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Accueil du site > Tribune Libre > Réponse de « Petite Poucette » à Michel Serres

Réponse de « Petite Poucette » à Michel Serres

Michel Serres, Petite Poucette, Editions Le Pommier, 2012, coll. Manifestes

"Le monde a tellement changé que les jeunes doivent tout réinventer.

Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux révolutions : le passage de l'oral à l'écrit, puis de l'écrit à l'imprimé. Comme chacune des précédentes, la troisième, tout aussi décisive, s'accompagne de mutations politiques, sociales, cognitives. ce sont des périodes de crises.

De l'essor des nouvelles technologies, un nouvel humain est né : Michel Serres le baptise "Petite Poucette" - clin d'oeil à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces.

Petite Poucette va devoir réinventer une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître... Débute une nouvelle ère qui verra la victoire de la multitude, anonyme, sur les élites dirigeantes, bien identifiées ; du savoir discuté sur les doctrines enseignées ; d'une société immatérielle librement connectée sur la société du spectacle à sens unique...

Ce livre propose à Petite Poucette une collaboration entre générations pour mettre en oeuvre cette utopie, seule réalité possible." (4ème de couv.)

 

michel_serres.jpg

Michel Serres, né le 1er septembre 1930 à Agen (Lot-et-Garonne), est un philosophe, historien des sciences et homme de lettres français.

 

Mon cher Papy,

Maman m'a demandé de te remercier pour la guimauve, mais je voulais te dire que je préfère les haribots (c'est beau la vie, plus t'en manges, plus tu grossis !). je t'expliquerai ce que c'est... C'est pas grave ! Pour ton livre, j'ai pas très bien compris, sauf que la Petite Poucette, c'est peut-être moi, mais moi j'ai pas du tout envie d'être abandonnée par mes parents (et par mon grand-père), parce que contrairement à ce que tu as l'air de penser, je ne suis pas aussi géniale que toi, ni aussi débrouillarde que le Petit Poucet.

Je suis rien qu'une petite fille qui a tout à apprendre, mais ça ne me gêne pas du tout. J'ai compris que tu faisais un jeu de mot sur pouce, pousser, Poussette... et que tu admirais ma rapidité quand j'écris des textos à mes copines, mais franchement y'a rien à admirer, c'est juste des trucs entre nous. Internet, c'est pas si bien que tu le crois, tu sais, surtout pour les enfants, c'est plein d'ogres et de loups ! Facebook, tu dis que c'est super parce que t'es ami avec tout le monde, mais moi, je préfère être amie avec Mathilde.

Tu dis aussi que c'est mieux que ce soit dans l'ordinateur que dans ma tête, mais moi je suis pas d'accord. Je préfère que ce soit dans ma tête parce que si on fait comme tu dis, c'est les ordinateurs qui vont nous diriger. C'est comme ton histoire de saint Denis qui porte sa tête dans ses mains, c'est rigolo, ça ressemble aux bottes de sept lieues, j'aime bien les contes, mais c'est pas comme dans la vraie vie. Et puis les contes, je préfère les lire dans un vieux livre que sur un écran d'ordinateur.

Je suis bien contente que Madame Lelièvre (c'est ma maîtresse), elle nous fasse des vrais cours de maths, d'orthographe, de grammaire et de vocabulaire et qu'elle nous apprenne à nous servir de l'ordinateur et à trier tous les trucs pas possible qu'il y a dans sa tête, entre le système digestif et les soucoupes volantes, parce qu'entre nous, des textos bourrés de fôtes d'orthographe, c'est pas ça qui va me faire avoir un travail dans la vie ou devenir une grande professeure connue et admirée dans le monde entier comme toi (même pas en rêve !).

Le reste du livre, j'essaierai de le lire quand je serai plus grande pour en parler avec toi, mais je t'en supplie, arrête de nous prendre en exemple nous les enfants et de nous dire que tout ce qu'on fait c'est très bien, c'est merveilleux, c'est génial, parce que c'est pas vrai...

Je t'embrasse très fort,

Ta "petite Poussette" qui t'aime.

 

PS : Maman m'a demandé de te joindre des passages d'un livre d'une dame qui s'appelle Hannah Arendt et qui pense qu'il ne fait pas laisser les enfants livrés à eux-mêmes, ni les abandonner dans la forêt avec les loups :

"La disparition générale de l'autorité ne pouvait guère se manifester de façon plus radicale qu'en s'introduisant dans la sphère prépolitique, où l'autorité semblait prescrit par la nature elle-même, indépendamment de tous les changements historiques et de toutes les conditions politiques. D'autre part, l'homme moderne ne pouvait exprimer plus clairement son mécontentement envers le monde et son dégoût pour les choses telles qu'elles sont qu'en refusant d'en assumer la responsabilité pour ses enfants. C'est comme si, chaque jour, les parents disaient : "En ce monde, même nous ne sommes pas en sécurité chez nous ; comment s'y mouvoir, que savoir, quel bagage acquérir sont pour nous aussi des mystères. Vous devez essayer de faire de votre mieux pour vous en tirer ; de toute façon vous n'avez pas de comptes à nous demander. Nous sommes innocents, nous nous lavons les mains de votre sort." (page 245)

"C'est bien le propre de la condition humaine que chaque génération nouvelle grandisse à l'intérieur d'un monde déjà ancien, et par suite former une génération nouvelle pour un monde nouveau traduit en fait le désir de refuser aux nouveaux arrivants leurs chances d'innover."(page 228)

(Hannah Arendt, "La Crise de l'Education", in La Crise de la Culture, Huit exercices de pensée politique, traduit de l'anglais sous la direction de Patrick Lévy, Gallimard, 1972, pg. 242-243)

 


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12 réactions à cet article    


  • Raymundo007 Raymundo007 27 juillet 2013 04:33

    Oui, Papy devrait prendre sa retraite et arrêter de délirer. Encore une contribution de taille à la critique rongeuse des rats.


    • Fergus Fergus 27 juillet 2013 09:36

      Bonjour, Raymundo.

      Bien d’accord avec vous. Michel Serres est de plus en plus souvent à côté de la plaque, surtout lorsqu’il parle de sujets qu’il ne connaît manifestement pas, ou très mal, ce qui arrive assez souvent, étant donné qu’il donne un avis péremptoire sur à peu près tout. Comble de l’agacement pour les lecteurs et les auditeurs, MS est de plus en plus imbu de sa personne et la très haute qualité de ses pensées, autrement dit en contradiction totale avec les concepts de prise de distance et de modestie qu’il a souvent professés. Ce n’est pas encore un naufrage, mais le navire prend l’eau !


    • gaijin gaijin 27 juillet 2013 08:09

      papy il s’arrange pas et son arthrite elle est pas que dans dans son dos il croit penser la modernité mais il la pense avec des idées d’ il y a 50 ans.
      il confond la nouveauté avec le progrés sans comprendre que si on ne sait pas vers ou on progresse c’est la roulette russe il ne réalise pas que demain c’est déjà hier et que les puces aujourd’hui on nous les vend et qu’ensuite ou va nous les greffer.......
      il n’a pas encore compris que tous les monstres ne marchent pas au pas de l’oie .....


      • Deneb Deneb 27 juillet 2013 08:41

        « Internet, c’est pas si bien que tu le crois, tu sais, surtout pour les enfants, c’est plein d’ogres et de loups ! »

        Oui, il y a aussi des méchants extraterrestres, des monstres, des vampires, des zombis, bref, tout ce qu’imagination humaine peut inventer. A partir d’un certain âge, les enfants raffolent de ces choses là.
        Cependant, toutes ces créatures sont purement virtuelles. Et même s’il y a des individus mal intentionnés cherchant à nuire, il faut plutôt éduquer les enfants, les prévenir que le passage du virtuel à la réalité n’est pas, loin s’en faut, sans risques et qu’il faille éviter de donner leurs coordonnées à n’importe qui sous peine de voir débarquer l’énergumène avec pas toujours de nobles intentions. Il y a toute une éducation à inventer, souvent en bousculant les valeurs de la génération précédente. Internet est une vraie chance pour l’humanité et ses bienfaits dépassent très largement les effets secondaires, souvent montés en épingle par les détracteurs du Réseau. Internet n’est pas une mode, un truc passager qu’on va abandonner pour passer à autre chose. Il est là pour toujours, comme l’écriture, l’imprimerie, la photographie ... Les enfants savent en tirer un bénéfice culturel remarquable et ce n’est pas parce qu’il est préférable pour un enfant d’y rester anonyme, qu’il faille jeter le bébé avec l’eau du bain.


        • MdeP MdeP 27 juillet 2013 13:29

          @ l’auteur de l’article

          A quoi sert-il de réfuter un symbole si bien choisi à bien des égards. Petite Poucette de MIchel Serres, pour désigner la nouvelle génération du virtuel, est bienveillant, chaleureux et vient, notamment, en résistance au « La racaille, on va vous en débarrasser » de Sarkozy pour désigner les jeunes de banlieue. Au cas où vous ne l’auriez pas compris car nous étions sur la pente dangereuse où la jeunesse française était désignée comme le danger dont il était censé nous protéger pour justifier une politique sécuritaire faisant de lui le Sauveur de la nation !! Procédé de dictateur. Eh oui.
          La virtualité est une grande révolution humaine et Petite Poucette est plus géniale que Lucie.
          Internet est fabuleux mais, pour les enfants, c’est comme les allumettes, il faut leur apprendre à s’en servir.
          Et lorsque l’on sait s’en servir, c’est l’univers, l’Humanité toute entière au bout d’un clic de doigt. Mme Lelièvre et vous-même, Robin Guilloux, avez-vous résolu le problème entre faire une tête bien pleine et une tête bien faite ? Non !!! Près de 20 % des enfants sont illettrés. Plus de 100 000 enfants sortent du système scolaire, chaque année, sans aucun diplôme !!!
          Quant à la crise d’autorité, elle n’a rien de virtuelle. Ca se passe bien entre les murs de la maison familiale, au coeur du foyer pas forcément ravagé d’ailleurs par la crise économique. Ca touche toutes les classes sociales. Il y a autant de délinquance dans les familles économiquement faibles que dans les familles aisées : toutes les études des sociologues vous le disent. 
          Toutes les générations grandissent dans un monde ancien pour aller dans un monde nouveau : j’irai de mon couplet pour dire que nous sommes en train de rater dramatiquement la révolution de l’école en ne donnant pas à nos enfants les outils de leur temps !!! 
          C’est à cause de gens comme vous, Monsieur Guilloux, non pas réactionnaires mais franchement stupides voire malhonnêtes.

          • kita 27 juillet 2013 19:26

            je n’aime pas le ton de cet article que je trouve un peu prétentieux comme si le fait de sortir un soi disant grand nom ’hannah Arendt" suffisait à nier la force de la pensée de Michel Serres . 

            je ne comprends pas pourquoi vous l’appelez papy , s’il vous plait , arrêtez avec ce ton ..
            Michel Serres est un des derniers grands penseur de notre temps. contrairement à ce que vous pensez, il a des idées qui s’opposent très souvent à bon nombre de penseurs d’aujourd’hui et il fait pas dans le gnan-gnan malgré le ton qu’il veut donner ..parce que Michel Serres parle simplement et va à l’essentiel .
            pour le fond du problème, l’auteur confond l’autorité (les parents ..) avec la forme du pouvoir actuel oligarchique des élites que sont les rentiers, les politiciens, les médias etc..
            Michel Serres a raison de dire que le numérique bouleverse le pouvoir de ces gens-là , c’est une sorte de révolution avec donc des points positifs ... et l’autre qui nous d’autorité et de parents ...haha

            • MdeP MdeP 27 juillet 2013 21:13

              Je viens d’aller rechercher et réécouter sur France Info la chronique de MIchel Serres « Le Sens de l’Info » du 21.02.2013 (4’25) traitant de la Petite Poussette« et non »Poucette« .

              L’auteur de cet article est décidément mal renseigné sur son sujet. 
              Michel Serres parle notamment de changement dans notre société en avançant la »présomption de compétence". Robin Guilloux est, sans aucun doute, l’exception qui confirme la nouvelle règle.
               


              • MdeP MdeP 27 juillet 2013 22:46

                Rectificatif : chronique de Miche Serres « Le sens des mots ».


                • Dwaabala Dwaabala 28 juillet 2013 03:12

                  Il faut aller voir l’ophtalmologue, parce que c’est un symptôme de lire ss au lieu de c.
                   Quant à M. Serres, il n’y a pas grand-chose à en dire. Ce qu’en tire Robin Guilloux est déjà une prouesse.


                • MdeP MdeP 28 juillet 2013 08:42

                  Aux éditions Le pommier c’est effectivement Petite Poucette.


                  • MdeP MdeP 28 juillet 2013 09:00
                    Entretien avec Philippe Vandel sur France Info. Excellent. Là c’est dans « Tout et son contraire ».
                    Le lien France Info :
                    Il y a aussi la chronique « Le sens des mots » avec Michel Polacco tous les dimanche (je ne veux pas mettre d’« s ») soir (et là non plus).

                    • lcm1789 15 août 2013 11:00

                      Il est toujours difficile de réagir sur un livre sans l’avoir lu.


                      Toutefois j’ai suivi attentivement les commentaires de l’auteur lui même lors de la sortie du livre.
                      Et, en effet, il me semble que l’article pose de bonnes questions.

                      La vision qu’a M.Serre d’internet semble biaisée ; il apparait que M Serre en soit resté à l’internet des « savants », le grand réseaux planétaire d’échange d’informations scientifiques.

                      La petite poucette est une vision idéalisée qui oublie de voir les deux faces du smartphone-la fameuse interactivité). Par son smartphone on accède (plus ou moins) facilement au savoir, mais il est niais de croire que l’on y accède directement et sans contre partie.

                      1) On y accède par le biais de filtres qui sont façonnés par les gros industriels du web (moteur de recherches, hébergeurs etc...) 
                      2)Et on y paie une lourde contre partie (traçage, publicité etc...)

                      Bref, ce que je reproche à M Serre c’est de ne pas avoir eu la volonté de se plonger dans le coeur de la machine : non internet ce n’est pas un assemblage de savoir et de bonne volonté, c’est avant tout des tonnes de cabes, des millions de serveurs, des milliards de pages de lignes de codes, bref c’est une industrie et celle ci est tenue par de grands monopoles dont on ne peut que constater l’éloignement au concept de petite « poussette ».

                      L’imprimerie fut une révolution pour la diffusuin du savoir car elle a permis de mettre bas le monopole de l’Eglise sur la production des livres...et ainssi une diffusion plus démocratique du savoir.

                      L’internet d’aujourd’hui, c’est la concentration de la capacité à produire du « web » dans les mains de quelques grands groupes, c’est le contraire de l’imprimerie...


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