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Accueil du site > Tribune Libre > Mondialisation, immondialisation et terrorisme

Mondialisation, immondialisation et terrorisme

Les attentats succèdent aux attentats, la guerre semblerait sur le point de nous engloutir ! Comprendre l’instant est impossible. Par contre il est possible de discerner d’où viennent et où nous conduisent les flots qui nous entraînent.

  La première mondialisation correspond aux empires coloniaux Français et Britanniques qui ensemble recouvraient environ 30% des terres émergées. La seconde guerre mondiale a mis en évidence ce que l’espèce humaine pouvait faire de pire. Pour s’en débarrasser, 25 millions de soviétiques et 300 000 américains y laissèrent la vie. 1945 ne marqua pas seulement la fin que d’une guerre, mais le début de beaucoup d’autres. Les Etats-Unis proclamèrent le caractère universel de leurs systèmes politique et économique et ils se donnèrent pour mission de libérer la planète toute entière. 

 Les liens entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis sont anciens et solides. Dès 1945, le roi saoudien de l’époque et le Président des Etats-Unis Franklin Roosevelt signèrent des accords de collaboration pour 60 ans ; ces accords ont été renouvelés pour une même période en 2005 par George W. Bush. Le pacte ainsi conclu garantit à la monarchie saoudienne une protection militaire en échange d'un accès au pétrole. Dans les années 1990, la dynastie saoudienne est critiquée par des milieux religieux pour avoir laissé s’installer un quasi-protectorat Américain en son sein. Les attentats du 11 septembre 2001 changent la nature des relations américano-saoudiennes : 15 des 19 terroristes identifiés sont de nationalité saoudienne. Les remous au sein du monde musulman devinrent incessants et diverses organisations terroristes constellèrent le pourtour de la Méditerranée, l’Afrique, le Moyen-Orient.

 Aux États-Unis, la production de pétrole de schiste commence en 2006. Le développement s'est accéléré en 2010 et devrait culminer vers 2020-2025 pour décliner ensuite graduellement. Les États-Unis sont devenus en 2014 les premiers producteurs de pétrole au monde devançant l’Arabie saoudite. Les réserves pétrolières permettent d’espérer des productions importantes pendant encore 50 à 100 ans, ce qui recule d’autant la nécessité de l’utilisation d’énergies alternatives (solaire et nucléaire) qui changerait les structures essentielles des sociétés. 

 Les pièces du décor du drame sont en place. New York est la première place financière au monde et son arme est le dollar (capitalisation boursière de l’ordre de 30 000 milliards de dollars). La Mecque est le lieu de pèlerinage de plus de 1,5 milliards de musulmans dont l’arme est le Coran. Le combat entre deux mondes inconciliables, celui des civilisés et celui des barbares peut commencer.

 Mais si le pétrole et les intérêts qu’il suscita figèrent les structures de l’Arabie et des monarchies du golfe, il n’en fut pas de même pour les autres pays musulmans du pourtour méditerranéen. Une modernisation fut entamée autour d’un leader charismatique, autoritaire voire despotique qui pouvait éloigner les autorités religieuses du pouvoir et des esprits. Nasser (mort en 1970) Atatürk (décédé en 1938), Kadhafi (lynché en 2011), le Shah d’Iran (exil en 1979), Bourguiba (destitution en 1987) … furent les principaux dirigeants selon ce schéma.  Ces essais ont tous échoués car le peuple préféra revenir se réfugier chez des croyants plutôt que de rallier une élite qui ne leur ressemblait plus guère. Un phénomène du même ordre a lieu en Europe comme aux Etats-Unis : le « peuple » ne suit plus ses dirigeants.

 L’Europe a connu un déclin considérable de l’influence des valeurs judéo-chrétiennes sur les sphères publiques et privées. Les notions de transcendance ont laissé place à l’individualisme. L’accumulation de richesses est devenu le seul objectif de vie et les moyens les plus efficaces pour y parvenir ont été sacralisés. Mais tout chiffrer, tout comparer, tout marchandiser a ses limites. Il est impératif que les gens croient en quelque chose, ne serait-ce qu’en eux-mêmes, pour exister. Ainsi surgirent au milieu de ruines industrielles et morales, des électeurs qui voulaient montrer qu’ils étaient là et qu’ils se sentaient comme étant les barbares de leurs élites. Ces mouvements sont dits populistes pour montrer le dédain ou la méfiance que l’on a à leur égard. Si une partie importante du « peuple » se détache de la mondialisation proposée, la mondialisation se passera du peuple, donc de la Démocratie. 

 Les attentats terroristes sont uniquement voués à faire exploser les liens sociaux qui maintiennent ensemble une Nation, une Patrie. Le prêt-à-penser « libéral » est : vous valez ce que l’on vous achète et tout s’achète. Mais ce n’est pas pour défendre le commerce qu’une population se dressera contre des atteintes indignes. Faire faire la guerre des riches par des pauvres est la plus grande monstruosité offerte aux peuples de toute éternité, et c’est ce que l’on offre à nos sociétés actuelles.

 Les trois sphères qui s’affrontent comprennent donc des idolâtres, ceux qui espèrent en l’Homme et ceux qui comptent.

 Les armes de chacune des parties peuvent être maintenant énoncées. Les uns disposent d’une puissance économique, technologique et militaire sans commune mesure avec les autres. Chez les uns, la foi a laissé place à la hargne, à l’indifférence ou aux bons sentiments. Le désir de jouir est attisé constamment par le paysage médiatique. Les autres ne s’enivrent pas de vin, peu de poésie mais avidement de vertu, le présent n’étant rien par rapport à l’au-delà. Les derniers pensent que l’Homme doit être au centre de tout. La lutte peut être présentée comme celle des croyants sur les mécréants mais les croyants peuvent être soit des illuminés soit des héritiers des valeurs humanistes. Gagner pour les occidentaux, c’est donc d’abord vaincre leurs dissensions internes et leurs incohérences et retrouver le goût du progrès qui ne peut être que celui des valeurs humaines.

 Mondialisation ou immondialisation ? Les démocraties sont sur le point de disparaître car le système ne laissera plus aucune place à des élus. La mondialisation en cours consiste à gommer les frontières et à restreindre considérablement les prérogatives nationales issues d’élections démocratiques. Ne resterait alors qu’une immondialisation purement marchande qui engendrerait d’énormes inégalités afin qu’une minorité de nantis puisse exercer tous les pouvoirs. Une autre immondialisation est proposée qui elle donnerait les clés du pouvoir à des illuminés. Si l’on ne veut ni de l’une ni de l’autre afin que les démocraties vivent, il faudra se battre, plus contre nous même que contre nos ennemis. Il faudra chasser les marchands du temple, remplacer le superflu par l’essentiel, la modernité par le progrès, l’esbroufe par la raison.


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