Connaissez-vous les fonds vautours ?
Voici venu le temps des prédateurs, celui du brigandage légal...
J’ai eu peine à le croire en lisant cet article récent du
Monde(1). La finance internationale ne manque ni d’imagination ni d’avidité. Je
ne pensais pas, naïf que j’étais, que ce pouvait être à ce point.
Il est donc possible, pour certains fonds de gestion, de
faire main basse sur les finances et l’économie d’un pays à très faible
revenu, très endetté, politiquement fragile, de préférence africain, en rachetant
pour un faible prix ses dettes publiques, de le forcer à les régler
"selon des conditions plus avantageuses", et de le poursuivre en
justice si les conditions financières imposées ne sont pas respectées. Scénario
de fiction ? Non, amère et révoltante réalité...
Plus d’un tiers des pays parmi les plus dépourvus de
ressources, susceptibles d’allègement de dette, auraient subi ces pressions
financières draconiennes et "les décisions de justice rendues dans 26 de
ces affaires avoisineraient 1 milliard de dollars". Par exemple, le
Donegal International Limited a entamé une action en justice contrer la
Zambie : la Haute Cour de Londres a sommé ce pays de payer 7,7 millions de
livres au DGI , plus une partie des frais de justice...
Beaucoup de pays pauvres sont déjà soumis à d’énormes
contraintes financières, aux exigences parfois exorbitantes du FMI , à la
corruption, à une gestion problématique, à des problèmes climatiques
compromettant la production agricole, etc. Il faut en plus qu’ils se
soumettent à la loi des fonds vautours, dont les pratiques de comptabilité sont
obscures, qui protègent leurs actifs à l’étranger. Ils sont la proie de la même
loi implacable que subit une entreprise passagèrement défaillante, rachetée à
la hussarde par des fonds spéculatifs à montage financier hasardeux et à
origine douteuse, soucieux seulement de rentabilité élevée à court terme,
quittant la place quand les objectifs sont atteints (2). Ces pays, le couteau
sous la gorge, doivent parfois dépenser leur peu de moyens en frais de justice
ruineux.
Cela devient si critique que Danny Leipziger, vice-président
de la Banque mondiale, commence à s’en émouvoir. C’est dire !... Gordon
Brown lui-même veut changer les choses et de nombreux pays commencent à
réagir. Une proposition de loi a même été votée en France à ce sujet (voir notes) (3). De
plusieurs pays africains montent des protestations véhémentes. Et des
personnalités morales donnent de la voix pour défendre la cause des pays les
plus faibles ainsi agressés (4). Ces réactions auront-elles des effets ?
On peut toujours espérer...
Suite aux pressions et aux mobilisations de certaines
organisations de la société civile en Afrique, en Europe et en Amérique du
Nord, les ministres de Finances du G8 ont enfin affirmé dans un communiqué
: « Nous sommes très préoccupés par les actions de certains créanciers qui
poursuivent en justice des pays pauvres très endettés. On a décidé de
travailler conjointement pour identifier les mesures nécessaires pour
s’attaquer à ce problème, sur base du travail du Club de Paris.” Mais des ONG
demandent des actions concrètes et immédiates, doutant de la volonté effective
du G8 à agir réellement. On connaît depuis longtemps les atermoiements de cette
institution et les choix peu désintéressés de la Banque mondiale, cette nouvelle
église surtout soucieuse d’expansion planétaire du dogme ultralibéral.
De plus : “ Les Etats-Unis font obstruction dans cette
affaire, comme ils le font aussi sur la question du changement climatique”, dit
Neil Watkins, coordinateur national du réseau Jubilé USA. “On est très
préoccupé par le fait que l’administration Bush résiste aux propositions
spécifiques de lutte contre les fonds vautours qui ont été mises sur la table
par le Royaume-Uni et l’Allemagne durant le processus préparatoire du G8. Nous
demandons au G8 d’arrêter immédiatement les actions des fonds vautours.”
(source : CADTM)
La perversité du système est que ces pays risquent de perdre
le bénéfice d’une remise de dette négociée, qui leur permettrait de pouvoir
envisager un autre avenir. "Les stratégies adoptées par les fonds vautours
détournent un allégement de la dette des pays les plus pauvres, qui en ont
cependant grand besoin et ne font que remplir les caisses des plus
riches"... (D.Leipziger) Les fonds vautours se nourrissent du malheur des
autres : ils s’enrichissent grâce aux entreprises au bord de la faillite,
ou aux Etats en difficulté.
Ils portent bien leur nom , n’est-ce pas ?...
(1) Le Monde
http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/256003.FR.php
(2) « Les montages financiers sont devenus de plus en
plus audacieux. La dette supportée par l’entreprise atteint parfois 90 % du
prix du rachat. Et la créance n’est parfois acquittée qu’in fine, lors de la
revente de la société... à un autre fonds, qui réendette à son tour
l’entreprise. Tant que les opérations s’enchaînent, la fragilité de l’édifice
est dissimulée puisque personne ne rembourse cette "dette virtuelle".
Les banques ferment les yeux de peur de perdre ces puissants clients. D’autant
que la plupart d’entre elles ont évacué le risque de solvabilité en revendant
les titres de créances sur le marché de la dette. » (Un art consommé de la
cavalerie - Claire Gatinois . Le Monde-25-06-07)
(4)http://www.liberationafrique.org/spip.php?article1673
http://www.rfi.fr/actufr/articles/088/article_51334.asp
http://www.brazza.info/pages/Harro.htm
(3) Déclaration de l’Assemblée nationale : « Les
pratiques des fonds vautours nuisent au premier chef aux pays les plus pauvres.
Elles constituent en second lieu un détournement de l’effort consenti par le
contribuable, notamment français, lorsque la France consent des abandons ou des
rééchelonnements. Quand bien même le texte proposé, édicté dans un cadre
purement interne, aura par là même une efficacité limitée, il constituera
malgré tout un obstacle aux entreprises des fonds vautours et constituera en
outre, avec valeur d’exemple, un premier pas dans une voie que la plupart des
institutions financières internationales et des grands pays industrialisés
savent devoir emprunter. Il s’agit enfin d’une mesure de morale et de cohérence
dans l’aide aux pays amis, notamment en Afrique, tant il serait absurde que
l’Exécutif efface d’une main nos créances pour que le pouvoir judiciaire
accorde de l’autre les sommes rendues disponibles aux usuriers. »
6http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion3214.asp
"Le phénomène des fonds vautours"
Ce contexte est notamment marqué par l’émergence d’un
phénomène inquiétant, celui des "fonds vautours".
Ces fonds spéculatifs profitent des accords de
restructuration que les pays débiteurs en difficulté négocient avec leurs
créanciers pour spéculer sur les créances de ces pays.
Ils rachètent à d’autres créanciers des créances impayables
à des prix bradés, puis poursuivent judiciairement les pays débiteurs afin de
recouvrer l’intégralité de la valeur initiale de ces créances ainsi que les intérêts.
Ils réalisent ainsi une plus-value gigantesque et mettent à mal les accords de
restructuration qui ont pu être signés avec d’autres créanciers. Ces fonds
vautours s’attaquent à tous les types de pays, y compris les PPTE.
Pour mettre fin aux effets pervers générés par ce système,
un mécanisme d’insolvabilité (tel qu’il existe pour les ménages ou les
municipalités au niveau national) applicable aux Etats pourrait être mis en
place pour les pays ne pouvant plus rembourser leur dette. (doc. Attac)
http://www.capitalismedurable.com/site/index.php?id=1&num=449
http://www.01net.com/article/156218_a.html
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