17 novembre 2018 : ACTE I des Gilets jaunes. Les origines de la révolte
Dans une vidéo postée le 18 octobre 2018 sur sa page Facebook dans laquelle elle fustigeait François de Rugy, ministre de l’écologie, pour sa « traque aux conducteurs », et qui fit un buzz spectaculaire, Jacline Mouraud, hypnothérapeute du Morbihan, chanteuse férue d’ectoplasmie, mis le feu aux carburants de la révolte. Le 17 novembre plusieurs centaines de milliers de Gilets jaunes occupèrent les ronds-points et déferlèrent dans toutes les villes de France.
Le 15 novembre j’écrivais sur AgoraVox : « Cette n-ième augmentation des carburants (+25% pour le diésel en un an, +10% pour l’essence) est la grosse goutte de pétrole raffiné qui fait déborder les réservoirs de ces objets, symboles de la modernité et de la réussite sociale, que demeurent encore aujourd’hui les voitures toujours autant convoitées. L’exaspération est brutalement grimpée à son comble, le ras-le-bol est général. Toutes les rancœurs, tous les trop-pleins accumulés soudainement se déversent. Trop c’est trop, et quand c’est trop c’est… gilets jaunes.
Pour autant il est manifeste que la montée de la fièvre sociale n’est pas le résultat du seul nouvel envol de la taxation carbone même si elle grève sérieusement les budgets transport pour une destination loin d’être exclusivement écologique : il faut bien par exemple financer le CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ayant tant bénéficié aux grosses entreprises). Et pour cela c’est à ceux qui stressent au quotidien qu’Emmanuel Macron s’en prend une nouvelle fois, afin de remplir les poches de ceux qui les ont déjà bien pleines.
Et le stress est sans doute le maitre mot à l’origine de cette insurrection de monsieur et madame tout-le-monde : parce que dans notre monde de folie, il faut être toujours plus performant, subir sa propre agressivité et celle de ses collègues de travail au nom d’un individualisme forcené ayant dispersé les familles, savoir répondre à toutes les exigences de perfection toujours plus grande (conduite impeccable au km/heure près, laquelle coûte la peau des fesses, abaissement à 80 km/h le 1er juillet, voiture impeccable qui coûte tout autant la peau des fesses, comportement impeccable, surtout à l’égard des règles administratives. Impeccable, impeccable), tandis que les élites économiques et politiques eux salopent la planète, tuent la terre (avec les pesticides), jouent avec le vivant (les OGM), méprisent la maternité (la GPA), insultent la destinée psychologique de ces enfants-objet, menacent notre avenir immédiat (le nucléaire et notamment l’EPR gravement défectueux mais homologué par l’ASN "munichoise" : le cancer, le cancer, toujours plus de cancers), réveillent les extrémismes avec leurs guerres pétrolières enflammant le djihadisme, culpabilisent à tout-va, sadisent au quotidien (quelles jolies photos sur les paquets de cigarettes !), nous surveillent dans l’espace public des villes transformées en prisons, et dans l’espace privé par le Linky et les ordinateurs, quand tout à la maison doit par ailleurs être impeccablement rangée et propre et végane.
Marre, ras-la-casquette, on envoie tout péter. Parce qu’il va falloir arrêtez de sans arrêt nous faire caguer. Alors oui, il nous faut respirer », concluais-je, sans imaginer qu’Emmanuel Macron allait faire payer aux Gilets jaunes leur rébellion, en les empêchant justement de respirer. Et leurs enfants aussi.
Tant qu’à faire.
Mais tout dans ce constat n’était pas énoncé. Il y manquait beaucoup de symboles malmenés, de provocations macroniennes et l’impact d’une démission tonitruante dans les mois qui précédèrent cette explosion sociale.
Il y avait en fait un bon moment que la colère couvait.
Une première attitude transgressive éminemment symbolique, le 14 juillet, un peu plus d’un an après sa prise de fonction, Emmanuel Macron fit dresser les cheveux sur leur tête et nouer les viscères de bien des Français attachés aux expressions traditionnelles de la Présidence. Mais pas seulement à ceux-ci. Le jeune Président et sa femme bien plus âgée que lui, invitèrent dans la cour de l’Elysée un groupe de musiciens et de danseurs LGBT exubérants, mais surtout de très mauvaise facture.
Dix jours plus tard, le 24 juillet, Emmanuel Macron réunissant les élus de « La République en Marche » pour un pot de fin d’année parlementaire à la maison de l’Amérique latine, après plusieurs jours de silence sur l’affaire des violences de Benalla le 1er mai, le fait applaudir. Et plein d’une arrogance insensée, il lanca ce terrible défi : « S’ils cherchent un responsable, dites-leur, dites-leur chaque jour : “vous l’avez devant vous”. Le seul responsable de cette affaire, c’est moi. Et moi seul. Je vais vous dire pourquoi. Parce que celui qui a fait confiance à Alexandre Benalla, c’est moi, le président de la République. Celui qui a été au courant et qui a validé l’ordre, la sanction [modérée] de mes subordonnés, c’est moi, et personne d’autre ». Puis avec cette morgue que depuis le début de son mandat il n’avait cessé d’afficher, il ajoute ces mots qu’encore aujourd’hui il doit se maudire d’avoir prononcé : « S’ils veulent un responsable, il est devant vous. Qu’ils viennent le chercher ».
A l’image de ces paroles inouïes, cet été 2018 fut une succession d’évènements plus détonants les uns que les autres. Un mois plus tard un séisme politique secouait la France. Le 28 aout sur France Inter, au bord des larmes, Nicolas Hulot annonçait sa démission du ministère de l’écologie. Alors que la planète est depuis maintenant des années sous la pression permanente des affolés du climat, l’une des personnalités politiques préférées des Français incarnant justement l’espoir de voir se résoudre cette angoisse tenaillante, désespéré, presque humilié, jette l’éponge ; dévoilant par ce geste la duplicité d’Emmanuel Macron à l’égard de la tant affirmée urgence écologique.
Et, nouveau cataclysme un mois plus tard, le 29 septembre, un outrage supplémentaire à la fonction présidentielle survint à l’occasion d’une visite d’Emmanuel Macron à l’ile de Saint Martin dévastée par l’ouragan Irma l’année précédente. On peut je pense assurer qu’il vint conclure une séquence dans laquelle le mouvement des Gilets jaunes trouva sa destinée. Il eut en effet dans cette ile ravagée des Caraïbes, un comportement d’une immaturité qui stupéfia la planète entière et fit brutalement exploser la fonction présidentielle. Au point qu’à son retour même Brigitte Macron explosa d’une colère telle, qu’elle se fit entendre dans les couloirs de l’Elysée.
Un palais de l’Elysée que les Gilets jaunes répondant au défi qu’Emmanuel Macron avait lancé aux Français, s’empressèrent de vouloir atteindre lors de leur acte II.
Au terme de seize mois d'un harcèlement hebdomadaire que la répression érodait mais ne supprimait pas, ces Gilets jaunes lui gâchant non seulement la vie en France, mais altérant son image sur le théatre international, offrant même à Poutine un argument blessant pour se dédouaner de ses abus, Emmanuel Macron finit par saisir l'opportunité d'un virus inquiétant les journalistes, mais bien moins mortel que l'influenzae saisonnier, pour user d'une méthode radicale : les soumettre à un confinement. Cependant elle aggrava la bouffée délirante collective qui s'était déclarée sous l'effet de la peur- panique contagieuse des médias. Ignorant ce processus psychosocial, instrumentalisant sans scrupule une peur épidémique, comme il observait que le résultat était efficient, il lui a paru tout à fait pertinent de remettre ça à l'approche du deuxième anniversaire de cet irréductible mouvement réfractaire.
Cet homme n'a guère le sens de la mesure. Ce qui n'est pas sans nuisance potentiellement très grave. Souvenons-nous d'une autre affaire qui aurait dû nous éclairer : son harcèlement sexuel par mails.
Informations sur la bouffée délirante collective :
1- La bouffée délirante collective de la covid-19
2- Covid-19 : l’exemple de la rumeur délirante, dite d’Orléans, de mai 1969
3- Covid-19 : de la difficulté à admettre l’existence d’une bouffée délirante collective (1)
4- Covid-19 : les difficultés à admettre l’existence d’une bouffée délirante collective (2)
5- Etat des lieux du délire covidéen
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