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Qui est cette personne qui a parlé des migrants avec Sarkozy ?

En 1960, la ville de Grande Synthe près de Dunkerque était un immense terrain agricole avec quelques fermes éparpillées sur son territoire et une population de 1500 habitants. Dunkerque durement touché par la Seconde Guerre mondiale se reconstruit, pendant que s’implantent l’usine sidérurgique et les raffineries, que s’agrandit le chantier naval et le port de marchandise.

C’est la ville de Grande-Synthe qui est choisie pour devenir la ville champignon de l’agglomération (ZUP). Et en dix ans, pendant que se construit des tours et des barres HLM, 25000 nouveaux habitants en provenance des mines du Pas de Calais, mais aussi d’Afrique du Nord, viennent repeupler cette ville. Ces grand-synthois, tous déracinés, ont alors en commun une vie faite de ruptures, où toutes les familles abandonnent un « ailleurs » forcément rassurant pour un eldorado en perpétuel chantier Dans cette gigantesque citée HLM, un maire, René Carême essaie tant bien que mal de donner à ce congloméra de béton une apparence de ville. Ce Lorrain d’origine et ancien syndicaliste CFDT sera le maire de cette ville pendant 21 ans et sera élu plusieurs années consécutives : « meilleur maire de France ».

En 2001 Damien Carême, son fils lui succédera à la mairie et il est encore l’actuel maire de cette ville avec un taux de chômage régulier de 23 %, 33% des habitants sous le seuil de pauvreté et un nombres d’habitants d’origine étrangère au dessus de la norme (si tenté qu’il y ait une norme). Le chantier naval a fermé, Usinor a divisé ses effectifs par deux et toutes les raffineries ont fermé. De crise en crise, Grande-Synthe est devenue l’une des villes les plus pauvres dans la région la plus pauvre de France. Ce n’est pas pour autant qu’elle s’abandonne à son sort. Damien carême qui, depuis qu’il est maire, n’a jamais quitté son logement HLM, fait tout pour que sa ville reste dynamique : Université populaire, jardins partagés, création d'une plate-forme de partage, budget participatif, eau gratuite... La liste des en-cours est longue. En 2010, Grande-Synthe est ainsi élue « capitale française de la biodiversité ».

Depuis que le camp de Sangatte existe, Grande-Synthe voit, régulièrement arriver des réfugiés sur sa commune. Ils ne sont pas plus d’une quarantaine et ne restent que le temps de passer en Angleterre. La mairie ne s’en occupe pas et laisse au SPF et au restaurant du cœur, le soin de les prendre en charge. En 2008, Sangatte a fermé, et les migrants sont livrés eux-mêmes . La commune voit arriver en plein hiver, des familles et des enfants. Contre l’avis de la sous-préfecture qui craint un appel d’air, la mairie décide d’installer des tentes chauffées, car les températures descendent jusqu’à -10°. Le nombre de migrants reste constant : une quarantaine tout au plus.

En 2015, la guerre civile fait rage en Syrie et la Libye n’existe plus en tant qu’état. En juillet de la même année, il y a 40 migrants à Grande-Synthe. En Aout 2015 il y en a 180 puis 540 en septembre, 1200 en octobre et 2 500 au début de l’hiver. Ce sont des familles entières avec enfants majoritairement kurdes d’Irak qui viennent s’entasser sur ce site, poussés par le renforcement des contrôles frontaliers à Calais exigé par le Royaume-Uni. Ces arrivées massives qui mettent en péril la vie même de ces réfugiés, vu les conditions de vie précaires qu'assure le terrain qu'ils occupent. Le maire craint les débordements des associations de riverains, qui comme à Calais pourraient être phagocytées par des mouvements identitaires et dénonçaient avec virulence la présence des réfugiés. Pour l’instant, tout est calme, mais la poudrière ne demande qu’à s’enflammer.

Les associations caritatives essaient tant bien que mal d’installer des points d’eau, des sanitaires et des douches, mais la mairie craignant cette fois-ci un appel d’air fait stopper toute initiative individuelle et se retourne vers la préfecture pour arrêter ce flux continu de migrants. Il n’y aura aucun retour des services préfectoraux qui sont eux, totalement débordés par une situation qui n’a jamais été prévue et étudiée par les services de l’État. Damien Carême ne veut pas d’un nouveau Calais et décide avec les associations de déménager cette nouvelle jungle dans un nouveau camp qui pourrait accueillir convenablement les réfugiés. La préfecture met un veto, mais la mairie réunit les associations et MSF de retour en France qui apporte son expertise. La décision de construire un camp de répondant en terme d'hygiène et de sécurité (douches, sanitaires, eau, électricité), aux normes du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est prise. Cette fois c’est le gouvernement, bloqué entre le côté sécuritaire et le côté humanitaire, qui s’oppose. L’édile de Grande-Synthe décide de passer outre et organise une conférence de presse le 23 décembre 2015. Comme par hasard, l’agenda de Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, se libère et, devant les journalistes, assure que l'Etat, comme à Calais, prendra en charge le coût de la présence des réfugiés. L’état finira par donner son accord le 11 janvier 2016 et les travaux démarre le jour même. Le nouveau camp, dessiné selon les plans de MSF, est installé sur des terrains privés loués par la mairie. Long d'un kilomètre, il est traversé par une route goudronnée pour permettre aux services de la mairie et de l'État d'intervenir (nettoyage des ordures, secours, sécurité). 500 chalets en bois, chacun prévue pour cinq personnes et privilégier "les cellules familiales" sont construit. L’accès du camp est libre. L'installation et le déménagement a coûté 2.7 millions d'euros. MSF prenant en charge 2 millions d'euros, la mairie et la communauté de commune, le reste. Le coût annuel de la gestion du camp s'élève à 2 millions d'euros pris entièrement en charge par l'Etat.

Le 30 mai, Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur et Emmanuelle Cosse ministre du logement signe, avec Damien carême maire de Grande-Synthe, une convention pour la prise en charge totale du camp de Grande-Synthe. Si la convention prévoit un "accueil républicain des personnes migrantes", celui-ci se fera "de façon temporaire", avant "la fermeture progressive du camp au fur et à mesure des départs des personnes migrantes", a précisé le ministre de l'Intérieur. Dans la convention il est stipulé qu’au départ de migrants les chalets vides seront détruits.

Mais la ville et les associations, ainsi que la police ont fait du bon travail, car l’accès libre du camp a permis un contrôle et une protection des migrants et ce sont pas moins de 27 réseaux de passeurs qui ont été démantelé. Les associations et notamment l’Afeji ont quant à elle pris en charge les migrants qui ont ainsi pu se rendre en Grande Bretagne pour les personnes qui le désiraient ou faire une demande d’asile et être transféré vers des centre d’hébergements répartis sur toute la France. Le camp s’est ainsi progressivement vidé pour passer de 2500 à 1330 migrant au printemps et 757 occupants le jour de la signature de la convention. C’est sans doute cela l’appel d’air tant redouté par Bernard Cazeneuve.

L’action de ce maire est un exemple de ce qu’est la « politique de terrain ». Contre les mentalités, l’opposition du gouvernement, il a su organiser sur le terrain l’accueil de migrants non désirés et a su gérer un problême pour éviter un nouveau Calais. Tous les deux ans un think tank londonien, la City mayors foundation, décerne le prix du « meilleur maire du monde ». la thématique de cette année est : « Le prix 2016 sera décerné à un maire qui a accepté les défis posés par la migration (…). La fondation City mayors examinera également la candidature d’un maire dont la ville a fait preuve de résilience exceptionnelle face aux dernières arrivées en provenance de régions déchirées du monde  ».

Damien Carême est en bonne place pour devenir ce « meilleur maire du monde » et c’est mérité !


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7 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 5 octobre 2016 11:56

    « Le coût annuel de la gestion du camp s’élève à 2 millions d’euros pris entièrement en charge par l’Etat. »
    c’est un peu beaucoup.


    • Trelawney 5 octobre 2016 12:34

      @foufouille
      2 millions divisés par 2500 occupants ça vous fait 800 euros par an et par occupants. Pour payer le nettoyage, l’entretien, l’électricité, le ramassage des ordures, la location du terrain, la nourriture ce n’est pas si exorbitant que cela.

      Après l’état récupère une partie de cette somme auprès de la Grande Bretagne qui préfère filtrer les migrants depuis la France et aussi sur les fonds européens.

      2 millions c’est 4 fois moins que ce que verse l’état pour la jungle de Calais (8000 migrants)


    • ddacoudre ddacoudre 5 octobre 2016 21:55

      bonjour Trelawney
      merci pour ce témoignage cela change de ces maire qui refusent l’accueil des migrants. finalement le père Carême n’a pas eu un gland comme fils. ;-
      cordialement.ddacoudre.over-blog.com.


      • non667 5 octobre 2016 22:09

        personne n’a entendu parlé du tonneau des danaïdes ?
        qu’avons nous fait pour mériter celà ?


        • chantecler chantecler 6 octobre 2016 09:27

          Bonjour ,
          Merci pour l’article et les infos .
          Je pense néanmoins que Damien Carême se passerait volontiers du titre de « meilleur maire du monde ».
          Encore que :
          "Bizarre cet engouement soudain des merdias pour un type dont on ne parlait jamais auparavant ?"
          Un type qui agit discrètement , humainement , sans passer son temps à bavarder, c’est de nos jours suspect ...
          Ou alors....
          On attendrait la marine à Dunkerque ?
          Putain d’époque !


          • ENZOLIGARK 6 octobre 2016 09:38

            Ouganda  : reine des echecs , un passeport pour quitter le bidonville ( corsematin . com du jour ) . ... WarDi$ney est deja $$$ur le coup ... ! . ... C ’e$t bOOO ... . ... АФФ ИСС ...


            • Jean Dugenêt Jean Dugenêt 30 avril 2022 10:17

              Bonjour,

              J’ai encore un article en modération qui pourrait vous intéressé. Titre : « Un microcosme ». C’est à propos de la guerre .... sur AgoraVox.

              J’ai besoin de votre aide.
              Merci.

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