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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > Alors naît la joie étrange qui aide à vivre et mourir

Alors naît la joie étrange qui aide à vivre et mourir

« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : "Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués". Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. » (Albert Camus, "L’Étranger", 1942).

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Vendredi dernier, c’était la Toussaint. La journée des morts samedi. Et ce jeudi, cela pourrait être un peu la Saint-Camus. Le 7 novembre 1913, c’était en effet la naissance d’Albert Camus. Cent ans. Et pourtant, disparu depuis très longtemps, en pleine époque des Trente Glorieuse, le 4 janvier 1960, à l’âge de 46 ans d’un banal accident de voiture. Une œuvre inachevée. Malheureusement inachevée.


Rapprocher Camus du temps de la Toussaint, cela peut avoir un sens. En y réfléchissant bien, c’est Camus qui m’a rejoint puis accompagné dans l’idée que je me faisais de la mort. Et par ricochet, de la vie. "Le Mythe de Sisyphe" est à cet égard essentiel dans la pensée humaine. Il fait même froid dans le dos. L’essai est clair, précis, incisif. Il vise en plein cœur, à l’essentiel.

Rejoint, parce que je l’ai lu assez tardivement dans mon apprentissage de la vie. J’ai pu le connaître en dehors de sa façade scolaire qui, de toute façon, ne me paraît pas très pertinente. La philosophie est un art qui s’apprivoise par sa propre volonté, sa propre expérience, sa propre curiosité, ses propres envies. Il ne faut pas l’imposer. En tout cas, pas oppresser les écoliers par des auteurs qu’ils risquent ensuite de rejeter pour une période longue.

Albert Camus a ainsi été mon prêtre répondant. Mon médecin de famille. Mon psychologue de service. Mon précepteur personnel. Mon conseiller ultime. Mon confident discret et toujours présent. Quand la vie s’endeuille. Quand la vie doute. Quand la vie inquiète.

Depuis Camus, j’aurais tendance à dire que la société de consommation l’a emporté sur la société de réflexion et de méditation. On le voit même pour l’information. La rapidité des échanges, grâce aux (nouvelles) technologies, grâce à Internet, aux chaînes d’information continue, à Twitter, à Facebook, encourage la réaction à court terme, à chaud, la sur-réaction de l’émotionnel sur la réflexion, la raison, la distance.

Ce n’est pas l’émotion ni la réaction qui empêchent la réflexion, mais la rapidité et surtout, le nombre. Il y a tant de stimuli à la pensée, des événements qui s’accumulent, se succèdent, s’enchaînent, s’interconnectent jusqu’à la "nausée" qu’il est bien difficile d’y déceler un sens, d’y mettre un sens.

On le voit chez les responsables politiques incapables d’engager le peuple dans une voie d’avenir, dans une vision, trop préoccupés par l’immédiat, pas seulement des préoccupations électorales, d’ailleurs, mais aussi des préoccupations techniques, nécessaires, des résolutions de multiples crises qui mangent énergie et ressources et entraînent cette incompréhension de l’ensemble, ce non-sens, ce no-futur qui paraît si présent aujourd’hui dans la société "postmoderne" blasée par tout. Croire que ses enfants auront une vie moins agréable que la sienne est un véritable échec moral de l’idée que je peux me faire du progrès humain.

Toute cette surenchère de communication, ces multiples polémiques inutiles, ces discussions stériles, ces échos futiles, ces matraquages commerciaux pour acheter le dernier bijou électronique en vogue, ce paroxysme du "Toujours plus" semblent aboutir à une sorte d’impasse sociétale qui aggrave la "fracture sociale" entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas, entre ceux qui décident et ceux qui ne décident pas.

L’œuvre d’Albert Camus est somme toute à la fois légère et dense. Légère car inachevée, dense car chaque mot compte avec lui. Le style est court, élagué, efficace. La diversité de son expression, essais, romans, pièces de théâtre, lettres, donne aussi à sa pensée des perspectives multiples pour décrire l’essentiel.

Par des mots simples, Camus fait mouche de façon quasi-universelle. Jean-Paul Sartre (dont le style est, lui aussi, très acéré) considérait que Camus était « l’héritier actuelle de cette longue lignée de moralistes » : « Son humanisme têtu, étroit et pur, austère et sensuel, livrait un combat douteux contre les événements massifs et difformes de ce temps. Mais inversement, par l’opiniâtreté de ses refus, il réaffirmait, au cœur de notre époque, contre les machiavélismes, contre le veau d’or du réalisme, l’existence du fait moral. » (réaction à la mort de Camus citée par Jean Daniel).

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Albert Camus est surtout un philosophe accessible à tout le monde, à tous les êtres humains. En peu de mots, de manière tranchante et dérangeante, il remet le monde à sa juste place, entre le futile et l’essentiel. Hiérarchise les réflexions, les enjeux.

« Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l’esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite. Ce sont des jeux ; il faut d’abord répondre. Et s’il est vrai, comme le veut Nietzsche, qu’un philosophe, pour être estimable, doive prêcher d’exemple, on saisit l’importance de cette réponse puisqu’elle va précéder le geste définitif. Ce sont là des évidences sensibles au cœur, mais qu’il faut approfondir pour les rendre claires à l’esprit.

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Si je demande à quoi juger que telle question est plus pressante que telle autre, je réponds que c’est aux actions qu’elle engage. Je n’ai jamais vu personne mourir pour l’argument ontologique. Galilée, qui tenait une vérité scientifique d’importance, l’abjura le plus aisément du monde dès qu’elle mit sa vie en péril. Dans un certain sens, il fit bien. Cette vérité ne valait pas le bûcher. Qui de la Terre ou du Soleil tourne autour de l’autre, cela est profondément indifférent. Pour tout dire, c’est une question futile. En revanche, je vois que beaucoup de gens meurent parce qu’ils estiment que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. J’en vois d’autres qui se font paradoxalement tuer pour les idées ou les illusions qui leur donnent raison de vivre (ce qu’on appelle une raison de vivre est en même temps une excellente raison de mourir ). Je juge donc que le sens de la vie est la plus pressante des questions. Comment y répondre ? Sur tous les problèmes essentiels, j’entends par là ceux qui risquent de faire mourir ou ceux qui décuplent la passion de vivre, il n’y a probablement que deux méthodes de pensée, celle de La Palisse et celle de Don Quichotte. C’est l’équilibre de l’évidence et du lyrisme qui peut seul nous permettre d’accéder en même temps à l’émotion et à la clarté. Dans un sujet à la fois si humble et si chargé de pathétique, la dialectique savante et classique doit donc céder la place, on le conçoit, à une attitude d’esprit plus modeste qui procède à la fois du bon sens et de la sympathie. »

(Albert Camus, "Le Mythe de Sisyphe", 1942)

Le début de cet essai sur l’absurde est clair et va droit au but : il replace l’homme dans son contexte humain, celui de sa vie, de la conscience de celle-ci et son intérêt ou pas à la vivre.

C’est sans doute pour cette raison qu’en perte d’identité et de repères, beaucoup de personnes doutent du sens qu’elles peuvent mettre à leur existence. Ce qui crée aujourd’hui un malaise social que la crise économique durable depuis trente ans a amplifié.

La conclusion du livre est tout autant incisive et dense en signification :

« Je laisse Sisyphe au bas de sa montagne ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. »

(Albert Camus, "Le Mythe de Sisyphe", 1942)

Camus avait eu cette lucidité du perpétuel recommencement en déclarant, lorsqu’il reçut son Prix Nobel de Littérature (regrettant par ailleurs qu’André Malraux ne l’ait pas obtenu) : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. » (Stockholm le 10 décembre 1957).

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L’œuvre de Camus s’est articulée autour de trois thèmes majeurs donnant un cheminement philosophique à sa pensée : l’absurde, la révolte et l’amour. Sans doute le dernier thème, celui de l’espérance, aurait été développé avec plus de vigueur et de démonstration sans la survenue soudaine de son tragique accident.

« Alors naît la joie étrange qui aide à vivre et mourir. »

(Albert Camus, "L’Homme révolté", 1951)


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (7 novembre 2013)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Un homme libre.
La dépêche annonçant la mort d’Albert Camus.
Pas de Panthéon pour Albert Camus.


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41 réactions à cet article    


  • Henri Diacono alias Henri François 7 novembre 2013 12:15

    Faire son propre chemin, en se persuadant que nous ne sommes qu’une virgule et que le point est inaccessible.

    A l’auteur, bravo d’avoir ressorti des cendres de la mémoire collective française - ou du moins celle qui s’étale sur ce site - ce bonhomme énorme qui, nom d’un chien, nous a quitté trop tôt.


    • Henri Diacono alias Henri François 7 novembre 2013 12:53

      Il n’y a pas de choix à faire et surtout pas de question à se poser.
      « ....je me trompe, tu te trompes, il se trompe, nous nous trompons, vous vous trompez....etc...etc... » . Pourquoi chercher « midi à quatorze heures etc... »
      Amicalement


    • Gasty Gasty 8 novembre 2013 08:00

      Question soi enbarrassante... ou pertinente ! smiley


    • sam turlupine sam turlupine 7 novembre 2013 13:48

      Pour une fois, j’abonde da ns le sens d l’auteur pour cet article. 

      Il y aurait tant d’autres choses à dire sur Camus, sans doute LE pensuer et créateur essentiel du XXème siècle, mais surtout, chose qui ne me semble pas évoquée ici, à savoir la disparition de Dieu : ce « ciel vide », qui est au fondement même de la notion de « l’homme absurde », comme évoqué dans « Le mythe de Sisyphe » : 

      « On ne découvre pas l’absurde sans être tenté d’écrire quelque manuel du bonheur. » Eh ! quoi, par des voies si étroites... ? « Mais il n’y a qu’un monde. Le bonheur et l’absurde sont deux fils de la même terre. Ils sont inséparables. L’erreur serait de dire que le bonheur naît forcément de la découverte absurde. Il arrive aussi bien que le sentiment de l’absurde naisse du bonheur. » Je juge que tout est bien « , dit Œdipe, et cette parole est sacrée. Elle retentit dans l’univers farouche et limité de l’homme. Elle enseigne que tout n’est pas, n’a pas été épuisé. Elle chasse de ce monde un dieu qui y était entré avec l’insatisfaction et le goût des douleurs inutiles. Elle fait du destin une affaire d’homme, qui doit être réglée entre les hommes. » 

      ET, également, la notion de la légitime REVOLTE, développée dans son essai suivant : « L’homme révolté ». 
      Mais il s’agit, chez Camus, non pas d’une révolte individualiste, égoïste, « existentialiste » (ce qui l’éloignera définitivement des existentialistes), mais d’une révolte collective, SOLIDAIRE, pour plus d’humanité et de JUSTICE. 

      « Je me révolte, donc nous sommes » (en écho au « Je pense, donc je suis », cartésien)

      « Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. » D’apparence, il existe une limite à la révolte. Cependant, la révolte est un droit. La révolte nait de la perte de patience. Elle est un mouvement et se situe donc dans l’agir. Elle se définit par le « Tout ou Rien », le « Tous ou Personne ». En premier, elle soumet l’idée d’égalité : position d’égal à égal entre le maître et l’esclave. Mais le révolté finit par imposer cette égalité qui se traduit souvent par une inversion des rôles (dialectique hégélienne). Suivant le raisonnement de Scheler, l’homme révolté n’est pas l’homme du ressentiment c’est-à-dire qu’il ne baigne ni dans la haine ni dans le mépris. La révolte enfante des valeurs. De fait, « pour être, l’homme doit se révolter ». La révolte extirpe l’homme de la solitude puisqu’elle est collective, c’est l’« aventure de tous ». Néanmoins, faire l’expérience de la révolte, c’est faire l’expérience de l’ascèse.  La révolte est souvent légitime, elle est l’expression la plus pure de la liberté et semble revêtir le visage de l’espoir. De surcroît, la révolte impose une tension, elle refuse donc formellement le confort de la tyrannie ou de la servitude. Le révolutionnaire a la volonté de « transformer le monde » (Marx) alors que le révolté veut « changer la vie » (Rimbaud). 

      Camus, est, définitivement, un homme de gauche, de la solidarité, de la lutte collective, pour une plus grande justice, et une plus grande égalité. Il est également opposé à toute servitude et toute tyrannie. Il est vrai que sa « récupération » par des libéraux est une insulte à toute sa pensée, sa vie et son oeuvre. 

      • sam turlupine sam turlupine 7 novembre 2013 16:07

        Oui. Parce que Camus a toujours dénoncé la tyrannie, le despotisme, et donc le stalinisme, à une époque où la « gauche » dévote s’appliquait à en masquer les horreurs pour de simples raisons idéologiques. 


        Camus faisait partie de la gauche « humaniste », ce qui ne lui pas été pardonné par la gauche dogmatique. 

        On voit aujourd’hui, combien l’histoire lui a donné raison, ce qui doit rester en travers de la gorge des staliniens et des maoïstes attardés. 

        Camus représente, pour toujours, la vraie gauche ; celle de l’humanisme, de la solidarité, de la compassion et du combat pour la justice. Si loin de ce qu’il en est advenu aujourd’hui (du moins en Occident). 

      • Henri Diacono alias Henri François 7 novembre 2013 16:24

        Pourquoi de gauche ?
        Un Homme tout court. Un Homme vrai. Comme devrait être chacun d’entre nous.
        La révolte en outre peut être solitaire tout en demeurant dans la multitude. Dire Non ne débouche pas nécessairement sur l’égalité. Dire Non est souvent le seuil de SA propre route. Et « qui m’aime me suive » !


      • Richard Schneider Richard Schneider 7 novembre 2013 16:47

        à Sam turlipine :

        Excellent commentaire. J’y souscris entièrement.

      • sam turlupine sam turlupine 7 novembre 2013 16:52

        Désolé, mais comme vous avez pu le lire, ce n’est pas du tout le sens de la « révolte » camusienne. 

        « Je me révolte, donc NOUS sommes »«  : et pas »qui m’aime me suive« , ce qui reviendrait au »chacun pour soi« imposé par la dictature libérale. 

        Que chacun opère sa propre »révolte« , pour guider sa vie, ok ; mais si cette révolte n’est pas sous-tendue par des VALEURS de solidarité, elle reste un fait isolé, sans aucun progrès pour les autres : globalement vaine. 

        Je recopie : 
         »Cependant, la révolte est un droit. La révolte nait de la perte de patience. Elle est un mouvement et se situe donc dans l’agir. Elle se définit par le « Tout ou Rien », le « Tous ou Personne ». En premier, elle soumet l’idée d’égalité : position d’égal à égal entre le maître et l’esclave. Mais le révolté finit par imposer cette égalité qui se traduit souvent par une inversion des rôles (dialectique hégélienne). Suivant le raisonnement de Scheler, l’homme révolté n’est pas l’homme du ressentiment c’est-à-dire qu’il ne baigne ni dans la haine ni dans le mépris. La révolte enfante des valeurs. De fait, « pour être, l’homme doit se révolter ». La révolte extirpe l’homme de la solitude puisqu’elle est collective, c’est l’« aventure de tous ». 

      • sam turlupine sam turlupine 7 novembre 2013 17:01

        « Ceux qui n’ont pas exigé, un jour au moins, la virginité absolue des êtres et du monde, tremblé de nostalgie et d’impuissance devant son impossibilité, ceux qui, alors, sans cesse renvoyés à leur nostalgie d’absolu, ne se sont pas détruits à essayer d’aimer à mi-hauteur, ceux-là ne peuvent comprendre la réalité de la révolte et sa fureur de destruction. » 


        Albert Camus in « L’homme révolté »

      • Henri Diacono alias Henri François 7 novembre 2013 17:20

        A Sam Turlipine,
        La révolte de l’individu lorsqu’elle devient collective ne peut conduire hélas, qu’à la perte de son propre « arbitre ».
        D’accord avec vous plutôt « ...et qui m’aime me suive » il m’aurait fallu écrire « ....et qui m’aime m’accompagne » !
        Enfin plutôt que « Je me révolte donc nous sommes ! », après bien plus d’une soixantaine d’années de réflexion ma devise serait « Je me révolte donc je suis ! » Ou plutôt l’ami, compte tenu de mon présent « Je n’ai cessé de me révolter, donc j’ai été ! » En semant en cours de route, et autour de soi, bien des valeurs, croyez-moi... qui ont pu, qui sait, transformer « ..j’ai été » en « ...NOUS sommes »
        Et peut-être que Camus, grand parmi les grands, aurait lui aussi ciselé au cours de sa vie son jugement...s’il ne nous avait pas été enlevé si jeune.
         


      • sam turlupine sam turlupine 7 novembre 2013 17:33

        @ Henri Diacono 


        je ne mets aucunement en doute votre propre engagement, la légitimité et l’efficience de votre révolte ; en revanche, je ne saurais être d’accord avec cette phrase (je vous cite) : 
        « La révolte de l’individu lorsqu’elle devient collective ne peut conduire hélas, qu’à la perte de son propre « arbitre ». » 

        Non. Une révolte collective peut très bien, au contraire, favoriser le développement du « libre arbitre » de chacun de ses membres. L’homme est un être social ; comment s’abstraire de cette condition ? Les Yogis ? La plupart, une fois atteint un certain niveau de conscience, dispensent un enseignement (bodhisattvas) , incitant chacun, justement, à développer son propre « arbitre ». 
        Souvent, c’est par et grâce au groupe, que l’individu développe sa propre conscience de lui ET des autres. 

      • Henri Diacono alias Henri François 10 novembre 2013 08:12

        Je persiste et je signe. La révolte « collective » dans le sens où le précisait Albert Camus ( qui, selon moi, est mort trop jeune pour pouvoir affiner sa pensée), conduirait à ce vieux rêve qui se nomme l’anarchie, synonyme, hélas, d’ « utopie » compte tenu de l’alchimie si complexe de cet animal qu’est .... l’Homme.


      • Pale Rider Pale Rider 7 novembre 2013 15:47

        Merci, Sylvain, pour cet article en hommage à notre ami qui est né il y a 100 ans aujourd’hui.

        Pale Rider n’a pas eu le temps de lui rendre hommage sur AgoraVox, vu qu’il va le faire, ce soir, à 20h30, dans une grande ville du centre de la France, dans une conférence sur le thème : « Camus, l’ami des chrétiens ».
        Voilà quarante ans que je le lis, sans me lasser. Il fait partie des gens rares qui, post mortem, continuent à faire du bien en ce monde égaré. J’ai rencontré des gens qui l’ont connu, et qui l’ont trouvé d’un charme et d’une modestie admirables. 
        Cet homme est un frère.
        On peut aller lire : 

        • Richard Schneider Richard Schneider 7 novembre 2013 16:46

          à l’auteur,

          Vous êtes en droit d’être satisfait : tous les commentaires - du moins jusqu’à présent - sont d’une rare qualité. Ce qui prouve, et vous l’avez bien montré dans votre article, l’immense respect qu’inspire Albert Camus.
          À tous les "camusiens, si ce n’est pas déjà fait, lisez Le premier homme, œuvre certes incomplète, car non finalisée, qui nous apprend beaucoup de choses sur cet Algérien et Français.

          PS. Morvandiau a raison de citer la thèse d’Onfray sur Camus ...

          • sam turlupine sam turlupine 7 novembre 2013 17:12

            @ Richard Schneider 


            D’abord, merci pour votre commentaire.
            J’ai lu « Le premier homme » il y a très longtemps ; il faudrait effectivement que je m’y remette. 

            Quant à Onfray (avec lequel je ne suis pas toujours d’accord), c’est un vrai camusien : il en parle très pertinemment, bien sûr. je voulais acheter son livre, mais l’ai trouvé trop important (genre pavé de 600 pages : ouf...) 

          • Pale Rider Pale Rider 7 novembre 2013 17:13

            @ Richard Schneider

            Le dernier livre qu’est Le premier homme est vraiment bouleversant. Malgré son côté inachevé, il est d’une qualité remarquable. Lisez, aujourd’hui, les premières pages du livre où « Jacques Cormery » raconte l’histoire de sa propre naissance. ça vous donnera une idée de ce qui s’est passé il y a 100 aujourd’hui. 
            J’ai relu La peste il y a quelques jours. Plus qu’admirable.
            J’ajoute encore une chose :
            Le Mythe de Sisyphe est le livre le plus absolu qui ait été écrit sur la condition humaine, en partant du principe qu’il n’y a pas de Dieu. il faut savoir que c’est un essai philosophique ; le terme « essai » est à prendre ici dans son acception ordinaire, car Camus prend bien soin de dire que l’absurde est une pure hypothèse de départ, disons une hypothèse mathématique de travail. « En ce sens, précise-t-il, on peut dire qu’il y a du provisoire dans mon commentaire. On ne saurait alors préjuger la position qu’il engage.« 
            Je n’ai jamais lu d’essai plus honnête sur ce thème. Ce n’est pas pour rien que Camus disait de Blaise Pascal qu’il était »le plus grand". Le plus incroyable, c’est qu’il a tout pigé, y compris des fondements de la théologie chrétienne (qui constitue une partie essentielle de son doctorat de philo). Il ne fut pas loin de la foi sans toutefois y accéder, comme il le disait lui-même. C’est une des choses qui le rendent bouleversant.


          • sam turlupine sam turlupine 7 novembre 2013 17:24

            @ Pale Rider 


            Entièrement d’accord avec votre commentaire, notamment sur « Le mythe de Sisyphe » ; c’est, pour moi aussi, l’essai le plus essentiel jamais écrit sur la condition humaine, d’un « ciel sans dieu ». 

            Camus n’a pas rejoint la foi chrétienne, mais son oeuvre entière est marquée par le spirituel : comme quoi, la spiritualité n’a pas besoin de la religion pour exister :il en est la preuve flagrante. 

          • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 7 novembre 2013 17:36

            Le bouquin d’Onfray sur Camus ,« l’ordre libertaire »,se lit assez facilement .

             


          • Captain Marlo Fifi Brind_acier 8 novembre 2013 08:27

            sam turlupine,

            Lisez-le, vous ne le regretterez pas... 


          • 65beve 65beve 7 novembre 2013 19:14

            Seul un esprit subversif pouvait raconter une condamnation à mort pour le meurtre d’un arabe.
            Il ne faut pas hésiter à relire Camus tout au long de sa vie.
            (j’ai un faible pour la peste, relu 3 fois).


            • christophe nicolas christophe nicolas 7 novembre 2013 21:15

              En simplifiant, on pourrait dire qu’il ne faut pas craindre la première mort mais la deuxième.

              La première tout le monde la vivra et tout le monde ressuscitera, le deuxième corps sera en proportion de l’esprit dans sa durée, sa santé, sa beauté et son lieu.

              Il est certain que Sartre s’est choisi un destin funeste, Camus naviguera entre deux eaux car il a mené des combats justes mais ne les pas offert à qui de droit voulant se passer de Dieu. Simone Weil aura un destin des plus favorable car elle témoigne. « La grâce et la pesanteur » est une œuvre divine au delà de toutes les œuvres de Sartre et de Camus, elle les survole de très haut...


              • sam turlupine sam turlupine 8 novembre 2013 06:20

                Ah, d’accord ! 

                L’enfer pour Sartre (c’est les autres)
                le purgatoire pour Camus (dans un ciel vide) 
                le paradis pour Simone Weil 

                les belles images de catéchisme ! smiley 

                c’est marrant que ceux qui croient en la sainte trinité, aient un raisonnement binaire : ce doit être quantique.. smiley

              • alinea Alinea 7 novembre 2013 21:52

                On ne dirait plus « Camus est mort », aujourd’hui.
                Dans cette une de Combat, le « meilleur des nôtres », tout un monde disparu.
                Je me pose toujours la question de savoir ce que serait ces hommes-là, s’ils étaient encore là aujourd’ hui , que diraient-ils du monde ?
                Il n’y a pas de hasard, il n’y a plus d’hommes comme ça !!


                • Captain Marlo Fifi Brind_acier 8 novembre 2013 08:22

                  Alinea,
                  Il dirait ce qu’il a toujours dit, « la fin ne justifie pas les moyens ».
                  Le livre d’Onfray sur Camus « L’ordre libertaire » est remarquable.


                • alinea Alinea 8 novembre 2013 11:37

                  Surtout fifi qu’il ne serait pas forcément d’accord avec cette fin ?


                • bert bert 7 novembre 2013 23:20

                  le con il a pas lu la trioiologie des machines de Pavese



                  • Irina leroyer Irina leroyer 8 novembre 2013 00:39

                    Camus se retournerait dans sa tombe s’il entendait tous ces gauchouillards douillettement installés dans leur retraite dorée se revendiquer de son nom .


                    irina

                    • sam turlupine sam turlupine 8 novembre 2013 06:14

                      De quel droit vous parlez au nom de Camus, vous ? 

                      Droitouillarde, occupez vous de vos maîtres à penser, et ne venez pas salir la mémoire d’un homme dont vous n’aurez jamais compris la pensée. 
                      Suivant.

                    • Captain Marlo Fifi Brind_acier 8 novembre 2013 08:23

                      « La fin ne justifie pas les moyens » ne s’adresse pas qu’à la Gauche, elle s’adresse à vous aussi.


                    • Irina leroyer Irina leroyer 13 novembre 2013 03:04

                      samturlupine, 


                      Camus n’a rien a voir avec le beauf gauchouillard retraité que tu es !

                      Irina


                    • Pale Rider Pale Rider 8 novembre 2013 08:44

                      Sartre : Tout anti-communiste est un chien, je ne sors pas de là.

                      Il en est sorti quand même dans le superbe article qu’il a consacré à la mort de Camus le 7 janvier 1960 dans France Observateur. Sartre avait donc une âme, parfois.

                    • Henrique Diaz Henrique Diaz 10 novembre 2013 16:27

                      D’une part, Camus n’était pas anti-communiste et loin de là. D’autre part, s’il a adhéré à certaines thèses du marxisme, Sartre n’a jamais été communiste. En plus la citation sortie de son contexte que vous nous présentez pour nous faire haïr Sartre, est largement modifiée. Vous ne nous informez donc nullement sur Camus ou Sartre, en revanche vous nous informez sur l’état de votre ignorance et de votre honnêteté.


                    • Jean Keim Jean Keim 8 novembre 2013 08:43

                      La seule philosophie qui vaille est celle qui nous révèle l’inanité des idées.


                      • Hervé Hum Hervé Hum 8 novembre 2013 13:33

                        La seule philosophie qui vaille est celle qui nous révèle l’inanité des idées.

                        Hum, je serai curieux de connaître la philosophie qui vous fait affirmer cela ???


                      • lloreen 8 novembre 2013 23:35

                        Je voudrais profiter de votre article pour rendre hommage à une grande dame, Sylvie Simon qui a rejoint l’ autre rive ce matin.

                        http://www.youtube.com/watch?list=UUN1FGJs3KgPwm4CRFwLo5TQ&v=QynrV1jcClw

                        Merci pour son combat.


                        • sam turlupine sam turlupine 10 novembre 2013 13:13

                          mais keskidi ? 



                        • bert bert 10 novembre 2013 01:19

                          http://www.monde-diplomatique.fr/2000/11/SAID/14483.html


                          tout compte fait un mauvais écrivain au service de l’EMPire smiley
                          reste une bonne chanson de tuxedomoon.....


                          • sam turlupine sam turlupine 10 novembre 2013 13:39

                            Votre lien renvoie à l’article d’un pseudo « analyste », totalement à côté de la plaque. Un de ces nombreux contemporains de Camus, qui, n’y ayant rien compris, ont continué d’entretenir vis à vis du Prix Nobel, une jalousie, qu’ils ont toujours essayé de justifier par des arguments bidons. 


                            Camus n’était en rien un défenseur de la colonisation de l’Algérie : il l’explicite très clairement dans les « Chroniques algériennes » : il était partisan d’une Algérie unifiée, où les arabes et les français vivraient avec les mêmes droits, et il s’est déclaré, dès 1952, pour une « décolonisation des esprits » en Algérie. 

                            En 1955, il écrit : « Je sais ! il y a une priorité de la violence. La longue violence colonialiste explique celle de la rébellion. 
                            Vous pouvez lire ceci 

                            Votre réflexion est donc totalement caricaturale, outrancière, stupide, .... et FAUSSE ; 

                            Quant à votre appréciation de »mauvais écrivain", elle ne fait que prouver votre incompétence totale en littérature, ou votre incompréhension, ou votre mauvaise foi. 

                            Vous auriez mieux fait de vous taire, plutôt que d les exposer ici. 


                          • volt volt 11 novembre 2013 11:23

                            Belle discussion qui change le monde, on n’est pas si à vau-l’eau que ça.

                            Et ça tiendrait à camus ?

                            Bien sûr, le « philosophe de terminales », celui qu’il fallut tuer non de sa propre violence comme on a osé si joliment, mais celui qui se fait tuer d’avoir les mains trop kant, trop propres, trop juge surtout devenu, cet homme de la deuxième guerre mondiale ? mais non, aucunement, c’est toute la première prolongée, et souvent il n’est pas là le monsieur.

                            Alors bien sûr : fils direct de nietzsche à la mamelle, mais pas comme bataille, sans kojève, pas sa peau sur la table comme céline, voilà pourquoi il finit dans l’arbre ; à tout instant peut se révéler que la seule supercherie bruyante alentour n’était autre que le fœtus tartre, gesticulant un poème de larangon devant la triolette en extase, belle bande de cons, et camus est là, sourire loin, main posée sur le plancher chez picasso, il tient tout leur sol, et le fœtus tartre assis alors comme un enfant désoeuvré, et dans un coin lacan, à l’époque où il ose des choses sur héraclite, discret, et même picasso écrit des poèmes, camus lui, écrit « l’été » et « l’envers et l’endroit », ses amandiers sont d’empire, ils tiendront cette tempête.

                            Ce sur quoi souvent, il y a silence tout de même ; c’est camus et les femmes, et Ses femmes, et qu’on en cause entre deux saint-ex, des discrets petits princes, sur la question de ce combat… puis de saint-augustin surtout, comment le latiniste était grec en fait, d’où la fulgurance de son nietzsche .

                            Il est l’afrique dans ses paradoxes, et ainsi en europe, il peut culminer dans un arbre, il ne peut s’installer impunément. Bien sûr il fait du chromo, comme dirait céline, il a saisi les rouages, il croit un instant pouvoir s’en amuser, et sans doute manque à son message ? non plus, car la pensée de midi requiert en fait une gymnastique titanesque, et voilà ce qui ne peut durer, il faut situer sa mort selon l’homme révolté, qui clôture et culmine. 

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