La bipédie ne leur donne pourtant pas de hauteur
Ainsi sont-ils !
Ils se sont élevés sur leurs deux pattes de derrière, pour avoir quelque hauteur de vue, une posture qui était censée leur donner de l’importance afin de gouverner le Monde et tous les autres animaux. Ils se sont pensés maître de la Planète, l’ont pliée à leurs désirs sans jamais se soucier des autres locataires de la maison commune. Ils ont pillé les ressources, usé de leur pouvoir, tué ou bien mis en esclavage le reste de la création. Ils se sont pensés à l’image du créateur, immense prétention que celle-ci !
Ils ont pourtant construit de belles aventures, parcouru bien des chemins depuis que l’un d’eux s’est dressé pour agrandir son horizon. Ils ont marché, toujours plus loin, avec cette farouche volonté de ne jamais s’arrêter tant que des espaces nouveaux étaient à découvrir. Pour se faire, ils ont tué, volé, guerroyé, violé et pire encore. Ils n’avaient de cesse que d’imposer leur volonté sans jamais refréner leurs désirs.
Ils étaient humbles au tout début, trouvant protection et refuge dans les entrailles de la terre. C’était encore pour eux ? le temps de la dévotion pour dame nature et tous leurs congénères. Sur les parois de leur demeure, ils peignirent les animaux, leurs frères de la création. D’abord hésitants, respectueux, leurs traits furent de plus en plus sûrs, précis. Ils avaient pourtant cette volonté farouche d’honorer les autres tout en s’effaçant devant ces merveilles.
Puis ils finirent par sortir du cadre qu’ils s’étaient fixé. En sortant de la caverne, ils devinrent leur principal sujet de préoccupation. Ils firent peinture d’eux-mêmes, d’abord des autres avant que de considérer que le sujet principal de leur adoration était eux-mêmes. Ils n’ont jamais cessé depuis de se regarder du nombril à la face, sans jamais affronter la réalité en face.
Pour compléter le tableau, sortir des sentiers battus, ils ont quitté leurs demeures ou bien les musées pour retourner sur les murs. Cette fois, c’est à la bombe qu’ils souillèrent l’espace commun, qu’ils imposaient leurs traces, dans des cités où il n’y avait plus de place pour les autres espèces. Celles-ci d’ailleurs qui s’éteignaient les unes après les autres sont les coups de boutoir d’une civilisation de la honte.
Mais nous n’avions pas tout vu. La peinture fut délaissée. Leur image devenait désormais le seul vecteur de communication. Ils se photographiaient, non plus les uns les autres, mais eux-mêmes en une immense parodie de leur extraordinaire vacuité. Nombrils du monde, ceux qui marchaient sur leurs pattes de derrière, s’en pensaient le centre tout autant que l’unique expression qui méritait de survivre. L’anthropocène est en marche, plus une seule autre espèce allait leur survivre.
Ils occupaient désormais leurs loisirs à se photographier, à envoyer leur image, dans toute la planète, à d’autres hurluberlus qui faisaient de même. L’image avait remplacé la pensée, la réflexion se limitant à cet effet de miroir que permettait l’instrument du diable, le portable insupportable, paradigme de leur décrépitude mentale.
Pourtant l’espèce n’était pas au bout de ses peines. Elle s’était déjà mise à ras de terre, elle connut sa périgée quand une idole, un être de papier, un pauvre chanteur agité abandonna cette vallée de larmes. L’hystérie gagna une nation toute entière, un deuil national, ou peu s’en faut, fut décrété pour celui qui n’avait rien fait d’autre que se contorsionner en beuglant des paroles qui n’étaient même pas de lui.
Le ridicule était à son comble, du moins c’est ce que pensaient les rares humains qui restaient lucides quand le coup de grâce fut donné par celui qui se prétendait en marche vers un avenir plus radieux. L’homme, au bout de la honte et de son imposteur mental, évoqua Victor Hugo pour honorer un être de pacotille si peu exemplaire. La boucle était bouclée, l’âge de cavernes pouvait revenir et ceux qui jusqu’alors se tenaient encore debout, pouvaient à nouveau ramper au ras du sol. La fin de l’évolution était venue, la décadence était désormais à l’ordre de la société nouvelle.
Pour sauver ce qui pouvait l’être encore, la femme du guide suprême devint la marraine un panda, démontrant ainsi son sens des priorités. Vaine et ultime agitation d’une société à l’aboi. Il était trop tard, les jeux étaient faits, rien n’allaient plus chez les humains. Ils avaient tenu jusque là par la force de leur intelligence, la décrépitude de celle-ci annonçait la fin de leur règne.
Décrépitudement leur.
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