Passer la main

Certains feraient bien de s'en dispenser.

Il se peut qu'on se permette de féliciter celui ou celle qui saisit le moment opportun pour mettre un point final à sa carrière avant de connaître l'échec ou la déchéance. Dans pareil cas, il est une expression qui revient en affirmant sentencieusement qu'il y a du talent et de la classe à passer la main après sans doute avoir levé le pied, pour préparer progressivement cette sortie de route.

Curieusement la formule ne précise pas où passe cette main qui entend sombrer dans l'oubli ou pour le moins se ranger des affaires. Est-ce ainsi une main qui file un mauvais coton ou bien encore la crainte de continuer avec une mauvaise main accélère cette envie de tirer sa révérence ? L'âge, la fatigue, la maladie ont peut-être donné un coup de main pour prendre cette décision mais personne n'en saura rien…

La main comme tout le reste d'ailleurs passe. Vient ensuite le temps de l'après, celui durant lequel on s'éloigne à petit pas de cette existence publique durant laquelle l'on vit pied au plancher après avoir fait des pieds et des mains durant une époque inaugurale avant d'atteindre la lumière qui va s'éteindre progressivement.

C'est en tournant les talons sans se retourner par trop exagérément sur son parcours que l'on cesse d'avoir son avenir devant soi. Quand la main passe débute le compte à rebours pour confirmer que si tout passe et tout lasse, tout finit aussi par trépasser. C'est alors un petit salut de la main avant le grand adieu qui est notre lot à tous.

Il est permis de faire des pieds de nez à la camarde, celle-ci saura attendre son heure avant de vous passer la main dans le dos pour vous prendre par la main, les pieds devant, pour l'ultime voyage. Quitter la scène de son vivant, prendre sa retraite pour le commun des mortels mais plus encore, décider qu'il est temps de renoncer aux responsabilités et aux honneurs, est une sage décision.

Pourquoi faut-il alors, continuer de vouloir tenir un rang qui n'est plus le sien, chercher toujours à figurer sur la photographie de presse, prendre la parole sans y avoir été convié, pérorer et continuer de prendre position à tout bout de champ ? Quand la main est passée, il n'est plus besoin de piocher dans le chien pour reprendre des cartes. Le mieux est de faire le mort avant l'heure.

J'en sais un qui a passé la main et qui aime encore à s'offrir quelques facéties graveleuses avec une autre main plus baladeuse qu'il ne faudrait. Il est pathétique dans ce cas mais trouve encore bien des gens pour justifier son comportement par l'envie de se maintenir en vie et en envie, de prouver qu'il est permis de prendre son pied après avoir passé la main.

La main qui s'insinue, le propos qui dérange, le propos coquin susurré dans le creux de l'oreille, l'invite déplacée mériteraient des coups de pieds au séant et des mains au collet de l'indigne personnage. La concupiscence de ce pauvre hère ne mérite pas de se retrouver avec une main courante loin des fesses qui semblent être son nouveau terrain de jeu. Ce billet restera abscons à dessein quoique ce n'est pas la partie anatomique qui attire cette main qui passe et file en dessous du coton.

Avec certains personnages, la prudence est de mise tant ils ont encore le bras long comme l'attestent du reste les quelques privautés dont ils usent avec cette main qui outrepasse la décence et les bonnes manières. À bon entendeur salut.