Un Professeur de Français sous l’état d’urgence
Signez la pétition pour la réinsertion immédiate de Salah Lamrani : http://www.tlaxcala-int.org/campagne.asp?reference=43
Envoyez des lettres de protestation au Rectorat de Créteil ([email protected] et [email protected])
Par Catherine Shakdam
Si la France s’est souvent présentée comme une démocratie moderne, comme une république dont les valeurs avaient pour pivot la garantie et la protection des libertés personnelles et de la liberté d’expression, ces prétentions ne reflètent plus en rien la réalité sur le terrain.
La France d’aujourd’hui n’est plus que la coquille vide de la République qu’elle fut, une soi-disant démocratie gouvernée par une « élite » qui joue la terreur, la peur et les préjugés pour mieux exercer son contrôle sur une populace prête à tout avaler. Malgré les grands airs qu’elle se donne par rapport au despotisme, la France, aujourd’hui, ressemble à ces dictatures qu’elle a si souvent sévèrement condamnées.
Et si la France a jadis réellement tenu la liberté dans la paume de sa main républicaine, son nouvel état d’urgence a escamoté tout espoir de justice pour ceux qui osent encore se considérer comme des hommes libres.
À l’ombre de plus en plus suffocante de l’Élysée, la France a appris que tout murmure contre l’État, toute contestation, toute critique, peuvent être et seront poursuivis.
Salah Lamrani témoigne de la nouvelle réalité dystopique française. En février 2016, ce professeur de littérature française d’un collège de la région parisienne (Seine-Saint Denis) a été injustement – et qui plus est illégalement – suspendu de ses fonctions, sous l’allégation fantasmée qu’il aurait des tendances « radicales ».
M. Lamrani, dont le dossier professionnel ne présente pas l’ombre de la moindre tache, illustre ici à son corps défendant la descente de la France dans le fascisme ultra-chauvin – au sens nouveau que la France entend se montrer puritaine et absolue dans la revendication de ses « valeurs » - même si cela signifie… et surtout si cela signifie réduire au silence par la force ceux qui osent considérer le pluralisme des opinions comme un droit absolu.
Tout a pourtant commencé avec l’amour d’un professeur pour l’écriture et avec sa passion pour la langue française… Et voilà qu’une tradition qui a fait cadeau au monde de gens comme Jean-Jacques Rousseau, Émile Zola et Charles Baudelaire s’est réveillée tyrannie, interdisant tout ce qui n’est pas conforme – pensées, mots et philosophies –, brandissant la peur et la répression, pour plus aisément brutaliser les prétendus dissidents, qu’elle ne veut pas seulement réduits au silence mais politiquement uniformisés.
Penseur à l’esprit libre, M. Lamrani s’est retrouvé en conflit avec une directrice d’école à l’esprit étroit, à la fois produit et outil du « système », pour avoir osé exprimer sur un blog son opinion sur des sujets tels que la politique en général et la politique étrangère de la France en particulier. Sur un blog ? Oui, sur son blog personnel, c’est-à-dire totalement en dehors de la sphère dont l’établissement qui l’emploie ait le droit de revendiquer le contrôle. Il a pourtant été sanctionné.
Qu’importe si une personne détentrice d’une certaine autorité au service de la République aurait dû se conformer à ses principes, qui s’énoncent toujours, autant qu’on sache, « Liberté – Égalité – Fraternité »…
Puisque l’objet de son aversion, au service lui aussi de la République, a été pesé à l’aune des choix politiques et des choix de politique étrangère de la faction qui prétend parler en son nom et qui, à ce titre, exige de tous les autres citoyens une soumission aveugle et totale.
Parce que M. Lamrani a osé – sur son blog – mettre en cause l’état d’urgence en France, cette directrice zélée (zélote ?) a décidé de lui donner une leçon et de lui apprendre que sous la faction qu’elle sert, la liberté a un prix… aussi élevé qu’elle le décide.
Dans une interview qu’il m’a accordée le 14 février dernier, M. Lamrani m’a expliqué comment ses ennuis ont pris la forme d’un autoritarisme quasi caractériel dont les dirigeants de son école ont fait preuve à son égard.
« J’ai été suspendu sans que la moindre enquête ait été diligentée et en dépit du fait que je me sois plaint du harcèlement moral auquel m’a soumis la direction de mon école, qui n’approuve pas mes activités syndicales et de blogueur et qui m’a publiquement accusé d’être un dangereux terroriste. »
Au temps où nous sommes, il ne faut absolument pas que de telles plaintes soient ignorées ou prises à la légère, ne fût-ce que pour les suites dramatiques qui peuvent en résulter, à tout le moins en ce qui concerne la sécurité personnelle et la liberté de M. Lamrani.
Les « crimes » de M. Lamrani ont consisté à dénoncer la répression d’État et à exprimer des convictions politiques qui sont les siennes, par le moyen, répétons-le, de son propre blog, en-dehors des heures de classe et sans que cela interfère en rien avec son travail d’enseignant.
Parce que Mme Khadidja Bot – c’est le nom de l’irascible dame – s’est imaginée dans le rôle de gardienne du sérail, c’est-à-dire s’est auto-désignée porte-parole de l’Éducation Nationale, la vie et l’avenir d’un homme sont aujourd’hui menacés. Parce qu’une personne détenant une petite parcelle d’autorité a choisi de calomnier et de diffamer pour affirmer son « pouvoir », un professeur de valeur a été mis au ban de sa communauté de travail et a été [courageusement ? NdT] évité par ses collègues. Sans la moindre bribe de preuve et sans que les autorités de tutelle daignent ouvrir une enquête sur son prétendu « radicalisme », un homme a été dépouillé de sa dignité professionnelle.
À ce jour, les appels de M. Lamrani à la justice n’ont reçu, pour toute réponse, que de honteuses brutalités et une cruauté imaginative.
Au cours de ce qui est devenu, faute d’interlocuteurs responsables, une guerre entre Mme Bot et lui, M. Lamrani a été diffamé, physiquement agressé et systématiquement harcelé.
Pour tenter de rationaliser l’illégitimité rédhibitoire de sa position et parce que son tenace enseignant persistait dans sa station silencieuse devant l’entrée de l’école, Mme B. a eu recours aux violences physiques, espérant pousser ainsi sa victime à enfreindre les lois de manière ou d’autre.
Sous la menace, on a interdit aux élèves de lui parler ; certains ont encouru des sanctions disciplinaires pour l’avoir défendu ; des parents ont été malmenés par l’administration du collège pour avoir exigé des explications et des mensonges ont été soigneusement cultivés afin de faire passer M. Lamrani pour un dangereux dissident, pour un cinglé qui ne mérite pas qu’on l’écoute et moins encore qu’on le croie.
Seulement, le « cinglé » n’est pas fou et il n’est pas non plus le violent fasciste que sa persécutrice s’acharne à inventer. C’est elle – malheureusement pour la profession – qui se comporte en despote irrationnel. C’est elle qui a choisi de fermer l’école (! !!) et d’interrompre abusivement l’éducation des enfants à sa charge pour pouvoir poursuivre toujours plus ses manœuvres d’expulsion à l’égard d‘un enseignant irréprochable.
Alors qu’il est victime d’un système injuste et d’un cas typique d’abus de pouvoir, c’est M. Lamrani qui est dépeint comme un coupable, parce qu’il a eu le mauvais goût de résister à des manœuvres d’intimidation
Il ne reste plus à présent aux intimidateurs qu’à mettre leur volonté de le renvoyer en accord avec le droit.
Que faudra-t-il d’autre avant que nous disions « trop c’est trop ! » ? Disons mieux : pourquoi laissons-nous des candidats au despotisme exercer une quelconque autorité sans exiger d’eux un minimum de transparence ?
Avoir à répondre de ses actes est impliqué dans le mot « démocratie ». Il serait temps de faire mettre cette obligation en pratique.
Aujourd’hui, M. Lamrani pourrait être arrêté… sur quelle accusation ? Personne ne le sait, puisqu’il n’a jamais si peu que ce soit enfreint une loi. Mais, comme la France est en état d’urgence, ils trouveront bien quelque chose. La police n’a nul besoin de prétexte pour le mettre à l’ombre si elle veut.
Ah, que la République est grande, quand ce sont ses intellectuels qui peuplent les prisons !
Source : http://en.shafaqna.com/news/32043
Via : http://thesaker.is/a-french-teacher-and-the-state-of-emergency
Traduction c.l. pour Les Grosses Orchades
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