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Un retour sur la crise financière de 2008. A quand la prochaine bulle financière ?

 Joseph E. Stiglitz, prix Nobel en économie, écrit dans son article de juin 2009 : « En dépit des « pousses vertes  » de la reprise économique, force est de constater que les banques américaines résistent aux tentatives faites pour les réglementer.
 Alors que les politiciens s’étendent sur leur volonté de réformer le système pour éviter une répétition de la crise financière, ce domaine est véritablement celui où le diable se cache dans les détails - et les banques feront tout ce qui est encore en leur pouvoir pour s’assurer qu’elles pourront continuer à agir comme elles l’ont fait par le passé.
 » Un système, quel qu’il soit (financier, politique ou autre) peut-il se réformer de l’intérieur ? On en doute. Et Joseph E. Stiglitz ne fait que confirmer ce fait, qui est dans l’ordre des choses. Tant qu’il n’y a pas intrusion de forces extérieures au sein du système, celui-ci est condamné à perdurer. Mais aujourd’hui, la situation tranche avec le passé, des forces extérieures redoutables existent et, bien qu’ils n’aient pas encore dépassé une certaine « limite », ont déjà entamé la résilience du système financier américain. Il est certain que le système économique mondial, par ricochet, va connaître des soubresauts et des crises qui affecteront durablement la confiance des investisseurs sur le système financier américain.
 La situation économique et financière mondiale, en ce milieu de l’année 2009, demeure floue. Bien qu’elle ne soit pas opaque, les analyses d’éminents économistes sont partagées sur la reprise économique, surtout de l’économie américaine, en tant que premier moteur de l’économie mondiale. Mais, au-delà de la reprise qui, on ne peut douter, se fera, et pour combien de temps, la question demeure à juste raison, les symptômes de la crise sont toujours là et n’ont pas pour autant disparu, et même, s’apparentent à des avertissements avant-coureurs d’autres crises.
 Mais comment appréhender ce mystérieux processus en cours ? Le seul moyen est de remonter à l’origine de la crise, et non pas seulement des « subprimes », mais aussi des déséquilibres mondiaux qui ont joué beaucoup dans l’évolution des taux de change et des cours pétroliers, et donc sur l’économie. Evidemment, les autorités monétaires américaines ne pouvaient ignorer sur ce qui pouvait advenir, mais pouvaient-ils l’éviter ? Avaient-ils le choix ? Difficile de répondre.

 

  1. Le premier cycle économique de XXIe siècle

 Pour comprendre, il faut rappeler l’évolution des taux d’intérêts américains et européens et des taux de changes euro-dollar ainsi que des politiques contracycliques qui ont prévalu. Cette analyse de ces données macro-économiques nous apprendra davantage sur les motivations qui ont été à l’origine de la stratégie des autorités monétaires. La politique monétaire américaine et son implication dans le double éventail-économie américaine et mondiale, se devait être un soutien à la politique intérieure et extérieure de l’establishment américain. L’histoire remonte à la récession de l’année 2000, avec l’effondrement des valeurs technologiques en avril et septembre de cette même année. Dès le premier trimestre 2001, la croissance américaine qui avait été de 1,9%, au dernier trimestre 2000, est passée à 1,3% pour tomber ensuite à 0,7% en rythme annuel. Dès le 3 janvier 2001, pour soutenir l’économie, la Banque centrale américaine (Federal Reserve, FED), anticipant la crise, a baissé son taux directeur de 6,5% à 6%.
 C’est le début du premier cycle économique. Devant le risque de récession, la FED a encore baissé son taux directeur à court terme à cinq reprises de 6% à 3,75%, au point qu’en mai 2001, le taux court de la Banque centrale européenne (BCE) était supérieur au taux court américain. En effet, le 1er mai 2001, la BCE, emboîtant le pas, baisse pour la première fois, depuis novembre 1999, son taux directeur d’un quart de point, il est à 4,5%. Cette baisse s’est traduite par un relèvement sensible de la monnaie européenne, l’euro, face au dollar. Ce qui se comprend, un taux d’intérêt plus élevé en Europe ne peut qu’ouvrir un début de fuite de capitaux hors des Etats-Unis. Les événements tragiques du 11 septembre, entraînant la panique, amènent les autorités monétaires américaines à baisser, en cinq reprises, le taux d’intérêt court directeur. Entre le 11 septembre et décembre 2001, le taux passe de 3,75% à 1,75%. Si, dans la phase de dépression amorcée au début de l’année 2000, l’économie était en récession, au sens technique, pendant quelque mois en 2001, pour l’année 2002, elle s’est rapidement assombrie.
 Quelles étaient causes qui ont été le point de départ de cette évolution ? D’abord, le renversement de la conjoncture des valeurs technologiques au début de l’année 2000, du à la prise de conscience d’une crise de surinvestissement et l’éclatement, en bourse, de la bulle financière qui a accompagné la phase de croissance. L’attaque terroriste du 11 septembre 2001 a désorganisé les stratégies d’investissement et de risques dans certains secteurs-clés, a pesé sur le climat des affaires. La diffusion de pratiques financières frauduleuses, en 2002, a atteint la crédibilité du système industriel et financier. L’effondrement des entreprises considérées jusque-là comme des modèles (Enron, Worldcom, Vivendi-Universal, etc.) donnent une idée des manipulations au sein de l’édifice boursier. Les incertitudes liées aux discussions sur une nouvelle guerre avec l’Irak ne pouvait qu’inciter à une stratégie d’attente. Enfin, la dernière et cinquième cause, et probablement essentielle, c’est le solde de la balance des opérations courantes des États-Unis qui, positif en 1991 (pour la première fois depuis 1980), ne cessait de se dégrader tout au long de décennie 90. Le déficit courant atteignait 4% fin 2001, ce qui avait fourni des ressources étrangères considérables à l’économie américaine.
 Les autres places financières n’ont pas été épargnées par cette bourrasque financière, tous les marchés d’Europe, du Japon et autres parties du monde étaient en berne. Il est évident qu’il ne pouvait être autrement. Un contexte de globalisation financière, une interconnexion généralisée laissaient peu de marge aux pays développés. Les pays dont les marchés financiers sont peu développés étaient plus ou moins épargnés.
 La Chine également compte tenu son système hybride, un « socialisme de marché ». Il reste que la crise a joué un rôle salvateur dans le sens que, par la baisse des cours, elle a remis les pendules à l’heure, c’est-à-dire à réajuster les cours boursiers à leur valeur réelle.
 Cette bourrasque se détend dès la fin 2002. Mais des incertitudes restent, le soutien des politiques monétaires et budgétaires américaines, franchement contracycliques, notamment grâce à d’importantes baisses d’impôts, un cours favorable des matières premières, ne laissait guère prévoir quand la dépression américaine sera considérée comme terminée. Surtout que le risque d’un conflit avec l’Irak se rapprochait rapidement.
 Le 6 novembre 2002, la FED baisse son taux directeur court d’un demi-point, à 1,25%. En juin 2003, elle baisse encore d’un quart de point, à 1%, le niveau le plus bas depuis 46 ans. Le taux d’intérêt ne bougera plus jusqu’à juin 2004. Quant à la BCE, son taux court directeur est ramené après trois reprises, de mai à décembre 2001, à 3,25%. Décembre 2002, il est 2,75%. En juin 2003, il est à 2%, taux qui restera inchangé jusqu’en décembre 2005.

 

  1. Les pays arabes, les vrais soutiens de la puissance financière et monétaire américaine via « le libellé du pétrole »

 Le 2 mai 2003, le président américain annonçait la fin de la « phase des hostilités majeures », le régime irakien s’est effondré après trois semaines de combat, mettant ainsi fin au règne de Saddam Hussein qui a cherché à affaiblir la puissance américaine en libellant, à partir du 28 septembre 2000, son pétrole en euro. L’euphorie de la victoire américaine sur l’Irak va avoir un retentissement considérable sur la politique monétaire de la Banque centrale américaine. En effet, la FED va dès 2002 irriguer le système financier américain, il était péremptoire que la politique poursuivie par le président Bush soit soutenue financièrement, quels que soient les aléas que l’économie américaine pouvait rencontrer dans le futur. Quatre années d’« exubérance financière irrationnelle » vont suivre jusqu’en 2005. Le taux court, bien qu’il soit relevé en juin 2004, sera jusqu’en 2005 à peine supérieur à 3%. Pourtant, les corrections boursières en 2002, avec des pertes considérables pour tout le système financier mondial, étaient encore présentes dans les esprits. Mais les enjeux auxquels faisaient face les Etats-Unis étaient aussi considérables, ce sont probablement ces raisons puissantes qui ont dicté la fuite en avant des autorités américaines. Il fallait coûte que coûte soutenir la politique du président Bush, la victoire sur l’Afghanistan et l’Irak avait un goût d’inachevé. La diminution d’impôts dont bénéficiaient les Américains, surtout les plus riches, devait sortir l’économie de la récession. Cela fonctionna, mais à quel prix ? Une stimulation de la consommation basée sur l’endettement ! Les déficits courants s’établissaient à 666 milliards de dollars en 2004, et 804,9 milliards de dollaes en 2005, conséquents à la guerre au Moyen-Orient, à une politique de baisse d’impôts (adoption d’un plan décennal de 350 milliards de dollars dès le début du mandat de Bush) et commercial (les Américains importent plus qu’ils n’exportent).

 Pour faire face à leurs déficits, les Américains bénéficiaient des excédents asiatiques qui venaient se placer aux États-Unis, laissant croire à une croissance vertueuse. En fait, les grandes banques américaines et la FED ne pouvaient ne pas être conscientes des risques encourus par l’économie américaine, qui, par le recours constant à l’emprunt extérieur, surtout asiatique, ne pouvaient que gonfler la dette extérieure à des niveaux insoutenables. Dans une note de conjoncture de l’Ambassade de France à Washington du 31/12 /2003, il est dit que « le montant des investissements étrangers aux Etats-Unis a fortement décru depuis trois ans (-31% entre 2000 et 2002), alors que l’augmentation du déficit courant ( 31% entre 2000 et le troisième trimestre 2003) nécessite une hausse de l’épargne étrangère. Cela crée des tensions sur le marché des changes. » Il est clair qu’il y a, depuis l’éclatement de la bulle Internet, une désaffection des capitaux européens pour les places américaines. Conséquence : non seulement les capitaux des pays émergents étaient nécessaires pour le train de vie des Américains et les guerres menées à l’extérieur mais ne suffisaient pas à combler les déficits courants américains qui étaient en constante progression. De là, on comprend pourquoi le recours de la FED à la « planche à billet », une émission monétaire sans contrepartie — monétisation des déficits non couverts par l’emprunt. Dès le début de 2002, l’euro se redressait face au dollar. Depuis ses plus bas niveaux, à 0,84 dollar, il passait le cap de 1 euro pour 1 dollar fin 2002. Au milieu de l’année 2003, l’euro s’établissait à 1,2 dollar. Malgré des redressements temporaires, le dollar était en baisse. Harold James, professeur d’histoire et de relations internationales à la Woodrow Wilson School de l’université de Princeton, et l’histoire à l’Institut universitaire européen de Florence, écrivait, dans un de ses articles, en mai 2009 : « L’effondrement des banques autrichiennes et allemandes n’aurait pas pu entraîner le monde d’une dépression à une récession si ces pays avaient été isolés ou indépendants économiquement. Mais ils ont bâti leurs économies sur des emprunts d’argent-principalement à l’Amérique - dans la seconde moitié des années 20. Cette dépendance rappelle la façon avec laquelle l’argent des pays émergents, principalement de l’Asie, a afflué aux Etats-Unis dans les années 2000, laissant croire à un semblant de miracle économique parce que la Chine proposait des prêts. L’effondrement des banques en 1931, et en septembre 2008, a mis à mal la confiance du créancier international : les Etats-Unis à l’époque, maintenant la Chine. » Bien qu’il y ait un parallèle à faire entre les deux périodes, il faut néanmoins souligner des différences, en matière d’instruments financiers et de stature qui diffèrent entre les deux époques. Les instruments financiers d’aujourd’hui sont bien complexes et la Chine, bien qu’elle se rapproche à prendre le rang de deuxième puissance mondiale, est encore loin d’avoir l’envergure de la première puissance mondiale, malgré son savoir-faire et son milliard et demi de population.
 A titre d’exemple, en plus de la complexification financière toujours plus poussée, le libellé monétaire du pétrole est un puissant dispositif de pondération financière et monétaire. La hausse des cours pétroliers est souvent énigmatique, mais joue favorablement sur l’émission monétaire américaine. Comme nous l’avons écrit dans nos articles précédents, ce « libellé monétaire du pétrole » est une donnée stratégique pour les États-Unis. Pour comprendre, faisons une analogie avec la Chine. Il est connu ces dernières années que ce sont les Chinois qui financent le gros des déficits courants américains. Et le gros de ces déficits provient aussi du solde commercial avec la Chine. Pour que les Américains continuent d’acheter les produits chinois, il est impératif que la Chine place ses excédents commerciaux en bons de Trésor américains. Ce placement en bons de Trésor permet aux Américains d’acheter leurs marchandises qui sont d’égale qualité et moins chers que les produits européens. Sans cela, les Américains ne pourront acheter les produits chinois. Ce tandem Etats-Unis-Chine est appelé par certains économistes un « équilibre de la terreur ».
 Un autre tandem existe entre le monde arabe et les États-Unis, c’est le « libellé monétaire du pétrole ». Facturé en dollars, une hausse des prix du pétrole entraîne mécaniquement une hausse de la demande des dollars américains sur les marchés monétaires par les pays importateurs (Europe, Chine, Japon et autres pays consommateurs de pétrole). Une hausse des recettes pétrolières des pays producteurs de pétrole (Russie, Proche-Orient, Afrique du Nord, etc.) se traduit par des excédents commerciaux. Comme la Chine, ces excédents commerciaux, surtout des pays arabes, doivent être investis en titres américains, en bons de Trésor pour financer les déficits courants américains. Si la commercialisation du pétrole n’était pas libellé en dollars ou que les excédents commerciaux des pays pétroliers arabes n’étaient pas investis en bons de Trésor, les Etats-Unis ne pourraient pas financer une partie de leurs déficits. Pour résumer, si ces excédents commerciaux n’étaient plus investis aux Etats-Unis, les Américains ne pourraient plus émettre de surplus de dollars ex nihilo pour les transactions pétrolières des pays de l’OPEP, ne pourraient sans cette « manne financière » acheter des produits de la Chine (et d’autres pays du monde), et en retour les excédents chinois investis aux États-Unis, ni ne chercheraient une hausse des cours du pétrole.

 Au contraire, vu leurs déficits extérieurs, les États-Unis chercheraient plutôt à baisser les prix du pétrole. Ce qui nous amène à dire que le dollar perdra une grande partie de son « pouvoir exorbitant », et ce que nous constatons entre la Chine et les États-Unis n’auraient pas existé. Donc, Ni « équilibre de la terreur » Ni « exubérance financière irrationnelle » comme se plaît à le dire l’ancien président de la FED, Alan Greenspan. Et les règles du jeu en matière financière et monétaire ne seraient plus en faveur de la première puissance du monde.

 On comprend pourquoi, aujourd’hui, la majeure partie des conflits armés dans le monde se concentre dans les régions du Proche et du Moyen-Orient. On peut même dire qu’aujourd’hui, ils deviennent de plus en plus paroxystiques. En Irak, en Syrie, en Afghanistan, au Liban, en Lybie, et l’offensive récente d’Israël contre le Hamas, un véritable crime contre l’humanité perpétré contre une population civile palestinienne et qui a révulsé l’humanité entière, montre que le monde est en train de « changer, de se transformer », précisément par les effets en retour du pouvoir monétaire.

 

  1. La bulle financière devenue la drogue des bulles boursières : on n'est sorti d'une bulle que pour tomber dans l'autre

 Evidemment, dans un monde pluriel, il est illusoire de songer à un monopole. Les Etats-Unis, bien qu'ils soient la première puissance mondiale, sont pris aussi dans les filets de la globalisation, et donc de la dépendance qui est de leur propre fait : cette consommation américaine sans limite a en fait contribué à soutenir l'activité économique asiatique, surtout chinoise, et par conséquent à enrichir la Chine.
 Pour ce qui est du pétrole, le même processus de hausse des cours a permis à enrichir la Russie, les pays producteurs de pétrole, en particulier arabes. Ce qui s'est fait au détriment de l'Europe, mais aussi à sa propre économie, la balance des paiements et la position extérieure nette américaine ne cessaient de se dégrader.
 Barry Eichengreen, professeur d'économie et de sciences politiques à l'Université de Californie à Berkeley, écrit, en mai 2009, à ce propos : « Une approche sera d'accuser les Etats-Unis pour leur manque de régulation, pour avoir assoupli leurs politiques monétaires et pour avoir mal épargné. Une autre, que certains officiels américains en fonction ou non comme Alan Greenspan et Ben Bernanke avancent déjà, sera d'accuser les pays d'Asie du Sud et du Proche-Orient d'avoir accumulé de considérables liquidités en épargnant trop. Tout cet argent, diront-ils, devait bien aller quelque part. Et logiquement, il devait se diriger vers le pays aux marchés financiers faisant le plus autorité, c'est à dire aux Etats-Unis où le prix des actifs a atteint des sommets insupportables.
 Mais les deux camps sont d'accord sur un point : le déséquilibre de la balance des économies dans le monde - une épargne faible aux Etats-Unis contre une épargne élevée en Chine et sur d'autres marchés émergents -a joué un rôle clé dans cette crise en permettant aux habitants des Etats-Unis de vivre au-dessus de leurs moyens. Cela a poussé le monde de la finance, soucieux d'obtenir un rendement sur des fonds abondants, à spéculer davantage sur ces instruments. Un argument recueille tous les suffrages : impossible de comprendre la bulle et le crash sans réfléchir au rôle des balances déséquilibrées dans le monde.
 » Précisément, cette approche pour accuser les uns d'avoir assoupli leur politique monétaire, les autres d'avoir accumulé des liquidités considérables en épargnant trop, a un sens profond.
 En d'autres termes, on doit comprendre que les deux protagonistes sont responsables de la « bulle immobilière ». Ce postulat va nous permettre de comprendre le sens réel de la bulle immobilière, et montrer que les millions de ménages américains qui ont laissé leurs fonds dans les prêts hypothécaires ou fait l'objet de saisie de leurs biens immobiliers, ainsi que les pays qui ont épargné, ont été « victimes du système financier mondial et non plus américain ». Les Etats-Unis n'ont qu'une part de responsabilité, même si tout est parti d'Amérique.
 Comme l'a écrit Isaac JOHSUA : « D'où vient la bulle immobilière américaine ? Elle ne tombe pas du ciel, n'est pas la conséquence de la spéculation, d'une mauvaise gestion ou encore le résultat de l'irresponsabilité de « ceux qui ont joué avec le feu ». En réalité, la bulle immobilière américaine, c'est la crise de la « nouvelle économie », celle de la bulle des nouvelles technologies (2001) qui continue. En 2000, l'éclatement de la bulle boursière a entraîné, comme on pouvait s'y attendre, une chute particulièrement sévère de l'investissement des entreprises et une montée rapide des licenciements. Mais la récession ne s'est pas transformée en véritable dépression, grâce aux dépenses des ménages.
D'énormes moyens ont été mis en œuvres pour y parvenir. Le premier d'entre eux a été une baisse extraordinaire du taux de la banque centrale américaine, taux ramené en un temps très court de 6% à 1% (soit un taux réel négatif, si on tient compte de l'inflation). Prolongeant une fuite en avant depuis longtemps engagée aux Etats-Unis, le robinet du crédit a été ouvert à fond, ce qui a grandement facilité le crédit hypothécaire et lancé la bulle immobilière.
 Le médicament pour soigner la bulle boursière est devenu la drogue de la bulle immobilière : on n'est sorti d'une bulle que pour tomber dans l'autre, et parce qu'on est tombé dans l'autre. C'est ainsi que le taux d'endettement des ménages américains a bondi de 107% en 2001 à 140% en 2006, ouvrant la voie à la crise de surendettement que nous observons aujourd'hui
. » Si Issac JOHSUA dit vrai, il reste que les pays créanciers, et la Chine, ont aussi participé à la bulle, comme le fait comprendre le professeur d'économie et de sciences politiques à l'Université de Californie à Berkeley, Barry Eichengreen. Sans l'épargne et les excédents commerciaux de la Chine, de la Russie, des pays arabes, de l'Islande et d'autres pays qui ont investi dans les places financières américaines, il n'y aurait pas eu de bulle immobilière. Ceci étant, et au-delà des explications des économistes, que s'est-il réellement passé pour qu'a priori, la bulle immobilière ait pris de court tout le système financier américain ?

 

  1. Le peuple américain aurait probablement préféré garder ses emplois au lieu d’être rémunéré par des « actions en Bourse ou de la position du dollar dans le système monétaire international »

 L’analyse qui suit est édifiante à plus d’un titre sur cette énigme. Interview de Sergio Rossi, professeur de macroéconomie et de politique monétaire à l’Université de Fribourg (Suisse), le 31 mars 2009, par Jean-paul Guinnard. Elle a pour titre : « La Chine a compris que le régime de l’étalon-dollar, mise n place après l’abandon de l’or comme référence internationale, perturbe fondamentalement l’équilibre des transactions économiques entre les pays et contribue à l’instabilité financière dans le monde entier. »
J-P. G. « Pourquoi la Chine vient-elle d’appeler à ce que l’on cesse d’utiliser les dollars dans les paiements internationaux ? »
S. R. « Parce qu’elle a compris que le régime de l’étalon-dollar, mis en place après l’abandon de l’or comme référence internationale, perturbe fondamentalement l’équilibre des transactions économiques entre les pays et contribue à l’instabilité financière dans le monde entier. »
J-P. G. « Par quel mécanisme ? »
S. R. « Lorsque les Etats-Unis paient en dollars une importation quelconque, le pays exportateur ne reçoit qu’une promesse de paiement, étant donné que tous les dépôts en dollars ne peuvent pas être ailleurs que dans le système bancaire américain. C’est le cas par exemple des pétrodollars des pays exportateurs de pétrole, dont les banques n’enregistrent à leur actif que l’« image » des dollars déposés dans les banques aux Etats-Unis. »
J-P. G. « En quoi est-ce problématique ? »
S. R. « Les Etats-Unis étant un pays importateur net de biens et services, ils ne font aucun réel sacrifice lorsqu’ils paient en dollars leurs importations, car ils ne cèdent rien en échange des produits achetés dans le reste du monde. Il en résulte un écart inflationniste dans les pays qui ont exporté leurs biens et qui ont créé une somme de monnaie nationale se basant sur l’image des dollars qui sont restés aux Etats-Unis. Cette masse de « pétrodollars » ou d’« eurodollars » a d’ailleurs permis aux banques américaines de proposer des crédits très bon marché. C’est de là que vient la propension du peuple américain à vivre entièrement à crédit et la bulle qui a finalement éclaté au grand jour avec la crise des subprimes. »
 Cette analyse est révélatrice des enjeux que représente la donne monétaire pour la première puissance mondiale. Cela dit, le processus monétaire porte aussi sur la dépréciation des monnaies des pays exportateurs de pétrole, en cas de crise financière ou monétaire aux États-Unis. L’augmentation de l’émission monétaire américaine (augmentation de la base monétaire), par le biais de la hausse des cours du pétrole (facturés en dollars), entraîne une forte demande de dollars par les pays consommateurs de pétrole. L’achat de pétrole entraîne un gonflement des recettes des pays exportateurs de pétrole. Les excédents qui en résultent sont placés surtout aux Etats-Unis, en bons de Trésor, actions, obligations, etc. La FED, le Trésor américain et les banques américaines se trouvent à nouveau pourvus des dollars que les Etats-Unis ont émis. Ces dollars amènent la FED à diminuer l’émission en monnaie banque centrale. Mais, en cas de crise (bulle immobilière, bancaire, boursière...), que se passera-t-il pour les monnaies des pays exportateurs ? Prenons, par exemple, la Russie qui détient plus de 360 milliards de dollars de réserves en devises, ce qui la place au troisième rang mondial. En 2006, elle a levé les dernières restrictions aux opérations de change avec le reste du monde, faisant du rouble une devise pleinement convertible. Entre fin 2008 et début 2009, sa monnaie s’est fortement dépréciée, d’environ 30%, suite aux conséquences de la crise bancaire aux États-Unis. De plus, entre novembre 2008 et janvier 2009, la Russie a consacré 110 milliards d’euros à la défense du rouble.
 C’est dire qu’une perte considérable des réserves se répercute sur la valeur intrinsèque de la monnaie du pays créancier, ou selon le terme de Sergio Rossi, l’« image dégradée » des dollars déposés dans les banques américaines (et européennes) entraîne une dépréciation de la monnaie. Cette dépréciation crée un renchérissement des importations, avec un risque inflationniste pour le pays. Pour les pays qui ont des monnaies « pilotées » par la Banque centrale comme la Chine et de nombreux pays du Sud, le change de leurs monnaies se dégrade au prorata des pertes financières enregistrées dans les places financières occidentales. Pour ces pays, les fluctuations de change compte tenu de l’ancrage de leurs monnaies sur le panier de monnaies (dollar, euro, livre sterling et yen) a un impact certain sur la valeur du taux de change par rapport à telle ou telle monnaie internationale.

 Cela dit, nonobstant les pertes de changes et boursières, force de dire que le dollar ne fait pas moins fonctionner la machine économique mondiale. Déficits ou non, c’est ainsi, le monde est dépendant de l’économie américaine. Que la bulle financière soit devenue la drogue des bulles boursières ou que le peuple américain va à vivre entièrement à crédit n’empêche que ni l’une n’a voulu ce processus ni le peuple américain n’a voulu qu’il soit ainsi, probablement le peuple américain aurait préféré garder ses emplois au lieu d’être rémunéré par des « actions en Bourse ou la position du dollar dans le système monétaire international ». Donc c’est une problématique née d’une conjoncture économique mondiale qui remonte depuis le deuxième conflit mondial et auquel le monde n’y peut rien, sinon à « attendre qu’une nouvelle conjoncture qui remplace la présente ».

 

  1.  A quand la prochaine bulle financière ?

 Nous sommes aujourd'hui en 2014, que va-t-il se passer dans les années à venir pour l'ensemble des économies du monde ? Difficile à prédire. Cependant, l'histoire nous apprend ce qui s'est passé en 1929, et nous sommes en 2009, soit quatre vingt ans après. Le monde va-t-il de nouveau connaître ce qui s'est passé dans les années 1930 et 1940 ? C'est-à-dire les horreurs de la plus grande guerre mondiale qu'a connu l'espèce humaine. L'Afrique du Nord, dont l'Algérie, était traversée par les Allemands et les Américains dans les années 40. Allons-nous vers d'autres guerres ? Nous ne pouvons pas savoir, comme au début des années 1930, le monde ne pouvait savoir.

 Ceci étant, revenons sur le problème économique, qui est peut-être plus mesurable. Le premier cycle du XXIe a débuté en janvier 2001. La Fed a procédé de toute urgence , à la baisse du taux d'intérêt court directeur de la FED de 6,5% à 6%. Les taux directeurs court vont être détendus jusqu’en juin 2003 à 1%, le niveau le plus bas depuis 46 ans. Soit quatre années d’expansion financière. Il ne bougera pas jusqu’à juin 2004, où la FED fait passer le taux directeur de 1% à 1,25%. Plus de trois années de resserrement monétaire vont suivre. C’est la phase descendante du cycle. La baisse des taux de la FED ne surviendra qu’en septembre 2007, avec l’« éclatement de la crise des subprimes ». Elle fait passer le taux directeur d’un demi-point de 5,25% à 4,75%. C’est la fin du premier cycle du XXIe siècle.

 Le deuxième cycle économique commence. En décembre 2008, le taux de la Réserve fédérale américaine est au plancher à 0,25%. Depuis cinq ans et demi, le taux directeur n’a pas bougé, et est maintenu à 0,25%. C’est la phase montante du cycle. Entre temps, la Fed est dirigée par Janet Yellen, en remplacement de Bernanke, depuis le 31 janvier 2014.

 Le marché financier mondial est inondé de « Quantitative easing  » émanant des quatre grandes puissances monétaires mondiales (États-Unis, zone euro, Grande-Bretagne et Japon). Pratiquement toutes les Bourses mondiales affichent un haut en 2014, dépassant largement les baisses des titres et valeurs enregistrés entre 2007 et 2008.

 Les questions qui se posent. Combien de temps sera maintenu encore le taux d'intérêt plancher de la FED ? Quand la FED procèdera au relèvement du taux court directeur qui terminera la phase montante du deuxième cycle et ouvrira la phase descendante. Et combien durera la phase descendante, qui se terminera, on ne peut en douter comme toutes les crises précédentes, par de nouveau une crise financière mondiale ? Il est difficile de prédire, mais l’analyse de certains paramètres et leur évolution peut nous permettre d’en faire une projection. Ce à quoi les économistes-prospecteurs sont invités à s’y atteler pour le bien du monde.

 

Medjdoub Hamed

Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective.
www.sens-du-monde. com


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11 réactions à cet article    


  • devphil30 devphil30 10 août 2014 06:28

    Très bon article , très complet

    Philippe


    • ObjectifObjectif 10 août 2014 17:44

      Juste des affirmations émotionnelles pour les gogos, rien de concret.

      Un seul exemple : « Le marché financier mondial est inondé de « Quantitative easing  » émanant des quatre grandes puissances monétaires mondiales »

      Combien représente le « quantitative easing » (ie la création monétaire) des banques centrales, par rapport à la création monétaire des banques privées, création officielle et création cachée ?

      Ce devrait être une question facile pour un vrai économiste...


    • millesime 10 août 2014 07:21

      Ce 4 août le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, était en tournée pour annoncer une réforme majeur des retraites que son état est incapable d’honorer et doit renégocier avec les intéressés :
      « Les promesses de retraites ne pourrons plus être tenus »
      (de nombreux autres états sont concernés par cette crise des retraites qui menace la cohésion sociale et l’économie de l’ensemble des USA).
      source : Lewrockwell (O4/08/14)

      http://millesime57.canalblog.com


      • millesime 10 août 2014 07:21

        Ce 4 août le gouverneur du New Jersey, Chris Christie, était en tournée pour annoncer une réforme majeur des retraites que son état est incapable d’honorer et doit renégocier avec les intéressés :
        « Les promesses de retraites ne pourrons plus être tenus »
        (de nombreux autres états sont concernés par cette crise des retraites qui menace la cohésion sociale et l’économie de l’ensemble des USA).
        pas besoin de bulle ... !
        source : Lewrockwell (O4/08/14)

        http://millesime57.canalblog.com


        • caillou40 caillou40 10 août 2014 09:13

          Il me semble que nous vivons dans un monde dont l’économie est virtuelle...avec aucune nation sans dette si ce n’est en faillite..Pour s’en convaincre les chiffres donnés par les gouvernants sont tous FAUX...Quand aux banques..c’est l’Omerta..Bref les seules choses réelles sont les guerres..le chômage et la pauvreté... !


          • Doume65 10 août 2014 12:15

            « Lorsque les Etats-Unis paient en dollars une importation quelconque, le pays exportateur ne reçoit qu’une promesse de paiement, étant donné que tous les dépôts en dollars ne peuvent pas être ailleurs que dans le système bancaire américain. C’est le cas par exemple des pétrodollars des pays exportateurs de pétrole, dont les banques n’enregistrent à leur actif que l’« image » des dollars déposés dans les banques aux Etats-Unis. »

            Ceci me parait assez fondamental, et j’aimerais bien connaître les mécanismes aboutissant à cet état. Quelqu’un aurait-il un lien vers un document susceptible d’éclairer ma lanterne ?
            Merci d’avance.


            • millesime 10 août 2014 13:39

              allez sur le site de Paul Jorion, vous devriez avoir une reponse


            • ObjectifObjectif 10 août 2014 12:49

              Il n’y a pas de crise ni de bulle : c’est le comportement normal de la monnaie centralisée, de concentrer les richesses dans les mains de ceux qui créent la monnaie.

              Et c’est le comportement normal des souteneurs du système de faire du théâtre pour amuser les gogos, en faisant croire que c’est un épisode passager faute à pas de chance, pour qu’ils continuent à utiliser la monnaie de singe.

              Une seule solution : comprendre le numéro d’illusionniste et ne plus utiliser ces chiffres faux et vicieux.

              Attention !

              Le virus le plus discret : caché en pleine lumière


              • Le421... Refuznik !! Le421 10 août 2014 18:54

                De toute façon, il n’y a aucun risque pour les escrocs qui gèrent notre argent.
                Kerviel est l’exemple qui confirme la règle.
                Le pauvre bougre est tombé dans un piège qu’il croyait, excès de vanité, maîtriser totalement.
                Et puis la tentation de faire un exemple était trop belle !!
                Regardez M’sieur-dames, le méchant trader qui arnaque le monde entier et qu’on a mis en prison !!
                Voyez que la justice est la même pour tous !!
                Comme Chirac avec Juppé, le lampiste a bon dos...

                On nous prends vraiment pour des cons.


                • ObjectifObjectif 10 août 2014 20:12

                  Bonjour le421,

                  On nous prend pour des cons quand on agit vraiment comme des cons, en acceptant de la monnaie de singe contre notre travail et nos biens.

                  On peut se moquer des amérindiens, qui acceptaient de la verroterie (ou sinon des balles...) mais au moins la verroterie brille...


                • Ronny Ronny 11 août 2014 12:07

                  Ca fait longtemps que l’on sait que l’économie n’est pas une science... mais un moyen au service d’intérêts particuliers !

                  Les prochaines bulles financières :
                  - l’immobilier chinois (15% du PIB Chinois)
                  - l’immobilier au royaume uni,(à Londres surtout)
                  - les obligations des entreprises européennes à haut rendement
                  - les banques chinoises, peu transparentes, et faisant face à presque 20 000 milliards d’encours de dette. Dans ce pays, les emprunts d’entreprises c’est 150 % du PIB. Dans sa chute le système entrainera Hong Kong (140%) et le Royaume uni (115%)...

                  En un mot, si vous avez de l’argent à la banque, méfiez vous !

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