Parlement Européen : le leurre d’appel sexuel
Le leurre d’appel sexuel, a-t-on souvent répété sur Agoravox, est un leurre tout produit, comme on dit d’une voiture qu’elle est tout terrain. Il n’est pas, en effet, un objet, un service, une activité culturelle, si éloigné soit-il de lui, qui ne puisse, avec un peu d’imagination, être promu par sa force de frappe sans égale. Bière, glace, EDF, opticien ou ponctualité d’annonceur publicitaire l’ont été tour à tour à force de prodiges d’ingéniosité.
Seule manquait encore, sauf erreur, au palmarès du leurre d’appel sexuel une campagne électorale. C’est chose faite à présent avec la section française d’une association dite « Parlement Européen des Jeunes », selon l’Express.fr du 13 mai 2009. Mais l’initiative est-elle si heureuse ?
Le mécanisme usuel du leurre d’appel sexuel
Pour capter l’attention d’un électorat qui, selon les sondages, se réfugierait massivement dans l’abstention, cette association diffuse actuellement des affiches dont l’une stimule le réflexe de voyeurisme en jouant, selon le mécanisme usuel du leurre, le double jeu de l’exhibition et de la dissimulation, qui montre tout en cachant. Il ne faut pas, en effet, que le leurre d’appel sexuel confisque à son profit l’attention qu’il est chargé seulement d’attirer pour la rediriger vers le produit à promouvoir.
Métonymie, intericonicité et métaphore de la prostitution
Présentant ici à la fois la partie pour le tout et l’effet pour la cause, la métonymie est à l’évidence celle d’une scène de racolage où des prostitués, femmes et hommes, sollicitent les passants pour tenter de s’en faire des clients. Intericonicité aidant, on se croirait devant une vitrine de l’ancien quartier chaud d’Amsterdam. Le slogan est des plus explicites, malgré l’ambiguité volontaire du contexte électoral : « Choisissez-les selon vos désirs » : c’est bien un rapport de client à prostitué qui est institué.
Une excuse d’humour sans grand effet
Pour sa défense, l’association du Parlement Européen des Jeunes peut revendiquer pour la jeunesse le droit à la provocation même outrancière, en poussant le paradoxe au-delà du raisonnable, et à s’abriter, pour s’en excuser si besoin est, derrière le paravent de l’humour et de la parodie. Il reste, qu’on le veuille ou non, que la métaphore de la putain et du client parasite leur message plein de bonnes intentions. Et c’est la représentation la plus humiliante qui soit qu’on puisse donner de la relation entre les électeurs et leurs futurs représentants.
N’est-ce pas d’abord une des injures favorites que vocifère depuis longtemps l’antiparlementarisme en jouant sur la paronymie : députés / des putains ? En second lieu, le choix d’un candidat par un électeur se fonde-t-il sur sa seule apparence physique et son attrait sexuel ou sur des engagements politiques ? Il est vrai que pour le président Berlusconi, la réponse ne fait pas de doute : il a été tenté en Italie de choisir des starlettes à la plastique enivrante pour dresser ses listes de candidats. Mais dans quel bas-fonds sombre une démocratie qui en arrive là ?
On voit ici en tout cas que le débat politique démocratique ne peut être promu par les moyens usuels de la publicité comme le leurre d’appel sexuel sans être au mieux ridiculisé, au pis dévalorisé. Ce "Parlement Européen des Jeunes" qui a beaucoup à apprendre, vient d’en faire la démonstration à ses dépens. Il aurait voulu éloigner un peu plus les électeurs de leur devoir électoral et de la noblesse de la politique, qu’il ne s’y serait pas pris autrement ! Paul Villach
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