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Accueil du site > Tribune Libre > Une Occupation tranquille !

Une Occupation tranquille !

J’ai envie de parler de Bertrand Delanoë et de l’exposition de photos consacrée à la vie des Parisiens sous l’Occupation, dont Le Parisien et Le Figaro traitent dans de courts articles.

Avant, un petit mot sur cette tendance actuelle regrettable de certains hommes politiques de parler de manière familière ou, pire, vulgaire. Ainsi, Jean-Christophe Lagarde, maire de Drancy, avec Nicolas Demorand sur France Inter. Rien de plus faux que de croire qu’un tel langage vous rapproche de l’auditeur. Bien au contraire, il conduit celui-ci à suspecter la démagogie et la fausse proximité de l’intéressé. Rester naturel est encore la meilleure manière de ne pas s’aliéner le peuple.

Bertrand Delanoë, qui dégaine trop vite avec "ses" citoyens d’honneur - c’est au tour, maintenant, du Dalaï-Lama - a eu, en revanche, totalement raison dans sa gestion de l’affaire liée à l’exposition de photos. Il a refusé de l’interdire contrairement à certains qui, comme Christophe Girard son adjoint (PS) à la Culture, militaient pour son annulation.

De quoi s’agit-il ?

Cette exposition, organisée à la Bibliothèque historique de la ville de Paris (BHVP), permet de voir 250 clichés en couleurs d’André Zucca, un photographe qui collabora au journal pro-allemand Signal. Ils montrent, sous l’Occupation, des Parisiens en pleine douceur de vivre.

La polémique est née de l’absence d’avertissement et du risque de voir des visiteurs se méprendre sur la nature réelle du climat parisien à l’époque. Dans une société cultivée, consciente de son passé et de son histoire, cette manifestation aurait pu être organisée et se dérouler sans l’ombre d’une précaution préalable. Force est de considérer qu’aujourd’hui celle-ci est devenue nécessaire. Le conservateur en chef de la BHVP, Jean Dérens, a d’ailleurs admis que les panneaux d’information installés à l’inauguration n’étaient pas assez "informatifs". Ce qui justifie la démarche du maire de Paris s’engageant à favoriser des débats sur le contexte de l’exposition et l’Occupation à Paris.

Il n’empêche que Bertrand Delanoë a répliqué intelligemment à ses contradicteurs en soulignant qu’il n’était pas indifférent de révéler, alors, la joie de vivre et l’égoïsme de certains quand d’autres éprouvaient le pire. Jean Dérens n’a pas tort non plus quand il souligne que le rôle de la BHVP n’est pas de se muer en "institution pédagogique".

Alors ?

Le scandale ne réside pas dans la tenue d’une telle exposition qu’on aurait pu annoncer en la sous-titrant : Une vision de l’Occupation parisienne, par exemple, mais dans le fait que d’aucuns aient pu suggérer de l’interdire. Dans quelle époque vit-on où apparemment il faut tout mâcher pour le confort du citoyen : la pensée, l’opinion, la mémoire et l’indignation ? Si Bertrand Delanoë n’avait pas tenu ferme et si on avait poussé l’indécence et le mépris du Parisien jusqu’à annuler la présentation de ces photographies au prétexte qu’elles auraient pu nuire à sa santé mentale et civique, on n’aurait fait qu’amplifier ce mouvement qui tend à nous considérer comme des simples d’esprit. En effet, on prend tellement de précautions, pour notre bénéfice paraît-il, qu’on a vraiment l’impression que notre communauté n’est composée que d’imbéciles et de pervers. Par peur de nous voir tomber dans tous les pièges possibles, on serait prêt à nous dispenser de tout.

Je n’ose imaginer l’interdiction de cette exposition parce qu’elle aurait été trop dangereuse pour nos esprits faibles ou incultes. Si on n’avait dû compter que sur le sens du ridicule, rien n’était gagné. Les enseignants ne sont plus respectés comme ils le mériteraient, mais qu’ils se rassurent : beaucoup de citoyens sont pris pour des élèves et les leçons n’ont même pas à être apprises.

Bertrand Delanoë, citoyen d’honneur en l’occurrence. Incontestablement. Heureusement.


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37 réactions à cet article    


  • Bernard Dugué Bernard Dugué 23 avril 2008 15:18

    Bonjour,

    En effet, au moment où le PS place les Lumières en préambule de sa profession de foi, traiter les Français comme des ignares, c’est risquer de faire sortir Voltaire de sa tombe pour une bonne déculottée à ces sans culotte de la censure. Ah quand une censure des photos de Proust vivotant tranquillement avec les aristo pendant que les poilus se faisaient massacrer sur le front ?


    • Lapa 23 avril 2008 15:29

      "Le scandale ne réside pas dans la tenue d’une telle exposition qu’on aurait pu annoncer en la sous-titrant : Une vision de l’Occupation parisienne, par exemple, mais dans le fait que d’aucuns aient pu suggérer de l’interdire."

       

      pourquoi ne citez vous pas les noms qui font mal ? car, malgré votre éloge consciencieuse à M.Delanoë, c’est quand même son adjoint à la culture et membre du PS, M.Girard qui "suggère" l’interdiction. Une suggestion sous forme de demande dans un journal quotidien, on est loin du sussurrage d’oreille comme on pourrait le croire en lisant votre promotion, euh article.

       

      En complément quelques infos que vous semblez ignorer :

       

      "Christophe Girard, adjoint (PS) à la Culture du maire de Paris, demande l’arrêt de l’exposition "Les Parisiens sous l’occupation", prévue jusqu’au 1er juillet à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP), dans une interview au Journal du Dimanche."

       

      "Jeudi soir, l’adjoint à la Culture avait annoncé que la mairie de Paris allait supprimer la campagne d’affichage annonçant cette exposition qui suscite une importante controverse."

       

       

      en gros, l’intelligent M.Delanoë n’interdit pas l’exposition (ce qui effectivement, sous réserve que ce soit légalement possible sans se prendre un procès à la gueule ; est fort peu judicieux à moins de vouloir paraître sectaire), mais l’affichage annonçant cette exposition sera supprimé ; une espèce de censure indirecte en quelque sorte.

       

      Dans cette affaire là, le PS nous aura sorti le couple méchant-gentil histoire de faire plaisir à tout le monde.

      A Girard les effarouchés de l’occupation et les sectaires de gauche, à Delanoë l’ouverture d’esprit et l’analyse des gens doués d’esprit critique.

       

      belle opération de com’ suivi d’une petite promo sur agoravox. Le militantisme cireur de pompes est au plus haut !

       


      • Philippe Bilger Philippe Bilger 23 avril 2008 15:35

        Votre réaction montre comme vous lisez mal les billets. Ou comme vous ne les lisez pas.


      • Lapa Lapa 23 avril 2008 15:51

        votre article est vraiment risible (information : néant, cirage de pompe même pas masqué et manque de références) ; la vacuité de votre commentaire concernant ma critique est édifiante.

         

        Si votre but était de nous éclairer sur le fait qu’interdire cette exposition aurait été stupide, vous avez un train de retard et vous enfoncez des portes ouvertes. Par contre effectivement si c’est pour honorer M.Delanoë, vous êtes à votre place.


      • Gazi BORAT 23 avril 2008 18:44

        "Avant, un petit mot sur cette tendance actuelle regrettable de certains hommes politiques de parler de manière familière ou, pire, vulgaire"

         

         !!

        Dans cette catégorie, Nicolas Sarkozy est particulièrement bien placé. Je me souviens à un journal télévisé de ses paroles prononcées en Lorraine :

        • "Celui qui travaille pas, he ben, les autres ils paient pas pour lui"

        L’oubli de la négation fait-il plus "peuple".. Pensait-il ainsi, au milieu de prolétaires, faire oublier son ancien mandat de maire de Neuilly ?

        Ou encore, dans la même période :

        • "L’usine, j’y crois, c’est mon truc !"

        Pour cet ancien avocat d’affaires, une visite dans un atelier devait représenter sans doute le même choc culturel qu’un reepas dans une yourte mongol pour le pekin moyen..

        gAZi bORAt


        • Gazi BORAT 23 avril 2008 18:58

          J’ai trouvé la polémique autour de cette exposition parfaitement ridicule..

          Un des arguments était que celles-ci avaient été réalisées sur une commande de "Signal" le périodique, édité en plusieurs langues, de communication de l’armée allemande.

          http://histoire-collection.com/images/revSIGNAL2.jpg

          Les clichés entraient donc dans la catégorie "images de propagande". Soit... Mais une grande majorité des documents icnographiques de cette époque ne relèvent-ils pas de la même catégorie ? Ne sont-ils pas reproduits régulièrement dans les manuels scolaires sans avertissement ?

          La fameuse photo d’Iwo Jima (ici en peinture)

          http://www.medalofhonor.com/IwoJimaPainting.jpg

          ou son équivalent soviétique de la porte de Brandebourg

          http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://img177.imageshack.us/img177/1178/reichstagis5.jpg&imgrefurl=http://www.clubic.com/forum/et-a-part-ca/histoire-origines-mysteres-et-details-id405326-page4.html&h=361&w=500&sz=38&hl=fr&start=3&tbnid=SFOPRzWvutlJYM :&tbnh=94&tbnw=130&prev=/images%3Fq%3Darm%25C3%25A9e%2Brouge%2Bporte%2Bde%2Bbrandebourg%26gbv%3D2%26hl%3Dfr

          ..sont toutes deux des reconstitutions "posées" et figurent en général dans des ouvrages sans mention de cette particularité.

          De plus, les photos dont il est question relèvent-elles réellement de cette catégorie ? En effet, elles ne furent finalement pas publiées par le magazine allemand et donc, ne devaient peiut-être pas répondre à un objectif attendu..

          Certains avient avancé l’idée d’exposer en contre champ des photographies illustrant la résistance, les rafles ou les camps de transit.. Devrait-on de même, dans un souci d’équilibre, publier à côté de chaque photographie de paysage américain des clichés de Guantanamo ?

          Ces documents, malgré tout, restent des documents de cette période...

          gAZi bORAt

           

           

           


        • tvargentine.com lerma 23 avril 2008 20:04

          On a gavé durant 40 ans que les français avaient été tous résistants à la collaboration (les gaullistes et les communistes) car il était de l’interet de la France de garder son rang mais oui,il ne faut pas avoir peur de le reconnaitre

          Rappelons nous encore de Mitterand et de "L’HOMMAGE au « courage » des soldats allemands", auquel s’est livré un 8 mai à Berlin

          C’est une triste réalité de la collaboration qui fait tache dans une ville qui n’est plus que l’image du marketing 

          Oui cela a été une bonne époque pour une majorité et une triste époque pour les vrais résistants

           


          • Gazi BORAT 24 avril 2008 06:25

            @LERMA

            "Une bonne époque pour une majorité"

            N’exagérons pas tout de même...

            Si une partie de la population : collaborateurs bien placés, trafiquants divers, etc.. tira son épingle du jeu, pour la MAJORITE des Français, les conditions de vie, en raison des prédations économiques de l’occupation allemande furent très difficiles..

            Il était, il est vrai, effectivement possible de se nourrir au marché noir... pour ceux qui en avaient les moyens.. Un repas "modeste", avec viande et sans ticket, servi en dehors de toute légalité dans un restaurant dont c’était la spécialité, coûtait environ le salaire d’un mois d’un manoeuvre...

            Sans parler des populations visées par la répression nazie et pétainiste en raison de leurs appartenance à des groupes raciaux ou politiques...

            Je ne connaissais pas cette intervention de François Mitterrand sur le "courage" des soldats allemands.. indéniable il est vrai. Que penser d’une telle réflexion ?

            A mon sens pas grand-chose..

            Cette valeur de "courage" est ambigue. Dans leur propagande, les Nazis, à propos de la campagne de Russie, glorifiaient le courage de leurs soldats, qualité qui prouvait leur supériorité face aux "sous-hommes" russes. Cependant, lorsque les Russes faisait preuve de la même qualité en résistant vaillamment, la même propagande ne parlait pas à leur sujet de "courage" mais de comportements qui prouvaient leur sauvagerie de bolchévique..

            gAZi bORAt


          • Gazi BORAT 24 avril 2008 06:31

            @Shawford

            Il faut croire en l’Homme... même despérément !

            gAZi bORAt


          • brieli67 24 avril 2008 09:11

            Tout duel se termine par un échange de congratulations............ oui toi aussi tu as été vaillant.... Comment peut-on autrement réactiver le dialogue. Les bons grecs en faisaient des esclaves des putes ou arrachaient les yeux -éburnaient et les renvoyaient dans leurs pénates par troupeaux de cents guidé par un cyclope .

            Ce qui me gêne ce sont les relents ... alsacien je me fais toujours encore traiter de boche de schleuh en France et de pervers de franc-tireur d’opportuniste en Allemagne. Oh ! plus dans la rue ..... non dans les salons ou on vend ou on cause. Votre Pape d’une culture humaniste nickel -catho et alors- d’ une entregent diplomatique exceptionnelle par sa nature et son expérience il est "trollé" par presque exclusivement la presse et la populace française. On est encore au "nach Berlin" de 1914.

            Peter Sloderdijk - http://de.wikipedia.org/wiki/Peter_Sloterdijk qui plaide par ailleurs autour de la tolérance religieuse en référence à la pièce de Lessing http://de.wikipedia.org/wiki/Nathan_der_Weise et désire une relecture citoyenne de la parabole des anneaux.

            PS déplore que la France n’a toujours pas encore fait le deuil de 39 et de la guerre civile jusqu’aux accords d’Evian. La France a été défaite l’Allemagne a perdue Seule l’Allemagne a fait son travail de

            Vergangenheitsbewaeltigung
            words and music by Roy Zimmerman
            © 2004
            (From "Security")

            http://www.royzimmerman.com/

            Vergangenheitsbewaeltigung
            Ja, that’s the word we have for dealing with the past
            Vergangenheitsbewaeltigung
            Eight little syllables for peace of mind at last

            But, now I see das Kinder in der Leder and brown shirts
            So, when I think about Vergangenheitsbewaeltigung
            It fills me mit Weltschmerz

             

            petite note de lecture Snoopy/Gazi in http://fr.wikipedia.org/wiki/9e_division_d%27infanterie_coloniale

            C’est donc sur place que la Division se transformera, se "blanchira", en incorporant des engagés volontaires attirés par le renom des troupes coloniales. Et c’est avec ces jeunes engagés dépourvus d’instruction militaire que la 9e D.I.C. va poursuivre la campagne. L’instruction, il faudra la donner en ligne, au gré des circonstances et de la vie en secteur. La volonté des recrues et la valeur des cadres suppléeront aux insuffisances. -sic-

             

             


          • Gazi BORAT 24 avril 2008 10:09

            @ BRIELY67

            A l’occasion de la Guerre d’Indochine, le 21° RIC incorpora aussi pas mal d’Alsaciens, ex- engagés volontaires sous un autre drapeau, et qui apportèrent à la Coloniale leur expérience acquise dans la steppe russe et cette habitude de chanter en abrégeant brutalement la dernière syllabe de chaque phrase..

            Au fait, quand vous voyez ceci :

            http://www.teteamodeler.com/boiteaoutils/image/coloriage3/parapluie.jpg

            quel nom lui-donnez-vous ?

            gAZi bORAt

             


          • brieli67 24 avril 2008 11:13

            http://fr.wikipedia.org/wiki/Germain_Muller

            le célèb K barré ..... mythique..........

            à part que c’est jamais lui qui a écrit ses spectacles... 

            copain-bar de notre "Président http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Pflimlin " au passé bien sulfureux comme pour le Maréchal Leclerc... la bio est bien changeante sur wiki.

             

            Dans le genre "havresac" - sac d’avoine mais inversé ..... le "Mach doch keine Fisimatenten" http://de.wikipedia.org/wiki/Fisimatenten ..... 

            ha ha les grognards et les gretchen...

             

             


          • Sébastien Sébastien 23 avril 2008 20:16

            Il est quand meme curieux de proposer, meme a des parisiens si intelligents, des photos de propagande allemande pendant la guerre sans le signaler. On peut tout diffuser a condition d’informer le public. Interdire cette exposition certainement pas, mais signaler clairement le contexte evidemment.

            Le Pen a ete condamne il y a peu pour avoir dit que l’occupation allemande n’avait pas ete si inhumaine que ca. Ne lui donnons pas raison.


            • E-fred E-fred 23 avril 2008 20:25

              Bonsoir Philippe Bilger.

              Bonne idée que de parler de cette exposition ! Certains de mes parents et grands parents ayant vécu sous l’occupation, j’ai moi aussi été "choqué" par les photos en noir et blancs découvertes il y juste quelques années dans de vieux albums "bien rangés". Rien de ce que j’avais appris à l’école sur la deuxième guerre mondiale ne semblait correspondre aux vues de ces photos. Alors que l’Europe était en flamme, je voyais sur ces photos des gens heureux, des mariages, des baptêmes, des pic-nic...rien de l’horreur de 1939-1945. Une réalité que j’ai mis du temps à accepter...Accepter que certains mourraient dans les camps pendant que d’autres, les gens de ma famille, vivaient "tranquillement". Faisaient-ils semblant de sourir devant l’appareil ? Ce n’était pourtant pas pour la propagande de Signal...Avaient-ils le droit de vivre heureux pendant que d’autres souffraient ?


              • Philippe Bilger Philippe Bilger 23 avril 2008 21:34

                Merci pour votre très stimulant commentaire.


              • Gazi BORAT 24 avril 2008 06:29

                @E-FRED

                De même, les SS appartenant au personnel des camps d’extermination constituaient des albums de famille où ils souriaient, dans leurs intérieurs, devant un sapin de Noël...

                Cette ambivalence est un aspect terrible du fonctionnement psychologique de l’être humain..

                gAZi bORAt


              • Gazi BORAT 24 avril 2008 06:55

                @ sHAWFORD

                Les forum d’opinion comme AV offrent l’avantage de se réfugier derrière l’anonymat des pseudonymes pour pouvoir ainsi "dénoncer", "lyncher" en toute tranquillité.

                Un peu comme les rédacteurs de ces centaines de milliers de lettres adressées durant les années sombres au "kommandantur" par de "bons français"..

                Aujourd’hui, la Gestapo, dans un objectif "zéro papiers" ouvrirait un site pour recevoir les dénonciations anonymes... et certains "écologistes" applaudiraient ce progrès..

                gAZi bORat


              • Annie 23 avril 2008 22:14

                J’ai aimé votre article, parce qu’il soulève à mon avis des questions importantes. Il m’ a fait penser entre autres au Rêveur Casqué du Chagrin et la Pitié, à Hommage à la Catalogne de George Orwell, à tous ces témoignages illustrant le fait que chaque parcours est unique, et jusqu’à un certain point justifié parce presque déterminé, si ce n’est justifiable. A mon avis, la réticence de l’adjoint à la culture est compréhensible , même si je ne l’approuve pas. C’est celle de voir une vision réductrice s’imposer pour expliquer l’occupation. C’est faire le choix entre un peuple de résistants et un peuple de collaborateurs, alors que la réalité est beaucoup plus nuancée. C’est pour cela que j’aimé le film la liste de schindler, parce que je crois en la capacité des êtres humains, mis au pied du mur, à choisir ce qui est juste. Mais je désespère de voir ces mêmes êtres humains être manipulés par ceux qui ont un intérêt ou les moyens(financiers ou médiatiques) de le faire. J’aimerai vraiment voir cette exposition et je désire ardemment qu’elle ne soit pas interdite parce que je ne crois pas comme E-Fred qu’elle illustre l’indifférence des Français, mais au contraire la résilience de l’être humain et son instinct de survie, en dépit des circonstances


                • Philippe Bilger Philippe Bilger 23 avril 2008 23:56

                  Merci pour ces comparaisons écrasantes qui montrent bien en tout cas l’importance du sujet.


                • Gazi BORAT 24 avril 2008 07:12

                  @ annie

                  "la résilience de l’être humain et son instinct de survie, en dépit des circonstances .."

                  Est-ce que boire son ersatz de café par une douce matinée de printemps à la terrasse du Café de Flore tandis que d’autres attendent à Drancy le train qui les emmènera vers un funeste destin peut être qualifié de "résilience" ?

                  Ne peut-on pas parler de "cécité volontaire", de lâche soulagement, vite évacué, de ne pas faire partie des catégories exclues en refoulant très vite un quelconque problème de conscience par un :

                  "Si on les emmène, c’est qu’ils ont sûrement fait quelque chose" ?

                  gAZi bORAt


                • Gazi BORAT 24 avril 2008 07:47

                  @ ANNIE

                  Par contre, ce qui pour moi relève plus directement de la "résilience", c’est ce fait que l’on m’avait raconté : pendant le siège de Sarajevo, les salons de coiffure pour dames étaient toujours pleins !

                  La résilience oui, mais à quel prix ? Si surmonter ses réticences morales pour arracher un morceau de pain à un plus faible est être résilient, cette attitude n’est pas globalement positive d’un point de vue collectif..

                  Ce concept de "résilience" ne vaut qu’à l’échelle de l’individu.. et la survie à tout prix peut parfois relever de l’individualisme le plus égoiste.

                  gAZi bORAt


                • E-fred E-fred 24 avril 2008 08:21

                  @ l’auteur, merci pour votre réponse.

                  @ Annie et Gazi

                  Suite au débat de ce matin, cette phrase de Cyrulnik, extraite de "Le murmure des fantômes" me semble convenir : " De la même façon, on a fait taire les déportés sortis de camps en leur disant : « Nous aussi, on a souffert. » La réalité qu’ils plantaient dans les têtes était trop insupportable. Pour tous les traumatisés, une partie de leur personnalité va entrer en contact avec l’autre, et une autre va souffrir en secret. Et au fond d’eux-mêmes, cette mort murmure. "


                  • Gazi BORAT 24 avril 2008 09:58

                    @ E-Fred

                    "Nous aussi, on a souffert"

                    C’est ainsi que les déportés dits "raciaux" ne furent pas immédiatement pris en compte dans le martyrologes français de l’après-guerre.

                    Si le résistancialisme de ces années-là érigea en héros les déportés pour faits de résistance, les gens ordinaires ne percevaient dans les déportés "raciaux" que des "personnes déplacées" et opposaient à leurs souffrance celle des prisonniers de guerre et aussi leurs privations pour faits de rationnement, même si ces situations n’étaient pas comparables.

                    De façon plus terrible encore, dans la même période de l’immédiat après-guerre, les soldats allemands ne se souvenaient souvent que de leurs souffrances sur le front de l’Est et avaient occulté celles de la population civile russe dont ils avaient été la cause et souvent les bourreaux à l’occasion des massacres de masse commis, on l’oublie trop souvent, non seulement par les SS mais aussi par l’armée régulière..

                    gAZi bORAt


                  • brieli67 24 avril 2008 13:21

                    dans cette frénésie il ne faut oublier les "Kapos".... les petits chefs choisis parmi les internés. Il y a eu des crimes crapuleux de vengeance au retour des camps de Tambov .... des Malgré-nous - des camps russes pour soldats de la Wehrmacht. jusque dans les années 70

                    d’autre part en Pologne et surtout en Hongrie c’est la population locale qui .... zigouillait. Faut voir le travail abattu du côté des marécages de Budapest...... à l’approche de l’Armée Rouge. a été évoqué dans le Canard Enchaîné.


                  • Gazi BORAT 24 avril 2008 13:47

                    à briely67

                    Parmi les destins curieux..

                    J’ai un oncle "malgré nous" qui fut fait prisonnier par l’Armée Rouge..

                    1949 : un ponte du parti se présente au camp et offre ce choix aux prisonniers : signer "spontanément" une demande de naturalisation soviétique ou rester dans le camp.

                    Mon oncle, avec d’autres, ont signé.. et se sont retrouvés ouzbek, envoyés à Tachkent avec d’autres germanophones (dont des civils allemands de la Volga). Il s’y est marié, a eu DIX enfants et n’est jamais revenus..

                    gAZi bORAt


                  • Annie 24 avril 2008 20:03

                    Gazi, il me semble que je fais une différence entre les gens qui vivaient à proximité des camps de concentration et les français qui prenaient un bain de soleil en plein occupation. Bien que la différence soit tenue ; ce que je voulais dire est que la capacité d’adaption des gens est incroyablement élastique, qu’ils peuvent subir les pires catastrophes et encore trouver l’énergie de fonctionner normalement. Il arrive même un moment où l’extraordinaire devient la norme.

                    Je suis sûre que la plupart d’entre vous connaissent cette expérience montrée dans le film I comme Icare où des étudiants doivent envoyer une secousse électrique à un cobaye (en l’occurence Roger Planchon), pour voir s’il est possible avec un système de récompenses et de punitions d’affiner sa mémoire (je crois que quelqu’un y a fait allusion sur ce fil). Je me suis toujours demandée comment je réagirai. J’ose espérer que j’aurai pris la bonne décision, mais je ne sais vraiment pas. Tout ce que je veux dire, c’est que ces photos de l’occupation reflète une autre facette de la nature humaine, une que nous pouvons tous reconnaître en nous-mêmes, ou choisir d’occulter. Je ne pense pas que ce soit celle de la malignité, mais plutôt celle des compromis que nous inflige la réalité quotidienne. Parmi tous ces gens qui se faisaient dorer au soleil, n’y avait-il pas des pères de famille qui devaient subvenir aux besoins de leur famille, des adolescents qui vivaient la seule jeunesse qui leur serait offerte ? Je n’arrive pas à juger, parce que toutes ces existences s’inscrivent dans des stades différents de développement et rien ne me dit que certains n’ont pas choisi un jour de résister. Cette exposition est simplement un instantané de la condition humaine.

                    Beaucoup de gens citent normalement Hannah Arendt. Je voudrai vous proposer un livre qui m’a beaucoup frappé, je ne sais pas s’il est traduit en français, c’est une biographie d’Albert Speer par Gitta Sereny sur la dissociation qui est nécessaire pour accommoder le fait que l’on fait le mal tout en pensant faire le bien. 

                     


                  • Gazi BORAT 25 avril 2008 06:19

                    @ Annie

                    Je n’ai malheureusement pas lu cette biographie d’Albert Speer, mais j’ai lu (il y a longtemps) ses souvenirs..

                    L’homme, architecte, n’était pas un nazi fanatique et pourtant... peut être fit-il encore plus de victimes que Reynhardt Heydrich, qui présida pourtant la conférence de Wannsee..

                    Cerrtains experts, concernant Albert Speer, estiment que l’extraordinaire travail d’organisation qu’il fit, en tant que ministre de la Production du Reich, prolongea la guerre de DEUX ANS !

                    Pendant ce temps, combien de personnes sont elles mortes, et sous les balles et les bombes, et dans les camps d’extermination ?

                    La soupape personnelle d’Albert Speer était sans doute sa vision de GERMANIA, la nouvelle capitale du Reich destinée à être construite sur les ruines de Berlin, et au sujet de laquelle inl discuta des plans d’aménagement avec son fürher jusqu’aux derniers jours !

                    On peut retrouver ce type de paradoxe dans la personne de l’industriel Schindler.. Il sauva 150 personnes par une décision personnelle, soit. Cependant, dans le même temps, en participant à la production de guerre du Reich, de combien de morts fut-il responsable ?

                    gAZi bORAt


                  • Gazi BORAT 25 avril 2008 07:44

                    @ Annie (suite)

                    Merci pour votre indication bibliographique : l’ouvrage existe en traduction française.

                    http://www.mollat.com/livres/gitta-sereny-albert-speer-son-combat-avec-verite-9782020250252.aspx

                    Concernant nos échanges et les petits accommodements que s’accorde l’humain pour supporter la Réalité, restera toujours délicat la frontière entre le compromis et la compromission..

                    gAZi bORAt

                     


                  • Annie 25 avril 2008 12:46

                    Gazy, si je ne vous suis pas, c’est que je vois les choses d’une manière plus linéaire. Pour Schindler (et je ne connais que la version romancée de Spielberg), je vois une évolution et une prise de conscience qui laisse à penser qu’il y a peut-être pour chacun une chance de rédemption (pas religieuse). J’ai du mal à me débarrasser de mon optimisme et de ma foi (encore une fois pas religieuse) dans l’homme. Sur le plan collectif, par contre, je suis plus pessimiste.

                    Pour en revenir à Speer, ce qui m’a intéressé dans le livre, est le fait qu’il semblait souffrir d’une véritable amnésie sélective, à propos par exemple de la réunion à laquelle il aurait paraît-il assister mais dont il n’avait aucun souvenir concernant la solution finale.

                    Quand vous parlez de compromis et de compromission, c’est un peu cela. L’esprit s’accommode en réécrivant les faits ou en les oblitérant, pas forcément consciemment. Si la responsabilité de Speer n’est pas en doute, sa fragilité et ses contorsions mentales pour échapper à la vérité sont douloureuses. Il est intéressant de savoir que Gitta Sereny, après avoir côtoyé si longtemps Speer, qui était pour elle une énigme, en était arrivée à une certaine compréhension bien qu’elle se défendait contre des sentiments plus compassionnels. Il faut aussi dire qu’elle travaillait comme interprète en Allemagne et avait été une des premières à pénétrer avec les Américains dans les camps de concentration.


                  • Gazi BORAT 25 avril 2008 13:26

                    @ annie

                    Dans cet ouvrage,

                    http://www.bibliosurf.com/Les-executeurs-Des-hommes-normaux

                    l’auteur relate un cas intéressant, relatif au comportement de policiers enrôlés au sein des einsatztrüppen allemandes dans les meurtres collectifs de juifs ukrainiens. Chacun se bricolait sa propre justification pour accomplir son travail sans se considérer comme un monstre.

                    Sur le lieu d’exécution, les mêres n’étaient pas séparées de leurs enfants. Un soldat raconte qu’il tirait délibérément sur l’enfant car, pensait-il, un enfant supporterait moins bien le meurtre de sa mêre et qu’il ne pourrait survivre sans elle. Selon lui, en un sens, il "délivrait" l’enfant d’une terrible souffrance.

                    On peut imaginer qu’un collègue de ce soldat aurait pu tout aussi bioen se bricoler une autojustification inverse "Je ne suis pas un monstre, car jamais je n’ai tiré sur un enfant" sans se poser de cas de conscience pour l’exécution d’adultes..

                    Je ne suis pas étonné pour la mémoire sélective de Speer que vous évoquez..

                    Ma grand-mêre a été déportée à Ravensbrück et a survécu. Durant la plus grande partie de sa vie d’après, elle n’a quasiment jamais parlé de cette expérience. Par contre, sur ses deux dernières années de vie, elle était intarissable.

                    La question que je me suis toujours posé est que, les histoires qu’elle racontait étant parfaitement construites, presque comme des nouvelles littéraires... ne relevaient-elles pas d’un travail de reconstruction et de mise en forme de façon à rendre "acceptables" ces souvenirs ?

                    C’est la raison pour laquelle je suis sceptique sur le concept de résilience, ou alors, sur un court ou moyen terme.

                    Quelqu’un l’ayant rencontrée entre1945 à 1980 aurait vu en elle une parfaite illustration de capacité de "résilience" tant elle était joyeuse et optimiste. Par contre, sur ses deux dernières années, c’était tout à fait le contraire.

                    Qu’en penser ?

                    gAZi bORAt

                     


                  • Annie 25 avril 2008 15:00

                    Peut-être la résilience a ses limites. Je ne tenterai pas d’expliquer la réaction de votre grand-mère, mais j’ai toujours été frappée par les suicides de Primo Levi, Bruno Bettheleim, qui même avec leur intelligence, et surtout l’âge et la sagesse qui va avec n’ont jamais être capables de rationnaliser ou d’intérioriser leurs expériences des camps de concentration. C’est un terrain sur lequel je ne m’avancerai pas, parce que je crois que certaines expériences sont impossibles à partager et à comprendre. Il semblerait aussi que certaines des victimes sont incapables d’y survivre, même longtemps après.

                    Mais je crois qu’il faut différencier deux choses : la première qui est de rendre acceptable à nos yeux nos actes et nos choix, et l’autre qui est de rendre acceptable une situation qui nous a été imposée. Dans les deux cas, la motivation n’est pas la même ; dans le premier cas, il est indispensable de réinventer la réalité pour continuer à vivre dans sa peau et s’exonérer de ses actes ; dans le deuxième, la réalité ne peut pas être changée, et donc la difficulté consiste à lui donner un sens, parfois en vain.


                  • Gazi BORAT 25 avril 2008 16:00

                    @ Annie

                    Je pense que Bettelheim et Primo Levi ont été résilient un certain temps... mais que le traumatisme les a rattrapé !

                    Ces deux écrivains (et d’autres aussi) ont sans doute mieux "résisté" par la position d’observateur qui leur a permis un certain recul et, par là de donner un "sens" à l’expérience immédiate. Et peut-être ensuite le rôle de témoin futur leur a-t-il aussi donné la force de "tenir"..

                    Le choc ultérieur, au crépuscule de leur existence a peut-être résulté de l’impossibilité de transmettre ce qu’ils avaient vécu après avoir survécu dans le but de transmettre...

                    gAzi bORAt


                  • Annie 25 avril 2008 18:01

                    @GAzi

                    Peut-on inverser la situation à propos de votre grand-mère et dire qu’elle, qui ne s’était jamais posée comme observatrice, a à la fin de sa vie, compris soit la nécessité de témoigner soit d’accepter le poids du passé et par conséquent d’en parler. Qui a été le plus résilient ? Peut-être votre grand-mère qui repoussé le flux des souvenirs jusqu’au moment où il lui a été possible d’en parler, ou qui a décidé d’en parler quand elle était capable de le faire ou quand elle a pensé qu’on pouvait comprendre ce qu’elle avait vécu. J’extrapole, ce que je ne voulais pas faire, mais je comprends que cela soulève des interrogations auxquelles il est impossible de répondre.


                  • moebius 24 avril 2008 11:44

                    je ne vois pas pourquoi il faudrait interdire une exposition sur Paris sous l’occupation ou l’on ne voit pas l’occupant. Une occupation sans occupants en quelque sorte . Depuis la sortie de Girard tout Paris se presse à cet expo venir voir vérifier l’absence de l’occupant . C’est une grande question qui anime les déjeuners en ville, on croirait que l’occupant n’y est pas mais il y est , mais ou est ’il donc ? les photo sont bien cadré et... Si on avait montré des photos de la Gestapo en train de rigoler et de boire de la biére, on aurait dabord dit que c’est scandaleux de montre la Gestapo en train de rigoler et ont se serait demandé mais ou donc est la baignoire ? et tout Paris se serait pressé a l’expo pour bien vérifié si la baignoire n’y est pas et cette question aurait alimenté les....... On s’occupe comme ont peut à Paris

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