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Négliger la maintenance industrielle se paie toujours au prix fort

L’analyse de l’accident survenu sur une ligne SNCF à de Brétigny sur Orge en juillet 2013 a mis en lumière la question de la maintenance de cette ligne. Beaucoup d’événements survenus dans d’autres secteurs industriels, ont pointé des problèmes d’entretien, ou des défauts de qualité dans la maintenance d’installations industrielles.

Un navigateur au long cours bichonne son bateau, et vérifie régulièrement le bon fonctionnement des organes sensibles pour arriver au bout de la course, entier et sur un bateau en bon état. Ce qui est valable pour une femme ou un homme engagé dans une course en solitaire sur les océans, devrait l’être tout autant sinon plus pour des dirigeants responsables d’activités qui ont un impact sur d’autres êtres humains.

Ce n’est pas aussi évident que cela.

Une perte de repères, une perte des priorités

Je me souviens très bien de mon étonnement peu de temps après avoir pris mes fonctions de dirigeant dans l’Est de la France dans la distribution de gaz naturel et d’électricité, lorsque j’ai été interpellée par des chefs d’équipes techniques sur le fait que la maintenance des réseaux et des organes de sécurité n’était pas assurée faute de budget. Moi qui venais du nucléaire, où les arrêts périodiques de chaque réacteur pour entretien faisaient l’objet d’une préparation, d’un suivi, et de contrôles rigoureux, je ne comprenais pas comment cela était possible.

Et effectivement, en avançant dans la connaissance de l’activité, j’ai réalisé que la productivité se faisait depuis de nombreuses années avec une perte complète des fondamentaux du métier, que ce soit en électricité comme en gaz. En résumé, les budgets de maintenance étaient considérés comme servant de terme de bouclage des budgets.

Cette situation se traduisait par une perte de repères collective préoccupante, et donc par des décisions et des priorisations motivées uniquement par l’optimisation des budgets d’exploitation. Les impasses techniques et les écarts se paient à un moment ou un autre.

Un désengagement des équipes opérationnelles, et une perte de confiance dans la direction

Ces manquements ont des effets dévastateurs en interne. Si le management n’est pas rigoureux dans le contrôle et le respect des gammes de maintenance, pourquoi les opérateurs seraient–ils eux-mêmes exigeants et rigoureux dans l’exercice de leur métier ? Ainsi la prise de risque et la mise en danger deviennent des pratiques collectives. Il n’y a plus de confiance. Il n’y a plus de conscience du risque et du danger.

L’activité de maintenance est déconsidérée. Ce n’est plus une activité à valeur ajoutée, puisqu’on peut la négliger. Elle ne fait pas partie des tâches nobles, à la différence des activités de production, de conduite d’usines, de centrales de production d’électricité ou de réseaux, des conducteurs de TGV ou d’avion. De là à y mettre les personnes en difficulté, peu compétentes… le cercle non vertueux s’enclenche.

Il faudra beaucoup d’énergie managériale, de temps et de pugnacité pour changer ce système, à l’heure où la durée de vie des installations devient un vrai sujet dans une France en crise, et voire en récession. Plus que jamais, le métier d’un dirigeant est de faire en sorte que les installations dont il a la responsabilité pendant la durée de son mandat, soient, à la fin de ce mandat, en état de garantir toujours les meilleures performances, y compris techniques.

Des interfaces sensibles entre les différents métiers dans une usine de production

L’interface entre exploitation et maintenance est toujours sensible et source de conflit. Chacun accuse l’autre d’être responsable du problème.

Pourtant « maintenance » et « exploitation » ont un objectif commun : faire en sorte que les organes sensibles de l’installation soient disponibles, fiables en cas de besoin.

Pour cela, le « travail ensemble » est nécessaire, pour échanger sur le fonctionnement de ces organes, prévoir des programmes de maintenance qui correspondent à la réglementation du secteur concernée, et qui prennent en compte les besoins des exploitants.

C’est le rôle des managers de mettre en place ce « travail ensemble » qui crée de la valeur. 

C’est la responsabilité du dirigeant de créer les conditions pour que les fondamentaux de l’activité soient toujours respectés et se traduisent dans des choix adaptés.

Redonner ses lettres de noblesse à la maintenance

Nous avons, dans le cadre du réseau de distribution de gaz naturel, procédé à une évolution importante du métier de l’exploitant du réseau, qui a donné l’impression aux équipes de maintenance que leur activité était secondaire. Il a fallu rattraper cette erreur, pour leur redonner toutes leurs lettres de noblesse.

Pour cela, nous avons créé des passerelles entre les métiers pour proposer un parcours professionnel complet. Nous avons mis en place des modes de travail qui privilégient l’échange et le travail ensemble.

Enfin, dans l’organisation du temps de travail des exploitants, nous avons prévu qu’ils passent régulièrement une semaine sur les installations pour connaître les équipes de maintenance, les intervenants en cas d’incidents, pour partager les problèmes rencontrés. Et inversement que les équipes d’entretien et d’ingénierie aillent régulièrement dans les bureaux d’exploitation pour connaître les contraintes des exploitants.

Le juste équilibre entre les investissements et les dépenses d’exploitation

Pour trouver des marges de productivité, la tendance naturelle est de réduire les dépenses d’exploitation et donc les dépenses de maintenance. Le juste équilibre entre les dépenses de maintenance et les investissements, est un sujet récurrent pour un dirigeant.

Une chose est sûre et malheureusement vérifiée : toute impasse sur une gamme de maintenance se paie un jour ou l’autre. La distribution du gaz naturel en a fait l’expérience. La SNCF aussi, comme le montre le retour des analyses de l’accident de Brétigny sur-Orge.

Le calcul de court terme n’est pas adapté à des infrastructures industrielles dont les investissements sont rentabilisés sur plus de 40 ans. C’est un très mauvais calcul, et il est finalement très coûteux de ne pas assurer le contrôle et l’entretien selon les gammes prévues.

 

Laurence Hézard

Blog  : www.ledesirdepenser.com


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8 réactions à cet article    


  • claude-michel claude-michel 23 novembre 2013 09:20

    Regardez la SNCF...pour faire des économies les lignes secondaires sont dans un état de délabrement bien connu des responsables...faut toujours mettre en premier les actionnaires pour qu’ils puissent touches des dividendes a deux chiffres.. !

    Pour tout c’est la même choses.. !

    • Piotrek Piotrek 23 novembre 2013 13:19

      La SNCF est une entreprise publique, appartenant à l’Etat. Les actionnaires c’est nous.

      Et c’est bien le problème que soulève l’auteur : le bon sens s’égare dans tous les cas


    • Gavroche Gavroche 23 novembre 2013 10:15

      Quand on préfère la mise en place de « managers » et/ou de « gestionnaires » que l’on change rapidement de poste (2 ans) en lieu et place de techniciens maitrisant la technique, l’organisation, le terrain pour diriger les opérationnels on dénature la fonction de la maintenance et on perturbe les opérateurs.


      • jef88 jef88 23 novembre 2013 11:18

        Le passage de la direction qui agit) au management (qui gére) est une des causes de notre déclin !
        mais il faut bien singer les ricains ! ! !


      • Croa Croa 23 novembre 2013 10:50

        La SNCF préfère s’engager dans des partenariats douteux que faire correctement son travail...

        Elle fait ce que l’oligarchie lui demande. smiley


        • mmbbb 24 novembre 2013 08:13

          @ CLAUDE MICHEL Je ne savais par que la SNCF etait cotee au CAC 40 ! Quoi qu’il en soit cet accident de Bretigny temoigne de la deliquescence sur la responsabilite morale de notre elite et de l’organsisation de cette entreprise Cette ligne est une ligne frequentee et j’espere que les plaignants ne se feront pas acheter par la direction et que le parquet commutera cet accident en hommicide volontaire J’aimerai savoir ou passe l’argent du contribuable 


          • Bulgroz 24 novembre 2013 08:48

            Je comprends que l’auteur est mécontent de la politique de maintenance de la SNCF. Je ne rentrai pas dans ce débat technique.

            Par contre, ce que je souhaiterai comprendre c’est la Subvention Publique payée par le budget de l’état de 3,4 milliards d’Euros et versée chaque année au régime de retraite (spécial) de la SNCF.

            Cette subvention représente 63,6% des charges de retraites des 272 375 retraités de ce régime.

            Cela représente une subvention moyenne de l’état de 12 482 Euros/an/retraité SNCF.

            Cela représente l’équivalent de 10,6% du chiffres d’affaire de la SNCF (33,8 milliards).

            De tous les régimes de retraite, celui de la SNCF a plus bas taux de couverture de ses dépenses par des cotisations (37%).

            Pourquoi ?

            Pourquoi faire payer le contribuable et non pas l’usager ?

            Je propose donc que la SNCF couvre elle même les dépenses de ces retraités en augmentant ses tarifs de 10,6%.

            Une fois que cette opération de transparence sera réalisée, nous parlerons de maintenance.


            • Pere Plexe Pere Plexe 24 novembre 2013 09:46

              La sécurité est devenu un paramètre économique comme les autres.

              Dés lors nos grands décideurs fixe son coût à celui que risque de faire perdre un (des)accident(s).
              Et encore ça c’est quand tout va bien.
              Dans ce système les victimes ne sont que des variables d’ajustement.
              En ce sens la SNCF est devenue une entreprise comme les autres.Suivant ainsi le désire de nos élus,mais aussi d’une grande partie des usagés.Pardon des clients.

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