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Perdre la tête

Depuis quelques temps la décapitation revient en force dans l'actualité, quoique de façon parfaitement criminelle. Retour sur quelques étapes de ce supplice spectaculaire qui nous oblige à nous interroger sur son sens.

 Parmi les différents moyens que la justice usa pour faire passer les condamnés de vie à trépas, la décapitation a longtemps été à l’honneur en Europe. A la hache ou à l’épée, c’était même le privilège des nobles, par opposition au gibet, supplice pour roturiers. C’est ainsi qu’en Angleterre, plusieurs têtes couronnées – dont Anne Boleyn et Catherine Howard, épouses du bon roi Henry VIII – la perdirent sur le billot. Quoique réputé indolore (quand le bourreau était adroit), ce mode exécutoire devait, au siècle des Lumières, faire s’interroger les meilleurs esprits. Médecin de son état et député constitutionnel, Joseph Ignace Guillotin proposa dès 1789 le projet d’une machine égalitaire, qui assurerait à tous les condamnés le même type de mort par décollation. L’idée n’était pas neuve ; elle s’inspirait même d’un instrument comme la Mannaïa, active depuis plusieurs siècles déjà en Italie. Qu’importe ! La machine du docteur Guillotin éclipsa vite, dans la mémoire collective, ses précédents artisanaux. En France, elle devait fonctionner, avec une belle régularité, de 1792 à 1977, faisant les beaux jours de quelques familles d’exécuteurs publics – comme les Sanson. Mais la sensibilité des hommes vis-à-vis de la peine capitale allait évoluer au XXeme siècle. Déjà auteur de quelques mémorables plaidoiries contre ce supplice jugé barbare, l’avocat Robert Badinter, devenu Garde des Sceaux, devait décider en septembre 1981 de sa cessation définitive, en même temps que l’abolition de la peine de mort.

Las ! Ce sanglant procédé d’exécution, que l’on croyait relégué dans les musées de justice, nous revient depuis un an par le Moyen Orient et la percée de Daech. A ceci près que ce n’est plus la justice d’un état souverain qui décide de la mort de quelques-uns de ses administrés, mais une organisation terroriste qui la pratique en toute illégalité pour impressionner l’opinion publique. Autochtones musulmans ou ressortissants occidentaux, ses victimes n’ont commis d’autre faute que de ne pas avaliser leur ténébreuse idéologie. Laquelle se conjugue plutôt bien avec l’usage des nouvelles technologies, à commencer par les selfies et les vidéos macabres que ces pseudos djihadistes diffusent allègrement sur le Web. Depuis les SS sur le front russe en 1941, on n’avait sans doute plus vu de bourreaux aussi satisfaits de leurs abominations - ce qui ajoute encore à leur ignominie.

Vendredi 26 juin, c’est près de Grenoble, sur le territoire français, qu’un de ces nouveaux fanatiques a reproduit cette abjecte mise en scène avant de jeter sa voiture contre des produits inflammables et d’être finalement ceinturé par des pompiers. Hervé Cornara, sa victime, Yassin Salhi ne l’a pas choisie au hasard, puisque c’était ni plus ni moins son employeur avec lequel il avait eu une altercation quelques jours auparavant. On imagine toute la hargne qu’il a dû mettre pour tuer un homme et lui sectionner la tête avec une arme artisanale. Le juge ne s’y est pas trompé : ce règlement de comptes n’occulte pas la dimension terroriste de son acte abominable. Mais il en dit long sur les motifs d’ordre psychologique et privé qui animent ces candidats au martyre religieux, musulmans radicalisés ou convertis de fraiche date. Pour en arriver à une telle extrémité, il fallait certainement que Yassin Salhi ait perdu la tête, comme on l’entend au sens figuré, c'est-à-dire ne plus contrôler ses pulsions. Physiquement parlant, il a toutes les chances de garder la sienne sur ses épaules, quelle que soit l’issue de son procès à venir. Parce qu’une loi française, voici trente quatre ans, a décidé qu’un état moderne ne devait plus répondre par la violence instituée à la violence des individus. Reste que, face à de tels monstres, on se dit sans honte aucune que cette loi n’est plus tout à fait juste ni même justifiée, eu égard à la tournure des évènements auxquels nous assistons, entre colère et impuissance.

 

 

 Jacques LUCCHESI


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7 réactions à cet article    



    • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 2 juillet 2015 16:30

      À Jacques Lucchesi :

      Vous m’avez envoyé un commentaire sur mon blog.
      Je l’ai détruit par inadvertance.
      De toute manière, je ne l’aurais pas publié tel quel sur mon blog car il m’était incompréhensible.
      Vous disiez, en substance :
      « Pourquoi seuls les innocents devraient être exécutés ? »
      Qu’est-ce que cela veut dire, SVP ?
       

    • Lucchesi Jacques 2 juillet 2015 16:40

      Vous alors ! Vous me surprenez en trouvant ma question - légèrement modifiée,au passage - incompréhensible. Mais puisque vous me demandez des éclaircissements, je vous dirai que les tueurs devraient pouvoir aussi bénéficier du traitement qu’ils font subir à d’autres.


    • philouie 2 juillet 2015 16:47

      @Lucchesi Jacques
      Vous voulez dire que la vie est une maladie qui se soigne par décollation ?


    • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 2 juillet 2015 16:50

      @Lucchesi Jacques
      Ne m’accusez pas d’avoir modifié votre question : je vous ai dit que je l’avais effacée par inadvertance et, ne m’en souvenant pas précisément, j’ai essayé de m’en souvenir ; c’est pourquoi j’ai écrit : Vous disiez, « en substance » : ...

      Est-ce clair ?

      Maintenant, je comprends ce que vous vouliez dire :
      « Pourquoi seuls les innocents (les victimes des assassins) devraient-ils mourir ? Pourquoi les assassins ne perdraient-ils pas la vie également ? »

      Si c’est cela que vous vouliez dire, vous pouvez m’envoyer votre commentaire reformulé et je le mettrai en ligne sur mon blog.


    • bakerstreet bakerstreet 2 juillet 2015 12:11

      « Quoique réputé indolore »

      Objection, votre honneur, personne n’est venu témoigner. 
      Ceci n’est peut être que le témoignage du bourreau, qui ne s’es pas fait d’ampoule à la main en coupant.

      A notre époque pornographique, où plus rien ne surprend, daesh parvient à nous surprendre à ce niveau, tout en ne dévoilant pas les corps...

      Une démarche intéressante dans l’art contemporain, et c’est pour ça qu’elle intéresse des investisseurs, dans les riches pays arabes

      • Le p’tit Charles 3 juillet 2015 07:29

        Robert Badinter, devenu Garde des SOTS..encarté au PS..parti collaborationniste..c’est de lui que vous voulez parler.. ?

        Une pointure de la justice Française qui ne condamne que les petits et couve les politiciens-mafieux du regard de Chimène...Pourtant bons nombres mériteraient d’être coupés en deux plutôt que de voler l’argent du peuple...mais dans son infinie connerie les véreux décidèrent de l’abolir..Vous remarquerez que c’est (encore) une sottise de la gauche.. ?

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