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Quelles perspectives après la victoire de Donald Trump ?

 Depuis la crise des subprimes de 2007, le monde est entré dans une période de transition dont la durée et la destination finale restent encore inconnues. Les nombreux événements qui se sont déjà déroulés pendant cette période, dont les plus récents sont le Brexit et la victoire de Donald Trump, permettent d’affiner les hypothèses pour commencer à esquisser ce nouveau monde.

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 Revenons d’abord sur les raisons de la victoire de Donald Trump. Près de dix ans après la crise des subprimes, la vie quotidienne de beaucoup d’Américains reste extrêmement difficile. Les inégalités de salaire et de patrimoine se sont considérablement creusées, le pouvoir d’achat de la classe moyenne ne progresse plus, la croissance économique progresse moins vite que la population, le taux d’emploi reste faible, les salariés subissent une extrême précarité et les bénéfices des entreprises sont principalement captés par les actionnaires (75 % en moyenne).

 Certes, la présidence actuelle a tenté de protéger les plus faibles, via notamment la mise en place d’une couverture maladie universelle. Mais la demande de la classe moyenne n’est pas une revendication de protection, mais une demande de pouvoir bénéficier d’un travail décent qui permette de vivre dignement sans assistance. De plus, ce vécu est entré en décalage avec les discours des élites économiques, politiques et médiatiques qui affirmaient que le pays était sorti de la crise. Ce sentiment d’abandon, de ne pas être écouté, a généré dans la population américaine une grande frustration et une importante colère envers les élites mondialistes. Donald Trump a su surfer sur cette vague, et chaque fois que ses adversaires le méprisaient et le ridiculisaient, ils ne se rendaient pas compte qu’ils ne faisaient que renforcer le sentiment de déconnexion des élites envers la classe moyenne. Ainsi, de nombreux états du centre, plus fortement touchés par la crise que les états des côtes, ont basculé via une courte majorité aux mains des républicains, ce qui a permis, étant donné le mode de scrutin, de donner la victoire finale à Trump sans qu’il soit majoritaire en nombre de voix.

 

 Quelles sont désormais les perspectives après cette victoire ?

 

 Sur le plan intérieur, tout va dépendre de la capacité de Trump à contenir la franche la plus extrême du parti républicain, qui considère avoir remporté l’élection. Car, de la même façon que Poutine est considéré comme un modéré dans son camps, Trump, qui reste plus un opportuniste qu’un idéologue, est plutôt un calme par rapport aux partisans du tea-parti et aux évangélistes. Comme il est très probable qu’il devra satisfaire cet électorat, il faut donc s’attendre à un certain affaiblissement de l’État fédéral au profit des différents États, et à une poussée des revendications religieuses dans la définition des lois (limitation de l’avortement, régulation des mœurs, abandon des théories darwinistes, ...). Ces sujets vont profondément diviser et polariser la société américaine. Il est possible que des mouvements sécessionnistes d’une ampleur non négligeable apparaissent dans certains États.

 

 Sur le plan extérieur, il faut s’attendre à un certain isolationnisme, avec une politique étrangère uniquement centrée sur les intérêts des États-Unis et une politique commerciale extrêmement agressive, où tous les moyens disponibles seront utilisés pour bénéficier d’accords avantageux.

 

 Au niveau du monde occidental, la victoire de Trump est souvent présentée comme la continuité d’un mouvement général de montée du nationalisme et du populisme. Si cette première hypothèse se confirme, de nouvelles victoires sont à venir ce qui devrait conduire à terme à l’explosion de la zone Euro et à une dislocation de l’union européenne. Néanmoins, cette lecture est peut-être un peu hâtive. S’il est vrai que les partis nationalistes progressent un peu partout en Europe, ils ne sont pas encore forcément en capacité de devenir majoritaires. Ainsi, une deuxième hypothèse consisterait à voir en ces victoires l’échec d’un modèle, car, à ce jour, les pays ayant basculés vers le nationalisme ont en commun de fonctionner avec le système anglo-saxon : Pologne, Hongrie, Royaume Uni et maintenant États-Unis - les pays de l’Est ayant été obligé d’adopter ce système après la chute du mûr de Berlin. Ce système qui combine un néolibéralisme économique avec un communautarisme sociétal conduit à une généralisation du salariat précaire, à la disparition du pouvoir des syndicats, et à une segmentation de la population en communautés de plus en plus hermétiques.

 Or, si on analyse la situation en Allemagne, on ne voit pas pour le moment de possibilité pour les partis populistes d’arriver au pouvoir. Dans ce pays, la majorité des salariés bénéficient encore de branches protectrices et un salaire minimum a été mis en place pour protéger les emplois les plus vulnérables. Le pouvoir d’achat de la classe moyenne reste solide, et la bonne santé financière de la première puissance européenne, qui se désendette depuis plusieurs années, donne plus de marge de manœuvre. Sans idéaliser la situation en Allemagne, qui a connu aussi une vague de régressions sociales, on peut constater qu’elle est quand même bien meilleure que celle des États-Unis.

 Ainsi, un affaiblissement du modèle anglo-saxon au profit du modèle rhénan, plus social et plus résistant aux crises, pourrait conduire à la montée en puissance d’un bloc continental européen, plus indépendant par rapport aux États-Unis, dont le pilier de base serait le couple franco-allemand.

 Malheureusement, la France demeure aujourd’hui le maillon faible, car les chantres du modèle anglo-saxon y remportent de nombreuses victoires depuis plusieurs décennies. La loi travail illustre parfaitement cette tendance, le gouvernement affirmant sa volonté d’abandon des travailleurs et poursuivant l’affaiblissement du salariat et des syndicats. Le fait le plus marquant pendant cette épisode, concerne l’unanimité des principaux média pour défendre cette loi et pour décrédibiliser les manifestants. Un éditorialiste ira même jusqu’à dire que « la France a deux problèmes, daesh et la CGT ». Ces attaques rapprochent petit à petit le pays de ses partenaires anglais et américains.

 Néanmoins, il est encore possible d’inverser la tendance. La France a toujours été assez sceptique par rapport au modèle anglo-saxon, de nombreux intellectuels dénoncent ce système depuis très longtemps, le social-libéralisme n’a pas de base électorale significative et de nombreux amortisseurs sociaux existent toujours. De plus, l’importance des manifestations contre la loi travail, dans un contexte où il est extrêmement difficile de faire grève, et le soutient de la population aux manifestations, prouvent la bonne résistance de la société civile. L’émergence d’un mouvement de gauche, défenseur des travailleurs et pro-européen-social, avec comme socle symbolique l’abrogation de la loi travail, pourrait contrer la montée du nationalisme et consolider la naissance d’un bloc continental démocrate et social. Un îlot plutôt paisible dans un monde chahuté.

 

 Enfin une troisième hypothèse consisterait à la mise en place d’un système nationaliste au niveau européen. Elle semble peu probable – et peu souhaitable – car historiquement l’émergence de tels systèmes s’est toujours réalisée via la violence. Il est en effet contradictoire de fédérer des nationalismes dans un système supra-nationaliste, à moins de trouver un liant commun, comme par exemple la religion ou un isolationnisme européen.

 

 Déjouant tous les pronostics, Donald Trump a donc finalement remporté l’élection. Lire dans cette victoire la continuation de l’affaiblissement des sociétés occidentales n’est pas forcément pertinent. Une autre hypothèse consisterait à déceler l’échec du modèle anglo-saxon, car les ravages de ce modèle sur le monde du travail le rend extrêmement vulnérable aux crises. Quand on a perdu sa dignité dans la société, la religion, la haine des élites et la haine de l’autre fournissent un moyen facile pour retrouver un peu d’estime de soi. Si cette hypothèse se confirme, l’avenir de l’Europe dépendra beaucoup de la capacité des partis de gauche de gouvernement à se désintoxiquer du modèle anglo-saxon et à croire de nouveau au progrès social.


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3 réactions à cet article    


  • rogal 19 novembre 2016 12:37

    « Depuis la crise des subprimes de 2007, le monde est entré dans une période de transition dont la durée et la destination finale restent encore inconnues ». Cette période de transition (on dit aussi cette crise) suit la précédente et précède la suivante. Essayons donc de nous épargner les poncifs.


    • Marcus Clams Marcus Clams 21 novembre 2016 21:37

      @rogal
      Merci pour votre remarque, j’essaierais de faire mieux la prochaine fois...


    • alain_àààé 19 novembre 2016 14:19

      article fourre tout mais je voudais quand méme écrire que si la loi du code de travail a réussi a passé avec le 49/3 dont les communistes ont accepté la loi de travail heureusement que depuis plusieurs decennies les militants C G T ne sont en partie sortie du parti communiste.concernant l allemagne ou je me trouvais il y a 15 jours pour une réunion avec des syndicalistes allemands et luxembourgeois on ne peu pas dire que les salariés soient enchanté que leur pays soit le premier pays d europe car avoir des millions de salariés qui ne touchent méme pas le smic voir qui touchent moins de 8e l heure et c est ce qui arrivera en france avec le changement du code du travail bienvenue aux binationaux qui nous dirigent c est vrai que pendant la guerre ont ne les as pas vu défendre la france tandis que les miens été déportés a auwistch et allemagne.mais la grosse vache de ministre a fait rentrer dans le code du travail que les musulmans puissent faire leur priere dans les entreprises.vive la france et vive les musulmans qui ont un article qui leur est destiné

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