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Mois de May : plus que Macron, Theresa pense printemps

Le point commun entre les deux dirigeants est le recentrage. Emmanuel Macron veut un « Ni droite ni gauche » de rejet, sans ligne très claire. Theresa May assume un « Et droite et gauche » de proposition.

Souverainisme protecteur

À son propos un intéressant article du National Review parle de Trumpisme sans Trump. L’auteur de l’article, Michael Brendan Gougherty, souligne même le potentiel révolutionnaire du programme conservateur britannique. Ce programme infléchit fortement la politique menée jusqu’alors, en particulier sur le contrôle de l’immigration comme indiqué précédemment. Theresa May endosse ouvertement un souverainisme qui ne fait pas peur au Royaume-Uni.

La campagne de Donald Trump était axée sur l’alliance entre les conservateurs du sud et la classe ouvrière des États du nord. Il suivait en cela une doctrine républicaine annoncée dès 1992 par Pat Buchanan (image 1). C’était bien vu puisqu’il a gagné et relégué Hillary Clinton au rang de défenseur des seules puissances d’argent. Ce positionnement du camp Clintobama n’a pas pu être dissimulé derrière la croisade moraliste soutenue par les kadors hollywoodiens et la presse conformiste.

Madame May ne fait rien d’autre que du Trump, sans les excès du personnage. Elle entend et accepte ce que beaucoup nomment avec dédain la vague populiste. Or cette vague représente bien un désir populaire : maîtriser la mondialisation dans laquelle beaucoup se sentent oubliés et largués, contrôler l’immigration massive qui cause des dégâts dans le ressenti identitaire de ceux qui ont construit la prospérité et la culture en Europe et aux États-Unis, préserver l’outil industriel face à la toute-puissance de l’argent, et associer le libéralisme, le souverainisme et un volet social protecteur.

 

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Citoyens du monde

C’est donc un nouveau modèle, une nouvelle philosophie politique qui s’élabore. Le progressisme libéral et mondialiste était fondé sur le rejet des anciens nationalismes. L’analyse selon laquelle la nation c’est le fascisme et la guerre était prégnante à la sortie de la deuxième guerre mondiale.

À l’usage on découvre les limites de cette simplification. La rupture d’avec l’Histoire, d’avec les identités régionales et d’avec les filiations de tous ordres (familiales, ethniques, culturelles) produit un monde où la surconsommation culturelle et matérielle ne remplit que temporairement le vide intellectuel et émotionnel, et ne répare pas la dégradation du ciment collectif de la société. Dans cette société mondialisée l’État impersonnel remplace les anciennes structures de soutien économique et moral et fabrique une simple fourmilière humaine, à laquelle les communautarismes sont une réponse compréhensible mais déstructurante.

La mondialisation est vécue comme la chosification des individus, comme la perte de ce que l’identité relative porte de force de l’âme. L’identité absolue est la citoyenneté mondiale, indifférenciée, délocalisée par essence. L’identité relative est l’appartenance familiale, tribale, régionale, nationale. Cependant la citoyenneté mondiale ne se décrète pas ex nihilo. Les populations migrantes le savent, qui gardent lors de leur migration les signes de leur culture d’origine.

La citoyenneté mondiale ne peut renoncer à ces constructions intermédiaires des personnes et des groupes que sont les différentes couches identitaires. L’amitié entre les humains, et la paix mondiale, ne viendront pas du gommage des différences mais de l’acceptation intellectuelle, émotionnelle et spirituelle de ces différences.

 

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Territoire

L’altérité doit être préservée comme un bien précieux dans la construction du respect : on ne peut pas aimer l’autre s’il n’y a plus d’autre différent !

De ce point de vue la mondialisation, malgré certains aspects très positifs, est perçue comme une fuite en avant, comme un autoritarisme, comme une chaîne rompue à laquelle il manque des maillons. Or on ne parle pas une langue de manière intelligible si l’on supprime le maillon de sa grammaire. Le faire ne saurait être considéré comme un progrès : c’est une régression culturelle et civilisationnelle.

De même on ne peut construire un monde uniquement nomade, pour ceux qui aiment voyager, oublieux de son Histoire et de ses passés multiples, sans prendre en comptent ceux qui aiment leur enracinement. La prospérité des groupes humains est venue entre autres par cet enracinement, précisément par l’agriculture et la sédentarisation. D’ailleurs les progressistes, aujourd’hui axés sur la défense des minorités, alimentent sans le savoir cette revendication identitaire par la défense même des identités minoritaires.

On présente la mobilité des travailleurs comme la conséquence inévitable de la concurrence mondiale et des délocalisations consécutives à cette concurrence. Mais s’il y a une part de vérité à cela, elle n’est pour autant pas une fatalité absolue. C’est aujourd’hui un choix politique. Or on peut aussi faire d’autres choix, d’autres politiques.

Il semble que Theresa May veuille tenter une autre politique, plus protectrice de la nation souveraine vue comme un champ économique et culturel appartenant à celles et ceux qui historiquement, l’ont construite au fil des générations. Cette forme de propriété sur un territoire est un aspect positif du conservatisme moderne. Cela n’interdit pas les échanges mondiaux dans tous les domaine, cela les encadre.

 

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Grammaire et nivellement

Par son projet madame May veut soutenir ceux qui n’ont pas les moyens de choisir la mondialisation et le nomadisme. Voici par exemple deux mesures que la gauche ne renierait pas : revaloriser le salaire minimum et plafonner le prix des factures d’énergie.

Elle propose également de revoir le droit sur les congés afin de favoriser les personnes qui s’occupent de leurs proches. C’est un soutient au ciment social et une éventuelle réduction des coûts du NHS (National Health Service, le service de santé publique) par la prise en charge de certaines situations et besoin d’aide par l’entourage et non par des professionnels.

Em même temps elle promet de rétablir un symbole culturel fort pour la classe économique supérieure britannique : la chasse au renard. Elle a de plus un impact économique fort pour les travailleurs ruraux aux salaires de misère.

Elle propose également un retour en force de la grammaire dans les écoles. On l’avait délaissée à cause de l’inégalité induite entre les natifs et les migrants. Son retour suggère une remise en avant du mérite personnel au détriment de l’égalité, et l’abandon partiel de la notion d’égalitarisme forcé qui a conduit à un nivellement par le bas. Emmanuel Macron a d’ailleurs cédé à cette mesure très identitaire en se prononçant pour le renforcement de l’enseignement du français.

Mesure identitaire car la langue bien maîtrisée ne sert pas seulement à écrire correctement un CV d’embauche mais aussi à communiquer correctement et à formuler sa pensée de manière claire et précise. Ce qui est un acte de souveraineté personnelle.

 

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Être printemps

Cependant Macron reste évasif sur la philosophie de base de sa politique, sur ce qui justement devrait en définir clairement l’identité, le contour et l’orientation sur tous les plans de la vie politique et économique. En se définissant comme ni droite ni gauche il ne se profile pas pro-actif avec un projet identifiable, mais en réaction à un système politique stagnant.

François Hollande avait fait de même : sa célèbre anaphore du « Moi président » n’avait pas défini ce qu’il voulait être, mais ce qu’il ne voulait pas être, en simple rejet de Nicolas Sarkozy. On sait combien cela lui a coûté pendant son quinquennat.

Emmanuel Macron disait pendant sa campagne que l’on n’a pas besoin de programme mais de vision. Or on a besoin des deux et en renonçant à l’un il n’a produit qu’une image floue et télégénique de l’autre. Theresa May ne se contente pas de penser printemps, comme si un contour précis de son projet était inutile : Theresa May est le printemps.

L’auteur de l’article du National Review qualifie son programme de populiste. Ce terme semble ici perdre de sa volonté de dédain, de mépris des populations et de nuisance morale. Ce courant puissant n’est pas prêt de s’éteindre – d’autant moins qu’il a dépassé les seules revendications de protection économique pour atteindre les questions identitaires.

 

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Libéralisme conservateur

L’auteur précise cependant que ce vaste mouvement vers une réhabilitation de la souveraineté ne peut être incarné de manière impersonnelle. Pour preuve : alors que la personnalité de Donald Trump fait problème pour beaucoup, au point où cela seul semble l’objet d’une guerre sans merci visant à étouffer le programme du président américain, Theresa May n’offre pas les traits de personnalité reprochés à Trump – même si je pense que l’usage immodéré, excessif voire malhonnête de la personnalité du Donald ne devrait pas occulter son projet.

Plus que les droites souverainistes actuelles en Europe, dont le Front National et d’autres, portés par philosophie encore trop réactive et trop peu élaborée, les nouveaux conservateurs à la sauce du printemps de May pourraient bien réaliser une percée forte avec à la clé le vieillissement accéléré de la gauche libérale. Celle-ci est devenue le relais de la haute finance et le chien de garde d’un nouvel ordre moral intimidant. Ce n’est ni sexy ni enthousiasmant.

Ce vieillissement se ferait au profit d’un nouveau paradigme, d’une nouvelle grille de lecture et d’une nouvelle doctrine dans la gestion des nations et dans les relations internationales. Là où Macron, par son flou et sa volonté de tout contrôler, atteindra rapidement les limites du changement un peu artificiel qu’il propose, Theresa May veut s’appuyer sur une adhésion populaire assez large pour n’avoir plus ensuite à se justifier de son action ni de son orientation.

Elle veut elle aussi, comme Trump, comme Marine Maréchal Le Pen, réconcilier l’ancienne bourgeoisie conservatrice et les classes moins favorisées de la société. Mettre ensemble un libéralisme conservateur et un volet social et identitaire fort est compatible. La lutte des classes n’est alors plus un but en soi mais un constat à dépasser. Cela prendra-t-il ? Première réponse lors des élections anticipées du 8 juin prochain.

 


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1 réactions à cet article    


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 23 mai 2017 14:44

    Le printemps explose à Manchester...

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