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Discriminer pour mieux protéger ou protéger pour mieux discriminer ?

(Face aux hypocrisies de l’universalisme républicain, la discrimination positive est-elle une solution ? Le cas du mariage homosexuel & la question des nègres en France)

 
 Total Respect fait état sur son blog d’un courriel dérangeant en date du 9 février. Il émane d’une syndicaliste réagissant à un communiqué où la fédération rappelait au président de la République sa promesse d’un « contrat d’union civile », lequel, réservé aux couples de même sexe, aurait dû leur apporter l’égalité successorale, sociale & fiscale (le Conseil constitutionnel venant au contraire de rendre, le 28 janvier, une décision légitimant l’inégalité actuelle en ces domaines). Le courriel de cette syndicaliste expose ses efforts pour étendre aux couples pacsés les avantages offerts par son entreprise aux couples mariés : en vain car, lui a-t-on opposé, ceux-là peuvent se marier, après tout, & dès lors il ne revient qu’à eux de le faire pour ainsi bénéficier de tels avantages. Lorsqu’elle a timidement souligné que les couples homosexuels ne pouvaient pas, précisément, se marier (la décision précitée du Conseil constitutionnel le confirme à qui en doutait), patrons & collègues s’en sont étonné/e/s avant d’écarter la question sans autre forme de procès (comme le Conseil constitutionnel, après tout). Notre syndicaliste s’interroge : devrait-elle revendiquer dans son entreprise, pour les couples pacsés de même sexe uniquement, les avantages réservés aux couples mariés ?
 
 L’universalisme républicain, un mythe intéressé ?
 
 Le problème est qu’il s’agirait d’une discrimination positive & qu’en France, c’est mal, parce que ce n’est pas conforme à « l’universalisme républicain » (pour faire simple : « UR », un truc que personne n’a vu mais qui permet aux indigènes du VIIème ou XVIème arrondissement de Paris de faire croire à ceux des ghettos urbains du « 9-3 » que depuis le 14 juillet 1789, ils partagent la même vie, les mêmes voitures, les mêmes maisons de campagne, les mêmes cliniques privées de luxe, la même École alsacienne pour leurs enfants, la même Croix Catelan pour leurs ados etc.).
 
 D’où le dilemme de notre amie syndicaliste qui croyait dur comme fer à l’UR : « J’avais toujours lu que les partenariats ouverts à tous passaient mieux auprès du reste de la population [que ceux] réservés aux homos, perçus comme potentiellement stigmatisants, [puisque] tout le monde connait des hétéros pacsés ». On n’est pas loin de l’assimilationnisme intériorisé - cette volonté d’être lisse, cette pression exercée de l’intérieur sur les minorités pour qu’elles gomment ce qui fait leur différence en renonçant à toute revendication égalitaire. Petit exemple d’assimilationnisme intériorisé relativement réussi : Fritz Haber (1868-1934), juif allemand converti au protestantisme & prix Nobel de chimie, inventeur des gaz de combats pour le Deuxième Reich durant la Première Guerre mondiale & précurseur du Zyklon B qui servit à exterminer les personnes juives dans les chambres à gaz du Troisième (Reich) durant la Seconde (Guerre mondiale).
 
 Notre syndicaliste liste ainsi les conséquences concrètes de l’homophobie d’État entérinée par le Conseil constitutionnel ou par le refus de Nicolas Sarkozy de tenir sa promesse électorale : « Pour les questions de prime (deux mois de salaire moyen dans ma boite pour un mariage), de jours de congés supplémentaires mais aussi, dans le cas de travail à temps partiel, là ou le mariage & le concubinage sont reconnus comme rupture de l’amendement au contrat de travail (en cas de décès du conjoint ou du concubin pour reprendre à temps plein par exemple), le pacs est ignoré ! »
 « Tant pis si c’est perçu comme discriminatoire »
 
 Sa conclusion : « J’en viens à penser que, dans un contexte professionnel, l’égalité homos/hétéros dans le pacs est discriminatoire & invisibilisante pour les couples homos alors qu’un contrat d’union civile [réservé aux homos] serait égalitaire puisque rappelant que nous existons ! En clair, tant qu’on n’a pas le mariage homo, à bas le pacs ! J’avoue que cela me fait drôle, moi qui ai toujours revendiqué une stricte égalité de droits, mais je compte proposer à mon syndicat de faire le distinguo entre les couples pacsés homos & hétéros dans les propositions pour l’accord d’entreprise de ma boite. Et tant pis si c’est perçu comme discriminatoire. »
 
 Tabou, ce discours est pour ainsi dire interdit dans le milieu LGBT (lesbien, gai, bi & trans) puisqu’il prend le contrepied de l’exigence d’égalité « formelle » (légale) présentée depuis trente ans par les associations en vue (sagement conformes au mythe de l’UR). Les arguments de notre amie sont pourtant parfaitement légitimes : obtenir pour les couples pacsés homosexuels (qui n’ont pas le choix du mariage) les mêmes droits que ceux réservés aux couples mariés & donc plus de droits que les couples pacsés hétérosexuels (qui ont le choix du mariage).
 
 La réponse de Total Respect ? « Nous n’avons pas de leçon de syndicalisme à te donner. Plus nous avançons, plus nous constatons que le mythe de l’universalisme républicain à la française est de la merde (ceci dit sans vouloir insulter la merde), c’est-à-dire quelque chose à laisser derrière nous & dans lequel nous ne pouvons respirer. Il suffit de traverser le périphérique ou, visiblement, de mettre les pieds dans ton entreprise pour s’en rendre compte. Ta revendication aurait même à nos yeux le mérite de le mettre clairement en évidence.
 
 À gauche toute ?
 
 « Cependant, comme pour la merde, quelque chose dans le mythe précité est fertile & doit être conservé : c’est l’exigence d’égalité. Pour cela, nous pourrions te recommander d’assortir ta revendication d’une clause explicite de nullité d’office au jour où les homosexuel/le/s auront le droit au mariage. Ainsi, tu ferais d’une pierre deux coups : d’une part, obtenir des droits concrets & progresser vers l’égalité réelle ; d’autre part, rappeler noir sur blanc que le but est bien l’égalité réelle & formelle sans discrimination aucune. Cela reviendrait évidemment à admettre provisoirement le principe de la discrimination, fût-elle positive. C’est un débat bien connu & certain/e/s considèrent que cela reviendrait à faire entrer le loup dans la bergerie (à renforcer notre situation à court terme pour mieux l’affaiblir à long terme). Pour notre part, nous considérons que le loup, la louve & les louveteaux sont déjà depuis longtemps dans la bergerie : la situation sociale (réelle) & légale (formelle) des personnes homosexuelles est déjà lourdement inégale & discriminante & ce n’est pas en continuant à se masturber (fût-ce intellectuellement) sur l’universalisme républicain qu’on l’arrangera, sur le thème : souffrez, souffrez, souffrez maintenant mais conservez l’espérance car à long terme l’égalité inscrite dans les gènes de la République française finira par triompher & vous apporter l’égalité réelle & formelle. C’est le coup de l’horizon radieux, en fait, comme dans le christianisme ou le stalinisme mais c’est bon, on nous l’a déjà fait. Comme le disait Keynes, à long terme nous sommes tou/te/s mort/e/s : bossons maintenant pour améliorer notre situation maintenant. »
 
 Face à la jurisprudence homophobe du Conseil constitutionnel, confirmée le 29 juillet encore sur la question du droit à pension de réversion, les militant/e/s LGBT pourraient faire un choix : soit continuer à croire en l’UR & penser qu’à la prochaine alternance politique, le mariage homosexuel sera légalisé, penser même peut-être que le principe de neutralité de la loi par rapport à l’orientation sexuelle sera inscrit dans la Constitution, soit jeter l’UR aux orties & exiger un contrat similaire au mariage mais qui ne serait pas le mariage afin d’obtenir maintenant l’égalité des droits réels. Simplement, ce débat semble tranché & enterré depuis l’adoption du pacs en 1998, alors perçu comme une sorte de préambule historique à l’ouverture du mariage. Cela va faire treize ans que le préambule dure : les militant/e/s LGBT de gauche considèrent comme acquis qu’en changeant de bord en 2012, la France franchira le pas (ils ont d’ailleurs probablement raison, le Parti socialiste l’a trop promis) ; les militant/e/s LGBT de droite rasent les murs (ils ont d’ailleurs probablement raison, Nicolas Sarkozy a trop peu tenu les promesses qu’il leur a faites) & n’osent plus promouvoir leur champion tant l’Union pour un mouvement populaire (drôle de nom d’ailleurs, qui signifie littéralement que des personnes s’assemblent sans trop y croire pour tenter de rendre populaire un mouvement dont elles savent qu’il ne l’est pas) semble orientée à droite toute, curseur bloqué, dominée par les poètes de la so-called « Droite populaire » (tristement plus confiants, littéralement parlant, en leur popularité).
 
 La promotion de la liberté individuelle est pourtant une idée de droite - d’une certaine droite, libérale - mais visiblement ce n’est guère la vision en vogue rue de la Boétie. À gauche toute alors, l’électorat LGBT ? Pas gagné car l’un des secrets honteux de « la » communauté LGBT (si tant est que l’expression ait un sens), c’est que bien des personnes LGBT n’ont que faire du mariage voire des revendications d’égalité, s’accommodant souvent de la petite honte quotidienne de l’homophobie subie. Elles aussi font de l’assimilationnisme intériorisé (de l’homophobie intériorisée), pour ne pas parler d’autres personnes LGBT qui assument tranquillement un discours hostile à l’égalité réelle.
 
 Tu seras égal, mon fils
 
 La question est à peu près la même pour les minorités ethniques, singulièrement les noir/e/s. Lors de rencontres culturelles organisées le 23 novembre dernier par Total Respect autour de la question des artistes noir/e/s & métis/ses LGBT, les participant/e/s concluaient à regret à la nécessité de quotas pour promouvoir, ne serait-ce qu’à titre transitoire, ces artistes. Même question mais pas même réponse : autant le mariage pour les homosexuel/le/s est à peu près acquis dès la prochaine alternance politique, autant des quotas pour les minorités ethniques semblent exclus pour les trente prochaines années, tant à droite qu’à gauche. Pas touche à mon UR : tu seras égal, mon fils - pour le meilleur & pour le pire.
 
- - -
David Auerbach Chiffrin,
président de Total Respect - Tjenbé Rèd Fédération
- - -
Remerciements : Béatris, Jann & Teddy

 

 Références :
 
 [1] 9 février 2011 - Le président de la République demain sur TF1 : Total Respect - Tjenbé Rèd Fédération interroge Nicolas Sarkozy sur les droits des homosexuels - Communiqué de presse n°TRF2011-09
 http://www.tjenbered.fr/2011/20110209-00.pdf [fr]
 http://www.lepost.fr/ [fr]
 http://devantlatele.com/tf1/status/1111751 [fr]
 
 [2] 9 février 2011 - « L’égalité est discriminatoire » (Échange avec une syndicaliste)
 http://www.tjenbered.fr/blog
 
 [3A] 29 janvier 2011 - Monsieur Debré, vous avez sali la Constitution (Lettre au président du Conseil constitutionnel suite à une décision qui légitime l’homophobie d’État) - Communication n°TRF2011-08
 http://www.tjenbered.fr/2011/20110129-00.pdf [fr]
 http://www.lepost.fr/ [fr]
 
 [3B] 28 janvier 2011 - Décision n°2010-92 QPC du Conseil constitutionnel portant interdiction du mariage entre personnes de même sexe
 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/accespar-date/decisions-depuis-1959/2011/2010-92-qpc/decision-n-2010-92-qpc-du-28-janvier-2011.52612.html
 http://www.tjenbered.fr/2011/20110128-79.pdf
 
 [4A] 29 juillet 2011 - Décision n°2011-155 QPC du Conseil constitutionnel confirmant l’exclusion des couples non mariés du droit à pension de réversion
 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2011/2011-155-qpc/decision-n-2011-155-qpc-du-29-juillet-2011.99251.html
 http://www.tjenbered.fr/2011/20110729-98.pdf
 
 [4B] 29 juillet 2011 - Les Sages justifient les différences de régime entre concubins, pacsés & mariés (Le Monde)
 http://www.lemonde.fr/imprimer/article/2011/07/29/1553978.html
 http://www.tjenbered.fr/2011/20110729-99.pdf
 
 [4C] 30 juillet 2011 - Les pacsés interdits de pension de réversion (par Charlotte Rotman, dans Libération)
 http://www.liberation.fr/societe/01092351781-les-pacses-interdits-de-pension-de-reversion
 http://www.tjenbered.fr/2011/20110730-99.pdf
 
 [5] 6 octobre 2010 - Décision n°2010-39 QPC du Conseil constitutionnel confirmant la prohibition de l’adoption au sein d’un couple non marié
 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2010/2010-39-qpc/decision-n-2010-39-qpc-du-06-octobre-2010.49642.html
 http://www.tjenbered.fr/2010/20101006-79.pdf (décision)
 http://www.tjenbered.fr/2010/20101006-78.pdf (communiqué de presse)
 http://www.tjenbered.fr/2010/20101006-77.pdf (Les Cahiers du Conseil constitutionnel)
 http://www.tjenbered.fr/2010/20101006-76.pdf (dossier documentaire)
 
 [6] 24 juillet 2011 - Photographie de Michael Johnson (en rouge & noir) & Michael Roberts (en rouge & blanc) lors des premiers mariages homosexuels de l’État de New York (Gaylife.about.com)
 http://www.tjenbered.fr/visuels/20110724_new_york_michael_johnson_michael_roberts_1.jpg
 
 [7] 26 octobre 2010 - Mardi 23 novembre à Paris : Quelle place pour les artistes noir/es & métis/ses LGBT dans la culture française ? (Secondes Rencontres culturelles de Tjenbé Rèd - Débats, projections, lectures, performances d’artistes) - Communiqué de presse n°TR10SOC19
 http://www.tjenbered.fr/2010/20101025-00.pdf [fr]
 http://www.tjenbered.fr/2010/20101025-09.pdf [en]
 http://www.lepost.fr/ [fr]
 http://lezcommunity.ning.com/events/conference-quelle-place-pour [fr]
 http://www.zelink.com/ [fr]
 http://balawou.blogspot.com/2010/11/quelle-place-pour-les-artistes-noires.html [fr]

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5 réactions à cet article    


  • velosolex velosolex 13 août 2011 14:51

    Toutes ces petites tribus brulants leur énérgie pour défendre le droit d’inverser leurs chaussures, et radicalisant leur esprit de lutte dans des combats annexes, et parfois renversants ( au nom de la liberté individuelle défendre le droit de porter un tchador, expression de l’aliénation des femmes !!! ) sont bien l’expression d’une société clivé de toutes parts par des nombrilismes finissant par détruire l’esprit commun.



      • non667 13 août 2011 18:24

        ras le bol des lgbt
        je leur reconnais le droit à l’indifférence (qu’ils s’emmanchent tranquile chez eux tant qu’ils veulent !!!) mais alors qu’ils arrêtent de nous les briser menues avec leur gay pride ,leur revendication du mariage, du droit à l’adoption (approvisionnement en chaire fraiche ???? ) la nature ne les a pas fait hermaphrodites ils peuvent faire des paires mais jamais des couples ! smiley smiley smiley


        • anty 13 août 2011 20:37

          Après le mariage et l’adoption d’autres revendications se profilent tout aussi valables et tout aussi brisent bonbons...


          • polo 16 août 2011 08:35

            L’union d’un homme et d’une femme est différente de l’union de deux hommes ou de deux femmes, sauf à considérer que l’homme est identique à la femme. 
            On ne peut donc donner un même statut juridique à ces deux unions, sauf à considérer que dans l’union de deux êtres, ce qui est important c’est le chiffre deux. 
            C’est pourtant ce que veulent les partisans du mariage gay. 
            Si l’ on considère qu’un homme est identique à la femme, on pourra difficilement expliquer à nos enfants que le bien est différent du mal, que 1 + 1 ne font pas trois. 
            Le mariage homosexuel est une régression pour la civilisation.

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