Remplir son devoir électoral
Le silence des urnes ...
La bouteille à la mer.
Je viens de remplir mon devoir électoral comme disent nos chers commentateurs de la chose publique. Sans conviction ni enthousiasme, tellement habitué à ce que mon vote de protestation ne serve finalement à rien, dans un système verrouillé qui ne fait pas place à la diversité des opinions. J'envoie ainsi une bouteille à la mer dans un océan d'indifférence et de mépris. Je m'y suis fait depuis le temps mais malgré tout, je suis de plus en las de ce geste désespéré.
Mais revenons, si vous le voulez bien, sur cette action étrange que l'on fait à la sauvette un dimanche. J'aime à me rendre dans un bureau de vote au petit matin, afin de ne pas faire la queue. Il est d'ailleurs étrange d'aller au bureau le dimanche, comme s'il y avait quelque chose de laborieux dans ce geste qui devrait, tout au contraire, être un plaisir et non une corvée.
La suite renforce cette terrible impression expliquant sans doute le déplaisir éprouvé par tant de nos concitoyens qui ont fini par renoncer à ce pensum. Si vous ajoutez que tout, ou presque, est systématiquement accolé à la navrante appellation de « devoir » vous comprendrez mieux la fuite des motivations. Ce terme est lourd d'un passé scolaire que bon nombre d'adultes ont quitté avec empressement.
Alors, aller remplir un devoir dans une école primaire : vous pensez bien que les vocations finissent en peau de chagrin. L'ambiance qui règne dans ce bureau ne faisant que renforcer la morosité d'un acquis pourtant si chèrement obtenu par nos anciens. En entrant dans cette salle, l'électeur courageux est reçu avec une indifférence polie, dans un silence lourd d'une gravité surjouée. C'est à vous décourager et je me demande souvent si ce n'est pas le but réel de ce climat si pesant.
J'ai connu , il est vrai, des bureaux plus cérémonieux que celui qui m'a reçu ce jour. Je trouve pourtant qu'il devrait y avoir un peu plus de chaleur, des visages qui ne se ferment pas avec componction et gravité. C'est si cérémonieux que c'en devient sinistre ! C'est si sérieux que cela finit par être insupportable… Et le résultat se fait vite sentir : les gens qui se déplacent semblent être gagnés par ce climat d'obsèques de notre démocratie.
Il est vrai que les volontaires ne vivent peut-être pas ce moment lourd et pénible avec l'enthousiasme qui conviendrait à la chose. Je ne suis d'ailleurs pas exempt de reproches, moi qui ne me propose pas pour assumer ce rôle. L'envie m'en manque tout autant que la crainte de ne pas être à ma place auprès de personnages si imbus de leur personne, si certains d'être dépositaires de la légalité républicaine.
Je rêve d'un vote joyeux, d'un moment convivial. On m'a déjà dit qu'il existe de petites communes où ce moment se déroule ainsi. Ce n'est sans doute pas envisageable dans une grande ville si ancrée dans son histoire et sa grandeur. Le vote doit être cérémonieux et morose afin de repousser ceux qui n'appartiennent pas à cette si bonne bourgeoisie locale.
Alors je laisse avec soulagement ce lieu ! Il est de plus en plus probable qu'à mon tour, je n'accomplisse plus désormais ce geste qui perd à mes yeux toute signification. Je ne parviens pas à oublier en effet ce « Non » du référendum européen ! Ce « Non », des partis putschistes l'ont effacé par un vote qui a scellé la mort de notre démocratie. Le peuple devait comprendre, en cette lamentable occasion, qu'il n'avait pas le droit de s'opposer aux injonctions de ses élites …
On m'a tant de fois répété que s'abstenir ce n'est pas faire acte citoyen : c'est mal et si peu respectueux de ce pouvoir obtenu de haute lutte ! Je ne parviens plus à y croire, je sombre moi aussi dans ce terrible sentiment de n'avoir pas la possibilité d'être écouté. Je peux me déplacer à la condition de suivre, tel un gentil mouton, ce flot silencieux qui, par défaut ou renoncement, se réfugie dans le vote convenable, celui qui permet une répartition hégémonique des pouvoirs entre deux cliques si semblables.
Je n'y crois plus. Ce système qui amplifie à ce point les expressions dominantes est arrivé au terme de sa validité. La date de péremption de cette République des élites est atteinte mais rien ne se passera car il est parfaitement verrouillé pour permettre son maintien avec et malgré une adhésion de plus en plus limitée. Désormais, ça sera sans moi !
Abstentionnistement vôtre.
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