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Douleurama

 
Je me souviens d’une époque où des gens simples disaient, en leurs propres mots, que l’argent n’était qu’un outil, que les banques étaient des opérations de brigandages institutionnalisées et qu’on ne s’en porterait que mieux si l’État distribuait chaque mois aux citoyens un “dividende” social qui constituerait pour chacun sa juste part de l’enrichissement national. Vers demain, Pierre JC Allard, Nouvelle Société
 
Nous sommes en 19,998
 
Cette « piasse » fait penser aux pubs du parti conservateur contre M. Ignatieff. Sauf qu’elle pointe la risibilité du fait de créer, ni plus ni moins, de l’argent virtuel. Le mot « virtuel » avait un autre sens à l’époque. Puisque l’argent était relié à une certaine « réalité ».
 
Après avoir élu 26 députés au fédéral, le Crédit Social du Canada avait grugé une partie importante de l’électorat. On émit donc cette pièce de « monnaie », « Refusée au porteur », nommée « une douleur ». Et on la répandit partout. Ça se passait dans les années 60 ou début70. Vous pouvez lire sur la « piasse » : Ottawa 19,998. Ce qui reportait très loin une théorie… Aux calendes grecques, si on veut… Vers demain est devenu « vers l’impossible ».
 
Distribution de la richesse
 
À l’origine, le crédit social était une théorie économique développée par l’ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas. Le nom « crédit social » dérive de son désir de faire que le but du système monétaire (crédit) soit l’amélioration de la société (social).
 
Il a depuis été soutenu par nombre d’économistes dont le seul prix Nobel Français d’économie Maurice Allais qui dénonce une économie basée non pas sur l’argent réel, mais l’argent dette (on crée de la monnaie avec du crédit – dette, amené à disparaître au fur et à mesure de son remboursement). Le crédit social est aussi appelé dividende universel, dividende social ou, de façon sans doute plus adaptée, dividende monétaire. Philosophie créditiste
 
La richesse devait être distribuée… Elle le fut. On sait maintenant que les riches se la distribuent entre eux.
 
L’hyper crédit social : l’économie sur un fil de fer
 
Aujourd’hui, on est plus malins… Et plus hypocrites. Et ce savant de la science de l’économie est plus qu’habile : les contorsions et les ballets pour maintenir en vie une économie réussit à nous éblouir en marchant sur un fil invisible de New York à Shanghai… Une toile d’araignée, une toile de dettes…
 
Le show est beau… En autant que les pirouettes ne finissent pas par un accident… Et que la tente n’écrase pas les spectateurs…
 
***
 
Réal Caouette était pointé comme une sorte de Jacques Clouseau, inspecteur des séries de la Panthère Rose, un balourd, dans le monde de la « grande finance ». Les gens qui votaient à l’époque avaient passé par la crise des années 30, la guerre, et ils n’étaient pas instruits : on les avait formés à l’école de la terre et de la roche par une Église-usine occupée à « produire » des âmes. La misère faisait partie du péché « originel ». On les vaccinait à l’eau bénite pour qu’elles n’aillent pas en enfer. C’était l’époque où Vincent Lacroix était un personnage d’un livre de Science Fiction…
 
Et que comprenaient ces gens au mot « économie » ? Bas de laine…C’était tout de même un peu plus chaleureux que bas de gamme. Ils savaient ce qu’était un « riche ». Ils rêvaient, non pas de richesse, simplement d’une vie décente.
 
L’élito-créditisme : détournement de fonds
 
Nous vivons dans un régime “créditiste”. Évidemment, on n’a pas tout pris du “crédit social”. On a pris le crédit, mais on a négligé le social, de sorte que le “dividende” n’a pas été distribué à la population pour soutenir le pouvoir d’achat et faire tourner l’économie ; le “dividende” – la plus-value, année après année du progrès technologique – est resté sagement dans le giron des nantis et s’est soldé par une hausse météorique de la valeur des actions en bourse. (…) ! « Vers Demain »
 
On a ri longtemps de M. Couette… Imprimer de l’argent ! Ridicule ! On ne peut pas être plus ridicule qu’aujourd’hui. On ne l’imprime même pas, on l’égare dans le virtuel.
 
Le crédit social planétaire
 
Climat : 50 ans d’efforts contre la pauvreté, titrait Cyberpresse.
 
« Le véritable coût du changement climatique ne se mesurera pas en dollars, mais en millions ou milliards de vies », estime l’organisation qui appelle les pays industrialisés à s’engager immédiatement sur une réduction d’au moins 40% de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. » Cyberpresse
 
Climat ? Et si on essayait de faire de prévisions sur les « détournements à venir » ? Le Tiers-Monde a été davantage – et l’est toujours – une source de pillage auquel s’adonnent les investisseurs internationaux. Il y a plus de pilleurs que de missionnaires. De sorte que ces pays pauvres ont été, depuis 50 ans, une source de revenus « répartis » parmi les plus rusés et les plus hypocrites. Il y a qu’il y a deux fois plus d’habitants qui souffrent de la faim depuis un an. Deux milliards… L’intérêt pour le Tiers-Monde est le premier mot de la phrase : intérêt.
 
La mondialisation est pire que le pillage géographique des puissants empires d’antan : en abattant les frontières, les richesses sont devenues privées. Mais la dette…publique.
 
Le coffre-fort des pays industrialisés étant éventré, le mot pays est lui aussi devenu virtuel.
 
Le Prince et le pauvre
 
Ce qui me rappelle un vieux livre : The Prince and the Pauper, Mark Twain :
Au temps des Tudor, à Londres, le Prince Edouard VI propose à un mendiant, Tom, d’échanger leurs vies. Chacun prend les vêtements de l’autre et en se voyant dans les habits de l’autre, ils sont surpris de constater que leur ressemblance physique est saisissante … Tellement saisissante que quand le roi vient à mourir, laissant le Prince hériter du trône, personne ne les croit …
 
Un coup de chance. Comme dans le film Slumdog Millionnaire …
 
Les pauvres du monde ne sont que des nègres de maîtres invisibles qui multiplient les compagnies à numéro. Et leurs profits vont dans des banques à numéros.
 
Les princes n’ont pas de pays… Ils se contrefichent carrément des pays et de leurs occupants. Les princes sont des scanneurs de richesse à grande échelle. Des Robin des « moi ». Robin Hood à l’envers : prend aux pauvres et donne aux riches.
 
On n’en a rien à cirer que Pablo vende sa terre pour une somme mirobolante pour lui qui ne connaît pas la valeur des devises. Après, il n’a plus de terre… Il est simplement devenu plus pauvre… Nous voilà rendus à l’ère de « l’humanisme » virtuel…
 
Comme disait M. Prix Nobel de l’économie : « Il n’y a pas de différence entre le crime organisé et l’argent organisé ». Le crime organisé a compris qu’il faut user de l’argent du crime et le transformer en valeur réelle. C’est « monnaie courante »…. Quand Pablo perd son lopin de terre, il ne lui reste rien de réel… Il a transféré son seul avoir à « l’argent organisé ». C’est ça la magie des « pouvoirés…
La douleur ne sera jamais virtuelle… La douleur des Africains et des millions d’habitants terriens partout dans le monde ne sera jamais virtuelle…
 
La grande question
 
C’est assez ignoble comme constat : depuis la « crise économique », après que les banques eurent sapé et vidé les goussets des petits épargnants, ne vivions-nous pas sur la « piasse à Caouette » ? À l’échelle mondiale ?
 
La guerre des « mondes »
 
Cette « douleur » à la Caouette ne valait rien… Pourtant, une fois utilisée dans son « idéologie » contrefaite, elle fait la fortune d’une élite crasse.
 
Alors, c’est la guerre des « mondes ». Celle où les entreprises internationales mettent main basse sur les terres agricoles. La pauvreté réelle, obligée de vendre par famine et le riche achetant par des moyens vicieux des terres où les enfants n’ont même pas de soulier pour marcher nous mène encore plus loin qu’en 19,998.
 
Il ne faut pas se leurrer. À chaque fois que nous vendons notre avoir « réel » pour un profit « excitant » à des Vincent Lacroix, ou autre placier de cinéma, nous lui donnons le pouvoir de flouer 9,200 autres petits épargnants. Et peut-être qu’avec les intérêts, il en arrive à 19,998.
 
La chose la plus dégoûtante de ce « rappel historique » est que le petit joufflu au teint ciré de Lacroix n’est rien : une puce sur la planète.
 
Les vrais escrocs, les plus dangereux, ont une « licence d’État »…
 
Les vrais floués, ce sont les pays…
 
De sorte qu’il ne faut pas s’étonner que le PIB fasse du bungee dans le grand resto qu’est la Terre, ne laissant au citoyen qu’un pourboire pour ses sueurs.
 
On aura beau se faire suer dans le jogging de la vie, nous n’aurons jamais assez d’eau pour faire le château de sable de ces gamins lunatiques.
 
On comprend pourquoi ils aiment la queue-de-pie.
 
Mais c’est bien plus expressif en anglais : Black-Tie.
 
Une grosse cravate noire qui traîne sur l’arrière-train.
 
Satan en avait une comme ça…
 

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6 réactions à cet article    


  • Massaliote 10 août 2009 11:40

    Très bon article. Merci à l’auteur.


    • Forest Ent Forest Ent 10 août 2009 12:09

      Et pof, article n°786 qui nous explique que le mécanisme de création monétaire est à l’origine de tous les problèmes. Ce mouvement de pensée, assez prégnant par exemple dans l’extrême-droite, a des origines assez anciennes.

      Tous les philosophes grecs comme Aristote et Platon ont condamné le prêt à intérêt, vu comme une cause de surendettement. Les sociétés grecques ont quand même pratiqué l’usure. Pareil chez les romains, qui en ont récupéré la culture. Pourtant ils ont eu pas mal de soucis monétaires, d’inflation et fausse monnaie étatique.

      C’est passé ensuite chez les catholiques et les musulmans, qui ont interdit le prêt à intérêt. En théorie, car il a été pratiqué par quelques papes de la renaissance et de l’époque moderne, comme celui qui a financé la prise de pouvoir en Angleterre par Guillaume d’Orange, assurant ainsi que la monarchie anglaise ne serait pas catholique. :)

      Il a fallu la Réforme pour que l’on commence à voir la question un peu différemment. Mais c’est la révolution agricole, qui a permis en doublement de la population européenne, qui a obligé, pour la phase de transition démographique, à utiliser de la création monétaire pure par crédit. Le métal ne le permettait pas. Dans le même temps, l’empire ottoman, qui interdisait le crédit déclinait, et la France, qui n’y croyait pas trop après l’échec de Law, ne prospérait pas autant.

      Allais est resté marqué par le doute vis à vis de son époque. Mais sa théorie sur « l’inflation inutile » est inepte. Un phénomène universel n’a pas besoin d’être déclaré utile, il doit être constaté et expliqué.

      La révolution industrielle a eu des effets pervers de toutes sortes, dont une série de « grandes dépressions ». Celle de 1880 a marqué durablement les esprits, et a ancré l’idée générale que toutes les misères étaient « la faute aux juifs qui tenaient les banques »., idée qui trainait depuis le moyen-âge, puisque seul le judaisme autorisait le prêt à intérêt. Il n’a pas été difficile au chef du parti antisémite US, Henry Ford, de faire rebondir l’idée pour cacher aussi le fait qu’il ne payait pas ses ouvriers aussi bien qu’il le disait.

      Mais en fait, on a eu des tas de grandes crises économiques avec de la création monétaire excessive d’états. La difficulté de diagnostic vient du fait que la création de monnaie doit accompagner la croissance réelle. Or elle a tendance à créer sur le moment une croissance fictive et non durable. C’est « l’euphorie monétaire », cas central « d’exubérance irrationnelle ».

      La fausse monnaie d’état, ou privée tolérée par l’état, sert à cacher une décroissance ou stagnation, et pour les grandes puissances une faiblesse militaire. Les crises monétaires ont des causes politiques.


      • Moristovari Moristovari 10 août 2009 14:12

        Très intéressante rétrospective historique, quoique - évidemment - caricaturale du fait de sa concision : dans la réalité, une seule cause entraîne rarement une seule conséquence, et inversement. Par exemple, les raisons d’agir du pape ayant financé l’invasion de l’Angleterre par Guillaume d’Orange sont ici mal expliqués : en quoi la mise en place d’une monarchie protestante a un rapport avec le prêt à intérêt ayant fait la fortune de sa sainteté ? A moins que le protestantisme, comme le judaïsme, autorise cet acte, ce qui serait assez étrange.


      • Forest Ent Forest Ent 10 août 2009 15:50

        C’était juste pour l’amusement de l’anecdote. L’intérêt du pape, qui était issu d’une grande famille de banquiers italiens, était de gagner du pognon. :)

        Mais globalement, la Réforme a contribué à atténuer la sévérité du regard que les chrétiens en général portaient, officiellement et en théorie, sur le crédit.

        Le crédit, c’est comme le tabac. Officiellement, c’est mauvais et il faut éviter. En pratique, c’est toujours toléré et ça peut rapporter bien.

        Mais il faut noter aussi que quelques unes des grandes familles catholiques banquières italiennes de la fin du moyen-âge à l’époque contemporaine ont fait faillite pour avoir prêté à certains monarques européens.


      • Moristovari Moristovari 10 août 2009 18:23

        « Le crédit, c’est comme le tabac ». Il y a aussi ceux qui savent que le tabac réduit l’espérance de vie et les autres. Mais combien arrêtent de fumer en connaissance de cause ? Pas la majorité. L’Homme est un être de désir et gagner du pognon, sans souci d’en profiter, est une raison de vivre en soi - voir l’avare. Continuer de fumer malgré les conséquences ou tuer un mandarin en chine pour l’héritage, même satisfaction du désir, même combat. Lire un journal en tant que député en plein milieu de l’assemblé nationale : comportement irresponsable mais rationnel.

        L’une des principales causes des réformes des XV-XVIème (protestantes, catholique...) est un renouveau spirituel en opposition avec l’importance consacrée par l’église aux biens matériels. Comment, dès lors, ces réformes auraient-elles pu profiter au crédit ? Ce renouveau religieux dû toucher les classes populaires mais pas les classes dirigeantes dont la tendance était depuis toujours, mais encore davantage depuis les mirages d’or de l’Amérique : gagner plus donc permettre autant que possible le prêt à intérêt. Au moyen-âge, certains rois n’hésitaient pas à emprisonner les banquiers qui leur résistaient. A la renaissance le fait est plus rare : indice de la montée du pouvoir économique qui mènera au capitalisme.

        La politique crée, involontairement, les crises économiques, soit. Mais c’est la structure de la pensée, le comportement humain qui pousse les dirigeants à vouloir pour leurs nations ou entreprises - et pour eux - plus d’argent, plus de croissance, plus de puissance, dans une quête irréaliste - insensé - vis-à-vis du contexte global.


      • Gaëtan Pelletier Gaëtan Pelletier 10 août 2009 12:20

        « Et pof, article n°786 qui nous explique que le mécanisme de création monétaire est à l’origine de tous les problèmes. Ce mouvement de pensée, assez prégnant par exemple dans l’extrême-droite, a des origines assez anciennes. »
         ??
        C’est une bataille de partis politiques... Ce n’était pas une monnaie, mais une pub que l’on distribuait...

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