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Accueil du site > Tribune Libre > Les neocons sont de retour (9) : en Somalie, le retour du Prince

Les neocons sont de retour (9) : en Somalie, le retour du Prince

C’est le journal l’Independent, encore une fois, qui a débusqué le lièvre. Le patron de la firme Blackwater, (rebaptisée Xe) devenu invisible ces derniers mois a été retrouvé, ainsi que son entreprise. Il s’est trouvé une nouvelle activité, ou plutôt il a continué celle commencée avec l’achat d’un remorqueur en 2007 : faire la chasse aux pirates de l’océan indien et de la corne de l’Afrique. L’engin avait été baptisé le McArthur. Logique que son propriétaire soit donc revenu aujourd’hui à cet endroit. Et pour cela s’est installé... en Somalie. C’est la découverte du jour, qui bouscule quelque peu les idées reçues encore une fois. Adroitement, il s’est placé sous la protection d’une firme d’Afrique du Sud proposant au gouvernement local l’emploi de ses mercenaires. Que cache la reconversion express d’Eric Prince mérite d’être étudié en détail : il s’est toujours déplacé en vertu de la mobilité des troupes américaines dont il apportait sinon le soutien, le plus souvent un véritable outil de remplacement. Il a également toujours servi d’éclaireur pour les activités douteuses de la CIA. Et il a sans conteste à nouveau recommencé... strictement la même chose.

Les mercenaires de Prince se sont placés sous le Saracen International, une société d'origine sud-africaine née au temps de l'apartheid et qui a la réputation d'avoir servi à éliminer physiquement les opposants au régime blanc raciste de l'époque : belle image de marque, celle des Croisés, correspondant assez à l'état d'esprit qui anime Eric Prince, plus proche du Ku-Kux-Klan que d'autre chose. Saracen, travaillant pour l'Etat somalien, malgré les dénégations plutôt embarrassées de son ex premier ministre. Comme le constate le très pertinent "war is business" : "Il semble que Prince, un mercenaire américain évangélique ayant des liens de longue date au Pentagone et la CIA, a établi un partenariat avec un groupe tout aussi notoire de l'Afrique du Sud de "loueurs de porte-fusils"pour une mission de paramilitaires dans un pays islamique, en vertu sous une bannière d'entreprise digne du temps des croisades. Mais qu'est-ce que tout cela signifie donc ?" . En effet : si Prince a atterri là, et s'est associé avec une telle firme, dont le nom signifie en effet "Sarrazins", ce n'est certes pas un hasard. Car Saracen n'est pas une inconnue et possède une "belle" histoire aussi : "l'entreprise, qui s'est refusée à tout commentaire, a été formée sur les vestiges d'Executives Outcomes, une société privée de mercenaires composée en grande partie de troupes spéciales de l'ancienne Afrique du Sud, qui a travaillé tout au long de l'afrique dans les années 1990". Son dirigeant actuel, Lafras Luitingh, est un ancien officier du South Africa’s Civil Cooperation Bureau, une division "spéciale" des services secrets d'Afrique du Sud version blanche et raciste. Un escadron de la mort, à vrai dire. Elles ne cesseront décidément jamais, ses sociétés privées profiteuses de guerre se dit-on, à lire pareille désolante filiation. "Dirigée par Anthony Buckingham et Eben Barlow, Executives Outcomes est une entreprise de mercenariat louant ses soldats aux Etats ou à des intérêts privés. L’entreprise vit du chaos et de la guerre" peut on en effet lire sur le net.

En 1987, le général Malan, responsable de l'unité, avait fait cette incroyable description : "Au cours de mon mandat en tant que chef de la Force de Défense sud-africaine, les instructions du ministre de la Défense aux membres du la South African Defence Force étaient clairs : détruire les terroristes, leurs bases et leurs capacités. Cela a également été la politique du gouvernement. En tant que soldat professionnel, J'ai donné des ordres et plus tard comme ministre de la Défense, j'ai autorisé des ordres qui ont conduit à la mort de civils innocents dans des tirs croisés. Je regrette sincèrement les victimes civiles, mais malheureusement cela fait partie de l'horrible réalité de la guerre. Cependant, je n'ai jamais rendu un ordre ou autorisé un ordre d'assassinat de qui que ce soit, ni reçu cette autorisation d'un membre de la Force de défense sud-africaine. Le meurtre des opposants politiques au gouvernement, tels que le meurtre du Dr Webster, n'a jamais fait partie de la liste des Forces de défense de l'Afrique du Sud". Le président President Frederik W. de Klerk avait bien été exonéré en 1990, mais le doute subsistait sur le cas de Webster, pour beaucoup exécuté par le CCB (le "Civil Cooperation Bureau") et l'un de ses meurtriers attitrés, Ferdi Barnard. C'est Eeben Barlow, le fondateur de Executives Outcomes, qui dirigeait la "région 5" du CCB, celui chargé de l'Europe. Il avait remplacé au pied levé Johan Niemoller, qui venait alors d'être accusé d'avoir voulu assassiner des dirigeants de l'ANC. Derrière eux, par exemple, il y avait l'assassinat à Paris de Dulcie September, de l'ANC, le 29 mars 1988, que personne, je l'espère, n'a oublié.

Car Dulcie September était au centre d'une histoire plus compliquée, où était apparu en filigrane... Bob Dénard, le mercenaire français : "Condamné à perpétuité pour plus de quatre-vingts crimes, Eugène de Koch, chef du redouté Civile Cooperation Bureau (CCB), les escadrons de la mort sud-africains, reconnaît avoir commandité l’assassinat de Dulcie September et affirme que l’un des deux tueurs est un certain Jean-Paul Guerrier, alias Capitaine Siam, un proche de Bob Denard. L’homme a subitement disparu en 1999. Il devait comparaître aux côtés de Denard pour l’assassinat du président comorien dix ans plus tôt. Dulcie September détenait-elle des informations explosives notamment sur le contournement par la France (armes, pétrole, charbon et technologie nucléaire) du boycott international qui frappait alors Pretoria ?" nous dit le JDD du 16 août dernier : on le voit, ce milieu sent le soufre !

Tous donc issus d'Executive Outcomes, qui avait déjà tout inventé, comme ses achats d'hélicoptères russes destinés au départ à des expéditions polaires transformés en hélicoptères re-militarisés ou redevenus transporteurs d'hommes en armes (les américains de la CIA avaient fait de même avec les mêmes hélicoptères pour aller déverser leurs dollars sur les chefs de guerre afghans un temps leurs alliés et devenus depuis leurs ennemis). Executive Outcomes, et ses importations illégales d'armes en Afrique. De toutes sortes, de toute nature, avec parfois des ratés et des crashs d'avions transporteurs. Ceux qui avaient été les premiers à monter des mitrailleuses de 12,7 mm sur des pick-ups, ou à l'arrière de 4x4 (certains collègues mercenaires anglais d'Aegis s'étant rendus "célèbres" en 2007 à bord d'un engin pareil en tirant à vue le samedi soir sur une autoroute irakienne). Que vient donc faire Prince à cet endroit et par qui est il commissionné, c'est la question que se pose candidement le New-York Times dans son numéro du 20 janvier dernier. "Le rôle précis de Mr Prince reste incertain", dit candidement le journal "Certains fonctionnaires occidentaux ont dit qu'il était possible que Mr Prince a été aidé par ses contacts internationaux pour aider à négocier un accord entre les cadres de Saracen et des fonctionnaires en provenance des Émirats arabes unis, qui ont financé Saracen en Somalie en raison du blocage des opérations commerciale des Emirats, menacées par les pirates somaliens. Selon un rapport de l'Union Africaine, une organisation de d'Etats africains, Mr Prince a fourni le financement pour le projet initial de Saracen pour décrocher des contrats avec le gouvernement Somalien". 

Décrocher le contrat grâce aussi à des hommes en place : ceux qui ont servi d'intermédiaires entre Saracen, les Emirats et le gouvernement somalien. Et parmi ceux-ci, Pierre-Richard Prosper, ancien ambassadeur US pour les crimes de guerre sous Bush, après avoir fait de même pour le Rwanda, et s'être occupé également des cartels de drogue (?), et Michael Shanklin, l'ancien responsable de la CIA à Mogadiscio, un ancien du Viet-Nam entré ensuite chez Veritas Intelligence. Tous deux devenus "conseillers" du gouvernement somalien ! Michael Shanklin, présenté comme un héros à la James Bond par le Washington Post en avril 2001. Et tous deux "payés par les Emirats" affirme sans hésiter le New-York Times. Deux profiteurs de guerre de plus, dirons nous plutôt, sans hésiter ! Michael Shanklin était justement l'un des responsables de l'opération "Restore Hope", l'opération qui a connu l'échec que l'on sait en 1993 ! A son départ de la CIA, en 1997, Shanklin était devenu représentant au Kenya d'une marque de voitures blindées américaines assez particulières.

Qui, donc exactement, nourrit le conflit somalien sans fin s'interroge encore à partir de là la presse US et ici le magazine télévisé Inside Story  ? Sans nul doute beaucoup de gens, qui alimentent la violence, au point qu'on ne peut parler de gouvernement, mais de direction de la capitale et c'est tout : les faubourgs eux-mêmes de Mogadiscio sont depuis longtemps incontrôlables. Une catastrophe entretenue, qui voit les personnes fuir le pays en masse, et qui révèle le manque de police organisée dans le pays et un sous-développement chronique favorisant le recrutement aisé de djihadistes. C'est la faiblesse fondamentale des institutions somaliennes qui est la cause du désastre. Le pays n'est toujours pas réconcilié avec ses factions diverses. Les stigmates du fiasco US de 1993 ne sont toujours pas effacés. Le retour à cet endroit de mercenaires tels qu'on les connait ne risque rien d'autre que de réactiver la haine anti-américaine, pour sûr : on comprend là le double jeu joué par l'Arabie Saoudite et la CIA, à l'origine de leur venue. Si de plus, les drones s'y mettent, on court vers une explosion véritable : Eric Prince n'est pas du genre à faire dans la dentelle ou dans la psychologie, on le sait. Sa présence et son retour à la une des journaux ne présage rien de bon. L'une des publicités de Saracen, en 2009, à propos d'une voiture blindée, une Chevrolet Suburban (un produit cher à Michael Shanklin on le sait) présentait cette dernière munie d'un mini-gun à barillet ! On a affaire à des vendeurs d'armes, et rien d'autre ! En regardant attentivement la vidéo, à la fin, vous pourrez lire le nom d'un des instructeurs du maniement de la mingun embaquée : Tjaart Andre Van Der Walt (surnommé "“Thaart"), de Phoenix, au nom de famille d'Afrique du Sud, qu'il a quittée voici 16 ans. L'engin, appellé Raptor, est vendu la bagatelle de 300 000 dollars pièce.
 
Plus étonnnant encore : parmi les investisseurs dans le Suburban devenu char d'assaut "civil", on trouve Salim Saleh. Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais ce n'est autre que le frère cadet du président ougandais Yoweri Museveni (revoilà donc l'Ouganda) ! Il se fait aussi appeler "le général Caleb Akandwanaho", remarquez, on peut le confondre avec un autre ! L'homme a fait avec son frère ce qui a été connu comme étant la "guerre du bush" en 1986 ! Et il a aussi été démis de ses fonctions par ce même frère pour... corruption ! En 1998, il avait ainsi acheté des hélicoptères qui ne voleront jamais, mais pour lesquels il avait touché une commission de 800 000 dollars.  "Les problèmes de Salim Saleh pourraient bien provenir de son commerce et de ses activités militaires dans la région et, en particulier dans la République Démocratique du Congo. Son entreprise, Abachaka, a été fortement impliquée dans le transport de l'or de la RDC vers les Etats-Unis au cours des douze derniers mois car elle possède un Boeing 707 comme avion de transport toujours disponible, piloté par un asiatique nommé Sajal Suli, qui effectuait pas moins de trois vols aller-retour par mois à la période la plus achalandée. Abachaka comprend Andrew Lataaya et Jamma Katto à titre d'administrateurs, ce dernier étant également allié avec Salim Saleh dans une entreprise, qui a importé des hélicoptères d'occasion pour les Rwandais qui les ont refusé."
 
Salim Saleh, en réalité, est davantage mouillé que cela. Son lien privilégié avec les mercenaires date de longtemps. "En septembre 1993 Anthony Buckingham, ancien des SAS anglaises et mercenaire attitré, créait la société "EXO" (c'est bien entendu Executive Outcomes dont il s'agit !) nous dit "La Dépêche Diplomatique" : "le principal vivier des "chiens de guerre" britanniques qui ont essaimé un peu partout sur le globe pendant la guerre froide et que l’on a retrouvé dans tous les "coups tordus" en Afrique noire et au Moyen-Orient" nous apprend Jean-Pierre Béjot. "Depuis, EXO a envoyé ses "chiens de guerre" un peu partout en Afrique (et au-delà en Papouasie-Nouvelle-Guinée). Notamment dans la région des Grands Lacs à la fin des années 1990. EXO avait la réputation d’être en relation d’affaires avec le fils du président kenyan Daniel Arap Moi et le demi-frère du président ougandais Yoweri Museveni, le major-général Caleb Akandwanaho. Elle aurait été aussi présente au Soudan. L’hebdomadaire sud-africain Sunday Independant a dénoncé l’existence de contacts entre des responsables de l’ANC (en collusion avec le MPLA, au pouvoir à Luanda) et de EXO, permettant la signature des contrats de mercenariat de 1992 à 1994". Comme quoi ils ont mangé à tous les râteliers ! Et se sont faits véhiculer, on le sait, par les Antonovs de Viktor Bout, jamais avare de transporter des hommes en armes !
 
Le 10 décembre 2010, les autorités somaliennes effectuaient la saisie d'un Antonov 32 numéro EK-32410, (et non un Antonov 24 comme annoncé) d'Ayk Avia, firme arménienne, venant de Kampala, qui venait de faire un atterrissage forcé sur l'aéroport d' Egal International Airport (Hargiesa). A bord, 6 pilotes russes et 2 "passagers" sud-africains. L'avion contenant des uniformes militaires et des mines avait été affrêté par... "Sarazin International". Les mines étaient destinées à Saracen "pour l'entraînement", des mercenaires ougandais de Salim Saleh. Selon le ministre des transports local, Mohamed Hashi Abdi,"les deux passagers étaient américains, et travaillaient pour SPA, une chaîne de télévision américaine". Le 31 décembre, les 6 membres d'équipage étaient libérés. Et nulle trace bien entendu de la chaîne de télévision citée.
 
Pas étonnant en revanche, donc, de tomber sur cette annonce : "l'année dernière, le Washington Times et l'AP ont rapporté que Pierre-Richard Prosper avait rencontré des observateurs des Nations Unies préoccupés par le fait que Saracen aurait peut-être enfreint "depuis un bon bout de temps" l'embargo sur les livraisons d' armes à la Somalie.(Mogadiscio, une ville qui a peu près la population de Houston, au Texas, à en moyenne 534 "pertes liées aux armes" chaque mois, selon l'ONU). Prosper a déclaré au Times "que, jusqu'à présent, aucune arme n'a été expédiée aux camps d'entraînements de Saracen, à sa connaissance."Il a affirmé en revanche à l'agence AP que « Saracen faisait bien de la formation militaire" en Somalie. Dans le même article Bill Pelser, le responsable de formation de l'entreprise, affirmant lui que "Salacen ne fait aucune formation de ce type en Somalie". L'entreprise, pour se faire livrer de l'armement lourd, si elle le désire, possède en prime deux cargos, dont le Seafarer, immatriculé au Panama c'est l', ex "Irbe Venta", un ancien cargo letton. Un vraquier de 91,38 m de long, du style Artic Sea... muni lui aussi de deux grues, capable de porter aussi bien des containers que des camions en cale (c'est un "tweendecker") ... et même de naviguer dans la glace, étant du type "Ice". L'engin idéal pour le transport d'armes !
 
Avec le retour de cette engeance en Somalie, on peut s'attendre à ce que l'année qui vient soit le terrain d'exercice privilégié de ces tueurs et de ces importateurs d'armes, hélas

Documents joints à cet article

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