Les nouveaux lieutenants du calife Omar
Désormais l’arabe de base autrement dit le gros de la population du monde arabe découvre subitement et comme par hasard que son pays tant décrié, tant maudit n’est peut-être pas si mal, il suffirait juste d’y apporter quelques corrections…
Bande annonce du feuilleton Omar
Pendant des décennies de dictature-, entretenue par les puissances extérieures-, le gros des habitants les plus vulnérables du monde arabe a vécu ou survécu dans un état d’engourdissement ou de semi-réalité où certains croyaient que leurs pays était le meilleur au monde tandis que d’autres pensaient que le salut, le paradis se trouve en Occident, au-delà des frontières. Les Libyens, sous 43 années de règne sans partage du colonel Kadhafi, étaient les plus casaniers du monde arabe : malgré le manque de libertés, de moyens de détente, de denrées alimentaires de base etc., carences aggravées par les années d’embargo américain et de l’ONU sur les armes et le pétrole, le Libyen moyen ne voyageaient pratiquement pas si bien que pendant les années 1990 l’Etat incitait ses ressortissants à prendre de l’air en dehors de la Jamahiriya ! Pour les autres pays d’Afrique du Nord y compris l’Egypte, le rêve pour les jeunes comme pour les vieux était de mettre les voiles pour l’eldorado européen ou américain. Bien entendu pour les pays arabes du Golfe comme leurs voisins de Syrie, Liban, Irak ou le Yémen c’était le même son de cloche à la différence près que dans les pétromonarchies où la pauvreté matérielle n’était pas criante le rêve des ressortissants était de voyager dans un pays où ils peuvent se défouler sans restrictions ni interdits. En somme, pendant ces longues années où la télévision satellitaire, Internet, les réseaux sociaux, l’avion pas cher, en résumé la mondialisation, étaient encore inconnus, les peuples arabes, maintenus dans une fausse réalité, entretenue par la propagande étatique, où ils étaient totalement coupés du monde libre, ne pouvaient pas même être effleurés par l’idée de changer leur destin, ni par des élections ni par les armes. Pourquoi changer une société même pourrie si demain l’un de ses rêveurs a la chance d’aller travailler dans un pays occidental riche. En restant pourri son pays d’origine lui offrira tout ce qu’il voudra une fois que son compte bancaire sera bien garni ; il pourra à ce moment jouir pleinement des nombreux défauts qui pourrissent son pays : la corruption, l’impunité, la fraude fiscale, le népotisme et j’en passe…
Les peuples arabes sont alors sortis brutalement du rêve au cauchemar, un délire appelé « Printemps arabe » par les biens pensants
Alors pourquoi scier la branche sur laquelle on est assis ? Et tant pis pour les autres ! Ceux qui n’auront jamais la chance de traverser la mer. Mais depuis le début de la fermeture des frontières européennes face à l’immigration économique, il y a 30 ans, cette chape de plomb- ou cette camisole-, qui maintenait ces peuples arabes dans un état d’hébétude a commencé à s’estomper progressivement, de façon inexorable et irréversible avec un pic en 1991 lors de la 2e guerre du Golfe contre Saddam Hussein, un 2e pic aux alentours de 2001 lors des attentats du 11 septembre à New York puis le dernier pic en 2008, année du début de la crise financière internationale dite des surprimes, qui sévit toujours. Cette date a coïncidé avec la fin de cet état de semi-réalité et les peuples arabes sont alors sortis brutalement du rêve au cauchemar, un délire appelé « Printemps arabe » par les biens pensants. Désormais l’arabe de base autrement dit le gros de la population du monde arabe découvre subitement et comme par hasard que son pays tant décrié, tant maudit n’est peut-être pas si mal, il suffirait juste d’y apporter quelques corrections… La mondialisation et son cortège d’internet, de télévision par satellite, de réseaux sociaux qui ont rendu disponibles, gratuitement et à satiété, livres jadis interdits, presse libre, échanges d’idées etc. a accéléré le processus de murissement de cette idée du changement et sa mise en œuvre également.« L’État islamique est l’un des premiers groupes terroristes dont les combattants ont grandi avec Internet. Ils ont élaboré des stratégies sans précédent sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter », explique Patrick M. Skinner, expert en mesures antiterroristes et ex-agent de la CIA. Ainsi l’ancestral geste votatif occidental, par la force de milliers de reportages de télévision étrangère, souvent téléguidés, est-il perçu par ces peuples qui viennent de sortir de leur torpeur non pas comme une solution nécessaire pour la modernité mais comme une mode, un truc qu’il faut adopter pour être « in ». On vote pour avoir bonne conscience, pour sacrifier à l’air du temps, pour ne pas passer pour un con ... Sans plus. Mais comme il y a presque toujours un idiot dans le village, un mouton noir dans le troupeau, il y aura également des minorités au sein de ces peuples (ayant souscrit au jeu démocratique comme moyen de changement sans y croire) qui voudront, elles, que le changement désiré, se fasse par les armes et la violence ; d’autant plus qu’elles sont convaincues que le changement dont eles aspirent ne viendra jamais par les urnes. L’islam et la charia dont ces minorités prônent le retour ce sont les armes qui les réinstalleront. Ils ont été imposés par l’épée au début de l’islam, ils le seront aujourd’hui de la même façon, disent ces ultras qui en lisant des livres désormais à portée de la main, en tchatchant sur le Net, en écoutant des télé-islamistes sulfureux, sont arrivés à se convaincre que pour le retour à l’âge d’or d’un monde islamique qui régnait en maître, respecté, prospère, riche, du Golfe arabo-persique jusqu’à l'Atlantique en passant par l’Europe est possible, il suffirait que les régimes qui font obstacle tombent. Un rêve qui a fait de chaque arabe ne croyant pas au changement pacifique un guerrier potentiel, un soldat de Dieu dont la tête sert d’écran de projection en boucle infinie au film-épopée du calife Omar et du début des conquêtes islamiques. Dur d’arrêter ce film où chaque arabe illuminé se prend pour un des lieutenants du calife Omar, dont la mission est de réaliser la volonté d’Allah et de son calife comme jadis les souverains hellénistiques et leurs troupes ont juré de continuer perpétuer leur maitre Alexandre le Grand. Abou Babkr Al Baghdadi a saisi au vol cette réalité arabe et il s’est autoproclamé calife. Dur d’arrêter ce film. « La motivation idéologique de ces combattants est très forte car elle est fondée sur un rêve » écrit Renaud Girad. Fin de mot mais pas de l’histoire.
http://chankou.over-blog.com/2015/07/les-nouveaux-lieutenants-du-calife-omar.html
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