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Accueil du site > Actualités > Economie > 500 000 entreprises à reprendre, et moi et moi et moi !

500 000 entreprises à reprendre, et moi et moi et moi !

La rumeur enfle et gronde depuis bientôt trois ans à telle enseigne qu’elle est devenue une information institutionnelle et une cause nationale tout autant qu’un fonds de commerce potentiellement juteux pour certaines professions (banques, cabinets d’avocats...). Près de 500 000 entreprises seraient à transmettre en raison de départs en retraite massifs des « papyboomers ». Le problème est que tout candidat repreneur se plongeant sérieusement dans ce nouveau champ d’investigation socio-économique est rapidement en droit de se demander : « Mais où sont donc passées ces 500 000 entreprises à reprendre ? »

Si on s’en réfère aux chiffres de l’INSEE, il y a plus de 2 600 000 entreprises en France (au 1er janvier 2005) et près de 2 300 000 non salariés en activité, ce qui représente la quasi-totalité des dirigeants (professions artistiques mises à part). En 2005, toujours selon l’INSEE, près de 18 % de ces non-salariés avaient 55 ans et plus. Mathématiquement, il y a bien 500 000 chefs d’entreprises proches de la retraite. Oui, mais la question est de savoir si ces entreprises-là sont bien toutes transmissibles.

Qu’est-ce qu’une entreprise transmissible ? Et d’abord, qu’est-ce qu’une entreprise ?

Une entreprise, c’est un ensemble de moyens humains, matériels et financiers dédiés à la réalisation d’une activité professionnelle. Ce qui différencie donc une entreprise d’une autre - hormis son secteur d’activité - son périmètre salarial et financier et son type d’outil de production. L’INSEE nous apprend notamment que plus de 90% des 2 600 000 entreprises françaises comptent moins d’un salarié. Ainsi, le boulanger au coin de la rue, le plombier et son estafette, le marchand de nippes sur un marché est tout autant un chef d’entreprise qu’Arnaud Lagardère. Si ce n’est que monsieur Lagardère est le dirigeant d’un groupe de sociétés internationales dont certaines sont cotées en Bourse et que le plombier est, lui, chef d’une entreprise individuelle.

Autant dire que la quasi-totalité des « entreprises à reprendre » n’existent pas pour la simple et bonne raison qu’un indépendant sans salarié n’a rien à transmettre. A la rigueur, il sera remplacé par un concurrent ou un nouvel entrant.

Reste l’épineux problème des TPE (« très petites entreprises », soit moins de 50 salariés), cible privilégiée du repreneur personne physique (les repreneurs personnes morales faisant de la croissance externe...) Les entreprises industrielles (services à l’industrie inclus) comprenant de 1 à 49 salariés sont au nombre d’environ 400 000. Soit, sur la base de 18 % de dirigeants proches de la retraite, un potentiel de 120 000 entreprises à reprendre comprenant en moyenne (pondérée) 8 salariés au moins. Soit un enjeu potentiel de plus de 900 000 emplois directs concernés.

Là ce situe le noeud du problème. Et il est déjà trop tard pour le dénouer.

 

Préparer une entreprise à sa transmission requiert près de trois années d’efforts, de nettoyage, voire de « toilettage » de l’ensemble de ces éléments constitutifs (finances, ressources humaines, outil de production). Cela nécessite de faire appel à des conseils externes à l’entreprise, modus operandi totalement étranger à la quasi-totalité des dirigeants de TPE.

Une fois la « mariée » apprêtée, il faut lui présenter une certain nombre de prétendants capables de présenter une proposition acceptable. Là encore, il faut faire preuve de professionnalisme et surtout de confidentialité en donnant mandat à un spécialiste reconnu de la transaction. Malheureusement, la cession de son entreprise est un acte de gestion que n’a jamais pratiqué un dirigeant de TPE et pour lequel il n’a jamais été formé, d’autant plus que son seul interlocuteur en ce domaine sera un permanent d’une Chambre consulaire qui lui-même n’a qu’une compétence très limitée dans ce domaine, et de toute façon ne pourra faire qu’office de vecteur d’information et non de conseil, encore moins d’accompagnateur. Les professionnels du secteur, quant à eux, ne se déplacent même pas pour des « petits dossiers » ... A titre d’exemple, il est possible de trouver une cinquantaine d’annonces de cession de TPE sur le site des CCI d’Île-de-France pour une région qui compte plusieurs centaines de milliers de sièges sociaux...

Le repreneur d’entreprise va donc - dans la plupart des cas - se retrouver face à un dirigeant qui lui dira que sa société « marche très bien et qu’elle vaut un million » (d’euros en 2006, alors que ce n’était qu’un million de francs en 2000 - autant dire que l’inflation par l’euro a bien eu lieu), et que maintenant, il faut faire un chèque pour avoir les clés...

L’Etat a bien tenté de mettre en place des mesures facilitant la transmission de ces entreprises (Loi Dutreil II d’août 2005, notamment). Mais ces mesures ne produisent d’effet qu’en aval de l’opération (mesures de défiscalisation...) alors que le problème se situe bien plus en avant dans l’accompagnement des dirigeants de TPE dans les phases pré-transmission.

Qu’importe, le gouvernement est passé à un autre type d’entreprise à accompagner : les « gazelles », ces petites entreprises à forte croissance que le premier ministre souhaite propulser au firmament des sociétés internationales cotées...

Oui, mais, ces « gazelles » auront toujours besoin d’industrialiser leurs innovations. Comment feront-elles quand elles ne pourront plus trouver d’entreprises de mécanique et d’outillage de précision, de décolletage, de fabrications de machines spéciales, de chaudronnerie blanche, de maintenance industrielle, etc. ?

Est-ce poujadiste de dire qu’une fois encore, nos gouvernants se soucient plus de l’infime minorité composant le haut du panier économique français en laissant à l’abandon la quasi-totalité des entreprises qui composent le tissu économique ?


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18 réactions à cet article    


  • toto (---.---.69.134) 25 septembre 2006 13:50

    >>Autant dire que la quasi totalité des « entreprises à reprendre » n’existent pas pour la simple et bonne raison qu’un indépendant sans salarié n’a rien à transmettre.

    Hahahaha. Vous croyez vraiment ce que vous dîtes ? Une entreprise à la fin de son activité peux revendre son fond de commerce.

    Un plombier peut revendre le nom et le fichier client de sa boîte, un médecin revend son cabiner, un boulanger revend son fond de commerce, un tailleur revends son atelier...

    Tous les indépendants on quelque chose à transmettre. Leur vie ne s’est pas faîte sur du vent


    • Darkfox (---.---.141.125) 25 septembre 2006 16:50

      Oui mais un plombier qui demande des sommes astronomiques pour ses contacts... équivaut à une entreprise morte. J ai des exemples de sociétés artisanales qui sont proposés à des prix exhorbitants..


    • Armorik (---.---.40.150) 1er octobre 2006 20:15

      Votre réaction à l’article de l’auteur (qui me semble refléter exactement la problématique actuelle) manque un peu de réflexion à mon avis. Un professionnel libéral ne peut pas toujours céder son fonds comme il le souhaiterait. Ainsi, un avocat. Il ne peut céder sa clientèle, notamment dans le cadre d’une liquidation. La nouvelle loi de juillet 2006 de fait ne l’y autorise pas. Par ailleurs, la valeur du fonds de commerce d’un libéral est souvent fonction de sa réputation personnelle. Une fois lui parti, le fonds ne vaut plus rien car les clients ne sont pas attachés au fonds. Cordialement


    • Armorik (---.---.40.150) 1er octobre 2006 20:18

      Monsieur Boronali, Votre article est d’un ton très juste et reflète exactement les difficultés actuelles des « petits » entrepreneurs. Je travaille sur cet aspect à titre professionnel et je souscris pleinement à votre réflexion. Cordialement Armorik


    • boronali boronali 1er octobre 2006 20:28

      Franchement bonne chance à vous monsieur Armorik ... Moi, j’ai lâché l’affaire et ce type de métier après 10 ans de bons et loyaux services pour foutre le camps avec les clés de la société d’un de mes clients (j’ai jamais pu résister à une bonne affaire !)


    • roumi (---.---.74.206) 25 septembre 2006 16:09

      felicitation pour votre photo

      monsieur boronali !!!!


      • Rocla (---.---.176.86) 25 septembre 2006 17:52

        Existe-t-il une formation de chef d’ entreprise ?

        Beaucoup d’ entreprises ont à leur tête des hommes qui se sont formés sur le tas ,et donc avant d’ avoir une entreprise n’ ont qu’ une formation professionnelle ,un diplome de ceci ,de cela ,ceux qui perdurent ont très souvent des dirigeants sachant de débrouiller avec toutes sortes de paramètres arrivant au fur et à mesure . Pourquoi n’ auraient ils pas celle de vendre leur affaire ?

        Quant au prix de vente ,c’ est le prix sur lequel les deux parties se mettent d’ accord ,un peu comme si vous vendez votre voiture d’ occasion .

        L ’ état par l’ intermédiaire de l’ URSSAF ,de la TVA ,taxes,et impots en tout genres s’ occuppe déjà pas mal des entreprises .

        Parlant des CCI,que demander à des personnes n’ ayant JAMAIS travaillé dans une entreprise ,et qui seraient censées vous conseiller pour la vôtre ?

        Rocla


        • boronali boronali 25 septembre 2006 21:53

          Chef d’entreprise est bien le seul métier qui ne s’apprenne nulle part. Et c’est bien pour cela que l’aventure est plus belle.

          La cession d’une entreprise revient à négocier la vente d’un bien commercial en le valorisant sur la base de sa destination première : produire des biens ou des services et en retirer un certain profit : plus la société es tpositionné sur un marché attractif, plus ses marges seront bonnes et plus elle s’appréciera à la hausse. A contrario, une entreprise sur un marché déclinant ou n’ayant pas su aborder le bon virage innovateur et qui de surcroît ne génèrera pas une rentabilité suffisante ne pourra pas s’apprécier autrement qu’à une valeur faible.

          Là n’est pas la question. Si les « nouveux entrepreneurs » sont au fait des valeurs d’entreprises, voire trop quand on se rapproche des valeurs « Nouvelles Technologies », les dirigeants qui atteignent actuellement l’âge de passer le relais ne sont nullement familiers avec ses méthodes d’évaluation et valorisent leurs entreprises en fonction de ce qu’elle a pu leur rapporter par le passé, voire dans certain cas monnaient plus le remplacement de leur statut social qu’une capacité de production. C’est la notion de « valorisation affective » contre laquelle bute tant les repreneurs que les professionnels de la transaction. Certains vieux dirigeants allant même jusqu’à saborder leurs entreprises plutôt que de la céder pour ce qu’il considère comme une valeur au rabais alors que ce n’est qu’un prix de marché objectif ...


        • -noID- (---.---.80.97) 25 septembre 2006 18:01

          Bonjour Mr. Boronali

          Merci pour cet article interessant visant un sujet pointu.

          Cependant,si je puis me permettre une critique, une analyse un brin plus technique de la situation aurait permis une mise en perspective plus optimiste peut être.

          J’espere que les prochains intervenants feront la lumière sur les zones d’ombres que vos propos ont mis en relief.

          A bientôt.


          • boronali boronali 25 septembre 2006 21:54

            une analyse un brin plus technique aurait nécessité un article beaucoup trop long.

            Mais si vous souhaitez des précisions : n’hésitez pas à les demander ...


          • (---.---.89.165) 25 septembre 2006 20:52

            Je suis chef d’entreprise et ait trouvé cet article très bien.

            Par exemple lorsqu’il dit « qu’un indépendant sans salarié n’a rien à transmettre ». C’est une évidence. Le fameux fichier client est un leurre. Dans la vie les choses bougent tout le temps !

            Par contre à la question « Est-ce poujadiste de dire qu’une fois encore, nos gouvernants se soucient plus de l’infime minorité composant le haut du panier économique français en laissant à l’abandon la quasi-totalité des entreprises qui composent le tissu économique ? » Je répond OUI, c’est bien entendu poujadiste. Les entreprises ont déjà toutes des lois prévues dans leur globalité. Le gouvernement doit se concentrer sur celles qui peuvent apporter du nouveau. C’est bien normal.


            • Armorik (---.---.5.78) 26 septembre 2006 08:16

              Bonjour,

              Je suis avocat et donc indépendant. Je travaille aussi sur la transmission d’entreprise, essentiellement de PME PMI.

              A de multiples titres donc, je souscris pleinement aux propos de l’auteur de l’article qui est en plein coeur du sujet en ce moment.

              Bravo smiley


              • Antoine Diederick (---.---.25.252) 26 septembre 2006 09:15

                trés bon article avec un bon questionnement.


                • (---.---.54.84) 26 septembre 2006 12:17

                  très bon article mais peut être pas assez développé


                  • Guillaume Ribeaucourt Guillaume Ribeaucourt 26 septembre 2006 13:13

                    http://femmelibre.over-blog.com/article-3207076.html

                    voici l’article éclairant de Caroline Brancher à propos de Monsieur Douane Laïd Professeur des Lycées (français) en littérature et langue arabe et de ses propos sur le forum d’Agoravox ....

                    et on s’étonne que les jeunes pètent les plombs ...

                    Guillaume


                    • Rocla (---.---.18.63) 26 septembre 2006 18:58

                      Ce monsieur dont duquel vous parlez ,il vend son entreprise ?

                      Rocla


                    • roumi (---.---.74.206) 26 septembre 2006 18:54

                      tu nous gonfle

                      et on s’étonne que les jeunes pètent les plombs ...

                      roumi


                      • (---.---.133.124) 23 novembre 2006 11:59

                        L’ Enarchie est au pouvoir...

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