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Accueil du site > Tribune Libre > Un printemps en Europe ?

Un printemps en Europe ?

Après des printemps qui n'ont pas toujours donné les fruits savoureux, espérés, y aurait-il un printemps européen ? Rares sont ceux qui osent poser la question. Peut-être parce que les faits sont moins romantiques et, apparemment, plus complexes.
Cet éventuel printemps a l'avantage de ne pas être surchargé d'illusions enthousiastes qui pourraient être déçues, ici comme ailleurs.

Ces dernières années, la crise a permis à certains d'annoncer et même de dater la fin de l'euro, voire la fin de l'Union européenne (UE). Malgré eux, euro et UE continuent pour le moment et un nouveau départ semble s'ébaucher qui, certes, n'a rien de révolutionnaire mais marque une certaine continuité et, peut-être, un tournant.

Faut-il croire que c'est une crise qui, une fois de plus, va faire progresser l'UE ?

 

Du nouveau dans les élections européennes

En 1979, ont eu lieu les premières élections au suffrage universel pour le Parlement européen (PE), celles de 2014 étaient donc la huitième édition. Mais avec quelques nouveautés.

Pour la première fois, ces élections ont été européennes et non la simple juxtaposition de 28 élections nationales même si la situation intérieure a joué un rôle certain dans les résultats.

Des questions européennes ont été abordées pendant la campagne électorale, surtout à cause de la volonté des partis européens de faire de cette élection le mode de désignation, populaire, du président de la Commission européenne (CE). Grâce à une interprétation audacieuse du traité de Lisbonne.
Celui-ci prévoyait que le Conseil européen, les 28 chefs d’État et de gouvernement, devait proposer au vote du PE une personnalité, « en tenant compte des résultats des élections européennes ». Les partis européens, sous l'impulsion de Martin Schulz notamment, ont déduit de ce texte, accentuant son coté «  démocratique  », que le Conseil devait désigner le candidat proposé par le parti européen qui arriverait en tête le soir des élections.
Finalement, tous les partis, à l'exception des droites extrêmes et souverainistes, ont désigné leur candidat à cette fonction. Le PPE a traîné les pieds et n'a désigné son candidat qu'en mars, probablement du fait de résistances internes à cette démarche. Jean-Claude Juncker l'a remporté avec 382 suffrages contre 245 pour Michel Barnier, quelques 200 délégués (un quart environ des ayants droit) n'ont pas voté.
Au total, 6 candidats (dont le binôme du parti vert) ont pu confronter leurs positions à la télévision (malgré la réticence de la télévision du service public en France) ou en participant à des réunions publiques dans différents pays de l'UE.

Cette participation de candidats à des rassemblements ou à des débats dans des pays dont ils n'avaient pas la nationalité n'a guère suscité de contestation «  nationaliste  ».

Il n'existe pas encore de véritable espace public européen, serait-il en train de naître ?

Résultats politiques des élections.
C'est aussi la première fois que la participation des électeurs européen ne diminue pas par rapport aux élections précédentes. Certes, ce n'est pas une participation enthousiaste car le taux d'abstention est élevé mais il ne progresse pas.
En France, cette baisse de participation touche toutes les élections , sauf les élections présidentielles. Elle n'est pas propre aux élections européennes.

Par une inversion du processus prévu pour ladésignation du président de la CE, ce sont les parlementaires européens, appuyés surla campagne électorale qu'ils ont menée et forts de leur récente élection, qui ont proposé un nom, un seul, Jean-Claud Juncker, représentant du PPE, parti arrivé en tête au scrutin européen. Le Conseil, toutes tendances partisanes confondues, l'a accepté àune énorme majorité, avec la seule opposition de David Cameron (Royaume-Uni) et Viktor Orbin (Hongrie).
Cetteprocédure(non prévue par les traités) fera-t-elle jurisprudence et les peuples européens, par l'intermédiaire de leurs députés, éliront-ils, officiellement, les prochains présidents de la CE ?

On est encore loin d'une vraie démocratie parlementaire avec des pouvoirs exécutif et législatif, réels et vraiment séparés. Peut-être qu’un pays qui demanderait son adhésion à l'UE avec une telle confusion des pouvoirs se verrait contraint à des réformes constitutionnelles… Mais, les choses avancent progressivement.

Les résultats chiffrés permettent de noter une montées des souverainistes et des eurosceptiques, surtout en France (FN), au Royaume-Uni (UKIP), en Allemagne (AfD), en Italie (5 Stelle)… insuffisante cependant pour jouer un rôle significatif au niveau des institutions européennes, du fait aussi de leur désunion. Progression, bien moindre, de la gauche radicale (35 députés en 2009, 52 en 2014) et du PSE (184 en 2009 et 191 en 2014).
Quant aux partis de droite, ils sortent affaiblis de ces élections même si le PPE demeure le parti le plus important au PE.

Au delà des chiffres, la bataille autour de la nomination de Jean-Claude Juncker comme président de la CE, a entraîné un renversement d'alliance et des modifications dans les rapports de force.

David Cameron et le Royaume-Uni sont les grands vaincus de cette élection et de ses suites. En ordonnant à ses troupes de quitter le PPE, David Cameron a affaibli le poids du Royaume-Uni dans les décisions, notamment dans le choix du candidat du PPE à la présidence de la CE, et jeté un froid dans ses rapports avec Angela Merkel.
Il a par ailleurs échoué dans sa tentative de regrouper certains États de l'Union dans son opposition à Jean-Claude Juncker et au PE. Mais comme il le dit lui-même, David Cameron a perdu une bataille, il n'a pas encore perdu la guerre. Ce n'est pas encore le «  Brexit  » (sortie du Royaume-Uni de l'UE). Car certains gouvernements apprécient son libéralisme et son opposition au fédéralisme .
Le poste qui sera attribué au Royaume-Uni au sein de la CE sera un bon indicatif de l'importance que le Conseil attache à sa présence au sein de l'UE.

La construction de l'UE repose depuis le début sur l'axe Paris-Berlin devenu peu à peu, Berlin-Paris et puis Berlin-Berlin du fait de l'importance économique, politique, démographique de l'Allemagne et de l'affaiblissement de la France… Me Angela Merkel, désignée à plusieurs reprises comme la femme la plus puissante au monde, a, seule, défini la ligne de l'Union, sur la base, « ce qui est bon pour l’Allemagne est bon pour les autres pays européens  ».

Mais la politique de cette apparente force tranquille rencontre une forte résistance des peuples du sud de l'UE qui n'ont pas manqué de le faire savoir à leur gouvernement à travers grèves et manifestations (Grèce, Italie, Espagne, Portugal, France) et lors des élections.
Cette politique est aussi contestée par de nombreux économistes renommés, par des gouvernements plus ou moins obligés de suivre mais qui pensent que l'austérité est un frein à la reprise et accentue la crise sociale. Même le FMI bien que participant à la «  troïka  » qui impose une politique d'austérité aux partenaires de l'Allemagne, a fait entendre sa petite différence...

La contestation des peuples de l'UE s'est traduite au niveau des élections européennes par la baisse des partis de droite, au gouvernement ou dans l'opposition dans leur pays, et la montée des votes populistes, souverainistes ou de la gauche radicale (Grèce, Espagne).
Ces résultats avaient été précédés, pour Angela Merkel, d'un avertissement au niveau national : lors des élections de 2013 : malgré un bon score, CDU/CSU avaient du constituer une «  grosse Koalition » avec le SPD du fait de l’effondrement de leur allié traditionnel, le parti libéral. D'où, un infléchissement de la ligne politique du gouvernement de Berlin, notamment avec la mise en place d'un smic, certes insuffisant (avec de nombreux «  trous  » suivant Libération  !) mais qui va intéresser quand même plus de 4 millions de salariés.

Lors de la campagne électorale européenne, Me Merkel n'a pas caché sa préférence pour le libéral David Cameron qu'elle n'a pas réussi a ramener à la raison, plutôt que pour le «  socialiste  » Hollande. En accord avec le Premier ministre britannique, elle était opposée à l'idée de retenir le candidat désigné par les partis européens comme président de la CE et encore plus à la personnalité de Jean-Claude Juncker. Finalement, elle a dû suivre ses troupes, CDU/CSU. Et a dû s'incliner et pour le mode de désignation et pour le nom du désigné.
Tout cela montre que la «  tsarine  » a perdu, au moins pour quelque temps, une partie de son autorité au niveau national et européen.

Il n'est pas sûr cependant que Jean-Claude Junker aille au terme de son mandat de 5 ans. Ce poste ne l'intéressait que modérément, il visait plutôt celui de président du Conseil européen. Et Angela Merkel avait en tête d'autres personnalités comme Christine Lagarde...,

François Hollande qui, à la suite de son élection, n'avait pas su faire évoluer la politique européenne comme il l'avait promis, a profité des résultats des élections européennes pour réunir à l’Élysée Matteo Renzi dont le parti a gagné les élections européennes en Italie, le vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel, le président sortant du PE, Martin Schulz, le premier ministre belge Elio Di Rupo, le chancelier autrichien Werner Faymann, la chef du gouvernement danois Helle Thorning-Schmidt, tous membres du PSE.
Car les sociaux démocrates européens se sont engagés à soutenir l'élection de Jean-Claude Juncker mais entendent obtenir en contre-partie : un certain nombre de postes importants pour le PSE (Martin Schulz a été élu président du PE, pour deux ans et demi) et une inflexion de la politique sociale et économique de la CE que le futur président, Jean-Claude Juncker, réputé à la fois très libéral, social comme un démocrate chrétien et fin négociateur devrait conduire.
Autrement dit une « Grosse koalition » au niveau de l'UE.

Matteo Renzi, le chef du gouvernement italien, fort des résultats de son parti aux élections européennes, se présente comme porteur d'une volonté de renaissance et de l'Italie et de l'Europe. Affirmant mettre au second plan les questions de personnes, il s'est prononcé pour une politique qui, sans affronter directement Angela Merkel, sans toucher aux dogmes, sans dénoncer les traités ou le Pacte de stabilité, jouerait sur les marges de manœuvres qu'ils offrent.
Son compatriote, Mario Draghi, a montré que cela était possible au niveau de la BCE.

Pour ses six mois de présidence de l'UE, Matteo Renzi insiste sur :
- la croissance et l'emploi, avec un programme européen d'investissements dans les infrastructures ;
- une plus grande flexibilité pour les dépenses visant à favoriser la croissance, élargir les délais pour assainir les comptes publics des gouvernements en difficulté, que Angela Merkel serait prête à accepter ;
- la suppression des dépenses d'investissements dans le calcul du déficit ;
- européaniser la question de l'immigration car l'Italie se trouve un peu seule et aux premières loges de l'UE ;
- donner un rôle plus important à la politique étrangère sur la scène politique internationale.

Quant aux postes, chacun a, plus ou moins discrètement, quelqu'un dans la manche à placer : Matteo Renzi, comme les autres. Il verrait bien Me Federica Mogherini, ministre des Affaires étrangères du gouvernement italien, succéder à Lady d'Ashton comme Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ; François Hollande voudrait un poste important pour Moscovici (président de l'Eurogroupe)....
Pour le moment, rien n'a profondément changé mais l'air du temps, la musique sont différents. La coalition Gabriel-Hollande-Renzi renversera-t-elle la tendance austéritaire de l'UE ? La volonté de «  rottomazione  » (mise à la casse) du jeune et ambitieux Matteo Renzi résistera-t-elle au bras de fer qui se prépare au niveau européen ?
Le semestre italien donnera un début de réponse.


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8 réactions à cet article    


  • captain beefheart 7 juillet 2014 10:44

    Pour combien de temps vous parlez encore avec respect de tous ces criminels ?

    Un printemps en Europe ? ça commence peut-être avec les manifestations du lundi soir dans des nombreuses villes allemandes,mais vous ne parlez pas de ça,hein ?

    Non,c’est plutôt la chose à occulter,comme le font nos médias. Pourtant les gens sont descendu dans la rue pour mettre en cause la politique mortifère de l’Europe en Ukraine,la mainmise des banques américaines,l’esclavage à venir.....


    • Paul ORIOL 7 juillet 2014 11:16

      Bonjour,
      Je ne savais pas qu’il y avait aujourd’hui des manifestations le lundi en Allemagne.

      Par contre j’étais tous les lundis à la Rotonde de la Villette quand les syndicats manifestaient en Allemagne contre Harz IV ou V. Nous étions une vingtaine !!

      Paul


    • César Castique César Castique 7 juillet 2014 11:02

      « Matteo Renzi, le chef du gouvernement italien, fort des résultats de son parti aux élections européennes, se présente comme porteur d’une volonté de renaissance et de l’Italie et de l’Europe. »


      Il faut quand même précisé que la victoire électorale de Renzi fut toute relative (41 % des suffrages exprimés), qu’elle a été largement due à une réduction de 80 € des prélèvements obligatoires sur une partie des plus bas salaires - il serait surprenant que la Merkel l’ignorât et n’en tînt pas compte - et que le tempétueux jeunot, il Ducetto selon certains, est déjà très contesté par les dinosaures de son parti, à commencer par deux anciens premiers ministres, Massimo d’Alema et Pier Luigi Bersani. 

      • Paul ORIOL 7 juillet 2014 11:17

        Bonjour,
        Presque d’accord sauf que c’est Renzi qui a vidé Bersani qui n’en est probablement pas très content.
        Paul


        • Cocasse Cocasse 7 juillet 2014 12:36

          Trop tard on est déjà en été...
          Tous les mouvements baptisés « printemps » s’avèrent finalement être similaires aux processus de révolution orange, manipulés à fin de déstabilisation, avec dans certain cas une dictature islamique comme résultat.


          • filo... 7 juillet 2014 13:30

            L’UE était faite par et pour les américains !

            Donc disparaître ou pas c’est que de la gesticulation de certains croyants vivre dans des société démocratiques.

            Nomination de Juncker ou un autre, toujours du semblant et de la gesticulation.

            Sortie de GB de l’UE c’est aussi que de la gesticulation. Si les américains ne sont pas d’accords alors les britanniques iront se coucher dans la niche sans broncher.

            Comportement de UE et des dirigeants de pays la composants dans cette pseudo crise ukrainienne montre leurs obéissance totale au maître américain.

            Maintenant j’en suis sûr qu’il iront jusqu’à faire la guerre à la Russie si USA le souhaite.


            • xmen-classe4 xmen-classe4 8 juillet 2014 01:01

              depuis 68, il traiterai tous ceux qui défendent l’ethique de réactionnaire.
              et d’ailleurs, c’est, maintenant , ce qui fait qu’il n’y a plus de gestion.


              • xmen-classe4 xmen-classe4 8 juillet 2014 01:05

                augmenter les impots ça fait deux ligne en 17 eme page à cote des resultat sportif et quand il sagit de les faire baisser il faut des conférence sociale avec tout le parterre des parisiens qui ne vivent que de cela.

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