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Révolution culturelle au 21ème siècle : c’est quand que ça explose ?

Lorsqu’on évoque la Révolution culturelle, on pense inévitablement aux manœuvres du pouvoir communiste chinois et ses conséquences dans l’enseignement, la vie intellectuelle, la transmission des héritages passés, les attaques contre la tradition issue d’une autre période tout aussi trouble et intense, celle de l’Empire du milieu naissant et de ses philosophes lettrés, Confucius en tête. La Révolution culturelle chinoise menée à l’initiative de Mao s’est déroulée entre 1966 et 1976. Pendant cette période, l’Occident a connu les révolutions musicales, la pop mélodique des Beatles et des Beach Boys, le rock provocateur des Stones, le rock psychédélique des Pretty Things et autres Electric Prunes, le rock planant du Floyd, le rock heavy de Led Zep et Black Sabbath, le krautrock, le rock progressif du roi Crimson et de Genesis, le glam rock burlesque de Slade ou décadent de Roxy Music et enfin, la révolte punk contemporaine de l’avènement du disco. Les dandys empailletés et cocaïnés se trémoussaient le samedi soir sur des rythmes endiablés éclairés par des boules lumineuses alors que des punks débraillés se défoncaient à la bière de seconde catégorie en écoutant de la musique jouée avec trois accords et un chanteur inaudible, tandis que les derniers babs planaient en écoutant le dernier Tangerine Dream après un peu de fumette illicite. Pendant ce temps, les ouvriers chinois allaient à l’usine, accompagnés des lettrés chinois punis pour ainsi dire des siècles de domination mandarinale. En France aussi, quelques étudiants kiffèrent l’usine alors que Sollers se démarquait du maoïsme mais pas Badiou qui est resté Mao tel un alcoolo jamais remis après s’être enivré de communisme. Mais selon Simon Leys, la révolution culturelle n’a jamais eu vraiment lieu en Chine où elle ne fut qu’un prétexte politique pour mener un grand bon en avant organisé autour des réformes économiques. Par contre, les pays occidentaux ont vécu une authentique révolution culturelle dans les sixties mais comme elle ne fut pas initiée d’en haut, elle fut méprisée par les politiciens pour être ensuite récupéré et trahie par les amis de Monsieur Djack à la Culture.

L’Europe a été le lieu de nombreuses révolutions culturelles dont on ne parle peu et qui sont restées dans l’oubli. Un dicton apocryphe énonce que si vous oubliez la révolution, alors la révolution vous oublie et vous vous égarez, mais la révolte ne vous oublie pas. Amusons-nous à remonter le temps. Nous verrions se dessiner des innovations marquantes en arts, lettres, philosophie, en politique, en dispositifs techniques et industriels et surtout, en manière de pensée. Finalement, une révolution culturelle se conçoit comme une rupture dans la manière de voir le monde et de vivre l’expérience parmi les hommes et les choses. Prenons le champ littéraire que nous verrions apparaître à la fin du 19ème siècle le courant symboliste, contemporain de son homologue en peinture et en musique, présent en Europe mais aussi en Amérique Latine avec l’Allemagne faisant curieusement exception. Ce ne fut qu’un mouvement artistique parmi tant d’autres mais d’une importante spirituelle assez remarquable. Les révolutions culturelles importantes se déroulent à l’échelle d’une société et plus particulièrement, dans les milieux les plus aisés ou alors proches du pouvoir. Une révolution culturelle ne marque pas tous les esprits, loin s’en faut, car il se trouve toujours des contre-révolutionnaires pour freiner le mouvement ou bien des conservateurs pour maintenir l’ordre culturel ancien. Le 19ème siècle a vu l’apparition d’un courant de pensée inédit, le positivisme, mouvement issu des élites intellectuelles parisiennes autour de la révolution industrielle. Plus tard, le scientisme remplaça le positivisme. On peut parler d’une authentique révolution culturelle dont sera issue au 20ème siècle le fameux réformisme, avatar du culte du progrès dont le positivisme et le scientisme furent des moments intermédiaires, poussés par les innovations techniques, mais dont les germes sont datés du 18ème siècle, autre moment d’une révolution culturelle dont on pressent les prémices autour de 1700, lorsque l’Europe toute entière se met à penser différemment, au point qu’une crise de conscience européenne a été décelée entre 1680 et 1715 par Paul Hazard. Cette époque fut aussi remarquable en musique, avec les compositions des maîtres du baroque, Haendel proposant des subtilités ludiques à destination de classes nobles et bourgeoises en quête de légèreté, anticipant le matérialisme joyeux d’un Diderot. Tandis que Newton devenait le symbole d’une manière de penser accordant une bonne place à la raison tout en incitant à vénérer un grand architecte de l’univers. 1715, c’est aussi les premières loges maçonniques, instituées en Angleterre puis dans toute l’Europe. 

Auparavant, nous aurions pu situer d’autres révolutions culturelles, celle du trecento avec son goût pour la mesure de l’espace et du temps, puis celle, dite humaniste, qui lui succéda en installant un nouvel esprit européen dont Erasme fut une figure centrale. Que penser de la révolution culturelle en Grèce de Périclès à Alexandre, de Sophocle à Aristote puis la transmission vers Rome qui pu se réclamer d’une haute culture pendant la période hellénistique, le stoïcisme étant une doctrine prisée des élites impériales ?

Une question se pose. Comment arrivent les révolutions culturelles ? Une évidence, toute révolution culturelle se positionne dans un contexte culturel, apportant une série d’innovations justifiant parfois l’abandon des anciens modes de pensée. Ce fut le cas de l’héliocentrisme de Copernic succédant au système hérité de Ptolémée. En fait, toute révolution culturelle est induite par des connaissances supplémentaires engendrant une conscience nouvelle des choses. On voit le monde différemment et on se situe dans l’existence en rupture avec les expériences des anciens. Voir le monde, c’est disposer d’un ensemble de savoirs portant sur ces trois éléments ontiques fondamentaux que sont la Nature, l’Homme et le monde divin. Les techniques accompagnent les révolutions culturelles dont les expressions les plus manifestes se situent dans les multiples champs de la théologie, la philosophie et la science. L’art étant toujours de la partie. Sans doute la philosophie ne s’est-elle pas occupée des révolutions culturelles, pas plus que sa sœur dévoyée, la sociologie.

Ce rappel des révolutions culturelles n’aurait pas grand intérêt s’il n’aboutissait à une question des plus cruciales concernant notre époque. Sommes-nous parvenus à la fin de la culture et des savoirs ou bien au tout début d’une révolution culturelle dont on ne peut dire si elle prendra le tournant d’une tranquille réforme dans les savoirs et le mode d’être ou bien si elle sera sismique. Pour l’instant, si crise de conscience il y a, on peut penser qu’elle concerne le rapport à la nature et aux techniques. Peurs biologiques, climatiques, crainte du nucléaire, voilà quelques signes d’une époque marqué par les anxiétés diffuses et existentielles, soignées par les neuroleptiques et la très longue série des dispositifs addictifs, depuis le jeu, la télé, le foot, jusqu’aux drogues, sexualités, alcoolismes, ludismes diversifiés faisant du divertissement un ersatz de thérapie. On est sûr d’une chose, le progrès ne fait plus rêver. Les doutes s’installent, à l’égard de l’agriculture, la pêche, les énergies, le nucléaire. Les Verts ont récupéré les citoyens inquiets de Stuttgart, ville conservatrice agacée par un projet de gare. Le revirement culturel est sévère. Le progrès ne fait plus rêver. Les consciences semblent se flétrir, pour ne pas dire moisir. Les jeunesses sont égarées, perdues, déçues. C’est chacun pour soi dans un monde où le travail se réduit alors qu’une fausse convivialité émerge sur la Toile. Et les savoirs ? Rien de bien nouveau. Les sciences sont dans une impasse et la singularité s’avère être une supercherie de gourous épris de nanotechnologies et de numérique. Quant à l’art, il ne surprend plus. Tout n’est que copie, répétition, pièce donnant d’impression d’être déjà vue, entendue, jouée. L’Europe est mélancolique depuis 1990. Elle se cherche, en quête d’une mythique croissance. La France tombe. Ainsi s’exprimait un de nos déclinistes, spécialité qu’on croyait française mais qui arrive aussi aux States, dans un pays qui doute, qui ne croit plus au rêve américain, qui selon Arianna Huffington a abandonné les classes moyennes, celles qui ont accompagné et accueilli le progrès voici un demi-siècle.

Le train de la culture semble se déplacer vers un long tunnel sans fin, ne menant vers nulle lumière ni clairière. La culture est une industrie, un divertissement ; elle se diffuse, se vend. Mais livre-t-elle un enseignement, délivre-t-elle un horizon de progrès spirituel, offre-t-elle une authentique satisfaction des aspirations esthétiques et transcendantales ? Non ! Que faire alors, revenir aux fondamentaux du passé ? Oui, juste comme planche de salut ! Au moins pour re-culturer une société qui tend à se dé-culturer. Peut-être l’alternative n’est-elle plus entre des anciens et des modernes mais entre une société tournant le dos à la culture et une autre qui l’accueille. Une piste, faire comme les Chinois après Mao et reprendre la voie « noble » des lettrés et de la haute culture, Pink Floyd et Hugo inclus. La déculturation contemporaine n’étant que la fausse révolution culturelle qui sert le pouvoir de la finance, à l’instar de la révolution culturelle chinoise qui servit aussi d’autres pouvoirs, ceux du parti, du bon en avant économique.

Mais ? Suggestion ! Si le pouvoir se sert des révolutions culturelles, alors l’inverse est tout aussi vrai, une révolution culturelle peut faire bouger les lignes du pouvoir. Méditez donc sur cette brèche herméneutique autant qu’ontologique et métaphysique. Eclairez-vous, éclairez-moi ! Au bout du tunnel…


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5 réactions à cet article    


  • enréfléchissant 16 juin 2011 12:48

    Je ne suis pas sûr qu’il faille nommer tous ces phénomènes des révolutions...

    Cela impliquerait que ces nouvelles pratiques culturelles, que ces nouvelles philosophies, aient entraîné les précédentes dans l’oubli, ou aient au moins conquis la majorité des gens. 
    Or rien n’est plus faux, l’humanisme et, je crois, très confidentiel, le punk, le psyché, le rock... ne sont rien d’autre qu’une évolution de la musique, il n’y a pas de révolution là ou il n’y a pas de cassure nette et de renversement du pouvoir établi. 
    Ces mouvement, quoiqu’on dise, se sont produit au fil du temps et n’ont renversé personne, le champs musical étant trop complexe pour pouvoir y trouver un ordre bien hiérarchisé..

    • Kalki Kalki 16 juin 2011 13:17

      Travail, travail, travail, travail, travail, et travail

      ( cela s’appelle de la folie )

      Et si il n’y avait plus de travail : plus AUCUN

      A.U.C.U.N : Z.E.R.O : N.U.L.L : NADA

      Et si : la seule chance pour l’humanité est de prendre conscience : de stopper de fuir dans , le travail, le tertiaire, l’intellectualisation du faux

      Le travail est mort

      La science, l’innovation, la créativité a une FIN : on touche l’infinie

      La véritable révolution de la destruction du travail se fera : ou non dans la société humaine : mais elle est inéluctable ... c’est cela la « singularité » qui sinon est une supercherie technologique : le seul pont pour l’homme est lui meme ( comme si l’élévation pouvait être matérielle )

      Il n’est plus l’heure parler de travail

      il faut aller plus loin : Accepter l’inutilité : pas la futilité ou la connerie

      Ne plus penser au travail, mais repenser le droit de la vie : la liberté, le partage , la conscience

      Ni la position du fort, ni la position du faible n’est la solution : ni la droite, ni la gauche ( meme pas le centre )

      Le nazisme avait essayé dans le paraitre de faire l’alliance de tout : mais n’était au final qu’oligarchique, hyper phallique et pyramidale .... et contraire a la nature de la vie : la vraie nature , pas celle décrite par darwin et des fachos, et des nazi

      hxxps ://singularite.wordpress.com/

      La culture n’est qu’une construction de l’esprit : et le peuple n’a jamais d’intelligence collective :

      si on ne leur en donne pas individuellement


    • Kalki Kalki 16 juin 2011 13:21

      C’est beau l’infinie, le trou noir

      il suffit de lever la tete la nuit


    • roma roma 16 juin 2011 12:53

      "Ils sont deux, deux seulement, à pouvoir saisir les principes qui transforment les événements en histoire et les pierres en cathédrales...« Eloge des voyages insensés.

      Si je vous disais, Mr Dugué, que je suis détenteur de toutes les solutions ? - Vous ririez, au moins intérieurement, comme je le ferais pour toute personne me rapportant de tels propos. Pourtant, il est des évidences d’autant plus fortes que les cristallisations s’étendent, - qui sont réflexe de survie d’une morbidité avancée face à ces évidences. Comme l’a dit Céline : »Ne nous prenons pas au sérieux ; il n’y aura aucun survivant."

      En réalité, il n’y a que les deux voies de l’Outre-tombe capables de régir la mémoire dans une composition esthétique cohérente : la voie des dieux (des héros) ; le culte des ancêtres (la lignée). A ce point de déliquescence esthétique, c’est-à-dire morale, c’est-à-dire mémorielle (Mnémosyne, la mère des Muses : le génie, en quelque sorte, et tout ce que ce mot-racine a d’implications)... il n’y a que la terreur. Elle seule, je le crois, est en mesure de chasser la folie.


      • Kalki Kalki 16 juin 2011 13:32

        Bla bla

        L’intellectuel doit passer à l’acte matériel et intellectuel , psychologique spectaculaire, vous savez tout , stopper de penser : oubliez tous les livres, toute la culture

         Stoppez de critiquer la politique faites la politique

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