Deux satellites Galileo pas nés sous une bonne orbite !
Soyouz n'a donc pas placé ces deux satellites Galileo sur la bonne orbite. En attendant les résultats de la commission d'enquête, retour sur les succès d'Arianespace, notamment depuis 11 ans.
Et la nomination en avril 2013 de l'énarque Stéphane Israel, ancien directeur de cabinet de Arnaud Montebourg serait-elle, partiellement, en cause ? Malheureusement le doute est permis, avec cette nomination très politique...
Nous voulons croire que ce lancement raté de Soyouz n'est pas encore irrémédiable, mais c'est plutôt très mal parti. Ce n'est peut-être pas "très grave", mais ce n'est assurérment pas une bonne nouvelle, et le programme Galileo, très en retard, se serait bien passé de cette nouvelle péripétie !
Une remise sur orbite, "très compliquée" selon Jean-Yves Le Gall
Les deux satellites ont bien été mis sur orbite, mais beaucoup plus près de la Terre que prévue, et sur une orbite qui n'est pas circulairemais elliptique.
Ce qui rend "très compliquée" la correction de trajectoire , [1] selon les mots de l'ancien PDG de Arianespace, devenu patron du CNES en 2013. Jean Yves Le Gall qui sait de quoi il parle, lui sous la responsabilité de qui Arianespace a connu 10 ans de succès ininterrompus de lancement, depuis avril 2003, avec 59 succès d'affilée, y compris deux premiers lancements depuis Kourou ! :
- Ariane 5 : 54 succès d'affilée [2], après l'échec du 1er lancement d'Ariane 5 ECA le 11 décembre 2002 et donc sa remise en vol, très délicate
- Soyouz, le lanceur russe bien connu pour sa fiabilité, et dont la commercialisation était déjà assurée par la filiale à 50% Starsem d'Arianespace, mais dont il fallait réussir les lancements depuis Kourou, avec 4 lancements réussis entre 2011 et début 2013
- Vega, le petit lanceur franco-italien, dont le premier vol a été brillamment réussi le 13 février 2012.
Un bilan exceptionnel de Jean Yves Le Gall, alors à la tête d'ArianespaceCette liste de succès estimpressionnants est vraiment exceptionnelle, et elle est pourtant très peu soulignée dans la presse française, trop occupés que sont les journalistes à rechercher des thèmes d'articles sur "les trains qui n'arrivent pas à l'heure"...
Alors qu'il est essentiel de souligner les réussites français et européennes, et plus encore d'en rechercher les facteurs de succès, quand ils sont à ce point répétés ! "Ce succès des lancements "est dû à quatre hommes : le P-DG d'Astrium, François Auque ; le P-DG d'Arianespace, Jean-Yves Le Gall ; le président du CNES, Yannick d'Escatha ; et le président de l'Agence spatiale européenne, Jean-Jacques Dordain. Ces hommes ont tous les quatre le mérite d'avoir remis en marche le lanceur Ariane 5 ECA." [3] Avec une année 2012 "de tous les records, avec 10 lancements, dont 7 d’Ariane 5", 2 de Soyouz et 1 de Véga, "et 10 contrats conclus" pour Arianespace et Jean Yves Le Gall. [L[e journal du Dimanche, 31 mars 2013, "Le Gall : "La success story a vocation à continuer"]] Remarque importante : Jean-Yves Le Gall est aussi coordinateur interministériel pour la France de Galileo. |
Nous l'avions souligné il y a quelques jours (juste avant cet échec partiel de Soyouz) dans l'article "Satellites électriques : la France et l’Europe qui gagnent !, à l'occasion du satellite européen de communication Artemis qui avait été lancé sur une mauvaise orbite le 12 juillet 2001 par Ariane 5 GS :
"Ce satellite Aremis est d'ailleurs un excellent exemple, à la fois :
- de la vulnérabilité de ces déploiements dans l'espace (un échec, ou semi échec de lancement est toujours possible). Artemis n'a pu être positionné le 12 juillet 2001 sur la trajectoire prévue : une défaillance ne lui permit d'atteindre qu'une orbite de 17 000 km au lieu des 36 000 km visés
- de la pertinence de cette propulsion ionique, qui n'était prévue que pour corriger son orbite (c'était donc très loin d'un satellite tout électrique) ; et qui grâce à une trajectoire en spirale, lui a fait gagner 15 km par jour et atteindre, en 18 mois, son altitude de 36 000 km. Artemis a ainsi prouvé que la propulsion électrique est capable d'effectuer la même tâche que la propulsion chimique, mais avec jusqu'à 90% d'économie de consommation [14] "
Les ingénieurs pourront-ils utiliser le même moyen, et réussir le même exploit, pour ces deux satellites Galileo ? S'il n'en est pas fait mention dans les médias, peut-être est-ce parce qu'il est plus difficile, voire impossible, de modifier à distance le logiciel embarqué sur ces satellites ?
Une commission d'enquête va rendre ses premières conclusions très vite
Toujours est-il que les ingénieurs regardent "si les satellites pourraient émettre à partir de leur trajectoire actuelle, ce qui semble difficile l'orbite étant elliptique et non parfaitement circulaire".
Et une commission d'enquête a été lancée pour comprendre les problèmes rencontrés par Soyouz. D'autant plus surprenants que le lanceur russe est réputé pour sa fiabilité (depuis 1957 plus de 1 860 lancements réussis).
Les conclusions de l’'expertise sont essentielles pour la suite du programme car 10 des 22 satellites de la constellation seront emmenés par des fusées russes et 12 par Ariane 5.
D'ailleurs, dans le calendrier des tirs, c'est à Soyouz que reviennent les prochains lancements, et non à Ariane 5, prévue pour mettre sur orbite les satellites suivants, cette fois 4 par 4.
On devrait ainsi savoir rapidement (en début de semaine prochaine ?) quel nouveau retard prendra ce programme phare de l’Union Européenne lancé voici15 ans pour briser le monopole du GPS américain. [4]
La nomination, très politique, du PDG d'Arianespace est-elle en partie en cause ?
Il faut espérer que cette mauvais orbite n'est pas liée, de près ou de loin, même partiellement, à la nomination, très politique de Stéphane Israel à la tête d'Arainespace en avril 2013. Cette nomination avait fait grincer beaucoup de dents dans l'entreprise, où certains dénonçaient un « parachutage politique » et estimaient qu’Israël n’est pas taillé pour le job. [5]
"« Stéphane a beaucoup de qualités, mais pas celles nécessaires pour diriger une boîte aussi stratégique qu’Arianespace, assure un cadre d’EADS qui l’a pratiqué. C’est un politique, pas un manager. Et il n’a pas manifesté un grand intérêt pour la technologie et le spatial. » " [6]
Il était "en concurrence avec deux candidats expérimentés : le directeur des programmes d’Arianespace, Louis Laurent, et le numéro 2 du Cnes, Joël Barre."... Plusieurs sources industrielles avaient alors assuré à Libération que « l’affaire semble pliée », l’Etat (premier actionnaire, à 34,6%, d’Arianespace) ayant fait savoir qu’il soutenait Israël. ... [7]
Jean-Yves Le Gall, devenu patron du CNES, avait alors dit (actionnaire d'Arianespace, était-il libre de sa déclaration ?) : "je suis très heureux que le conseil d'administration de notre société ait accepté à l'unanimité ma proposition de nommer Stéphane Israël, Président Directeur Général d'Arianespace. L'expérience qu'il a acquise au cours de ses fonctions précédentes, le qualifie parfaitement pour relever les défis opérationnels, commerciaux et financiers que notre société a devant elle." [8]
Une prise de risque inutile et stupide, avions-nous écrit...
Rappelons qu'il est beaucoup plus facile à un nouveau patron de faire chuter l'entreprise, que de la redresser, et qu'ici la situation de départ était excellente !
Nous avions de notre côté écrit, ici même, à ce moment (Agoravox, 24 avril 2013 "Vers un « redressement productif » d’Arianespace ? Ou une prise de risque inutile et stupide ! ") que cette nomination était "symptomatique d'une propension très française à nommer des personnes brillantes, au niveau intellectuel, par exemple des énarques, à des postes de direction d'entreprises, alors qu'ils n'ont pas fait leurs preuves dans ce domaine.
Une habitude bien française à sous-estimer la difficulté du management...
Plus généralement, c'est aussi le signe d'une extrême difficulté des hommes politiques français à comprendre la réalité du management d'entreprise, et même de la direction de toutes sortes d'organismes... y compris de partis politiques !
...
... et les exigences opérationnelles d'un poste de direction, et l'importance du travail en équipe
Le défaut, à gauche, réside dans la répugnance à considérer les qualités humaines, les compétences opérationnelles des individus, puisque la tendance naturelle consiste à considérer que l'histoire relève plus de succès collectifs que de la marque impulsée par des individus et notamment des chefs.
A droite, le défaut serait plutôt de privilégier le charisme, et le statut de "chef", sans tenir compte des exigences très opérationnelles d'un poste de direction ; ce qui est finalement le point commun entre ces tendances naturelles à gauche et à droite.
C'est finalement le défaut bien français à :
- envisager les choses d'un point de vue théorique, et non très pragmatique. Au fait, "connaissez-vous la différence entre la théorie et la pratique ?" Réponse : "en théorie, il n'y en a pas" ;-)
- ne pas prendre en compte les différences entre par exemple être n°2 brillant et n°1 efficace et pertinent ; entre être excellent conseiller, même au plus haut niveau, et être Directeur Général d'une entreprise
- ne pas non plus prendre en compte la dimension des préférences au travail de chacun, ni l'importance décisive de la répartition des tâches, selon justement ces préférences, dans une équipe idéalement équilibrée. Voir par exemple "Préférences de travail et travail en équipes (équilibrées)" et "Comment tirer parti du talent de ses collaborateurs... Une nouvelle approche de la performance : l'équipe".
Les articles de certains journalistes, complètent cette maladie française : Thierry Maistre, AFP, n'écrivait-il pas (18 avril 2013) :"Si le ministre [du Redressement productif Arnaud Montebourg], dont le fort tempérament tranche avec la réserve naturelle de son bras droit à Bercy, avait fait appel à lui, c'est que Stéphane Israël, littéraire de formation et esprit réputé très brillant, avait acquis un solide bagage dans le management industriel auprès de Louis Gallois." [9]
Un solide bagage dans le management industriel... en étant simplement conseiller économique du dirigeant d'EADS ? Elle est bien bonne !
Car n'est pas patron qui veut, et les brillantes études ou les passages dans les or de la République ne permettent en aucune ménière d'être un excellent manager. La moindre des choses n'était-elle pas de faire ses preuves à un poste de respoinsabilié moindre dans cette entreprise ? Cela aurait-il été déshonorant ?
Souvenons-nous, par exemple, de Jean-Marie Messier (X, ENA) qui patron de Vivendi en 2002, alors qu'il vient d'annoncer aux actionnaires des pertes de l'ordre de 13 milliards d'euros, Jean-Marie Messier déclare aux actionnaires : « le groupe va mieux que bien ». voir aussi l'article (Société civile, Ifrap, mars 2006) "ENA, la "Promotion Titanic" : des pertes, dettes ou transferts abyssaux !"
En conclusion, soyons positif : souhaitons vivement que ces questions ne sont pas en cause, car il en va de la pérénnité d'un des fleurons français et européens !
Une nomination très politique, d'un normalien d'histoire et énarque, sans véritable expérience du lancement de satellite, et sans aucune expérience du management""Cette nomination a surpris. Les qualités personnelles de Stéphane Israël ne sont pas en cause. De l’avis général, ce fils d’un professeur de droit et d’une psychanalyste s’est révélé un bras droit "sérieux" et "compétent" pour Arnaud Montebourg. Petites lunettes noires et dents du bonheur, Israël avait le profil parfait pour le rôle. Conseiller à la Cour des comptes, il a été la "plume" de Laurent Fabius et a intégré le conseil national du Parti socialiste dès 2005. Il a continué à cogiter sur la politique industrielle de la France et à donner des notes au think tank Terra Nova durant son passage chez EADS, où il avait rejoint Louis Gallois en 2007 comme conseiller sur l’économie. Aucune expérience du spatial
"Une maladie bien française, susceptible de faire des ravages dans nos industries et entreprises" L'analyse la plus affutée sur cette question, très 'économique' et 'pragmatique, ne vient-elle pas finalement du du journal "Libération" ? En voici quelques extraits ( Israël nommé PDG d'Arianespace, Libération, 18 avril 2013 ) : "Il s'agit ... d'une tête bien remplie, rapide, formée... mais aussi formatée, typique de la haute fonction publique sélectionnée par concours à 20 ans de notre pays. Le problème, c'est la transformation du groupe des "premiers de la classe" en caste dont l'accès aux fonctions de direction ne passe pas par la vérification des capacités à exercer ce type de fonction, et celle précise pour laquelle ils sont nommés. Diriger Arianespace n'a rien à voir avec les activités auxquelles Stéphane Israël a été jusqu'alors confronté." ----- Pour compléter, deux commentaires (avril 2013) à deux articles déjà cités :
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[1] Le Monde, 23 août 2014 "Galileo : il sera « très compliqué » de remettre les satellites dans la bonne orbite"
[2] La Tribune 8 février 2013 "Espace : ça plane pour Arianespace"
[3] Le Point,21 décembre 2012 "Espace : un beau bilan pour Ariane 5
[4] Le Monde, 23 août 2014 "Galileo : il sera « très compliqué » de remettre les satellites dans la bonne orbite"
[5] Libération, 29 mars 2014 "Montebourg et son dircab, une rupture à retardement"
[6] Libération, 15 avril 2014, "Arianespace : nouveau boss et crispations"
[7] Libération, 29 mars 2014 "Montebourg et son dircab, une rupture à retardement"
[8] La Tribune,, 18 avril 2013 "Le directeur de cabinet de Montebourg, Stéphane Israël, s'envole pour Arianespace"
[9] "Stéphane Israël, un littéraire qui a épousé l'espace et l'industrie"
[10] Le Nouvel observateur, 18 avril 2013 "Stéphane Israël, du cabinet de Montebourg à Arianespace"
[11] 18 avril 2013 "Le directeur de cabinet de Montebourg, Stéphane Israël, s'envole pour Arianespace"
[12] Commentaires à l'article dans La Tribune 15 mars 2013, "Le directeur de cabinet de Montebourg, Stéphane Israël, sur orbite pour prendre le manche d'Arianespace"
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