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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > Loi relative à la prévention de la délinquance et informations (...)

Loi relative à la prévention de la délinquance et informations confidentielles

Publiée le 7 mars 2007, la loi relative à la prévention de la délinquance(1) organise la transmission de données personnelles à caractère social entre les professionnels de l’action sociale(2), le maire et le président du Conseil Général, l’institution d’un conseil pour les droits et devoirs des familles et la création d’un fichier communal d’assiduité scolaire.

La transmission des données sociales entre le maire, le président du Conseil Général et acteurs sociaux

L’article 8 de la loi relative à la prévention de la délinquance insère dans le Code de l’action sociale et des familles un nouvel article L. 121-6-2, qui définit le cadre dans lequel les professionnels de l’action sociale peuvent partager entre eux des informations confidentielles et les transmettre au maire ou au président du Conseil Général.

Le Conseil Constitutionnel, saisi sur le fondement du respect de la vie privée(3), a tout d’abord rappelé que le législateur a prévu, dans certaines hypothèses, de délier les intervenants de l’action sociale du secret professionnel afin de mieux prendre en compte l’ensemble des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille et de renforcer l’efficacité de l’action sociale, à laquelle concourt une coordination accrue de ces différents intervenants.

Le Conseil des sages a ensuite considéré, au regard du respect de la vie privée et des exigences de solidarité, que le législateur avait suffisamment encadré les modalités de transmission des données personnelles en prévoyant que :

- Un professionnel de l’action sociale doit transmettre des informations confidentielles au maire de la commune de résidence ou au président du Conseil Général que « lorsque l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille appelle l’intervention de plusieurs professionnels »(4) ;

- Les professionnels intervenant auprès d’une même personne ou d’une même famille, ainsi que le coordonnateur désigné par le maire, ont l’autorisation de « partager entre eux des informations à caractère secret, afin d’évaluer leur situation, de déterminer les mesures d’action sociale nécessaires et de les mettre en œuvre », dans la limite « strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission d’action sociale »(5) ;

- Le professionnel agissant seul ou le coordonnateur sont autorisés à délivrer ces informations confidentielles au maire, au président du Conseil Général, ou à leur représentant(6) que si elles « sont strictement nécessaires à l’exercice de leurs compétences »(7) ;

- La communication de ces informations à des tiers est passible des peines prévues à l’article 226-13 du Code pénal(8) .

Au regard de la loi Informatique et Libertés, l’ensemble de ces dispositions instituent de fait des échanges de données à caractère personnel, susceptibles de constituer un traitement automatisé de données sensibles soumis à autorisation préalable de la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL).

En ce sens, la CNIL a rappelé, dans le cadre de son avis consultatif sur le projet de loi, que « les traitements comportant des appréciations sur les difficultés sociales des personnes sont soumis à autorisation préalable de la Commission » et doivent s’effectuer « dans des conditions garantissant tout particulièrement la confidentialité des données »(9).

Les élus devront donc prendre toutes précautions utiles pour garantir la confidentialité et la sécurité de ces données sensibles et certainement supprimer certaines d’entre elles lors des échanges. A défaut, leur demande d’autorisation pourra être refusée par la CNIL, qui a estimé que la communication au maire « de l’ensemble des données relatives aux difficultés sociales de ses administrés, apparaissent, compte tenu de leur caractère très général, disproportionnées au regard des objectifs poursuivis »(10). En effet, selon le principe de proportionnalité de la loi Informatique et Libertés, les données collectées et traitées doivent être « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs »(11) .

 ? Le conseil pour les droits et devoirs des familles

Ce conseil, mis en place par délibération du conseil municipal, a pour mission de dialoguer avec les familles, leur adresser des recommandations et proposer des mesures d’accompagnement parental.

Ainsi, lorsqu’il ressort de constatations ou d’informations portées à la connaissance du Conseil que l’ordre, la sécurité ou la tranquillité publics sont menacés à raison du défaut de surveillance ou d’assiduité scolaire d’un mineur, le maire peut proposer aux parents ou au représentant légal du mineur concerné un accompagnement parental. Dans ce cas, le maire doit solliciter l’avis du président du Conseil Général, en informer l’inspecteur d’académie, le chef d’établissement d’enseignement, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales et le préfet(12).

Le conseil pourra également proposer que les professionnels et les tiers concernés soient informés de ses recommandations et des engagements pris par la famille dans le cadre d’un contrat de responsabilité parentale signé avec le président du Conseil Général (ce contrat doit être porté à la connaissance du conseil pour les droits et devoirs des familles)(13) .

Dans le cadre de l’avis précité, la CNIL a émis une réserve sur ce dispositif de signalement des mineurs et des familles à problèmes résidant dans la commune, dans la mesure où il a été institué sans qu’aucune garantie soit apportée « ni sur l’origine des informations qui seraient utilisées pour procéder à ce signalement, ni sur les critères déclenchant ce signalement, ni sur les modalités de transmission et de traitement des informations et la nécessaire confidentialité de celles-ci ». A titre d’exemple, les destinataires « tiers concernés » n’ont pas été définis par la loi.

En conséquent, les échanges de données nécessaires à la mise en place du Conseil pour les droits et devoirs des familles sont soumis à autorisation préalable de la CNIL, qui examinera avec vigilance les annexes « sécurités » et « échanges de données ».

 ? Le fichier communal d’assiduité scolaire

Afin de procéder, chaque année (à la rentrée scolaire), au recensement des enfants résidant dans sa commune et qui sont soumis à l’obligation scolaire, le maire peut mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux enfants en âge scolaire, qui lui sont transmises par les organismes chargés du versement des prestations familiales, ainsi que par l’inspecteur d’académie ou le directeur de l’établissement d’enseignement.

Ce traitement enregistrera les avertissements prononcés par l’inspecteur d’académie aux personnes responsables d’enfants ayant manqué la classe sans motif légitime ni excuses valables au moins quatre demi-journées dans le mois.

Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la CNIL, déterminera la liste des données à caractère personnel collectées, la durée de conservation de ces données, les modalités d’habilitation des destinataires ainsi que les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d’accès.

 ? Conclusion

Il est donc à regretter que le législateur n’ait pas suivi les recommandations de la CNIL, seule autorité administrative indépendante compétente pour garantir le respect de la vie privée de ses concitoyens.

Désormais, la loyauté et la sécurité de ces traitements reposent sur la volonté politique et la sensibilisation des élus et agents en charge de l’action sociale et éducative.

Nicolas Samarcq Juriste TIC Membre de l’AFCDP (www.afcdp.org) www.lexagone.com

1 Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, JORF du 7 mars 2007.

2 Article L. 116-1 du Code de l’action sociale et des familles : « (...) l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations ainsi que par les institutions sociales et médico-sociales au sens de l’article L. 311-1. »

3 Décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007 "Loi relative à la prévention de la délinquance".

4 Article L. 121-6-1 du Code de l’action sociale et des familles.

5 Article L. 121-6-1 du Code de l’action sociale et des familles.

6 au sens des articles L. 2122-18 et L. 3221-3 du Code général des collectivités territoriales.

7 Article L. 121-6-1 du Code de l’action sociale et des familles.

8 Article 226-13 du Code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ».

9Délibération n°2006-167 du 13 juin 2006, www.cnil.fr/index.php ?id=2089.

10 Ibid.

11 Article 6-3° de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, modifiée le 6 août 2004.

12 Article L. 141-2 du code de l’action sociale et des familles.

13 Articles L. 141-1 et L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles.


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14 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 29 mars 2007 10:17

    Enfin,ce gouvernement aura voté une loi pour lutter contre les détournements d’aides social.

    C’est un secrêt pour personne que les fraudeurs vivent très bien en France parce que les différents fichiers ne sont pas croisés.

    Combien de sommes d’argent public détourné par des escros chaques années ???

    Ensuite c’est un outil de traçabilité moderne pour un Etat moderne


    • TB (---.---.21.162) 29 mars 2007 11:43

      Encore une loi scélérate et liberticide votée en catimini pendant que JT nous inondent de la médaille d’or d’une Manaudou nageuse (rien à cirer), des sondages sur qui sera Président au 2d tour (rien à cirer) alors que rien n’est joué pour le 1er, de la béatification de popaul suite à un pseudo miracle guérison d’une nonne (rien à cirer et info bafouant la loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat sur un support public).

      Ce n’est ni plus ni moins qu’un système de délation, avec tout le fichage que cela implique, un retour à la case de l’oncle Philippe Pétain et son régime de Vichy.

      S’attaquer aux fraudes OUI ... mais à condition que les législateurs soient les 1ers à donner le bon exemple. Je veux savoir, là tout de suite comme le font par exemple les Finlandais, le coût des frais de bouche et de déplacements + autres de tous les ministres, parlementaires et maires des grandes agglomérations, président de Conseil Régional etc ...

      Tant qu’on ne peut les consulter, connaître tous les chiffres se jouant de nos impots directs et indirects, hors de question de légiférer sur quoi que ce soit.


      • aquad69 (---.---.100.34) 29 mars 2007 11:55

        Bonjour Nicolas,

        en clair, tout celà est le développement, encore embryonnaire, d’un système de contrôle général de chaque famille ; traçabilité, dit le commentaire précédent ; c’est en effet exactement de celà qu’il s’agit.

        Il faudrait être extraordinairement stupide pour y voir un bien pour le citoyen, car celà n’est rien d’autre qu’un outil, amené à se développer à l’indéfini, d’assujetissement de tous a un pouvoir administratif totalitaire.

        Et la raison invoquée est particulièrement grotesque : l’absentéïsme à l’école d’un enfant mettrait en danger l’ordre républicain ? Celà ressemble plutôt à l’utilisation de l’école pour l’instauration une sorte de couvre-feu général des jeunes.

        Celà a bien évidemment vocation à s’étendre, car il n’y a pas de limite à ce qui peut menacer « l’ordre républicain » : opinions, religions, origines, niveau social... Le simple fait d’être en mauvais termes avec son encadrement professionnel pourrait être l’occasion pour ces « responsables » sociaux, ces notables que sont les patrons et les maires de se rapprocher pour décider d’autorité des mesures à prendre pour gérer le trublion : en avant pour le développement de « stages de resocialisation » (en Sibérie ?) , comme il y a déjà des stages de conduite ou pour arrêter de fumer...

        Quand à la prétendue « garantie » de la consultation auprès de la CNIL, c’est à se rouler par terre de rire : quels moyens réels aurait-elle d’effectuer une telle fonction ?

        Vous avez aimé le stalinisme, vous allez adorer la société « libérale » dans ses développements prochains.

        Mais ce n’est que de la paranoïa, n’est-ce pas ?

        Cordialement Thierry


        • parkway (---.---.18.161) 29 mars 2007 15:10

          je suis comme vous aquad69,

          je rêve d’être parano,

          putain, mais c’est qu’un rêve...


        • parkway (---.---.18.161) 29 mars 2007 15:24

          M. SAMARCQ,

          comment peut-on empêcher de telles lois scélérates d’être vôtées par des élus qui ne représentent plus leurs électeurs ?

          Au nom de la démocratie, ne doit-on pas prendre des mesures illégales s’il le faut ? comme la confédération paysanne contre les OGM.

          faut-il une nouvelle révolution ?

          les politiques qui pondent ces lois, nous croient-ils si crétins ?

          ne sont-ils pas capables de vous entendre,vous, juristes experts en la chose ?

          Quand on en aura marre de poser des questions pertinentes sans réponses, que croyez-vous qu’il va arriver ?

          MERDRE !


          • TB (---.---.21.162) 29 mars 2007 16:23

            Oui ils « nous » croient si crétins. Et ils ont malheureusement raison de le penser. J’ai toujours accordé plus de considération à une meute de loups (l’oligarchie) qu’au troupeau de moutons (le peuple) qui se laisse dévorer sans réagir. Regardes combien nous sommes à visiter cet article qui met le doigt sur quelque chose de fondamental et le troupeau qui déblatère sur l’article « la gare du Nord ... ». Tellement plus simple de se défausser sur le thème de l’insécurité qui débarque enfin comme prévue par l’oligarchie, filet dans lequel le troupeau de blaireaux se rue.


          • Maxou (---.---.208.241) 30 mars 2007 13:25

            TB, tes propos négationistes n’y changent rien. Tu as tort, et ce n’est pas soutenir la palestine contre israel ou nier ce qui s’est passéil y a 50 ans qui changera quelque chose !


          • TB (---.---.21.162) 30 mars 2007 14:18

            Maxou .............. ?????????!!!!!!!!!!!!!

            Palestine Israêl ... Je n’en ai jamais parlé. Ce que j’en pense ? Rien, situation inextricable. Les religieux et les moutons de tous bords me soulent.

            Tu es sûr que tu ne me confonds pas avec un(e) autre ? ....


          • (---.---.84.240) 29 mars 2007 22:48

            Loi liberticide et lamentable. Notre apprenti furieux qui vient de quitter l’interieur doit etre ravi. Deja qu’il a obtenu le prelevement d’ADN pour des delits mineurs afin d’augmenter ses fichiers.

            Le pire est qu’on n’ecoute meme plus l’avis de la comission informatique et Liberte. Big Brother est deja la, il ne manque plus qu’un cingle au pouvoir et bonjour le beau monde totalitaire... toutes les techniques sont en places, il ne reste qu’a les exploiter


            • Le vénérable du sommet (---.---.113.123) 30 mars 2007 05:36

              Je commence à me dire que la pénurie de pétrole et le réchauffement climatique n’arrivent pas à point pour nous sauver de ces « sauveurs de la croissance et de l’identité national ».


              • Le vénérable du sommet (---.---.113.123) 30 mars 2007 14:31

                EDIT : Je commence à me dire que la pénurie de pétrole et le réchauffement climatique arrivent à point pour nous sauver de ces « sauveurs de la croissance et de l’identité national ».

                Désolé smiley


                • Milla 30 mars 2007 15:05

                  @ l’auteur

                  il y a eu une émission hier soir, sur les académies aux états unis, ça à l’air de « marcher droit »... obéissance, études, politesse, respect...

                  peut être un retour à « l’armée » possible en France... qui sait ?

                  Milla


                  • (---.---.149.181) 30 mars 2007 15:11

                    Mais si cette loi sert à calibrer les moyens et l’aide nécesaire à des personnes débordés dans leur vie au quotidien, le drame serait vite anticipé et espérons écarté, et dois je signaler que toutes mesures sur le partage du secret professionnel est par essence risquées avec ou sans garantie procédurale administrative. Le code pénal existe et la procédure pénale aussi pour réprimer les abus en cas de manquement...cordialement


                    • FabienL (---.---.212.217) 9 avril 2007 09:24

                      Bonjour,

                      je suis travailleur social. Cela fait plusieurs années qu’on se bat contre cette loi, qui était dans les tuyau depuis un bon moment.

                      Les premiers pré-projets étaient encore plus liberticide que la loi finale.

                      Le plus gênant dans tout ça, c’est l’amalgamme sournois qui est fait entre délinquance et personne en difficulté sociale. Comme si l’une et l’autre notion se recouvrait.

                      De plus, pour connaitre le fonctionnement des commissions de coordination gérer par les municipalités, c’est du grand n’importe quoi bien souvent. Ainsi, les commissions locales de sécurité, ou les informations divulguées sont censées être confidentielles. Les élus ne respectent pas du tout cette règle. Quand vous songez que les mêmes élus siègent par exemple au commission d’attribution de logement, vous hésitez beaucoup à leur donner des infos.

                      Loi qui sera inutile dans son objet, et dangereuse pour les libertés individuelles.

                      Quand au commentaires sur la fraude aux prestations sociales, je ne vois pas ce qu’il vient faire ici. Hors sujet.

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