Séquestration de citoyens au Trocadéro par les forces de police dans l’indifférence générale : vit-on vraiment en démocratie ?
“Que se passe-t-il au Trocadéro entre police et indignés parisiens ?” Voilà un des seuls résultats Google pertinent qui ressortait lorsque l’on tapait les mots clés “Indignés+Trocadéro” le lendemain de l’incident du 21 avril.
Cette question sûrement posée par un passant qui aurait aperçu l’important dispositif policier encerclant les quelques 300 citoyens, dont certains étaient venus des quatre coins de la France à pied pour dénoncer une“mascarade électorale” et réclamer une Assemblée Constituante (ce que la dépêche AFP reprise en choeur par les médias, du Monde à Claire Chazal, n’a bien sûr pas souligné), est légitime, et pour cause : même ceux qui étaient sur place ne savaient pas pourquoi ils étaient encerclés…
La manifestation était parfaitement légale et déclarée en préfecture. Sur le site internet des Indignés parisiens, on peut d’ailleurs consulter l’itinéraire dans son entièreté.
Le lendemain, paraissait une dépêche AFP qui était somme toute assez loin de ce qu’il c’était vraiment passé. On y apprend que le prétexte ayant servi à justifier l’opération de police était destinée à “les maintenir dans le périmètre dans lequel la mairie de Paris les avaient autorisés à rester jusqu’en fin de soirée“. Un argument qui ne tient bien sûr pas debout, puisque le rassemblement était prévu jusqu’à 23h, et que les forces de police ont maintenu des citoyens (dont moi-même) en détention arbitraire jusqu’à 23h58. La tour Eiffel s’illuminant ayant fêté notre remise en liberté.
Si vous voulez savoir ce qu’il s’est réellement passé ce jour là, je vous invite à consulter les sons et images ci-dessous :
Tout d’abord, un reportage radiophonique réalisé par votre serviteur, où vous pourrez apprécier les joies de la vie en détention illégale : problèmes élémentaires d’hygiène (pas de toilettes), les conséquences du fait qu’ils aient interdit tout approvisionnement en eau et nourriture (malaise), l’énervement croissant de citoyens pétris du sentiment d’injustice, et surtout, une totale incompréhension à ce jour encore non résolue : A écouter ici.
Ensuite, vous pouvez voir dans cette vidéo diffusée en direct live le dispositif policier se mettre en place, avant que le groupe ne soit “encouragé” à se déplacer à l’intérieur du jardin, pour ne plus pouvoir en sortir que plusieurs heures plus tard :
Vous pouvez aussi consulter la série de vidéos réalisées par Delphine Auclair :
Ou encore celle réalisée Par Jérémy Daul :
Pierre le Bec, membre de la commission juridique des Indignés parisien et référent juridique pour l’organisation de cette manifestation, s’est exprimé sur son blog personnel dans une tribune dénonçant la police de l’avoir “pris en otage“. Mettant en cause Michel Gaudin, Préfet de Police, Laurent Simonin, adjoint au sous-directeur de l’ordre public de l’agglomération parisienne ainsi que tous “les policiers sur place” d’avoir “trahi la Nation“, et demande pour cela leur démission. Selon lui, l’intervention policière violerait les textes et articles suivants :
- Article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : “Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. .”
- Article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »
- Article 7 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 :”Nul Homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi”
- Article 10 de la déclaration susmentionée : “Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.
- Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : “Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.”
- Article 10 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales : “Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.”
- Article 11 du texte susmentionné : “Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts”
- Article 21 du Pacte Relatif aux Droits Civils et Politiques du 16 décembre 1966 : “Le droit de réunion pacifique est reconnu par la loi”.
- Article 223-6 du code pénal : “Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.”.
- Article 224-1 du code pénal : “ le fait, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, d’arrêter, d’enlever, de détenir ou de séquestrer une personne, est puni de vingt ans de réclusion criminelle.”
- Article 17 du Code déontologie de la Police Nationale : “Le subordonné est tenu de se conformer aux instructions de l’autorité, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Si le subordonné croit se trouver en présence d’un tel ordre, il a le devoir de faire part de ses objections à l’autorité qui l’a donné, en indiquant expressément la signification illégale qu’il attache à l’ordre litigieux. Si l’ordre est maintenu et si, malgré les explications ou l’interprétation qui lui en ont été données, le subordonné persiste dans sa contestation, il en réfère à la première autorité supérieure qu’il a la possibilité de joindre. Il doit être pris acte de son opposition.”
On peut donc fortement regretter qu’en plein scrutin électoral, la presse n’ait pas pris le temps de rendre compte aux citoyens qui se rendaient aux urnes de l’état de leur démocratie, à laquelle ils étaient sur le point de donner une fois de plus leur consentement.
Non au contraire, les rédactions ont servilement repris la dépêche AFP, qui a eu pour effet d’uniformiser le traitement médiatique de cet événement, retirant tout caractère polémique qui aurait pu contrarier la mécanique bien huilée de la propagande électoraliste.
Vit-on vraiment en démocratie ? Quel sens cela a-t-il de se rendre aux urnes pour ne récolter que du mépris de la part de ceux qui seront élus ? Voilà quelques questions qui pourraient en dissuader certains de participer à la mascarade électorale du 6 mai prochain…
Publié sur la Gazette d'un Humaniste
Et le Cercle des Volontaires
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