute qu'a ses débuts et nul ne sait vers quel nouveau monde elle nous conduira » Van Offel Hugo⁷. Aucun indicateur à présent ne saurait faire un état des lieux réel du GAFA. Tant ce dernier s' adapte très bien avec les changements. Penser à une fin proche de ces géants du monde numérique demeure encore inimaginable.

LENDOYE YINGA Yann-Orphé

Bibliographie

VAN OFFEL Hugo. Emission Spécial Investigation Canal+. Diffusé le 26 janvier 2015.Disponible sur http://www.canalplus.fr/c-infos-documentaires/pid3357-c-special-investigation.html?vid=1202832

LAUGIER Edouard. GAFA les clés de la toute puissance. Le Nouvel Économiste [en ligne]. Publié le 11/02/2015. Disponible sur : http://www.lenouveleconomiste.fr/gafa-les-cles-de-la-toute-puissance-26100/

L'incroyable pouvoir de Google sur chacun d'entre nous. Atlantico [en ligne]. Publié le 06/04/2015. Disponible sur : http://www.atlantico.fr/decryptage/incroyable-pouvoir-google-chacun-entre-francois-bernard-huyghe-jean-gabriel-ganascia-2076008.html

BELACHE Philippe. Google, Facebook ,Yahoo... : les géants du Net se jouent des impôts. SudOuest [en ligne].Publié le 07/02/2014. Disponible sur :

http://www.sudouest.fr/2014/02/07/google-facebook-yahoo-les-geants-du-net-se-jouent-des-impots-1455154-705.php

NEUER Laurence.Réseaux sociaux : l'étau judiciaire se resserre. Le Point [en ligne]. Publié le 18/03/2015. Disponible sur : http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/laurence-neuer/reseaux-sociaux-l-etau-judiciaire-se-resserre-18-03-2015-1913653_56.php

Facebook mise sur les projet futuristes. Le Point [en ligne]. Publié le 26/03/2015. Disponible sur : http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/facebook-mise-sur-des-projets-futuristes-26-03-2015-1916277_47.php

BEUNAICHE Nicolas. Ce que Facebook sait sur vous (même si vous lui cachez). 20Minutes [en ligne]. Publié le 08/04/2015. Disponible sur : http://www.20minutes.fr/high-tech/facebook/1582383-20150408-facebook-sait-si-cachez#xtor=RSS-176

Apple. Wikipedia [en ligne]. Disponible sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Apple