Carbone : la taxe illégitime
Depuis qu’il en est question je me questionne, comme chacun le fait, sur cette « taxe carbone » ou « contribution énergie-climat » selon son appellation d’origine.
Elle semble à certains « frappée au coin du bon sens » mais repose sur une réflexion un peu courte...
Illégitime : Qui n’est pas conforme au bon droit, à l’équité, sur le plan moral, intellectuel ou matériel.
Il me semble qu’en effet cette procédure, qui voudrait influencer nos comportements vis à vis de notre consommation en produits émetteurs de gaz à effet de serre, est à ce point profondément bancale qu’elle ne devrait véritablement pas être mise en oeuvre.
Eric Le Boucher avance, en se basant sur une étude effectuée aux USA (analyse de Corbett Grainger et Charles Colstad), que « le pauvre est 4,5 fois plus touché que le riche » par un tel dispositif et que toute compensation rend cette taxe dénuée de sens.
En effet taxer à l’achat et restituer le montant de la taxe par la suite revient à capter des sommes selon un processus bien défini (tel pourcentage sur tel type de produit : on sait assez exactement comment sera abondée cette collecte).
Puis l’on tentera de restituer les sommes captées de façon à ce que cette taxe devienne indolore.
Plusieurs cas de figure se présentent : ou bien l’on tient une comptabilité précise des achats de chacun et l’on rembourse centime pour centime et l’opération revient à une colossale usine à gaz qui peut, certes, favoriser une certaine résorption du chômage (quel effectif pour dépouiller tous nos tickets de caisse ?)...
Ou bien on effectue des remboursements calculés sur des bases statistiques et alors certains, sans que l’on sache ou puisse savoir qui, seront bénéficiaires et d’autres déficitaires selon leur mode particulier de consommation.
Ou bien l’on cherche une équité maximale et l’on se heurte à une complexité probablement insoluble, ou bien l’on se contente d’un système dont on sait a priori qu’il sera parfaitement inéquitable.
Et de toutes façon cette compensation réduira effectivement à néant toute utilité de cette taxe, puisqu’il y aura remboursement.
Puisqu’il semble tout à fait impossible (et parfaitement inefficace) de rembourser au centime près, il y aura donc à la fois des « riches » et des « pauvres » tant dans les bénéficiaires que dans les déficitaires.
Ce qui revient à accepter que le pouvoir d’achat d’une partie des moins aisés soit amputé par cette taxe, sans que l’on sache à quel niveau et pour quels effectifs.
Mettre en oeuvre cette taxe est en fin de compte accepter l’idée qu’une partie des moins aisés pourraient subir une certaine perte de pouvoir d’achat, qui pourrait éventuellement atteindre 4,5% du revenu annuel tel que l’indique l’article cité plus haut et un pourcentage variable, indéterminé mais systématiquement inférieur pour des personnes plus aisées.
Nous sommes donc exactement dans la typologie d’un système inéquitable.
Modifier nos comportements à grande échelle
C’est l’objectif que poursuit cette taxe, et il n’est pas illégitime de vouloir que nos comportements évoluent face aux émissions massives de gaz à effet de serre que nous provoquons.
Il est même de l’ordre de la nécessité absolue, tant du point de vue de l’évolution du climat que de celui de l’épuisement des réserves fossiles ou des pollutions multiples auxquelles nous ne mettons aucun frein, que nous changions, de façon urgente, un grand nombre de nos façons d’agir.
L’idée d’un effort consenti par tous et écrit dans la loi est une une idée ancienne et largement appliquée de par le monde, elle a donné naissance à l’impôt, dont nous avons pu constater à l’usage qu’il avait une certaine utilité dans bien des cas...
Certes la pression fiscale en France est déjà forte mais face à l’impérieuse nécessité de pratiquer des changements profonds afin de parvenir à consommer beaucoup moins d’énergie (le risque d’une impasse énergétique assez proche est une sérieuse menace et l’incontournable inertie à laquelle se heurteront des changements majeurs nécessite de réagir aussitôt que possible) il semble que la fiscalité puisse être un moyen efficace pour initier des comportements plus « durables ».
Une fiscalité existante dont certains composants pourraient être détournés vers cet objectif (taxe sur les produits pétroliers par exemple), ou un élément nouveau de fiscalité, qui augmenterait la pression actuelle mais en offrant bientôt des possibilités nouvelles pour chacun de réaliser des économies tout en adoptant des comportements moins polluants : de telles solutions doivent être examinées de près, à moins que l’on décide de ne rien faire et de laisser « au marché » (dont on connaît es hautes capacités d’autorégulation pour le plus grand bien de certains...) le soin de régler cette question.
Nous avons vu que si l’on accepte l’idée de cette « taxe carbone » on est contraint à accepter parallèlement une non équité caractérisée, qui se traduira part des déséquilibres sur le pouvoir d’achat.
Ne pas porter atteinte de façon inéquitable à ce pouvoir d’achat tout en levant une taxe se fera au plus juste par un impôt direct habilement calculé.
Mais il faudra que cet impôt nous conduise à une modification de nous comportements et qu’il soit donc particulier par rapport aux impôts habituels.
Sa particularité tiendra alors dans l’affectation de son produit dans des processus qui donneront une assise matérielle aux changements souhaités.
Nous connaissons bien un certain nombre de processus qu’il serait important de modifier, ils concernent l’isolation des bâtiments, l’augmentation massive des systèmes de transports en commun notamment en secteurs ruraux et périphériques aux grandes agglomérations, l’irruption généralisée de la voiture électrique en libre service, et bien d’autres...
En somme il serait très possible de déclarer un effort national – un « grand chantier » vers le « durable » - dont les contours devraient être définis et dont la ressource d’origine serait une fiscalité spéciale susceptible de développer mieux qu’ils ne le sont certains secteurs d’activité, d’en renforcer d’autre, existants, afin qu’en dernier recours chacun trouve un bénéfice à ce dispositif.
Un bénéfice personnel (une sorte de retour sur investissement) par une moindre dépense énergétique (meilleure isolation thermique, disponibilité de moyens de transport économes mais efficaces...) et un bénéfice général du fait de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.
Alors on s’énervera contre « un impôt de plus » mais...
Ne vaut-il pas mieux payer maintenant le prix de changements indispensable plutôt que d’essuyer demain l’ardoise d’une inaction qui serait peut-être un jour qualifiée de « coupable » ?
Car les dernière nouvelles de l’Arctique sont exécrables (voir par exemple « Arctic Warming Overtakes 2,000 Years of Natural Cooling » , ou « L’activité humaine efface 8000 ans de refroidissement dans l’Arctique ») tandis que les problèmes d’eau se font de plus en plus graves ici et là, que nous avons atteint des niveaux de pollution dramatiques...
Oui nos comportements doivent changer, et nous devons en payer le prix.
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