Samia Ghali, ou comment ne pas aborder le fond du problème
Après la vague bleue souhaitée par le Front National, voici la vague kaki souhaitée par une sénatrice socialiste des Bouches du Rhône : il faut envoyer l’armée pour remettre de l’ordre dans les quartiers de Marseille. Incorrigibles, ces socialistes, à chaque fois qu’ils ont le pouvoir ils envoient l’armée partout, au Vietnam, en Algérie, en Irak, et bientôt en Syrie. Encore une chance que les Inuits soient calmes sinon nous aurions un corps expéditionnaire polaire ! Ceci étant cela semble payant d’aller tenter de mettre de l’ordre chez le voisin plutôt que de régler nos propres problèmes en priorité, puisque même le petit agité qui a régné de 2007 à 2012 a copié leur méthode en renversant le gouvernement de Côte d’Ivoire et en attaquant la Libye. Frankreich uber alles ?
Revenant à Samia Ghali, disons que le sentiment est beau, l’effet déplorable ! Haro sur la dissidente, l’amorale, qui ne fait pas même confiance à l’actuel ministre de l’intérieur, ce disciple de Claude Guéant et Nethanyaou réunis.
Mais sans refaire l’histoire de la ville de Marseille reprenons quelques bases :
A la fin de la 2ème guerre mondiale, la ville a été prise par Gaston Defferre et la SFIO, avec le soutien de Mémé Guérini, un truand qui avait eu la bonne idée d’être résistant au lieu d’être collaborateur. Ce grand port, paradis des proxénètes et vitrine de la prostitution, allait rester jusqu’à nos jours une sorte de ville ouverte où les voyous de tous poils avaient pignon sur rue et sur mairie, quand ils n’y étaient pas employés, voire élus. Plaque tournante de la « French connexion », la ville va voir se développer les opérations de transit de paradis artificiels, les trafics de voitures et de matériels de travaux publics avec la complicité des employés et syndicats tenant le port autonome. Ce port est quand même le seul endroit de France où pouvaient disparaitre corps et bien des pelles de type 600 Poclain dans les années 70, une référence !
De 70 à 73 j’y ai vécu une première fois, précisément à Marseille Veyre. Régulièrement dans la presse locale la liste des vols quotidiens de véhicules y était impressionnante, entre 20 et 50 voitures disparaissaient chaque nuit. A l’époque les Peugeot avaient une grosse côte au Maghreb, CQFD. Aucun plan banlieue, aucun effectif spécial, il fallait laisser faire ce petit trafic en direction de nos anciennes colonies et aussi laisser proliférer la drogue et la prostitution. Après tout, peuchère, Marseille, c’est un port.
Ensuite j’y ai travaillé de 1978 à 1981 comme éducateur dans un internat géré par le ministère de la justice puis de 1990 à 1996 comme directeur à la Protection Judiciaire. Quel foutoir que cette ville. De fait, outre la pègre et les élus locaux réunis avec les marchés publics pré-attribués et les passe-droits, il y avait trois autres acteurs importants en présence, la police, les éducateurs et les services médicaux et paramédicaux. Petit à petit ces derniers disparaissaient des quartiers chauds, véhicules de pompiers caillassés, médecins rackettés, assistantes sociales et infirmières insultées voire harcelées. Ces quartiers ont commencé à devenir des zones de non droit à cette époque, il y a 30 ans. Il est temps de s’en inquiéter. En fin des années 80 apparait un nouveau phénomène, les enfants des rues. Initialement en provenance du Maghreb, nous allons voir aussi arriver de jeunes filles de l’ex-empire soviétique contraintes à la prostitution, puis petit à petit des autres anciennes républiques socialistes des pays de l’Est, nouvellement libérées, leur avenir professionnel en Occident est tracé. Elles ont même le choix : trottoir ou parking ? Parallèlement le travail au noir continue à y faire florès avec notamment la communauté arménienne. Le service que je dirige n’a pas vocation à s’occuper du travail au noir, mais à s’occuper de la protection des mineurs. Un éducateur de mon service, Didier J., propose de créer une unité d’intervention de nuit en direction de ces enfants, en partenariat avec la BAC (police). La direction de la PJJ (nouvellement nommée et originaire d’une autre région) accepte, un juge des enfants proche des socialistes, M. Deschamps, en profite pour s’autoproclamer initiateur du dispositif, tant mieux car il servira de haut parleur au plan national pour faire connaitre ce dispositif. D’autres éducateurs, eux aussi en provenance d’autres régions, viennent renforcer cette unité, nous créons en parallèle des formations BAFA (brevet d’animateur) pour les jeunes des quartiers et développons les actions à vocation humanitaire notamment en direction d’Afrique de l’Ouest (chantiers de jeunes, convois humanitaires, ces actions avaient été initiées avec succès à partir de la Drome en 1986, puis du lyonnais). Las, ce dispositif va vite déranger le ronron local. Des jeunes des quartiers commencent à respecter les éducateurs et la police, à s’attacher à nous, à devenir des relais efficaces et performants sur le terrain. Nous ne les utilisons pas comme indicateurs, mais comme agents d’insertion, et la prolifération d’entreprises d’insertion, que nous initions, vient nous aider à trouver des issues professionnelles durables pour certains de ces jeunes des quartiers. L’efficacité dérange certains de nos collègues, ceux plus enclins à s’occuper de leur cabanon à Sormiou ou Morgiou, pour d’autres les motifs sont nettement plus sordides. En effet ces actions dérangent le développement des trafics divers, et la chaine des profiteurs de ces trafics monte très haut. Ne vient-on pas nous offrir directement dans nos locaux et à bas prix des marchandises diverses volées ou récupérées en zone douanière !
Comme « mes » éducateurs m’emmènent régulièrement la nuit prendre un bain de pègre, je peux y voir certains flics style Rambo parader dans les boites de nuits, les bars à putes, fonctionner au Champagne, copiner et surtout rouler très visiblement au-dessus de leurs moyens. Je peux aussi de par ma fonction découvrir les charmes des attributions de marchés, dans ma propre administration, à des entreprises pré-ciblées via des architectes insulaires. A Marseille la mafia corse est puissante. L’administration va donc, très certainement sur ordre et en accord avec le politique local, flinguer purement et simplement ce système dérangeant. Marseille doit rester ce qu’elle est, le paradis des truands et de leurs acolytes.
Il est très probable que Samia Ghali ait compris depuis longtemps que seule une intervention forte, et extérieure aux magouilles locales, puisse faire preuve d’efficacité. Seule l’armée française est en dehors de ce magma, elle seule pourrait obliger la police, les élus et les administrations à se limiter à leurs attributions, en coupant le lien entre la source des fonds (le client) et les profiteurs du système. La preuve, tous se sont levés contre cette idée, majorité et opposition, police locale et nationale, même l’Elysée a réagi avec une rapidité inhabituelle pour le président Pompimou. Mais avec ou sans l’armée rien ne se fera sans la mise en place d’un réel maillage social, lié à une politique d’insertion efficace, sinon ce sera de nouveau un coup d’épée dans l’eau. Sans cela les cabanons en bord de mer, équipés à bas prix, ont de beaux jours devant eux, fussent-ils en Corse.
Voila pourquoi il est plus simple de s’occuper à virer les roms, eux n’ont pas de réseau de souteneurs français suffisamment développés.
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