Plan Espoir Banlieues : Qu’un mensonge

Le 8 février 2008, Nicolas Sarkozy accompagné de la secrétaire d’état à la ville Fadela Amara annonçait le fameux et tant attendu « Plan Espoir Banlieues » ou comme il aimait à le qualifier : « le plan Marshall des banlieues ».
Fini le discours du karcher, Nicolas Sarkozy se dit conscient de la situation alarmante des « quartiers » et décide alors d’honorer une de ses nombreuses promesses de campagne présidentielle.
Pour l’occasion et comme à son habitude, fier de son nouveau projet, le président convoqua la presse, les télévisions bref tout média qui voudrait bien l’entendre. Pendant des dizaines de minutes, il critiqua les anciennes politiques de la ville et les nombreux plans banlieues qui selon lui : « pendant 20 ans n’ont fait que dépenser de l’argent » et n’ont pas réellement fait avancer les choses .
Mais alors quelle est la situation des banlieues, est-elle aussi alarmante que l’on entend dire ?
En quelques chiffres présentons ces quartiers
La jeunesse des quartiers populaires est aujourd’hui confrontée à un taux de chômage près de deux fois supérieur à celui des autres jeunes (19,5 % contre moins de 10 % en 2006) déjà anormalement élevé dans notre pays. L’emploi est donc au cœur des difficultés profondes des quartiers, ainsi le travail revient comme le point central d’où découle toute la situation sociale des jeunes et leurs perspectives d’avenir. Mais d’autres problèmes viennent aussi s’ajouter telles que les mauvaises conditions d’habitation (beaucoup de logement sont insalubres ou exigus, les familles nombreuses représentent 13 % du total des familles, contre 5 % en moyenne nationale et les familles mono parentales 15 % contre 8 % dans ces quartiers ) mais aussi des problèmes d’intégration, en effet beaucoup d’entre eux ne se sentent pas français ou marginalisés. (Près de 25 % des résidents en Zones urbaines sensibles sont étrangers ou Français par acquisition soit environ deux fois plus que la moyenne nationale).
Mais les 4 facteurs principaux de ces difficultés sont selon un rapport du Conseil Économique et Social : les faiblesses liées à la formation initiale (les taux de retard scolaires sont près de deux fois supérieurs dans les collèges situés en ZUS, et concernent plus particulièrement les garçons), la difficulté à approcher les entreprises (souvent ces jeunes n’en connaissent pas les codes parce que leurs parents appartiennent rarement à des catégories socioprofessionnelles élevées, parce que des grandes entreprises ne sont pas nécessairement accessibles sur place ou encore par manque de carnet d’adresse), les problèmes liés à la mono fonctionnalité des quartiers et à leur environnement (souvent éloignés des centre villes ces quartiers, manquent d’activités économiques, ils ressemblent à de grands dortoirs) enfin, des discriminations massives, liées à l’origine et à l’adresse.
Face à l’urgence de cette situation que propose le Plan Espoir Banlieue ?
Lors de la présentation de ce plan,Nicolas Sarkozy était d’avis de tout repenser, les anciennes politiques ayant été complètement inefficaces selon lui. L’objectif de ce plan est donc de mettre en place "des dispositifs pour créer plus de 45.000 emplois en trois ans et, dans le même temps, réduire de 40% le chômage des jeunes en banlieue".
Le président a aussi souhaité que le principe de diversité soit inscrit dans le préambule de la Constitution et a confié à Simone Veil la mission de conduire un débat national sur cette question. Le plan sera donc élaboré autour de 4 secteurs clés : l’égalité des chances, l’éducation, la sécurité et les transports.
Ce plan comprend aussi trois volets principaux : le soutien à la création d’entreprises (de l’ordre de 300 000 par an, dont 100 000 par des chômeurs ), le contrat d’autonomie ( où chaque jeune sans emploi sera suivi jusqu’à ce que lui soit proposée une solution de formation ou d’apprentissage) et l’engagement des grandes entreprises avec des objectifs de recrutement qui s’établissent pour la période 2008-2010 à 39 165 emplois.
L’opération, visant 45 000 jeunes sur trois ans fut prévue pour êtres conduite dans les quartiers prioritaires de 40 départements à l’aide d’un budget total de 160 millions d’euros, dont 24 millions dès 2008.
Mais où en est ce plan aujourd’hui ?
L’échec
Alors que les précédentes politiques mises en place dans les quartiers de notre pays on été décevantes et improductives, il semblerait que le Plan espoir banlieue ne fasse pas exception à cette règle vieille de plus de 20 ans. En effet, le dit plan n’engage pas réellement de pistes nouvelles ni de changements de fond, la plupart des initiatives étant des reprises. Initialement de 1 milliard d’euros, il n’a que considérablement diminué au fur et à mesure que la question n’était plus d’actualité dans l’opinion publique.
Il n’est en fait qu’un recyclage de recettes des plans banlieues précédents, parfois supprimées par la droite elle-même. Son financement issu d’un recyclage de crédits (contrats de ville, Grenelle de l’environnement, collectivités locales), alors que le budget du ministère de la ville a baissé de 12% en 2008.
Pourtant les mesures proposées ne paraissent pas mauvaises même plutôt bonnes, visant assez bien les difficultés auxquelles sont confrontés ces quartiers depuis des années. Mais ce plan d’à peine un an est déjà un échec.
Et effet, beaucoup de handicapes s’accumulent : le manque de moyens financiers dû aux promesses non tenues et aggravées par la crise financière mais aussi le manque d’implication des politiques chargés du dossier.
En effet lors de l’annonce du plan, l’enthousiasme était de rigueur or depuis, le soufflet serait il retombé aussi vite qu’il est monté... Même Fadela Amara pourtant très déterminée et concernée par la question des banlieues est complètement absente et les seules fois où elle apparaît sur les plateaux télé, c’est pour expliquer qu’elle n’est pas en désaccord avec Mme Boutin qui rappelons le avait déclaré le 14 janvier : « Je ne crois pas en un plan banlieue, mais en une autre politique de la ville ».Le Premier ministre, François Fillon, avait encore ajouté à la confusion, lors de ses vœux à la presse, en se posant à lui-même la question : "est-ce qu’il faut aujourd’hui un plan banlieue ?".
En effet il paraît difficile de mettre en place un plan efficace si dès le départ, ses responsables et auteurs n’y croient pas eux mêmes . Les chamailleries et rivalités entre les membres du gouvernement l’ont donc emporté face à l’urgente situation des quartiers populaires.
Faut-il d’autres émeutes comme en 2005 pour que les politiques prennent la situation au sérieux ? Car oui, la situation est grave, ces jeunes sont de plus en plus isolés et les événements et promesses qui ont découlé de la crise de 2005 semblent vite avoir été oubliés. Ainsi les excès de violence dont font preuves les jeunes de banlieues sont un cri d’appel au secours, est il normal qu’une grande majorité d’entre eux ne se sentent pas français. Non pas qu’il faille excuser les actes de violences mais il faut peut-être essayer de comprendre ce qui se cache derrière cela : Ce que ressent cette jeunesse, dans quelles conditions elle vit et quelles sont ses perspectives d’avenir quand elle en a.... Ces jeunes sont l’avenir du pays ainsi que tous les autres d’ailleurs.
Mais lorsque j’entends Fadela Amara, sur un plateau télé, alors qu’elle est venu donner des résultats chiffrés de son plan qu’elle essaye tant bien que mal de ressusciter affirmer que, le plan est un succès avec seulement 8000 contrats d’autonomie sur 45000 de signés et quelques photos d’immeubles repeints j’en arrive à comprendre le sentiment d’abandon, la perte d’espoir des habitants de ces quartiers et leur sentiment de rejet.
Les objectifs du plan ne sont pas tenus pourtant le gouvernement refuse le mot « échec » mais en nommant Yazid Sebag Commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, le Président met indirectement Fadela Amara sur la touche et le plan qui va avec. Le nouveau Mr diversité comme le surnomme déjà les médias a remis hier 76 propositions au chef de l’état. On peut alors se demander si ce ne sont pas les 76 propositions de trop alors que celles du Plan banlieues un an après ne sont toujours pas appliquées.
Les calculs politiciens sont bien malheureux lorsque cela détermine la vie de milliers de jeunes.
Il faudrait peut-être qu’un jour l’on cesse cette course à la communication. Que l’on cesse de faire croire que l’on agit, en remplaçant des propositions pas encore appliquées par d’autres. Alors que rien ne change.
S.Ould
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