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Accueil du site > Tribune Libre > Sacré numéro ou numéro sacré ?

Sacré numéro ou numéro sacré ?

Nous ne sommes plus que des numéros !

Tel est notre lamento chaque fois que nous sommes confrontés à un problème bureaucratique - souvent kafkaïen, il faut en convenir, lorsqu’il est lié à l’administration, qu’elle soit fiscale ou sociale.

Et il est parfaitement exact que le nouvel esclavagisme de notre monde moderne nous rend tributaires de numéros sans lesquels nous ne pourrions exister : numéro d’immatriculation d’assuré social, numéros de téléphone, de carte de crédit sans oublier le numéro de code qui y est adjoint,…

La liste est longue et, ironie suprême, bon nombre d’entre nous sont même obligés de connaître un numéro de digicode pour pouvoir avoir accès à leur domicile. Pire encore, obligés à des efforts de mémoire permanents car ce numéro de digicode est changé régulièrement.

C’est dire si notre accusation est fondée.

Pourtant, avec cet esprit frondeur qui nous est commun à nous, les françaises et les français, nous voilà prêts à défendre avec bec et ongles un numéro que le Ministère de l’Intérieur s’apprête à supprimer progressivement. Il s’agit, bien sûr, du numéro de département qui complète et personnalise le numéro d’immatriculation de nos véhicules.

La contestation est sérieuse puisque, volant au secours de leurs concitoyens (et accessoirement électeurs) un nombre non négligeable de parlementaires s’oppose à ce projet.

Le 1er mai 2008, un collectif parlementaire comprenant 2 élus Nouveau Centre, 26 socialistes, 44 UMP et 2 non inscrits, soit un total de 74 députés agissant sous le nom de : « Jamais sans mon département » était en guerre déclarée contre cette nouvelle mesure qui doit entrer en vigueur dès le 1er janvier 2009. (À ma connaissance, ils sont près de 200 maintenant sur, je crois, un ensemble de 577 répertoriés).

D’aucun pourront juger qu’il existe des causes bien plus nobles dignes de faire l’objet d’une rébellion de parlementaires, des problèmes bien plus importants à régler que le numéro de département figurant sur les plaques d’immatriculation des voitures et il est difficile de leur donner tort. Sauf qu’à bien y penser c’est un peu comme si on s’interdisait de déplorer l’excédent de poids contre lequel on lutte alors que des enfants périssent de malnutrition ou se plaindre de souffrir d’une rage de dents au prétexte que d’autres se meurent d’un cancer.

Cependant il est tout aussi certain que ce numéro de département, parce qu’il personnalise notre appartenance à une région, son histoire, ses coutumes, jouit d’un attachement affectif et il est donc tout à fait compréhensible que sa disparition provoque un sentiment de nostalgie, voire de chagrin.

C’est d’ailleurs une même protestation qui a été formulée par les françaises et les français lorsqu’ils ont eu connaissance de cette nouvelle mesure : « Comment nos enfants vont-ils apprendre leurs départements, maintenant ? »

Il est vrai que pendant des années jouer à deviner à quel département correspondait un numéro sur une plaque minéralogique a représenté le passe-temps ludique le plus apprécié pendant les longs trajets en voiture. Et pour les enfants curieux et les parents pédagogues ce jeu d’apparence anodine représentait une inestimable source d’enseignement.

Pour ceux là, deviner que 79 correspondait au département des Deux-Sèvres ne suffisait pas et ils prenaient plaisir à approfondir leurs connaissances en cherchant dans une encyclopédie quelle est la région dont dépend le département des Deux-Sèvres. Ils s’amusaient de découvrir que la Charente fait également son beurre en concurrençant le melon provençal d’Avignon. Ils poursuivaient leurs investigations pour connaître les spécificités de ses principales villes et apprenaient ainsi qu’à Niort Le "Moulin du Roc", au bord de la Sèvre, abrite une des plus anciennes bibliothèques de France, …

Cette désapprobation à propos de la suppression du numéro de département sur les plaques d’immatriculation des véhicules peut sembler exagérée quand on s’aperçoit que la plupart des adultes qui prétendent avoir appris leurs départements grâce à ces plaques minéralogiques est bien incapable de faire la relation entre un numéro et le nom du département auquel il appartient sauf peut-être pour certains comme les 83, 66, 64, 73, 20 ,44,… (Et on devine sans difficulté les raisons de cette mémorisation). Et honnêtement, hormis ceux qui y résident, qui est capable de dire à quel département correspond le numéro 08, ou 23, ou encore 55 ?

Ce genre de récrimination peut prêter à sourire tant il paraît candide maintenant que les enfants préfèrent se distraire au moyen de jeux vidéos.

Cette doléance peut sembler puérile eu égard aux impératifs que constitue la réglementation des immatriculations de véhicule avec un système qui arrive à saturation.

Pourtant qui songerait à s’en étonner quand le succès d’un film comme « Bienvenue chez les ch’tis » démontre à quel point les françaises et les français se sentent désemparés dans ce monde robotisé qui leur paraît de plus en plus cruel, de plus en plus effrayant et tentent de se rassurer en se cramponnant à leurs racines.

La remarque d’un gendarme paraît plus sagace qui déclarait dans une émission radiophonique : « La suppression du numéro de département sur les plaques numérologiques des véhicules pourra être dommageable lors de recherches de témoins car les gens se souviennent plus facilement d’un numéro que d’une suite de lettres. »

De fait, sauf une association de lettres comme par exemple « JAG » pour qui regarde cette série télévisée américaine, ou « JFK » qui évoque désormais plus prosaïquement un aéroport qu’un président américain, ou « COQ » qui se lit différemment selon que l’on ait ou non l’esprit facétieux, il est évident que la mémoire photographie plus facilement un numéro surtout sachant qu’il représente un département.

Aux moralisateurs qui seraient tentés de déclarer vertueusement que la dénonciation est un acte vil, il paraît bon de rappeler qu’il est du devoir civique (et moral, justement) de tout citoyen témoin d’un hold up ou d’un rapt de communiquer aux enquêteurs judiciaires le numéro de plaque minéralogique du véhicule des auteurs de ces crimes.

Que les précoces nostalgiques du numéro de département inclus sur la plaque d’immatriculation de leur voiture se consolent ; dans un petit demi siècle l’assèchement des puits de pétrole aura résolu cette question puisque la circulation terrestre n’existera plus qu’en véhicules hippomobiles ou à bicyclette.

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Sacré numéro ou numéro sacré ?

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11 réactions à cet article    


  • K K 9 août 2008 13:21

    numéros ou lettres, ça ne change pas grand chose. Je roule avec une plaque d’un département où je n’ai aucune attache, véhicule de fonction oblige. Et je suppose que je ne suis pas le seul.

    Cela evitera peut être des conduites agressives vis à vis de départements considérés comme peuplés de mauvais conducteurs.


    • patrice patrice 9 août 2008 17:21

      Personellement, je vois un énorme avantage dans ce changement.

      Quand on est perdu, il arrive que l’on se retrouve sur la file de droite et que l’on mette le clignotant à gauche, les gens regardent votre N° de département. Si vous n’êtes pas du coin, souvent on vous laisse passer, sinon ...


      J’habite lyon. Il m’arrive de me perdre dans cette agglomération géante. Avec un 69 au C.. personne ne me laisse passer pour changer de voie. Avec un N° anonyme, si j’y adjoint le blason d’une province lointaine, Berry, Béarn, Bretagne, etc... j’aurais beaucoup moins de problème... Il faudra simplement que je songe à me doter d’un blason "magnétique" aux armes du lyonnais pour quand je rentre chez moi en Berry...


      • mikaboom 9 août 2008 18:40

         Dommage on ne pourra plus detecter ces connards de parigots qui conduisent chez nous comme ils conduisent sur leur periph....c’est à dire une conduite sans foi, ni loi...une conduite égocentrique.



        • HELIOS HELIOS 9 août 2008 18:56

          Ce qui est beaucoup plus grave c’est l’idée de ce changement.

          Quel est l’objectif ?

          L’objectif initial etait de permettre la poursuite de la numerotation "historique" attribuée au couple "auto"/"proprietaire". ce numéro administratif etait attribué par une prefecture (d’ou le numero de departement indiquant ou se trouve le fichier)

          La fin proche de la serie actuelle dans la region parisienne impose de prevoir une suite. on aurait pu imaginer plusieurs autres solutions, comme l’inversion des chiffes et des lettres redonnant un longue periode, ou bien un panachage 2 lettres-2 chiffres-2 lettres-et le departement ou même un retour a la numerotation ancienne 4 chiffres 2 lettres ou bien 2 lettres 4 chiffres...

          Non, les tecnocrates veulent en fait nous imposer un numero definitif pour chaque vehicule en sortant comme excuse que cela diminuera le trafic. illegal... Quelle bêtise. les vehicules ont dejà un numero unique appelé VIN (Vehicule identification number) unique sur la planete et rien n’empeche de trafiquer. les seuls qui vont être soumis au trafic, ce seront les "seconds" proprietaires (et suibvants) qui risquent de se voir derober le vehicule qu’ils ont acheté grace au double du precedent proprietaire qui est ainsi sûr de retrouver son ancien vehicule sans risque de se tromper.

          cela facilite également le flicage commercial, puisque en vous rendant chez "feux vert" aujourd’hui a Nice, par exemple, le futur proprietaire du vehicule verra son auto "suivie" par le "feux vert" de Lille si c’est la qu’il a envie de faire une vidange un jour. Tres désagreable.

          En fait un autre phénomène va venir se greffer dessus, c’est probablement la liberté de choix de la plaque. aujourd’hui vous pouvez acheter votre plaque ou bon vous semble du moment qu’elle respecte la norme. demain, qui vous dit qu’on ne va pas vous imposer un fournisseur unique délégué par la prefecture ? Voila une idée qu’elle est bonne pour faire plaisir a un copain de Sarko...

          En bref, la demarche globale est destinée une fois de pluis a detacher un peu plus le proprietaire du vehicule de son bien. en desidentifiant la chose, vis a vis de son point d’attache (le departement) et de son proprietaire (coupure entre le lien numero/voiture/proprietaire) il y a bien la notion d’ecrasement de l’identité, de l’individu bref tout ce qui fait la vrai vie...



          • Julius3 Julius 10 août 2008 20:40
            • il y a bien la notion d’ecrasement de l’identité,

            Si tu places ton "identité" et ta "vraie vie" dans ton numéro de bagnole, j’ai peur que ton cas ne soit désespéré. 
            On pourrait aussi proposer le système 1 plaque = un conducteur, quelle que soit la voiture (système US)

          • Plus robert que Redford 9 août 2008 22:41

            Y’a pas de quoi criser !!
            Des changements, on en a déjà eu des wagons, et pis on s’y est fait, comme on se fera à celui-là !
            J’ai personnellement connu la fin des "lignes jaunes" sur la chaussée, celle des ampoules de phares du même coloris joyeux, (que n’a-t-on dit sur les risques d’éblouissement dûs aux feux blancs !) celle en sens inverse des éclairages publics passant des lampes à vapeur de mercure (hou là ! le teint blafard !) au jaune doré de la vapeur de sodium, etc, etc...
            Je constate surtout qu’on a surinvesti dans la bagnole à des niveaux et dans des secteurs insoupçonnés...

            De toutes façons, comme le fait remarquer l’auteure, dans pas loin, on ira a pied ou en vélo...


            • genev.tabouis genev.tabouis 10 août 2008 03:56

              L’organisation de cette fronde des élus pour nous conserver le numéro "auquel on tient tant" cache une offensive bien plus gênante : paralyser toute tentative de réorganisation administrative de nos belles provinces : associer dans l’esprit du cochon de votant l’existence du "département" et de son conseil général et sa  plaque de bagnole conduira ainsi toute tentative de réforme territoriale vers les oubliettes !
              Pauvre France.


              • Üriniglirimirnäglü Üriniglirimirnäglü 6 septembre 2008 11:59

                Hum, je ne voudrais pas vous vexer, mais je pense que vous êtes tous ... à côté de la plaque (oui, je sais, elle était facile celle-là).

                Si on supprime le numéro, c’est pour faciliter la disparition du support (non, pas la plaque !) : en effet, ça y est, c’est officiel, c’est écrit (dans un journal gratuit de M. Bolloré en date du jeudi 4 septembre et bientôt dans Agoravox, votre serviteur a un article au feu à ce sujet) , les départements vont disparaître, puisque le Président va fusionner Régions et Départements (il paraît que c’est ce que nous voulons tous, nous, les français).

                Désolé pour cette douche froide (glace même, pour certains, j’imagine...).


                • La râleuse La râleuse 7 septembre 2008 15:43

                  Bonjour,
                  Je vous remercie comme je remercie toutes celles et tous ceux qui m’ont accordé leur attention le temps de lire cet article et de le commenter.
                  En ce qui vous concerne, je suis juste intriguée par votre pseudo qui m’inspire deux questions indiscrètes :

                  - L’avez-vous choisi pour décourager les interpellations ?

                  - Pour s’adresser à vous, vos intimes utilisent un petit nom n’est ce pas ?
                  Cordialement,



                • Üriniglirimirnäglü Üriniglirimirnäglü 8 septembre 2008 02:38

                  Mon article ne passant pas (c’est paske c’est le ouikende ?), voici un lien vers le scan de l’article.

                  http://www.agoravox.fr/IMG/Matin_Plus_308_du_4-09-08.jpg

                  Eh, c’est un gratuit pas payant, le support papier, alors je vois pas pourquoi je n’aurais pas le droit de le soumettre gratuitement à la lecture sur internet, d’abord (ça c’était à l’adresse d’éventuels mauvais coucheurs)

                  Sinon, La Râleuse, mon nom figurait déjà en bas de mes productions qu’internet n’était encore qu’un projet fumeux partagé par des gars en vareuse kaki et des college boys boutonneux. Evidemment, pour te le prouver, je suis désolé, mais je n’ai aucun lien internet à te fournir...

                  Et s’il est si compliqué, c’est parce que je suis trrrrrés laid, bouh !!!! et, tout comme toi, toujours toujours super grognon quoi qu’il arrive (je dis ça, mais j’en sais rien en fait, peut-être que t’arrêtes de râler des fois ?)


                • La râleuse La râleuse 9 septembre 2008 13:50

                  Hello Üri… (excuse-moi de prendre des libertés avec ton pseudo mais il est vraiment….................. Trop)
                  1) Je ne vois pas le rapport entre ton lien et le sujet de l’article
                  2) J’ai déposé cet article sur le site d’Agoravox depuis déjà un certain temps et je crois que le webmaster doit être submergé de demandes. La rançon du succès.
                  3) Tu n’appartiendrais pas à la race des informaticiens, par hasard ?
                  4) Non je n’arrête JAMAIS de râler. Si tu en veux la preuve, tu vas faire un tour sur mon blog. Je l’ai créé justement pour ne pas enquiquiner mes ami(e)s
                  5) Et sur mon blog, y’a mon adresse mail pour le cas où tu voudrais poursuivre cet entretien

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