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Accueil du site > Tribune Libre > Média en crise ou média de crise ?

Média en crise ou média de crise ?

Devant l’évidente faiblesse des médias aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si ceux-ci sont en mesure de relater les événements et de prendre du recul pour en tirer des analyses constructives.

Nous sommes beaucoup à nous désespérer du rôle actuel des médias. Même si les entreprises de la presse écrite et audiovisuelle sont tenues à une forme de rentabilité (actionnariat oblige), les Français n’ont pas manqué de noter le manque de pertinence des éditoriaux et reportages qui leur sont proposés.

Cette prise de conscience des lecteurs ou auditeurs est en partie liée à la popularité, dans les rédactions, des « revues de presse ». A ce jeu, Le Parisien et le Canard Enchaîné sont les deux sources le plus citées, sans toutefois que soient ajoutés le moindre commentaire ou la moindre critique. De leur côté, les internautes ont vite découvert que l’AFP et Reuters étaient accessibles en direct, sans passer par les grands médias.

Alors, puisqu’il est de bon ton de faire des économies dans le domaine de l’investigation, que reste-t-il aux journalistes ?

A magnifier, entre autres, les faits divers. La proximité de certains juges ou policiers avides de sensation ou chasseurs de notoriété permet à une grande partie de la presse de diffuser des comptes rendus d’audition d’une instruction en cours ou des points sur l’avancement de l’enquête. L’affaire d’Outreau et celle de Toulouse, qui mettait en cause Dominique Baudis (et qui a probablement valu à Karl Zéro de perdre ses contrats avec CANAL+), sont symptomatiques d’une presse « kleenex » qui a fait de la phrase de Pierre Lazareff, Une fausse information plus un démenti, cela fait deux informations, son leitmotiv.

Lorsqu’on voit la descente aux enfers de la presse quotidienne, on est en droit de se poser une question : pourquoi continuer dans cette voie, alors que le lectorat ne suit plus ?

Une autre question s’impose : la situation catastrophique de la presse écrite n’est-elle pas également liée aux concentrations et, par voie de conséquence, au fait que quelques groupes « financiaro-militaires » s’arrangent pour supprimer toutes les enquêtes et prises de positions contraires à leurs annonceurs et à leurs amitiés politiques ?

Le meilleur exemple actuel est le discrédit récent, mais permanent, du chef de l’Etat qui, visiblement, n’est plus à la mode. Le « sarkozysme » ou le « royalisme » affichés par la quasi-totalité des médias est aussi risible que pénible à lire, à écouter et à voir.

S’appuyant sur les sondages, qu’ils s’évertuent à ériger comme pronostics de données biaisées par l’absence de sincérité et l’indécision des Français au sujet de leurs intentions de votes, les médias jouent de la capacité d’oubli du public comme d’un avantage décisif dans leur lutte contre le temps. Les Français doivent aimer l’approche people, et en redemander !

La montée en puissance des sites Web et des blogs dans le PAF semble contrarier cette logique, et quelques médias s’essaient à ce style parfois brouillon mais souvent dérangeant. Mais le cœur n’y est pas, car la blogosphère n’est pas structurée, et on ne peut pas lui faire dire ce que l’on souhaiterait.

Le point de départ de la remise en cause du journalisme institutionnel se situe au moment du référendum pour le projet de traité constitutionnel européen. Les médias associés aux partis de gouvernement et à la majorité du Parti socialiste ont tenté une dernière fois de manipuler les citoyens en donnant de façon systématique la parole aux promoteurs du oui et en criminalisant, voire en insultant les opposants au traité.

La révolte est partie des forums et des blogs sur lesquels on lisait une tout autre réalité, et où on pouvait assister ou participer au débat citoyen. La rudesse des propos et les affrontements ont prouvé que les Français ont soif de comprendre et de commenter. A tel point que le blog de Dominique Strauss-Kahn, ouvert à tous les internautes, était devenu l’un des endroits où la vigueur de l’argumentation des deux camps avait éclipsé depuis belle lurette l’atonie des vrais médias.

De nouvelles expériences comme AgoraVox, SCOOPEO ou WIKIO sont en train de remodeler le paysage de l’information. L’Internet permet aujourd’hui à des citoyens experts dans leurs domaines de communiquer passion et information (cf. Les influenceurs). Des tribunes d’idées émergent quotidiennement, mettant à mal les supports traditionnels, de plus en plus soupçonnés de connivence avec des groupes de pression et des intérêts libéraux plus ou moins affichés.

La presse ne doit pas, c’est évident, disparaître, mais de nouveau offrir un visage pluraliste équivalent à celui des citoyens français. Le formatage des journalistes, dont les écoles de journalisme sont responsables, doit prendre fin, sous peine de se faire disqualifier par un public de moins en moins crédule.

Les citoyens doivent également réfléchir sur l’avenir des nouveaux médias d’information. L’attitude qui consiste à considérer que la gratuité de lecture est une règle sur le Web est suicidaire. Il est grand temps de donner un modèle économique à la presse alternative. La naissance de collectifs de lecteurs actionnaires pourrait être une solution.

Il est temps de quitter le domaine de la passivité, et de rentrer dans celui de la participation et de la promotion du sens critique.

A défaut, nous aurons les médias que nous méritons, c’est-à-dire ceux d’aujourd’hui.


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10 réactions à cet article    


  • Jbenard (---.---.92.11) 31 mai 2006 10:09

    Bravo pour ce texte qui pose bien le problème sans pour celà faire la courte échelle à la presse gratuite.

    Félicitations


    • éric (---.---.44.128) 31 mai 2006 11:18

      Les citoyens grâce aux blogs et autres initiatives (agoravox...) peuvent livrer leurs points de vue et leurs connaissances. Mais se pose le problème de la fiabilité de l’information, de son objectivité... Tout autant que pour la presse classique aux mains de groupes politico-financiers. Chacun d’entre nous a ses propres opinions, ses propres intérêts et peut se servir du web pour les propulser sur le devant de la scène. D’ailleurs c’est ce que nous faisons tous en publiant sur agoravox et ailleurs et en commentant.

      Voici à ce sujet un extrait de mon essai « Qui veut détruire la classe moyenne ? » :

      Les différents médias relayent toute la journée un certain nombre d’informations parmi une multitude. Il convient donc de faire un choix sur ce qui sera dit ou non et comment. Dès lors l’objectivité du travail du journaliste devient difficile car le temps d’antenne lui est compté. Qui plus est, la plupart de ces informations sont achetées par les chaînes à des grandes agences de presse, qui sont fort peu nombreuses (quatre grandes agences se partagent l’essentiel de l’information mondiale),et appartiennent donc à un nombre très restreint d’individus sur notre planète. Comment ne pas imaginer qu’entre les informations connues de ces agences de presse et celles qu’elles mettent à disposition des chaînes ne s’opère pas un tri ! Quels en sont les critères ? Ces agences peuvent-elles critiquer leurs propriétaires, qui pour la plupart sont des politiciens hommes d’affaires ? Les chaînes ensuite, peuvent-elles dire la vérité, toute la vérité sur une entreprise qui paie cher ses spots et donc finance la chaîne ? L’argent et la politique sont ici réunis. Quel couple infernal ! Quels enfants peuvent naître de cette union ? L’aînée de la famille s’appelle Manipulation, et le cadet Ralliement. Manipulation s’occupe de formater les individus et Ralliement de les guider sur les sentiers de l’aquiécement à leur propre sort.


      • jean charles espy jean charles espy 31 mai 2006 16:42

        Un véritable état des lieux un peu dur pour la presse qui fait ce qu’elle peut pour satisfaire à la fois les ventes et son public. Pas un mot sur la PQR c’est dommage, c’est quand même la plus lue en France mais le panorama est guère plus réjouissant sur le contenu si ce n’est la partie locale...et encore.

        Bravo l’article !


        • zen (---.---.19.9) 31 mai 2006 20:44

          La PQR , c’est affligeant : une presse formatée, contrôlée jusque dans son contenu par des groupes puissants...C’est pas mal cependant pour consulter son horoscope ou avoir un bon compte-rendu du bal des pompiers de Trifouillis-les-deux-patates...


        • Ami du Peuple (---.---.172.43) 1er juin 2006 00:20

          Le risque de parler de la PQR est d’entrer immédiatement dans la discussion du pouvoir des notables et/ou des politiques locaux, c’est-à-dire des pouvoirs des petits barons.

          Bien sûr, tous les titres ne donnent pas de la Voix de son Maître. Bien entendu, certains défendent même une certaine idée de l’indépendance. Mais la réponse se trouve peut-être dans l’échelle d’observation et dans l’impact national des titres régionaux.

          L’échelle d’observation correspond à l’angle d’attaque des journalistes (beaucoup moins privilégiés que leurs collègues parisiens) vis-à-vis des problèmes locaux impliquant des responsables politiques départementaux ou régionaux couverts par la toute-puissance de leurs mandats.

          L’impact national est l’importance que reconnaissent aux titres régionaux les média à diffusion nationale. A part les unes et les prises de partis des grands éditorialistes, qui se soucient des questions locales, alors que l’Europe est en berne ? La France n’a de destin qu’international alors La Provence...

          Si la crise de la presse est la même à toutes les échelles, elle ne prend son véritable envol qu’au niveau de Paris, à la fois concentration des pouvoirs et des dérives. La PQN reste, à notre avis, le meilleur indicateur de la mauvaise qualité de l’information de notre pays parce qu’elle tente avec plus de moyens et plus d’énergie qu’en Province de donner des leçons sans même se regarder dans le blanc des yeux.

          Autre réaction, sur les ventes. Contrairement à ce que les ténors des média, éditorialistes libéraux en tête, tentent de nous faire croire, c’est la qualité du contenu qui convaincra les lecteurs de la crédibilité d’un journal ou d’un journaliste, et pas seulement les titres racoleurs ou les photos floues sur une réalité biaisée.

          Il nous semble que les réactions récentes de la nation dans son ensemble et des lecteurs de la presse en particulier montrent que nous sommes à nouveau à la recherche de sens et non pas seulement de divertissement. Le nombre grandissant de rédacteurs sur des média comme Agoravox (par exemple) est là pour témoigner de cette face de la réalité. Ils nous permettent aussi de faire partager le sens que les événements ont pour nous et que nous ne trouvons plus dans les média classiques.

          Cordialement,

          L’Ami du Peuple


        • Jack Minier (---.---.80.91) 31 mai 2006 20:40

          L’économie est une recherche permanente d’équilibre. Comme pour la marche en avant, c’est le perpétuel déséquilibre qui nous oblige à mettre un pied devant l’autre et c’est ce qui fait avancer. Quand vous vous arrêtez, vous perdez tout intérêt aux yeux du marcheur d’en face, lequel vous prend alors pour un bec de gaz.

          L’information est pareille à nous, elle doit être dynamique. C’est ce qui fait son intérêt pour le lecteur ou le téléspectateur.

          Mais depuis quelques années, la concentration des capitaux dans les médias (très bien montrée par Forest Ent) a porté ces derniers à accorder davantage de valeur aux faits divers qu’aux transformations sociales de première grandeur...

          C’est ainsi que des changements majeurs sont passés sous silence par les médias dépendant des mêmes actionnaires qui sont tout à la fois comploteurs de lois et directement intéressés aux retombées économiques de leurs applications. — le vote du projet de loi DADvSI par exemple, ou encore le projet de « mariage » Euronext - NYSE (New York Stock Exchange) qui semblent tous deux préférer le supralibéralisme US à la construction d’une Europe originale, en panne mais vitale pour notre culture, nos entreprises, et notre indépendance dans le monde. Mieux vaut parler à la place pendant 10 minutes de JT des derniers développements d’une affaire sans queue ni tête, politicienne en diable, et en faire à grand renfort d’acide une actualité aussi brûlante que l’enfer.

          Le diable finira par emporter ces médiataiseurs, et ce sera bien fait pour eux !


          • zen (---.---.19.9) 31 mai 2006 20:47

            Détour par le lien signalé pertinemment par Jack : obligatoire. !..


            • (---.---.162.15) 1er juin 2006 11:09

              S’il y a un journal qui n’est pas lié aux groupes « financiaro-militaires », c’est Le Canard Enchaîné, que vous n’avez pourtant pas l’air d’aimer...

              Quand aux internautes, ils sera dur de leur faire payer une information qu’ils ont déjà gratuitement en bonne partie aux cafés du commerce cybernétiques qu’ils fréquentent, ainsi qu’à la radio et la télévision. Et quitte à payer, rien ne vaudra un petit « Canard Enchaîné » de temps en temps... C’est depuis un siècle le symbole d’un journal libre.

              Am.


              • L’Ami du Peuple (---.---.71.60) 1er juin 2006 12:24

                Quelle drôle d’idée !

                Nous avons juste précisé que Le Parisien et Le Canard Enchainé étaient les deux sources les plus citées.

                Loin de nous l’idée d’imaginer que nous pourrions vous faire croire qu’il serait possible que nous n’aimons pas le Canard Enchainé. Bien au contraire.

                Sommes-nous assez clairs comme ça ?

                Cordialement,

                L’Ami du Peuple


              • www.jean-brice.fr (---.---.45.200) 3 juin 2006 10:07

                A part MARIANNE et le CANARD ENCHAINE, je ne vois pas de médias qui ne soient controlés par des groupes capitalistiques en relation directe avec la PENSEE UNIQUE, en réalité les dogmes anglo-saxons diffusés par l’oligarchie WASP qui est plus que fasciste ! M. Prescot BUSCH, le grand père de l’actuel W était un grand admirateur d’Hitler !!!

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