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Mont Beuvray Gorgobina, site stratégique au centre de la Gaule

Je ne sais plus très bien ce qu'il faut faire pour alerter l'opinion sur l'incroyable erreur de localisation du site de Bibracte qui fut, si l'en croit César et Strabon, l'oppidum/presque capitale de la Gaule, c'est-à-dire de la France, avant Paris. Les archéologues du mont Beuvray redoublent d'efforts pour promouvoir au mont Beuvray leurs hypothèses erronées, avec le soutien du ministère de la Culture, tandis que les médias, en véritables têtes de linotte, s'engluent dans une contestation qui n'a plus lieu d'être au sujet d'Alésia. 

Pour faire simple, je résume l'affaire dans quelques croquis, en ne mettant en exergue que son aspect stratégique.

 

Mon interprétation s'appuie sur une traduction rigoureuse des Commentaires de César.

I. La bataille de Magetobriga

Wikipédia, je cite : La bataille de Magetobriga (ou Admagétobrige) est un épisode de la confrontation entre Celtes et Germains lors des migrations germaniques du ier siècle av. J.-C.. Elle a opposé des Germains conduits par Arioviste et majoritairement suèves, à une coalition gauloise s'efforçant de les repousser... Les sources dont nous disposons se limitent à deux textes contemporains : Lettres de Cicéron à Atticus (livre-I : la lettre 19 y fait allusion), Commentaires sur la Guerre des Gaules par Jules César (livre-I, chapitre 31)... Ni le lieu de la bataille, ni sa date exacte ne sont formellement précisés. Elle a probablement été livrée en Alsace, peut-être vers Sélestat comme l'avance L.-A. Constans. Du texte de César, on peut déduire qu'elle a eu lieu vers 62-60 avant J.-C.. Les seules informations certaines concernent les belligérants, une coalition gauloise emmenée par les Eduens, et l'issue de la bataille, la nette victoire des Germains d'Arioviste qui s'installent au nord du pays séquane. Fin de citation.

Voici ma reconstitution du pays éduen autour du mont Beuvray. Bibracte, la capitale éduenne, est en bas plus à droite, à Mont-Saint-Vincent, entre Saône et Dheune. Le mont Beuvray est une projection éduenne, ou ante-éduenne, vers la Loire et porte le nom d'Alisincum. Précédant ou succédant aux Éduens, les Arvernes sont maîtres de la position lors de l'affaire d'Arioviste. Ils la nomment Gorgobina, mot bien évidemment dérivé de Gergovie alias Gorgona, la Gorgone. Ils y ont appelé les Germains en renfort pour résister aux Éduens.

Les historiens situent la bataille de Magetobriga en plaine d'Alsace ? Certainement pas ! Que diable les Éduens seraient-ils allés faire en pays séquane adverse, en sautant par dessus leur capitale de Besançon ? César écrit : La Gaule était divisée en deux confédérations de peuples. A la tête de l'une se trouvaient les Eduens, à la tête de l'autre, les Arvernes. Pendant de longues années, ils luttèrent les uns contre les autres avec une telle âpreté que les Arvernes et les Séquanes avaient dû faire appel à des mercenaires germains. Il en était passé environ 15 000 en Gaule. (DBG,I,31). Dès lors que l'on admet, comme le précise Strabon, que les Eduens se trouvaient entre la Saône et la Dheune, le militaire le plus ignare comprend aussitôt qu'Arioviste est venu renforcer les Arvernes qui occupaient le mont Beuvray, Gorgobina, alias Gorgovina, alias petite Gergovie ou fille de Gergovie. L'archéologue le moins averti devrait comprendre que, pour reprendre la position, l'armée éduenne (1) s'est portée de Mont-Saint-Vincent/Bibracte jusqu'à l'Arroux en empruntant un chemin de crête, hors forêts difficilement franchissables, alias chemin des druides jalonné de pierres branlantes toutes plus mystiques les unes que les autres. 

Magetobriga ? Mais voilà bien une preuve de plus de ce que j'affirme depuis des dizaines d'années. Magetobriga, le grand pont, c'est l'antique bourgade de Mesvres, au bord de l'Arroux. Au Moyen âge, elle s'appelait encore Magobrium. Qu'on rajoute le “g” qui a disparu à l'usage et on obtiendra Magobrigum. Voilà le lieu de la grande bataille (2) ! Il se peut même que les Eduens aient été attaqués par Arioviste alors qu'ils se trouvaient encore dans leurs camps de toile. Peut-être même n'avaient-ils pas franchi l'Arroux !

Le passage que je viens d'écrire est un extrait de mon "Histoire de Bibracte, l'épée flamboyante" que j'ai publié en 1995. J'ajoutais alors : "Mais où sont les tumulus ? Où sont les armes brisées et perdues ? Où sont les équipements des morts ? La parole est aux archéologues." Wikipédia me donne aujourd'hui la réponse en indiquant à Mesvres : "maison forte des XVe et XVI ème siècles (ancien prieuré), restes d'un camp retranché antique au signal de Notre-Dame-de-la-Certenue, vestiges celtiques et gallo-romains". Non, vraiment, il faut être d'une mauvaise foi incommensurable pour ne pas vouloir comprendre.

La bataille des Helvètes.

Et là encore, il faut être d'une mauvaise foi incommensurable pour ne pas vouloir comprendre que si les Eduens ont fait appel aux Helvètes et aux Boïens, c'est bien évidemment pour reprendre la position aux Germains d'Arioviste. 

J'ai expliqué l'intervention inattendue et surprenante de César qui a sauvé provisoirement les Germains du mont Beuvray, l'extraordinaire bataille et la victoire qu'il a remportée sur les Helvètes et les Boïens, à Sanvignes (3), puis son retournement encore plus surprenant contre les Germains d'Arioviste dans la plaine d'Alsace, la défaite de ces derniers, ce qui - ipso facto - a isolé leur tête de pont beuvraysienne. (4) 

Ensuite, César écrit : "qu'à la demande des Eduens, il avait autorisé les Boïens à s'établir sur leur territoire (ou sur leurs frontières), parce qu'ils étaient particulièrement réputés pour leur valeur militaire. Les Eduens leur donnèrent des terres, et par la suite, ils les placèrent sur le même pied d'égalité qu'eux dans le cadre de leurs lois". (DBG I,28)

Frontières, territoire, il est clair que les Boïens ont été installés en deça de la Loire et non au-delà comme on le pense. Bibracte étant à Mont-Saint-Vincent, la position forte du mont Beuvray, oppidum offrant de larges vues sur les terres concédées, s'impose. Il ne fait pas de doute que les Boïens en ont chassé les Germains qui s'y trouvaient encore.

Le siège de Gorgobina par Vercingétorix.

Sept ans se passent... "César opère un regroupement général de son armée…Informé de ces mouvements, Vercingétorix ramène à nouveau son armée chez les Bituriges et de là, il marche sur Gorgobina, oppidum des Boïens ; César les avait établis ici après la défaite des Helvètes ; il les avait rattachés aux Eduens" (DBG VII,9)

Vercingétorix est de l'autre côté de la Loire, il navigue entre le pays arverne et celui des Bituriges de Bourges. Il a appelé les Éduens à se rallier à son insurrection. Mais, à Gorgobina, il y a 32 000 Boïens que César a installés, probablement moins (5). Dans le conflit qui s'annonce, ce sont eux qui feront la différence. Gorgobina, c'est manifestement, pour Vercingétorix, le premier verrou à faire sauter.

"César demande alors aux Eduens d'assurer son ravitaillement. Il envoie chez les Boïens un élément précurseur pour les prévenir de son arrivée et pour les exhorter à rester fidèles et à supporter les assauts de leur ennemi avec courage. Laissant deux légions à Agedincum (Sens) avec les chariots de bagages de toute l'armée, il se met en route pour porter secours aux Boïens" (DBG VII,10)

César arrive à Nevers (Noviodunum), au pied d'un chemin qui mène au mont Beuvray ; il assiège la ville. Vercingétorix, informé, lève le siège de Gorgobina et se porte à sa rencontre. Combat de cavalerie. Là encore, les cavaliers germains l'emportent. Nevers tombe aux mains de César, mais changeant brusquement d'intention, il abandonne son intention première de se porter au secours de Gorgobina, il se dirige sur Bourges pour en faire le siège (DBG VII,12-13). Bourges, la plus belle ville ou peu s'en faut de la Gaule (DBG VII,15). Il est clair que les Boïens se sont ralliés à Vercingétorix, ce qui oblige César à jouer une autre carte, d'autant plus que les Bituriges font aussi défection.

Lors de leur installation en nombre, au mont Beuvray, par César, les Boïens ont bien évidemment renforcé les ouvrages de protection, d'où les remparts. Il a bien fallu que César pourvoie à leur ravitaillement, d'où les amphores. Dès lors deviennent particulièrement risibles les interprétations archéologiques qui veulent voir dans les deux grandes enceintes, l'indice d'une population éduenne qui s'urbanise, première capitale gauloise de pauvres maisons en bois. Risible également, l'interprétation faite au sujet des amphores, à savoir que les Eduens auraient fait une consommation absolument déraisonnable de vins italiens... en même temps qu'ils recevaient d'eux "la civilisation".

Je ne sais plus s'il faut en rire ou en pleurer.

E. Mourey, 15 novembre 2014. Site internet www.bibracte.com. Croquis et extraits de textes de mon "Histoire de Bibracte, l'épée flamboyante".

 

Renvois

1. César ne parle pas de coalition mais d'une armée gauloise, probablement parce que les contingents principaux qui la composent sont fournis, en plus de la cité propre de Bibracte, par les cités vassales voisines.

2. Cartulaire de Paray-le-Monial, paru dans les Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Chalon-sur-Saône, 1891, documents n° 238, 243, 229, 230, 235, 236, 237, 238, 248. (Mesvres).

3. Bataille de Sanvignes entre les Helvètes et les Romains de César : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/mais-ou-diable-la-bataille-des-66808
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/mais-ou-diable-la-bataille-des-66910
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/mais-ou-diable-la-bataille-des-67412

4. Pourquoi, diable, César est-il intervenu alors que personne ne le lui demandait ? C'est bien la question que les légionnaires se sont posée quand après avoir sauvé les Germains du mont Beuvray, il leur a demandé de marcher contre les Germains de la plaine d'Alsace (DBG I, 40). 

5. César est d'une très grande précision (DBG I, 29). La migration helvète comptait 368 000 âmes pour 92 000 combattants, ce qui représente un combattant pour trois non-combattants. D'où pour 32 000 Boïens, 8 000 combattants Boïens aptes à porter les armes. Il faut toutefois relativiser, car ce sont les chiffres d'un recensement, avant le départ. Il faut déduire de ces chiffres, ceux qui ont renoncé de partir au dernier moment, ceux qui ont rebroussé chemin, surtout après le désastre du franchissement de la Saône, et ceux qui ont été tués lors de la bataille de Sanvignes remportée par César.

 


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5 réactions à cet article    


  • lsga lsga 17 novembre 2014 11:07

    La Gaule ? la France ? N’importe quoi .... 


    • Emile Mourey Emile Mourey 17 novembre 2014 11:25

      La Gaule, c’est la France !


      Vive le site de Cabillodunum et vive son château de Taisey ! 
      Vive Bibracte à Mont-Saint-Vincent !
      Vive Gergovie au Crest !
      Vivent les antiques cités gauloises !
      Vivent Clovis et Vercingétorix !
      Vive Emile Mourey !
      Vive la Gaule et vive la France !

      Et mort aux cons !

      • soi même 17 novembre 2014 15:12

        N’oublier aussi dans votre hommage les grand cons qui on défait la France !


      • Emile Mourey Emile Mourey 17 novembre 2014 11:46

        Contrairement à ce que l’on croit, l’expression « mort aux cons » n’est pas une expression du jargon militaire dirigée contre l’ennemi mais contre la hiérarchie quand elle se fourvoie.


        • Antenor Antenor 17 novembre 2014 14:47

          La carte régionale de la répartition des céramiques (revues Archéologia HS 14 et Archéothéma juin 2012) montre un clivage net entre la zone Loire-Arroux d’un côté et la zone Arroux-Saône de l’autre. Il y a là manifestement deux peuples différents. Nous savons que Chalon et Macon étaient éduennes ; il est donc logique de placer les Eduens dans la zone Arroux-Saône.

          En se basant sur le livre VIII de César, on peut placer les Ambivarètes dans la zone Loire-Arroux. D’autant plus qu’entre les noms Ambivarètes et Mont-Beuvray, il y a une forte une ressemblance.

          L’unique problème étant que dans le livre VII, on retrouve les Eduens à Decize, donc largement à l’Ouest de l’Arroux. Ce problème est aisé à résoudre :

          Phase 1 : les Ambivarètes occupent depuis longtemps la zone comprise entre Loire et Arroux comme l’illustre la carte. La citadelle principale de leur cité était peut-être sise sur la butte de Montenoison.

          Phase 2 : les Arverno-Germains s’emparent d’un pagus (subdivision de la cité) ambivarète situé entre l’Aron et l’Arroux et renomment la capitale de ce pagus Gorgobina. Ils menacent la frontière occidentale éduenne et anéantissent même la contre-attaque éduenne à Admagetobriga (Etang-sur-Arroux / gué de la Perrière).

          Phase 3 : Après la victoire de César contre les Germains, les Eduens récupèrent le pagus Aron-Arroux. Leur territoire s’étend donc désormais jusqu’à Decize où l’Aron rejoint la Loire. Ils placent les mercenaires boïens à Gorgobina pour défendre ce territoire nouvellement acquis.

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