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JC. Moreau JC. Moreau 15 décembre 2009 21:47

@ l’auteur

Autant l’argument de la dignité humaine est inopérant pour justifier une interdiction du voile intégral ( lorsque ce dernier est porté par une femme « en son âme et conscience », ce n’est pas à autrui de définir à sa place en quoi doit consister sa propre dignité ), autant l’argument tiré du passé colonial de la France pour « tolérer » ce même voile me paraît foncièrement anachronique.

Car contrairement à ce que suggère M. Louvel, les données du problème entre l’Algérie française d’hier et la France multiculturelle d’aujourd’hui sont différentes.

En premier lieu, dans le contexte de l’Algérie française, le respect de la diversité religieuse évoqué par M. Louvel était surtout motivé par l’opportunisme politique de l’administration coloniale : respecter la religion musulmane, c’était s’assurer une paix relative en ne bouleversant pas l’ordre social.

Ensuite, ce respect s’inspirait bien plus de la politique gallicane d’Ancien Régime que de la loi républicaine de 1905 (qui n’a jamais été appliquée en Algérie). Les gouverneurs coloniaux intervenaient dans le choix des oulémas et entretenaient la sujétion de ces derniers en s’assurant de leur dépendance économique : les monarques n’avaient pas agi autrement pour inféoder le clergé.

Enfin et surtout, M. Louvel passe un peu vite sur les conséquences de la « tolérance » coloniale quant à la condition des femmes algériennes. Outre le fait que la polygamie n’a jamais été interdite sous la domination française ( par crainte de provoquer une trop grande crispation chez les « indigènes », et également parce que la pratique était considérée comme marginale et appelée à disparaître ), les mariages forcés et la pratique de la répudiation réservaient aux femmes musulmanes un sort peu enviable en comparaison de celui de leurs consoeurs européennes.

Autrement dit la tolérance tant vantée par M. Louvel se caractérisait surtout par une indifférence de l’Etat colonial à l’égard statut de la femme musulmane. Certains auteurs (dont Julia Clancy Smith) soutiennent d’ailleurs la thèse selon laquelle le maintien de l’infériorité juridique de la femme musulmane aurait été plus ou moins négociée entre les confréries religieuses musulmanes et le pouvoir colonial.

La référence à « la belle époque de la burqa » est donc pour le moins malheureuse...

Enfin concernant le texte de Fanon, il me semble impropre à rendre compte du débat actuel autour du voile intégral, sauf à considérer que les représentantes des associations féministes qui plaident en faveur d’une loi d’interdiction sont dominées par de troubles pulsions saphiques...

Néanmoins, Fanon emploie (malgré lui) un terme qui offre aujourd’hui l’une des clés de la problématique actuelle : le port du voile intégral abolit la réciprocité dans l’espace public.

***

PS : Pour ceux qui souhaiteraient plus d’informations sur le statut de la femme musulmane dans l’Algérie française, quelques livres et articles de référence :

 

- Louis-Augustin Barrière, Le statut personnel des musulmans d’Algérie de 1834 à 1962, Presses universitaires de Dijon,1993.

 

- Diane Sambron, Les Femmes algériennes pendant la colonisation, Edition Riveneuve, 2009.

 

- Julia Clancy-Smith, Le regard colonial : Islam, genre et identités dans la fabrication de l’Algérie française, 1830-1962, article paru dans la revue « Nouvelles Questions Féministes » : « Sexisme et Racisme : le cas français » Volume 25 N° 1-2006.


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