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Pêcheurs de Mayotte VS lobbys européens, la cocotte va exploser !

Un seul changement de statut administratif, et tout est dévasté. Les pêcheurs de Mayotte viennent d'en faire les frais. Ce petit ensemble d'iles situé dans l'océan Indien, au coeur de l'archipel des Comores, et ayant le statut de département et de région d'outre-mer (DROM) français, a été classé comme "région ultrapériphérique" (RUP) de l'Union européenne en 2012. Ce qui lui permet officiellement d'avoir accès aux fonds d'aide à partir de 2014. Les pêcheurs locaux en auront grand besoin, puisque leur activité est foulée au pied par les nouvelles réglementations européennes. 

Des revendications même pas considérées

Les desiderata des pêcheurs étaient simples. Se doutant que les nouvelles réglementations communautaires ne tarderaient pas à s'imposer à eux, ils ont adressé une série de revendications à la Commission européenne et au Parlement européen. Elles en appelaient notamment à une interdiction pour les thoniers senneurs de pêcher dans la zone des 24 miles nautique, tout en demandant, pour la même zone, une dérogation pour permettre aux navires mahorais (immatriculés à Mayotte) et aux navires ayant pêché au moins 40 jours dans les eaux de Mayotte durant les deux dernières années de pêcher. Ils demandaient, enfin, la reconnaissance du parc naturel marin.

Vendredi 14 février, ils apprenaient de la bouche de l'eurodéputé Younous Omarjee que leurs propositions avaient été balayées d'un revers de la main par la Commission et le Parlement. Aucune n'a été prise au sérieux. Les élus pêcheurs de la CAPAM crient au scandale. Ils accusent le ministre de l'Agriculture d'avoir cédé aux lobbys, européens mais aussi de la pêche industrielle et bretonne.

"Nous regrettons que les demandes des pêcheurs de Mayotte n'aient pas été prises en compte par le Conseil de l'UE et que celui-ci décide de manière unilatérale, de ne pas prendre en considération l'aspect environnemental et durable de l'activité de pêche artisanale en privilégiant l'accès aux pêcheries industrielles" a déclaré Dominique Marot, membre de la CAPAM.

Pour la sauvegarde de l'environnement, on repassera

La décision du Conseil de l'UE cisaille sans vergogne l'activité des pêcheurs mahorais, qui devront composer avec un nombre croissant de thoniers senneurs dans leurs zones de pêche. Si au moins ces usines flottantes continuaient de payer la redevance au profit des pêcheurs mahorais, mais même pas ! Les thoniers seront désormais dispensés de régler les 400 000 qu'ils réglaient jusqu'à présent !

Mais l'aspect financier n'est pas le seul à inquiéter les pêcheurs locaux. Pour l'environnement aussi, la présence de ces navires ultra véloces est une catastrophe : "En 2007, on nous avait dit que le parc marin serait une façon pour les pêcheurs de pratiquer leur métier de manière exemplaire pour le respect de l'environnement. Là, l'Europe balaie tout, on n'a plus que nos yeux pour pleurer" s'insurge Régis Masséaux, lui aussi membre de la CAPAM. Avant d'être rejoint par un des ses confrères, Pierre Baubet  : "C'est un signal très négatif qui vient d'être donné. La situation est défavorable et sans possibilité de retour. On nous bassine avec le développement durable et l'environnement. Pour la piste longue, on a tout arrêté pour protéger des dugongs et des coquillages. Et là, le même ministère qui a supervisé la mise en place du parc marin ne se soucie pas de la ressource halieutique de celui-ci. La ressource diminue, on scie la branche sur laquelle on est assis."

L'Europe, cheval de Troie de l'absurde

L'Europe, dans cette affaire, vient une nouvelle fois de démontrer son incompétence à tout gérer, surtout les sujets lointains et très concrets, qu'elle ferait mieux d'ignorer. Bruxelles - Mamoudzou (préfecture de Mayotte), 8 000 km de distance. Peut-on sérieusement demander à des technocrates encravatés, tranquillement installés dans leurs fauteuils Le Corbusier et davantage sensibles aux bruissements des lobbyistes qu'aux cris de détresse de la population de légiférer sur la situation de pêcheurs de l'autre bout du monde ? L'exemple de Mayotte montre que non. Absurde. Ignoble. Sans coeur. L'UE tout craché, quoi.

Les pêcheurs ont fait appel. La procédure va prendre des années. Ceux qui auront dévasté les fonds marins ne seront plus là. La cocotte va exploser. 


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8 réactions à cet article    


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 20 février 2014 11:04

    C’est un des problèmes entre l’UE et les départements d’outre-mer :
    on veut plaquer des institutions parisiennes ou bruxelloises sur des contrées lointaines.

    cf les problèmes entre la Guyane et le Brésil où la frontière devient surprotégée (car frontière extérieure de l’UE), alors que les populations ont toujours été mélées. Il y a 15 ans il n’y avait même pas de route et la souveraineté française toute théorique.
    Je serais de la Guyane, je préférerais m’entendre avec le Brésil qu’avec Bruxelles, question de proximité et de potentiel de nuisance.

    Mayotte ne se transformera pas en département français aussi vite qu’une loi votée (cette nouvelle extension n’a d’ailleurs suscité aucun débat, mais ça c’est une autre histoire)


    • eric 21 février 2014 07:12

      A la fois intéressant. Un sujet dont on entend peu parler. En même temps, je reste un peu sur ma faim. C’est un article exclusivement a charge de l’Europe et un peu surprenant. En général, celle-ci interdit tout, « précautionne » tout, est plus sensible aux demandes environnementales qu’a celle des pêcheurs bretons.


      • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 21 février 2014 11:30

        L’Europe n’interdit que ce qui ne saurait gêner les lobbies.


      • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 21 février 2014 11:28

        Merci Yvan, malgré un bémol sur la forme, de parler de Mayotte et merci aux modérateurs d’avoir accepté (le sujet agace parfois...). Il est essentiel, en effet, que ce qui se passe ici remonte jusqu’en métropole vu que l’île continue de vivre, par bien des aspects, un néocolonialisme rampant et que l’appareil d’État n’en a que faire tant que des fuites ne dénoncent pas l’impéritie ambiante. Et c’est d’autant plus important que tous ceux, parmi les légitimement touchés, voudraient en parler mais ne le font pas, une fois repartis en France d’Europe.

        PS : raison de plus pour ne pas illustrer avec une photo de Madagascar...


        • Corinne Colas Corinne Colas 21 février 2014 11:38

          Excellent article à relayer...


          Si l’Europe était sensible aux « demandes environnementales », elle ne ferait pas mourir la pêche artisanale au profit des bateaux-usines. De façon générale, dès qu’on vient mesurer la taille des poissons et qu’on parle de quotas aux autochtones, paradoxalement c’est pour mieux préparer la protection des flottes industrielles et non des océans...

          Résultat : les mers sont vidées par la surexploitation, le gaspillage. Finie la biodiversité et plus de ressources alimentaires pour de nombreux pays pauvres soumis à la famine et ayant vendu leurs droits de pêche.

          Selon Pauly, « lorsque les ressources sont surexploitées, la pêche est soumise à une expansion continue, géographique et benthique (6), qui accroît ses coûts, et donc sa dépendance aux subventions ». 

          « En Europe, près de 80 % des subventions profitent au modèle de pêche le plus destructeur de ressources, le plus consommateur d’énergie et le moins productif » 

          Ex : « En Méditerranée, la pêche artisanale, qui représente 84% de la flotte n’a droit qu’à 10% des quotas »

          Yvan évoque la nécessité maintenant pour les pêcheurs locaux de Mayotte, d’avoir « accès aux fonds d’aide à partir de 2014 puisque »leur activité est foulée au pied par les nouvelles réglementations européennes. ... (Qu’ils ne se fassent pas trop d’illusions tout de même) ... C’est là, la perversité du système : tout le monde sous perfusion et dépendant, on le constate aussi avec les semi-industriels surendettés. 

          • Corinne Colas Corinne Colas 21 février 2014 11:51

            Si vous mangez du poisson.... attention aux arnaques de la « bonne conscience » !

            Ci-dessous, quelqu’un qui ne mâche pas ses mots :


            Le label MSC : intox au développement durable

            « MSC est une ONG crée en 1997 par le WWF (bien, la protection des animaux, tout ça) et… Unilever (une putain de multinationale de l’agroalimentaire, ça commence à sentir pas bon).

            Le but de MSC est d’éditer un logo sur le poisson vendu en supermarché, sur lequel est écrit bien gros « pêche durable ». Le consommateur est ainsi rassuré : son achat ne détruira pas la planète, cool.
            Pour apposer ce label, MSC certifie certaines pêcheries, 170 depuis sa création, avec des clients dépensant entre 2,3 et 18,7 millions de dollars pour obtenir la certification.

            En fait ce label n’est qu’une histoire de gros sous, des industriels de la pêche intensive qui veulent redorer leur image et tromper le consommateur. C’est un peu comme si on apposait une étiquette « garanti sans SIDA » sur le front d’un travelo zaïrois du bois de Bou’ (je suis fort en comparaisons audacieuses !)

            « Quand les consommateurs veulent du poisson durable, il existe deux options pour répondre à cette demande : la pêche peut devenir plus durable ou la définition de durable peut être édulcorée jusqu’à devenir pratiquement dénuée de sens. Avec le label MSC, c’est la seconde option qui a été maintes fois choisie » déclare Jennifer Jacquet, professeur adjoint à l’Université de New York »


            • benalgue 21 février 2014 12:11

              bonjour
              pour avoir vécu 4 ans à Mayotte j’ai une petite idée de ce qui se passe dans cette petite île....alors oui il y a la pêche mais aussi la vie chère l’immigration incontrôlé le vol la violence le démographie qui explose le manque d’eau potable (usine de dessalement) le béton de bouigue et colas etc...tout cela je l’avais venu venir.....j’y étais entre 1996 et 2000....les mahorais se sont battus pour être français ont rejeté leur indépendance par calcul (indépendance non démocratique puisque l’on est revenu sur le référendum incluant les 4 îles qui à la majorité avaient voté pour l’indépendance )....par calcul puisque ils ne voulaient pas redevenir les cons des grands commoriens ou des anjouanais et attirés qu’ils étaient des prestations sociales à la française...Maintenant ils n’ont un pas de beurre ( ils ne produisent même pas le riz qu’ils mangent ni les ailes de poulets qu’ils consomment abondemment) un peu d’argent du beurre et la crémière se fait défoncer le cul par la france....bon y en a qui profitent de la situation et construise un deuxième étage à leur maison.....et peut être suis je un idéaliste mais j’aurai préféré vivre à mayotte il y a 25 ans que aujourd’hui.....vous vouliez être français et bien bienvenu au club


              • benalgue 21 février 2014 12:13

                j’oubliai oui la photo n’est pas de mayotte les mahorais qui ont de l’argent utilisent des pirogues à moteur pour les vieux une petite pirogue à rame suffit pour pecher dans le lagon

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Yvan


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